Intervention de Marie-Caroline Bonnet-Galzy

Réunion du 16 juin 2015 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Marie-Caroline Bonnet-Galzy :

Merci à tous pour votre intérêt.

Je peux déjà répondre que le terme d'égalité des territoires porte en lui-même une forte ambition politique qui nous tire tous vers le haut. Comme plusieurs d'entre vous l'ont fait remarquer, nous ne savons pas tout à fait ce que cette notion recouvre. Mais nous savons qu'il y a des inégalités que nous devons analyser, dont nous devons comprendre les facteurs, et que nous devons compenser en mobilisant les leviers adéquats.

De fait, le rôle du commissariat général réside davantage dans sa pertinence d'observation et d'analyse, que dans sa capacité à influer sur la décision politique. Il lui faut identifier les territoires qui réclament un traitement particulier, et voir comment il est possible de le mettre en place tous ensemble. C'est un travail de coordination et d'influence assez subtile, qu'on ne mène pas à bien d'un claquement de doigts. Il y a effectivement beaucoup à faire, et j'observe que nous ne sommes qu'un des acteurs dans cette démarche.

Madame Laurence Abeille, Éloi Laurent contribue aux travaux de l'Observatoire des territoires, que nous essayons de poursuivre dans tous les domaines, avec tous ceux qui ont eu de bonnes idées. Nous avons proposé que l'on utilise des indicateurs de bien-être pour essayer de faire prendre conscience des différences de modes de vie, et mettre éventuellement en garde contre certains modes de vie très axés sur la consommation.

Monsieur Laurent Furst, vous vous êtes interrogé sur le nombre de ruraux dans notre pays. De notre côté, nous avons insisté pour dire qu'il y avait « des » ruralités – Philippe Martin a même parlé d'hyper ruralité.

Si l'on prend seulement en compte les personnes qui ne sont pas impactées par l'urbanisation, leur nombre est très faible. Selon les statistiques, plus de 95 % des Français sont aujourd'hui concernés par le mode urbain, le référentiel urbain et pensent selon des schémas de consommation et d'organisation effectivement similaires.

En revanche, si on analyse les choses différemment, en prenant en compte ceux qui vivent dans cette concentration urbaine et les autres, les résultats sont tout autres. On estime qu'en France, plus de 16 millions d'habitants vivent dans un secteur péri urbain plus ou moins dense, 5 millions dans les grands campagnes agricoles et urbaines un peu éloignées, et 5 millions dans la ruralité – quasiment l'hyper ruralité. Et selon nos analyses, les besoins et les problèmes varient selon les localisations. Les ruralités sont une chance, et elles sont déjà diverses.

Ensuite, vous avez été plusieurs à nous interroger sur l'enjeu des grandes régions, considérant que leur création aurait des impacts très lourds sur les régions qui ne sont pas chefs de file et se trouvent éloignées de la future capitale régionale et de l'animation globale. Il est exact que cette réforme aura des conséquences sur l'emploi public. Les préfets préfigurateurs, qui sont au travail, doivent proposer des choix d'organisation dans les semaines qui viennent. Cette réforme aussi des conséquences équivalentes sur l'emploi public régional. Elle en aura sur l'emploi privé, qui est lié à tous les emplois publics qui vont « bouger ».

Sachez que le Premier ministre a mandaté le commissariat général pour qu'il appuie la MICORE – la mission de coordination de la réforme de l'État auprès du secrétaire général du Gouvernement, qui est sous la responsabilité de Jean-Luc Névache – en effectuant des simulations sur les schémas d'organisation, avec des points d'association possibles entre l'emploi public d'État, l'emploi public régional et l'emploi privé.

Ainsi, nous apportons notre expertise et nous réfléchissons aux leviers qu'il faudrait pouvoir actionner pour corriger certaines situations qui risquent d'être fragilisées ; vous avez cité Amiens, mais plusieurs capitales régionales seront directement impactées. Nous souhaitons que, dans le cadre de la nouvelle organisation de l'État, l'État soit en mesure d'animer et de diffuser les bonnes pratiques.

M. Philippe Duron a posé une question difficile : l'État considère-t-il aujourd'hui qu'il est en charge des systèmes défensifs et qu'il doit laisser aux collectivités les logiques de projets ? Je pense que c'est un peu des deux.

