Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque je suis le dernier des élus du groupe socialiste, républicain et citoyen à prendre la parole et que ceux-ci ont présenté, mieux que je ne saurais le faire, les réflexions qu'inspire le texte qui nous est soumis, il me semble important, à titre liminaire, de rappeler avec gravité les devoirs qui incombent au législateur.
S'agissant de mesures constitutives de privation de liberté, nous devons légiférer dans la sérénité, dans un souci constant d'équilibre entre les droits imprescriptibles de l'individu et les exigences qu'imposent l'intérêt général et l'organisation de l'État, loin du tumulte des peurs, des fantasmes, des raccourcis faciles et des manipulations qui entachent le débat.
Monsieur le ministre, je souhaite vous remercier, car, bien qu'ayant déjà accompli deux mandats, je découvre aujourd'hui pour la première fois que l'on peut aborder le problème de l'immigration dans cet hémicycle de manière apaisée ; cela me convient davantage que le tumulte que nous avons connu jusqu'ici. Il nous faut aborder tous ces problèmes de cette manière, et vous avez raison de poursuivre dans cette voie.
Par ailleurs, je retire des histoires qui ont été rapportées comme de mes expériences personnelles la conviction que, si le délit de solidarité devait exister, je serais alors fier d'être considéré comme un délinquant. Mais, naturellement, parler du délit de solidarité constitue en réalité un abus de langage car, et les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen sont heureux de le proclamer aujourd'hui, jamais la solidarité ne sera un délit dans notre pays : elle ne peut pas l'être ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
De même, il faut prendre conscience que cet abus de langage n'est que la conséquence des conditions dans lesquelles a été utilisée la prescription du code ; c'était du reste l'objectif poursuivi par ceux qui, comme le ministre Besson, l'utilisaient dans les débats auxquels faisaient allusion Mme Mazetier et M. Goldberg.
Cela étant, la voie est étroite et la situation compliquée. J'évoquerai ainsi l'hypothèse de la garde à vue, soulignée tout à l'heure par certains de nos collègues. Bien évidemment, dès lors que la Cour de cassation nous rappelle que la personne retenue n'est pas en garde à vue, il est nécessaire que l'ensemble des conditions de sa rétention soient plus favorables que celles de la garde à vue, ou au minimum égales. Or, sur ce point, les dispositions qui figuraient initialement dans le projet de loi n'offraient pas cette garantie. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, d'avoir tenu compte de notre travail concernant notamment la présence de l'avocat et son assistance durant les auditions. La durée de la garde à vue est longue ; mais la durée de la rétention, de seize heures, quand on n'est pas coupable, est également longue, mes chers collègues ! Il importe donc que cette rétention se fasse dans des conditions qui ne puissent pas être confondues avec celles que subit une personne gardée à vue.
Par ailleurs, les dispositions du texte relatives au contrôle judiciaire nous posent problème. L'information sollicitée auprès du procureur de la République ne saurait en effet être équivalente au contrôle judiciaire, qui s'impose lorsqu'une personne est privée de liberté. La Cour européenne a rappelé, à plusieurs reprises, que, dans l'état actuel de notre droit, le procureur de la République n'était pas une autorité judiciaire.