Intervention de Barbara Romagnan

Séance en hémicycle du 11 décembre 2012 à 21h30
Retenue pour vérification du droit au séjour et modification du délit d'aide au séjour irrégulier — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Romagnan :

Ce juge judiciaire remplissait pourtant parfaitement son rôle de gardien des libertés individuelles, rôle défini à l'article 66 de notre Constitution et reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme, qui a établi que l'exigence qui s'impose au magistrat est « d'examiner les circonstances qui militent pour ou contre la détention et de se prononcer selon des critères juridiques sur l'existence de raisons la justifiant ».

Ce projet de loi ne permet pas encore de modifier les modalités d'intervention du juge des libertés et de la détention, comme vous nous l'avez rappelé, monsieur le ministre. Le Gouvernement a choisi la procédure accélérée, sans doute pour répondre à l'urgence bien légitime de préserver de poursuites judiciaires les personnes, physiques ou morales, qui viendraient en aide aux personnes en danger et en situation irrégulière, d'autant que l'aide et l'assistance à toute personne en danger est un engagement international de la France. Or, cette procédure accélérée ne nous offre pas la possibilité de remédier immédiatement – comme la majorité des personnes auditionnées en ont exprimé le souhait – à cette remise en cause vraiment problématique de l'intervention du juge des libertés et de la détention. Mais heureusement, monsieur le ministre, vous avez annoncé que cette question serait traitée en 2013 et qu'un parlementaire serait chargé au plus vite d'une mission à cette fin.

Dans cette perspective, je veux apporter quelques précisions.

J'aimerais tout d'abord rappeler que le précédent gouvernement ne pouvait se prévaloir d'une quelconque obligation liée à la « directive retour » pour reporter ce délai d'intervention, car son article 15 impose, au contraire, de prévoir, lorsque la rétention est ordonnée par l'autorité administrative – comme c'est le cas en France –, un « contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention le plus rapidement possible à compter du début de la rétention ».

On a pu entendre que ce report était justifié par la prédominance, dans le droit des libertés publiques, de la sauvegarde de l'ordre public. Lutter contre l'immigration irrégulière participerait à la sauvegarde de l'ordre public et justifierait que l'on accorde aux étrangers une protection moindre qu'aux autres catégories de personnes – ce sont en effet les seuls pour qui ce délai d'intervention est aussi long, les personnes en garde à vue et les personnes internées d'office bénéficiant de délais bien plus courts.

Maintenant que la Cour de cassation a jugé que le seul fait d'être en situation irrégulière ne constituait pas un délit, une telle justification est-elle d'actualité ? J'ai toujours pensé qu'elle était dépourvue de bien-fondé et je crois que nous ne pouvons qu'en être davantage convaincus aujourd'hui.

Pour que le juge des libertés et de la détention puisse à nouveau assumer pleinement ses fonctions de protection de la liberté individuelle des étrangers placés en rétention, fonctions qui lui sont assignées par le droit constitutionnel, le droit communautaire et le droit européen, je tenais à formuler ces quelques remarques, en espérant qu'elles seront prises en compte par le parlementaire à qui il incombera de travailler sur ces questions dans les prochains mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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