L'État est en effet en charge – avec le Parlement, je pense – des points de régulation défensifs qui relèvent de la norme, qui sont relatifs aux zonages et aux formes de péréquation financière et d'attribution des fonds. Cela dit, aujourd'hui, on s'interroge. En effet, le foisonnement des dispositifs aboutit à déshabiller Pierre pour habiller Paul, et peut-être aussi à prendre à l'urbain pour donner au rural, et inversement. Voilà pourquoi nous avons besoin de remise en cohérence et de remise à plat des dispositifs. Mais ce recadrage relève de la loi et des choix gouvernementaux.

Le commissariat général est chargé, entre autres, de la diffusion des bonnes pratiques. En ce domaine, nous souhaitons développer notre présence et notre participation. Les collectivités locales ayant des compétences de plus en plus importantes, il faut qu'elles trouvent auprès de nous une capacité d'observation et de diffusion de ces bonnes pratiques. Il faut que nous soyons légitimes. Et plus notre analyse sera pertinente, plus notre influence sera effective. Mais nous portons aussi une logique de projets. Nous pensons que l'innovation est déterminante et que c'est bien cette diffusion d'innovation, cette capacité d'expérimentation que nous devons essayer de développer avec les acteurs locaux.

Maintenant, comment faire pour être le plus concrets possible ? Je crois que le comité interministériel a progressé dans ce sens. Il est d'ailleurs tout à fait légitime que nous nous préoccupions des effets que notre action peut avoir sur le quotidien des habitants.

Commençons par les maisons de services au public (MSAP) qui ont fait l'objet d'assez nombreuses questions. Je reconnais que cela représente un coût pour les collectivités locales, qu'il convient de réguler. Le Fonds sur les opérateurs est aujourd'hui en très bonne voie. Nous avons obtenu l'adhésion de tous les partenaires. Par ailleurs, grâce au travail de partenariat mené avec La Poste – sur 500 des 1 000 MSAP envisagées – nous avons réduit les coûts. Cela profitera aux collectivités comme à l'État. En fin de compte, l'État contribuera pour plus d'un quart, les opérateurs devant assurer le deuxième quart. Et le coût global a été limité.

Passons aux maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), sur lesquelles certains s'interrogent. Ne risque-t-on pas de créer des maisons de santé vides ? Pourquoi cela n'avance pas ? Je répondrai qu'il faut convaincre les médecins. Marc-Étienne Pinauldt était ce matin au Conseil de l'ordre et il a pu constater que les médecins étaient de plus en plus ouverts à propos des MSP. Ils comprennent maintenant que le processus est inéluctable et qu'il faut développer le travail collectif pour attirer les internes et les jeunes médecins. Ce n'est plus seulement le point de vue des médecins qui arrivent à l'âge de la retraite et prévoient de quitter leurs fonctions.

Nous pensons aussi qu'il faut sortir des tabous, et que les centres de santé – qui ne sont pas d'initiative libérale et emploient des médecins salariés – ont leur utilité. Dans certaines régions de France, la culture des centres de santé est beaucoup plus développée que dans d'autres, notamment avec le réseau mutualiste.

Ces deux outils, MSP et centres de santé, méritent donc d'être développés.

Il y a aujourd'hui 623 maisons de santé et notre objectif est qu'il y en ait 800 en 2016. Les dispositifs de rémunération complémentaire que Marc-Étienne a évoqués tout à l'heure incitent à la création de ces MSP, que l'on peut installer dans des endroits isolés.

Ensuite, comme vous avez été nombreux à le remarquer, le développement du numérique est vraiment déterminant. On peut dire que le numérique fait partie des autoroutes d'aujourd'hui, et chacun doit comprendre que c'est dans ce secteur que nous devons faire nos meilleurs efforts. La question est particulièrement sensible dans les zones rurales, d'autant que les délais risquent d'être plus longs. Mais nous faisons tout pour atteindre l'objectif de 2022-2023.

