Intervention de Denys Robiliard

Séance en hémicycle du 11 décembre 2012 à 21h30
Retenue pour vérification du droit au séjour et modification du délit d'aide au séjour irrégulier — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec l'adoption de ce projet de loi, la solidarité avec les étrangers qui se trouvent en France en situation irrégulière ne sera enfin plus un délit.

Cette législation qui incriminait la solidarité n'a que trop duré. Même si les poursuites ont été rares, elle a conduit à traiter en délinquants des parents, des bénévoles et des militants qui souhaitaient simplement apporter un soutien nécessaire à des étrangers démunis, tant du point de vue matériel que pour accéder à une réelle information sur leurs droits.

Si la solidarité ne constitue plus un délit, je regrette que l'on ait procédé par voie d'exceptions qui, en dépit de tous les efforts de définition, risquent de laisser une place à l'interprétation. Surtout, ce mécanisme fait peser la charge de la preuve sur celui qui aide un étranger en situation irrégulière, l'obligeant à prouver le caractère désintéressé de son action.

Le délit est bien évidemment maintenu lorsque l'aide est le fait de trafiquants. Mais ajouter le caractère lucratif aux éléments constitutifs de ce délit n'entraverait pas les poursuites nécessaires et permettrait de faire disparaître ce délit de solidarité qui n'aurait pas dû être institué.

Par ailleurs, une définition de la retenue administrative des étrangers s'imposait par suite des arrêts rendus successivement par la Cour de justice de l'Union européenne et la Cour de cassation. Il nous appartient d'en définir le régime, qui doit respecter complètement les droits des étrangers retenus. Les amendements adoptés par notre assemblée permettront, je l'espère, de le parfaire.

Grâce à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, puis à celle du Conseil constitutionnel, le régime de la garde à vue a intégré le nécessaire respect des droits fondamentaux.

Les droits d'une personne retenue ne sauraient être inférieurs à ceux des gardés à vue. Cela suppose que la personne retenue puisse être assistée à tout moment par un avocat et, si l'étranger ne parle pas le français, par l'intervention d'un interprète.

Il faut par ailleurs examiner les suites d'une rétention, quand celle-ci est suivie de la mise en oeuvre d'une procédure d'éloignement avec rétention.

Les mesures de retenue comme de rétention sont de nature administrative. Il paraît donc souhaitable d'imputer la durée de la retenue sur celle de la rétention, sauf à augmenter encore le délai dans lequel le juge judiciaire doit être saisi et peut contrôler la légalité de l'interpellation et de chaque maillon de la chaîne de privation de liberté. J'observe que cette imputation serait cohérente avec celle de la retenue pour contrôle d'identité sur la retenue pour vérification du droit au séjour prévue par le projet de loi.

Il aurait, par ailleurs, été souhaitable que le délai pour saisir le juge des libertés et de la détention soit, dès aujourd'hui, réduit à quarante-huit heures. Cette disposition existait, du reste, jusqu'à la loi du 16 juin 2011.

J'ai bien entendu, monsieur le ministre, que vous souhaitiez prendre le temps de l'étude et de la réflexion. Mais, dans cette attente, les reconduites éloignées du regard judiciaire se poursuivront. Rétablir sans délai le contrôle judiciaire dans l'étendue qui était la sienne avant 2011 permettrait d'apporter la sérénité nécessaire à la réflexion ; et je n'ai pas besoin d'étude pour savoir que c'est possible.

Le délai de quarante-huit heures est, certes, identique à celui qui est imparti pour la saisine du tribunal administratif contre la mesure d'éloignement notifiée et assortie d'un placement en rétention ; mais il n'existe aucun risque de chevauchement du contrôle du juge judiciaire et de celui du juge administratif.

En effet, l'objet du contrôle de chacun des juges est bien distinct et clairement défini. Le juge administratif est compétent pour apprécier la légalité de la mesure administrative d'éloignement, tandis que le juge judiciaire contrôle seulement la régularité de la privation de liberté et apprécie l'opportunité de la prolongation de la rétention.

D'un point de vue pratique, les deux audiences peuvent se tenir dans des conditions satisfaisantes sans être concomitantes : une fois saisis, le juge judiciaire doit se prononcer dans un délai de vingt-quatre heures, alors que le juge administratif dispose d'un délai de soixante-douze heures pour statuer.

Je devrais m'arrêter là et vous remercier, monsieur le ministre, mais l'actualité du jour me conduit à vous interroger sur les termes du cahier des clauses techniques particulières du marché relatif à l'assistance aux étrangers en centre de rétention administrative. Je souhaiterais connaître les raisons de l'obligation faite aux associations d'informer quotidiennement le chef du centre de rétention des recours exercés. Je m'étonne, de plus, qu'on veuille interdire à un étranger retenu d'être accompagné par un co-retenu lors d'un entretien avec les intervenants associatifs. Surtout, je lis que sont institués un devoir de réserve, une obligation de discrétion et l'obligation pour les associations retenues de n'exprimer que de « manière mesurée » leurs opinions en matière de politique d'immigration.

L'hôte actuel de la place Beauvau n'est bien entendu pas en cause, mais le ministre de l'intérieur ne me semble pas pouvoir contractualiser les limites de la liberté d'expression. Il ne saurait pouvoir contractuellement sanctionner une expression qu'il considérerait – et à quelle aune, du reste ? – démesurée. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe écologiste.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion