Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 16 juin 2015 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • interministériel
  • maisons
  • ruralité
  • ruraux

La réunion

Source

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy, commissaire générale à l'égalité des territoires.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, c'est la première fois que nous auditionnons Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy, commissaire à l'égalité des territoires. Celle-ci est accompagnée de M. Marc-Étienne Pilauldt, directeur du développement de la capacité des territoires, et de Mme Carline Larmagnac, directrice de cabinet.

Compte tenu de l'intérêt que la commission porte à l'aménagement du territoire, il est apparu intéressant d'organiser cette réunion, non seulement après la publication du rapport d'information de nos collègues Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier, en septembre dernier, sur les zones de revitalisation rurale, mais aussi à la suite du comité interministériel du 13 mars 2015 qui a donné lieu à un rapport intitulé : Nos ruralités : une chance pour la France.

Ce rapport dresse un état des lieux des nouvelles ruralités autour de trois priorités : l'égalité d'accès aux services, les capacités de développement des territoires ruraux et la mise en réseau des territoires.

Madame la commissaire générale, pourriez-vous nous présenter les mesures envisagées par le Gouvernement et nous donner des assurances sur les moyens qui seront affectés, que ce soit au niveau européen ou au niveau des programmes budgétaires ?

Permalien
Marie-Carolin Bonnet-Galzy

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci de m'accueillir ici. C'est en effet la première fois que j'interviens en tant que commissaire générale à l'égalité des territoires

Le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), qui a été installé depuis un peu plus d'un an, réunit tous les enjeux de la politique de la ville, de l'Agence de distribution des crédits de la politique de la ville et de ce que l'on appelait la Délégation à l'aménagement du territoire. Il les réunit dans trois directions : la direction « ville cohésion urbaine » ; la direction des stratégies territoriales, qui porte tous les enjeux d'observation, de cartographie, d'études et d'évaluation ; la direction du développement des capacités des territoires, dirigée par Marc-Étienne Pinauldt, qui porte plus précisément les enjeux autour des territoires en potentiel de développement, qui ont besoin d'une logique différenciée, et les enjeux de la ruralité que nous allons vous présenter aujourd'hui.

Je souhaiterais restituer un cadre que vous connaissez, mais qui a fortement influencé notre façon de traiter la question des ruralités : parallèlement aux Assises sur les ruralités qu'a portées Mme Sylvia Pinel et auxquelles un certain nombre d'entre vous ont contribué, et à la suite des difficiles événements que nous avons connus en janvier, le Premier ministre a été conduit à pousser une logique de double comité interministériel en direction des territoires dont la population se perçoit comme abandonnée de la République. Sur ces territoires, il convient d'activer certains leviers pour améliorer l'accès aux services publics, favoriser le développement, s'assurer de moyens de compensation, etc.

Se sont ainsi tenus deux comités interministériels : l'un le 6 mars, portant sur « égalité et citoyenneté » et couvrant, notamment, des enjeux dans des périmètres plus urbains ; l'autre, le 13 mars, portant sur les ruralités.

Nous avons été la cheville ouvrière de la préparation de ces deux comités interministériels, et nous sommes aujourd'hui mandatés par le Premier ministre pour suivre de façon très précise et coordonnée l'ensemble des mesures qui en sont issues : soixante mesures, s'agissant du comité égalité et citoyenneté ; et quarante-six mesures, s'agissant du comité interministériel aux ruralités.

Il y a une double direction de projets au sein du CGET. L'idée est que chaque mesure doit avoir un chef de projet, avec éventuellement des chefferies de projet associées suivant les ministères concernés. Ces mesures doivent être identifiées dans les administrations de nos différents ministères, et s'inscrire dans la durée selon un échéancier auquel nous nous conformons. Tous les quinze jours – et sans doute, plus tard, tous les mois – nous donnons des points d'alerte. Tout cela témoigne de notre volonté d'engager le processus et de faire en sorte qu'il progresse de manière continue, conformément aux engagements qui ont été pris.