Le suivi de la Mission France Très Haut débit et de l'Agence du numérique est extrêmement pertinent. Si vous ne l'avez déjà fait, je pense que vous pourriez auditionner M. Antoine Darodes, le directeur de la Mission. Celui-ci agit avec énormément de volonté et de fermeté vis-à-vis des opérateurs, et porte financièrement les plans et les schémas de développement très haut débit des départements. Mais bien sûr, il faut que chaque collectivité s'y mette et s'outille. Les points d'ingénierie et les bonnes pratiques des uns et des autres profiteront aux retardataires qui n'auraient pas encore lancé leur délégation de service public (DSP) sur leur propre schéma.

Je confirme qu'un des points importants du projet de loi Macron est que l'Agence numérique portera le guichet, et que ce guichet sera compétent pour le mobile. C'est assez novateur. Il faut maintenant passer à la mise en oeuvre.

Plusieurs interventions portaient sur les mobilités. Nous sommes tous convaincus qu'il faut développer toutes les mobilités, et donc l'intermodalité. Cela suppose qu'une forme de chef de filat – qui est maintenant de plus en plus positionné autour de la région – gère l'ensemble des modalités de transport.

Les conclusions de la mission conduite par Philippe Duron nous ont permis de comprendre quels étaient les points névralgiques qu'il fallait absolument maintenir, et amenés à réfléchir aux modalités de soutenabilité du dispositif ferroviaire. Nous sommes extrêmement vigilants sur cette question, qui est d'autant plus compliquée que nous manquons aujourd'hui de moyens pour faire face aux engagements financiers qui sont sur la table. Nous allons donc devoir porter les engagements pris par le passé en faisant avec les évolutions futures.

J'en viens aux questions sur l'intercommunalité. Nous pensons fondamentalement que la commune est une institution très importante pour nos concitoyens, qui fait partie de la culture nationale – à la différence d'autres cultures en Europe. Mais nous avons absolument besoin de passer à un niveau d'échelle qui nous permette de réfléchir et nous assure les bons outils. Or cela nécessite d'arriver à une certaine taille.

La commande qui nous avait été faite par trois ministres, en mai dernier, consistait précisément à apprécier si le seuil de 20 000 habitants était adapté. Comme vous avez sans doute pu le lire dans la note que nous vous avons communiquée à la demande de Mme Maryse Lebranchu, nos conclusions sont les suivantes :

Quand on regarde les bassins de vie, c'est-à-dire les équipements fixes de l'INSEE, quand on prend le noyau qui paraît nécessaire pour un équivalent EPCI de 20 000 habitants, on aboutit à 1 000 EPCI sur les 2 500 actuels. 500 ont plus de 20 000 habitants, et 1 500 doivent se réduire à 500 nouveaux EPCI. Cette configuration à 1 000 EPCI paraît relativement homogène et pertinente.

Certes, c'est une logique « papier » statique – même si l'on s'est basé sur des équipements existants – qu'il faut absolument croiser avec les flux de transports : résidence-travail, résidence-école, résidence-hôpital, résidence-commerces. Grâce aux mobiles, il est de plus en plus facile d'analyser les flux à micro-échelle, et cela nous a permis de croiser un certain nombre d'informations. Mais il faut aussi travailler localement pour comprendre comment passer d'un périmètre bassin de vie, qui est statique, à un périmètre territoire vécu, qui est adapté.

De ce point de vue, la maille des 20 000 habitants permet de regrouper un effectif administratif adapté, quelles que soient les compétences ou les domaines envisagés – éclairage public, voirie, etc. Nous pensons donc que c'est en ce sens qu'il faut travailler.

Certains se sont demandés si l'on n'était pas en train de s'engager vers la transformation de l'EPCI en collectivité locale. Viendrait-il s'ajouter à la commune ? Nous n'avons pas pris parti. Nous avons dit simplement qu'il serait légitime que le budget de l'EPCI, qui sera très vite plus élevé que celui des différentes communes, soit débattu par les citoyens. Sinon, ce serait un déni de démocratie. Il en est de même s'agissant de l'éventualité de l'élection de l'EPCI par une forme de suffrage universel direct.

Nous avons bien dit que l'on amorçait une certaine dynamique, dont il fallait être conscient. Je crois que beaucoup de citoyens et d'élus le mesurent. Nous ne nions pas l'importance de l'identité communale dans le vécu de nos concitoyens, mais nous savons qu'il faudra pousser de plus en plus loin la capacité de travail et d'ingénierie collective.

