Les motifs qui inspirent la proposition de résolution tendant à la création de cette commission d'enquête sont simples : il s'agit de savoir si l'impact négatif de la baisse massive et programmée des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales sur les investissements, l'activité économique et in fine la croissance a été convenablement évalué et pris en compte. Il n'est que de constater la situation préoccupante qui a résulté de la première diminution de 1,5 milliard d'euros pour s'en inquiéter, puisque, selon une récente note de l'INSEE, en 2014, l'investissement local a diminué de 9,6 % par rapport à l'année précédente. Même si cette évolution s'explique en partie par une traditionnelle baisse des investissements au lendemain d'élections municipales, la tendance n'en est pas moins notable ; elle est plus fortement marquée qu'en 2008, par exemple.
Je rappelle que, pour l'année 2015, le bloc communal doit supporter 56 % de l'effort imposé aux collectivités territoriales au titre de leur contribution au redressement des finances publiques, sachant que cette contribution est répartie entre les trois catégories de collectivités au prorata des recettes totales. Au sein du bloc communal, la clef de répartition est la suivante : 70 % pour les communes et 30 % pour les EPCI.
Les associations d'élus ont alerté le Gouvernement sur les graves difficultés que rencontrent d'ores et déjà un certain nombre de collectivités, mais le pire est, selon nous, à venir pour les finances locales, car cette tendance est appelée à se poursuivre au moins jusqu'en 2017, la baisse totale des dotations de l'État devant atteindre 11 milliards d'euros sur trois ans. En 2017, leur baisse cumulée représentera ainsi 29,8 milliards d'euros, soit une diminution de 30 % par rapport au montant global de l'enveloppe de 2013.
L'Association des maires de France – AMF – a notamment expliqué avoir dressé un « constat d'alerte rouge » sur l'impact de la baisse des dotations versées par l'État aux collectivités. Selon elle, un millier de communes françaises seraient bientôt dans l'incapacité d'assumer leurs dettes. Elle estime en outre que, si l'objectif d'une baisse de 11 milliards d'euros était maintenu, l'investissement public pourrait reculer de 25 % à 30 % d'ici à 2017, soit 0,6 point de croissance.
Les premières victimes de la chute drastique des investissements sont les entreprises de travaux publics, qui dépendent à 70 % de la commande publique, et celles du bâtiment. Les organisations patronales du secteur estiment entre 60 000 et 80 000 le nombre d'emplois menacés. L'AMF craint également pour l'avenir des services publics de proximité, qu'il s'agisse des piscines, des garderies ou des cantines, ainsi que pour le financement des festivals et des associations et pour le fonctionnement des services publics culturels locaux.
Au prétexte de rendre plus soutenable la baisse des dotations pour les collectivités les plus défavorisées, les enveloppes des dotations de péréquation verticale ont fortement progressé ces dernières années ; ces mécanismes de péréquation risquent cependant de s'en trouver dévoyés car ils n'ont pas été conçus pour atténuer l'impact de la baisse des dotations pour les collectivités les plus fragiles et fonctionner comme des instruments de partage de la misère, mais pour corriger les inégalités de charges et de richesses.
Parallèlement, le Gouvernement entend conduire, comme nous le verrons ultérieurement, une réforme globale de la dotation globale de fonctionnement – DGF –, avec pour objectif de favoriser la simplicité, la transparence et la justice du dispositif, et de renforcer l'équité et la solidarité entre les territoires. C'est là une troisième source d'inquiétude pour les élus locaux. En effet, si les réformes précédentes, intervenues en 1985, 1993 et 2004, avaient permis, grâce à une augmentation de l'enveloppe globale, de dégager des marges de manoeuvre, la réforme actuellement envisagée, qui entend conjuguer baisse des dotations et remise à plat des mécanismes de péréquation, ne permettra pas de résoudre les difficultés des communes, notamment les plus fragiles d'entre elles.
Enfin, il convient de rappeler qu'à cette diminution des dotations s'ajoute une augmentation des charges due à la hausse des taux de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et de la TVA, ainsi qu'à la réforme des rythmes scolaires, qui a un impact important sur les finances communales.
En définitive, les collectivités sont placées face à une alternative intenable : soit augmenter l'impôt local, soit réduire l'offre des services rendus à la population et les investissements. De tels choix sont d'autant plus inacceptables qu'ils ne sont justifiés ni par l'évolution du poids de la dette des collectivités territoriales – celle-ci est, au regard des critères européens, d'une remarquable stabilité – ni par une dérive de leurs dépenses puisque, contrairement à celles de l'État, elles doivent être financées par un montant équivalent de recettes.
Le travail de la commission d'enquête que je propose de créer devrait s'articuler autour de deux axes : estimer la soutenabilité de la trajectoire financière des collectivités du bloc communal d'ici à 2017 et évaluer l'impact de la baisse des ressources sur les décisions d'investissement et sur le fonctionnement des services publics de proximité.
En ce qui concerne la recevabilité de cette proposition de résolution, toutes les conditions prévues par notre règlement pour la création d'une commission d'enquête sont réunies : aucune mission d'information ni aucune commission d'enquête consacrée à ce sujet n'ont été créées au cours des douze derniers mois. En outre, la garde des sceaux nous a indiqué – mais elle doit le confirmer – qu'aucune procédure judiciaire n'était en cours sur les faits sur lesquels nous souhaitons enquêter. Je vous propose donc, mes chers collègues, d'accepter la création de cette commission d'enquête, en attendant que nous parvienne le courrier officiel de la garde des sceaux.