Il faut utiliser plusieurs leviers en parallèle. C'est une démarche d'acteurs croisés. Dans un même territoire, nous devons tous agir ensemble pour lever les freins et les contraintes, développer des atouts en termes d'écosystème et maintenir, en les regroupant, les services publics qui sont en passe de disparaître.

Il faut également développer tout ce qui permet d'éviter l'isolement et la rupture, et d'éviter ce conflit ruralurbain. Il faut que les interventions des collectivités locales et de l'État rentrent dans une logique d'interterritorialité et d'infraterritorialité. Il y a toujours plusieurs échelles concernées, mais l'important est que chacun puisse agir à hauteur de ses compétences.

Dans une telle dynamique, il nous reste à faire en sorte que nos propositions ne restent pas au stade de la réflexion dans les ministères, à drainer et à regrouper le plus d'idées possible. Ensuite, une fois les décisions prises, il faudra être capables d'en partager la promotion, la diffusion et le suivi.

Les préfets, qui vont voir « retomber en pluie fine » les quarante-six puis soixante mesures issues de ces deux comités interministériels, devront maintenir la cohérence de l'ensemble, tout en articulant les différents leviers que l'on a identifiés : l'école, la santé, les services publics, l'économie, la coopération interterritoriale, etc. Car c'est en les maniant simultanément que l'on peut espérer débloquer la situation. Il en est de même des élus et des associations d'élus. Mais comment faire pour qu'ils soient bien informés des mesures dont il faudra assurer la mise en oeuvre et le suivi ? Quant au sous-préfet, comment faire pour qu'il contribue à la diffusion des bonnes idées ?

Nous avons encore tout ce travail à mettre en place, toute une ingénierie à mettre à disposition en veillant à agir de façon suffisamment vivante et concrète pour pouvoir nous adapter aux territoires concernés.

Comme il vous a été dit, les thématiques sur le comité interministériel des ruralités ont touché trois axes.

Premièrement, garantir à tous l'égalité d'accès aux services publics.

Deuxièmement, amplifier les capacités de développement des territoires ruraux, ce qui suppose de prendre en compte, de soutenir et d'accompagner les bonnes initiatives, que ce soit en matière agricole, numérique, en matière de transition écologique ou de commerce et d'artisanat.

Troisièmement, assurer la mise en réseau des territoires. L'enjeu est de réfléchir sur l'architecture urbaine, au-delà des grosses métropoles. Comment nos villes moyennes et petites s'articulent-elles ? Comment nos bourgs-centres peuvent-ils conserver une fonction minimale d'attractivité et de mise en réseau ? Comment faire coopérer les différentes échelles ?

Cela me conduit à vous dire que les moyens liés aux mesures sont, par construction, ceux que chacun est appelé à fournir. Il n'y a pas, ou fort peu, de moyens dédiés. C'est conforme à la nature même de ce que l'on a essayé de faire : mieux identifier un territoire qui nécessite un mode de traitement adapté et différencié, avec les outils dont on dispose.

Certes, le contexte budgétaire est difficile, comme il l'est pour les collectivités qui sont partenaires de ces dispositifs, et comme il l'est pour les ministères. Mais il sera déterminant que le commissariat général à l'égalité des territoires, qui porte tous les enjeux de crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNAT), une ligne budgétaire qui associe notamment tous les crédits des contrats de plan et ceux des maisons de services au public, soit doté des moyens correspondants. Ce sera un des points majeurs de nos débats budgétaires.

Ce sera aussi le cas pour un autre fonds, qui ne dépend pas des crédits que porte le commissariat général à l'égalité du territoire : le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), dont les crédits sont malheureusement depuis fort longtemps en diminution ; je crois qu'ils sont passés de 100 millions à moins de 20 millions d'euros en quelques années. La situation devient très compliquée. Pourtant, les subventions de l'État, versées via le FISAC, permettent d'assurer une présence équilibrée et équitable des commerces, des stations-service, etc.

Mais je vais laisser la parole à Marc-Étienne Pinauldt pour qu'il approfondisse quelques thématiques. Nous pourrons ensuite répondre à vos questions.

Permalien
Marc-étienne Pinauldt, directeur du développement de la capacité des territoires

Il ne s'agit pas de rentrer dans le détail des quarante-six mesures du comité interministériel aux ruralités, mais de revenir sur quatre secteurs, en gardant à l'esprit que l'objectif des Assises était de donner une autre image des ruralités, de mettre en valeur les terres d'innovation et de performance, et donc de montrer que les territoires ruraux peuvent et doivent être attractifs. Au fond, l'objectif de ce comité interministériel était de travailler sur l'attractivité de ces territoires.

Je reviendrai sur les secteurs du numérique, de la santé, des services au public et de la mise en réseau des territoires.

Je commencerai par le numérique – même si ce n'est pas le titre Ier du relevé de décisions. En effet, on peut parler santé, services au public, télétravail, etc. mais sans couverture numérique, inutile de travailler sur la performance. (Approbations sur divers bancs)

Le comité interministériel avait déjà demandé une révision du cahier des charges de la Mission France Très Haut Débit pour anticiper l'aboutissement de la couverture en très haut débit, qui était prévue en 2022. Un travail est donc mené sur la révision de ce cahier des charges. Mais la première étape est d'avoir une couverture en 2G sur l'ensemble du territoire, et en 3G pour l'accès à internet.

Aujourd'hui, les statistiques montrent que la couverture est bonne. Mais évidemment, ce qui est en question, ce ne sont pas les territoires sur lesquels la couverture est bonne, mais ceux où elle est mauvaise. Dès le 21 mai, deux mois seulement après le comité interministériel, un accord a été passé entre le ministre en charge du numérique, M. Emmanuel Macron, et les quatre opérateurs mobile nationaux. Cet engagement consiste à couvrir l'ensemble des centres-bourgs et des communes qui n'ont pour le moment aucun service de téléphonie mobile avant la fin 2016 – soit 160 communes – et d'aller au-delà du plan de résorption des zones blanches en apportant, avant mai 2017, un service d'accès mobile internet, et donc la 3G, aux 2 200 communes qui ne sont pas couvertes. Dans le même temps, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) retrouve un pouvoir de sanction et devient la garante du respect de ces engagements par les opérateurs.

Mais, même quand une commune est couverte, elle peut, un peu plus tard, connaître des problèmes de couverture. Ainsi, le vivier de communes non couvertes s'autoalimente au fil de l'eau. Il a donc été décidé de créer un guichet permanent auprès de l'Agence du numérique à la direction générale des entreprises, pour recueillir au fur et à mesure les demandes des élus, des entreprises et des habitants sur toutes les zones qui ne seraient pas couvertes, l'État s'engageant à y remédier. Ont d'ores et déjà été recensés 800 sites prioritaires sur les quatre ans à venir – zones d'activité économique, équipements publics isolés, sites touristiques qui n'ont pas d'habitants mais qui accueillent du monde, etc.

Il est exact que s'il n'y a pas déjà une bonne couverture numérique, les dispositions sur la compétitivité et l'attractivité de ces territoires seront inopérantes. Une bonne couverture favorise, notamment, le télétravail et le développement de la télémédecine.

Deuxième secteur : la santé, qui constitue le premier volet du relevé de décisions.

D'abord, les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) font l'objet d'un plan de déploiement. À peu près 300 sont d'ores et déjà ouvertes et l'objectif est de 1 000 MSP ouvertes ou en projet. Mais au-delà, des aides à l'installation des jeunes médecins sont accordées sous forme de bourses. Les étudiants en médecine s'engagent, pour une durée équivalente à la durée de leur bourse, à s'installer dans des territoires dits de « désert médical ». On comptait 881 contrats de ce type en 2014. L'objectif est de 1 500 en 2017, et nous en sommes déjà à 1 200.

D'autres mesures concernent le financement et la rémunération collective d'équipes de professionnels de santé qui se regroupent dans ces maisons de santé pluridisciplinaires.

Troisième secteur : les services au public.

Le Gouvernement s'était engagé à créer 1 000 maisons de services au public (MSAP) à l'horizon de 2017. D'ores et déjà, 363 ont été créées à l'initiative des collectivités territoriales. L'objectif est d'atteindre 1 000 maisons de services au public un an plus tôt, c'est-à-dire en 2016. Il faut évidemment poursuivre le travail mené avec les collectivités locales sur les maisons de type classique. Mais cet objectif pourra être atteint grâce à un partenariat noué avec La Poste, qui s'engage à ouvrir un certain nombre de bureaux de poste pour accueillir des maisons de services au public – probablement 500 maisons dans les deux ans qui viennent.

Quatrième secteur, déjà évoqué par Marie-Caroline Bonnet-Galzy : la mise en réseau des territoires. L'idée est de ne plus séparer l'urbain et le rural, mais de travailler sur leur complémentarité.

Il y a donc des mesures sur la redynamisation des bourgs-centres. Il ne s'agit pas, comme l'a dit la commissaire générale, d'avoir des enveloppes complémentaires, mais d'accompagner des projets de territoire, des projets intégrés, avec une concentration de crédits de droit commun, dès lors que tous les partenaires en ont la volonté politique.

Mais la mesure peut-être la plus emblématique de cette mise en réseau a été inspirée par M. Alain Calmette ; je veux parler des contrats de réciprocité entre la ville et la campagne. L'idée est que la campagne contribue au développement de la ville, tout comme la ville contribue au développement de la campagne. Il y a une vraie réciprocité à établir. Quatre sites expérimentaux permettront de faire le point : le parc naturel régional du Morvan, avec la communauté urbaine du Creusot-Montceau-les-Mines ; Brest et l'arrière-pays brestois, dans le Centre Bretagne ; la métropole de Lyon et le pays d'Aurillac ; la métropole de Toulouse et le massif des Pyrénées.

Tels sont les quatre secteurs essentiels sur lesquels portent les efforts de ce comité interministériel.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vais donner la parole aux parlementaires, qui ont été nombreux à s'inscrire. Nous commençons par les représentants des groupes.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la commissaire générale, merci d'être venue devant notre commission qui se consacre beaucoup au développement durable, mais qui s'intéresse aussi à l'aménagement du territoire.

L'égalité des territoires est un vocable nouveau dans l'organigramme gouvernemental, dont on pourrait d'ailleurs longuement discuter. L'égalité des territoires est-elle possible, et seulement souhaitable ? Il serait plus opportun de parler d'équité, qui garantit l'égalité républicaine devant les services publics, la santé, etc. quel que soit le lieu d'habitation.

Cela dit, le chantier est très important, tant les fractures territoriales semblent s'accentuer depuis que le phénomène de métropolisation, lui-même conséquence de la mondialisation, s'est imposé. Le sentiment de relégation, supposée ou effective, existe dans nos territoires. La création du CGET, il y a quelques mois, est une bonne chose si l'on considère qu'enfin on n'oppose pas ville et campagne et que l'on essaie de travailler dans la transversalité et la complémentarité entre deux mondes qui se comprennent souvent très peu et ont du mal à s'écouter. Les contrats de réciprocité sont peut-être une illustration innovante de cet état d'esprit.

Je voudrais revenir sur le comité interministériel aux ruralités.

Quand on interroge les élus ruraux sur la manière de réduire ce sentiment de relégation, ils nous parlent souvent d'améliorer l'accès aux services publics, à la santé, et de développer le numérique. Pour ma part, j'observe que cela fait longtemps que l'on entend parler des maisons de services publics et des maisons de santé, censées favoriser l'accès aux services publics et à la santé, mais que la situation évolue avec lenteur. (Approbations)

Quelles procédures les préfets et les sous-préfets pourraient-ils utiliser pour mettre en oeuvre cette transversalité au niveau local ?

Enfin, je reconnais que le numérique, c'est l'avenir. Mais le problème immédiat, c'est la téléphonie mobile. Certes zones ne sont pas couvertes. Vous avez parlé du guichet « couverture mobile ». Il s'agit bien là d'un guichet pour la téléphonie mobile ?

Permalien
Marie-Caroline Bonnet-Galzy

Oui.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il serait utile en effet que chacun d'entre nous, avec les élus concernés, puisse s'adresser à ce guichet pour signaler les zones, y compris infra communales, dépourvues de téléphonie mobile.

J'aimerais aborder un autre point, qui me semble très important : la structuration des territoires ruraux, en particulier ceux qui sont éloignés de l'influence des métropoles et qui doivent s'organiser autour des bourgs-centres, des petites villes ou des villes moyennes.

Aujourd'hui, les politiques verticales se superposent – contrat local de sécurité, projets éducatifs, contrat local de santé, etc. – alors même qu'elles ne s'appliquent pas sur le même territoire. Je suis donc de ceux qui prônent des contrats qui seraient adossés, par exemple, à un pôle d'équilibre territorial rural (PETR) ou, à défaut, à un SCOT et qui pourraient réunir, autour de projets de territoires, l'ensemble des partenaires : d'un côté l'État, avec un rôle particulier pour le sous-préfet et le préfet, l'ARS, l'inspection académique, et de l'autre le conseil départemental, le conseil régional et les opérateurs privés. On pourrait ainsi adapter ces politiques verticales à des projets de territoire partagés, et décliner harmonieusement toutes les mesures que vous venez de citer dans le cadre de ces contrats territoriaux horizontaux, locaux, sous l'autorité de l'État départemental.

Je terminerai sur l'intercommunalité. Le rapport que le CGET a remis récemment sur le sujet va très loin dans la logique de renforcement de l'intercommunalité : un EPCI plus grand, avec davantage de compétences ; et surtout une inversion de la logique, avec un EPCI qui devient l'échelon de base de notre organisation, à la place de la commune ; d'où une clause de compétence générale pour l'EPCI et son élection au suffrage universel. Je voudrais savoir en quoi cette intercommunalité renforcée peut constituer une chance pour les ruralités.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la commissaire générale, j'aimerais rappeler ici l'attachement de notre groupe et de notre famille politique à la ruralité, qui est un fondement essentiel, constitutif de notre nation, ainsi qu'à la commune, qui est un maillon de base de notre démocratie.

Je ne remettrai pas en cause, bien évidemment, les trois points que vous avez développés : l'accès aux services publics ; l'amplification des capacités de développement des territoires ruraux ; la mise en réseau des territoires. Mais j'aurai quelques questions à poser et quelques observations à faire.

Nous sommes 65 millions de Français. Mais à votre avis, combien sommes-nous de ruraux ? Quelle est la fraction de notre territoire que vous qualifiez de rural ? Je me posais cette question en entendant tout à l'heure que 160 communes n'avaient toujours pas accès au GSM.

J'observe ensuite que vous avez abordé des sujets importants, comme le rôle que doit jouer l'État. Selon moi, l'État est le maillon essentiel pour les territoires ruraux, qui ont besoin d'un interlocuteur unique.

Nous parlons du développement des territoires ruraux. Mais nous sommes face à une situation, inconnue jusqu'à présent, à savoir la baisse considérable des moyens des communes, des intercommunalités, donc des territoires ruraux. Comment peut-on avoir une vision d'avenir, une vision de rattrapage si, en même temps, on coupe les ailes des communes et donc des communes rurales ? C'est tout à fait contradictoire.

Ensuite, le projet de loi NOTRe fixe un seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités. Les territoires, notamment en milieu rural, doivent se construire autour d'un bourg-centre, avec des solidarités de proximité, et nous pensons que ce n'est pas tant le seuil démographique qui est important, que la cohérence territoriale. Nous voyons là une vraie limite au fonctionnement des territoires ruraux de demain.