Le renforcement des métropoles répond à la même logique. De longue date, la DATAR a mis en évidence le phénomène de métropolisation. Cette métropolisation est inéluctable et internationale : elle existe partout. Il faut la conforter par un bon maillage. C'est l'objet de différentes lois récentes. Mais cela suppose, derrière, une forme d'architecture urbaine entre métropoles, villes moyennes, les petites villes, et une coopération entre les unes et les autres. Car nous croyons à un contrat de réciprocité qui peut lier le rural et à l'urbain.

Je rappelle que le CGET est le coordonnateur des fonds structurels. Depuis toujours, nous sommes en relation étroite avec les régions. Par exemple, nous avons construit avec elles l'accord de partenariat pour la nouvelle programmation de fonds structurels pour la période 2014-2020.

Aujourd'hui, les fonds structurels atteignent 27 ou 28 milliards d'euros, dont 20 milliards sont directement gérés par les régions – qui sont autorités de gestion. Ces crédits ont été organisés selon les priorités thématiques que l'Europe nous a demandées. Toutes les régions s'y sont conformées et souvent, elles ont fait mieux que ce qui était demandé : sur le développement urbain intégré, elles ont fait en moyenne 10 % quand on en demandait 5 %. Je précise que ces efforts sont cohérents avec l'ensemble des priorités nationales et des contrats de plan État-région – 12 milliards de l'État, au moins l'équivalent des collectivités.

La capacité de mise en cohérence des tempos, des objectifs et des acteurs, par un chef de file et un chef d'animation de l'infra territorial ou de l'infra régional est aujourd'hui très importante, même si l'État a toujours un rôle à jouer. L'État a un rôle de garant, un rôle de suggestion et de diffusion des bonnes idées. Mais il a moins de compétences qu'auparavant. Et nous devons tous nous demander comment faire pour aider les collectivités à coopérer entre elles.

Ensuite, madame Valérie Lacroute, nous sommes bien en charge de la prime d'aménagement du territoire (PAT). La date de la prochaine réunion de la commission interministérielle est fixée. Encore faut-il que le dossier ait été déposé et qu'il ait eu le temps de cheminer. Certes, nous avons eu un peu de retard, mais ce retard a été comblé et nous avons retrouvé notre régime de croisière.

Je terminerai sur le FISAC, sujet qui fait débat : le FISAC doit-il être transféré aux régions ? J'observe qu'il serait transféré à un niveau qui ne serait plus le même qu'il y a quatre, cinq ou six ans. Quoi qu'il en soit, deux dispositifs nous paraissent très sensibles, qui justifieraient une subvention, même marginale, de l'État. Celle-ci permet d'assurer la diffusion des bonnes pratiques, et un bon cadrage de l'expérience.

Premièrement, le dispositif expérimental de revitalisation des centres-bourgs. L'ANAH avait mis 200 millions d'euros dans des appels à projets de réhabilitation de logements anciens. Nous nous sommes aperçus que certains des projets qui nous avaient été envoyés n'étaient pas éligibles aux aides de l'ANAH, mais qu'ils le seraient dans une logique de revitalisation via les commerces. Nous croyons beaucoup aux centres-bourgs, qui sont un peu l'équivalent des EPCI de demain. C'est là qu'il nous faut une cohérence de logique et d'appui. Mais cela suppose que nous ayons les leviers et les moyens correspondants.

Deuxièmement, en rapport avec les missions que pourrait remplir le FISAC dans les prochaines années, la DATAR a identifié 800 stations-services incontournables, celles qu'il faut absolument maintenir. Le maillage des stations-service doit en effet être suffisant pour permettre à chacun de faire le plein d'essence pour aller travailler. Or les règles de mise aux normes environnementales font que les très petites stations-services, souvent tenues par des commerçants indépendants, n'ont pas les moyens de faire les travaux d'assainissement de leurs cuves qui sont demandés. Il serait important que le FISAC participe à ces travaux de remise en état afin de maintenir, à terme, l'activité de ces stations. Nous avons dit et redit que nous étions soucieux que de telles priorités relèvent du FISAC et soient satisfaites à très brève échéance.

Merci beaucoup d'avoir évoqué tous ces sujets qui réclament une grande attention, même si tous les leviers ne sont pas dans nos mains.

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