J'aimerais maintenant vous interroger sur le redécoupage des sous-préfectures, que certains avaient appelé de leurs voeux dans le passé. À votre avis, la préfecture est-elle d'abord un territoire ou une unité démographique ?

Enfin, comme vous l'avez fait remarquer, deux éléments sont absolument essentiels au développement des territoires ruraux : l'accès au haut débit et l'accès à la santé. Je remarque tout de même qu'en matière d'accès au haut débit, nous savons bien que les territoires ruraux seront les derniers équipés et qu'ils devront mettre la main à la poche malgré leurs faibles moyens. Par ailleurs, tout en reconnaissant que les maisons de santé constituent un excellent dispositif, je m'inquiète : ne risquons-nous pas, demain, d'avoir des maisons de santé vides ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'égalité des territoires est un sujet important pour nos concitoyens et les élus locaux que nous sommes – du moins certains d'entre nous. Mais c'est aussi, comme l'a dit notre collègue Alain Calmette, un sujet particulièrement complexe à appréhender. On oppose régulièrement des considérations économiques à de vraies problématiques d'aménagement du territoire et d'accès de la population à des services publics de proximité. Or c'est du quotidien de nos concitoyens qu'il s'agit.

Le mois dernier, le CGET a publié un rapport intitulé Pour une République au service de l'égalité et du développement des territoires.

Dans ce rapport, vous relevez qu'il existe au sein de la population un sentiment d'injustice, lié à des inégalités territoriales. La deuxième partie de ce rapport leur est d'ailleurs consacrée. Et en troisième partie du rapport, notamment page 24, les dernières réformes gouvernementales sont présentées comme une première étape de la lutte contre ces inégalités. Je cite : « La réforme territoriale qui a été lancée donnera de la cohérence et de la visibilité par l'ordonnancement de la nouvelle géographie institutionnelle » Et plus loin : « L'État devra cependant anticiper les effets territoriaux de ces réformes tant du point de vue organisationnel que de la répartition géographique de l'emploi public : impact de la perte de statut de capitale régionale, réorganisation des services de l'État et des collectivités, conséquences sur l'emploi privé ».

D'un côté, vous évoquez une dynamique positive, menée par ces réformes institutionnelles, et de l'autre, vous écrivez : « Le choix doit être réaffirmé de n'abandonner aucun citoyen et aucun territoire, ce qui peut parfois apparaître paradoxal ». En ma qualité de député d'une circonscription largement rurale, composée de 250 communes, je ne peux que souscrire à cette dernière affirmation.

Vous avancez des pistes de travail pour lutter contre cet abandon. Vous évoquez notamment « la complémentarité interterritoriale » ou « une meilleure coordination des politiques publiques ». Mais ces termes sont très abstraits pour nos concitoyens. Car les questions que ceux-ci se posent, au-delà de celles qui ont été évoquées tout à l'heure comme l'accès à internet ou à la téléphonie mobile, sont très simples et très pragmatiques. Par exemple : si le centre des impôts ferme dans ma commune ou dans mon chef-lieu de canton, combien de kilomètres vais-je devoir parcourir pour me rendre dans mon nouveau centre ? Si ma sous-préfecture ferme, ou si les missions de la préfecture sont réduites, où vais-je devoir aller pour mes formalités administratives ? Combien de services publics vont fermer ou être regroupés à plus d'une heure ou même deux heures de mon domicile avec cette fameuse fusion des régions ?

Ajoutez à cet éloignement des services le fait que certains territoires ruraux n'ont toujours pas accès à internet, et vous avez là un cocktail particulièrement explosif.

Je terminerai sur une question qui est parmi les plus importantes. L'emploi va-t-il être impacté par la fusion des régions et le changement de capitale administrative ? En Picardie, un mouvement a été lancé pour défendre le statut d'Amiens comme capitale régionale administrative. L'objectif de ce mouvement est la préservation de l'emploi et l'égalité des territoires, sujet de notre rencontre aujourd'hui.

Madame la commissaire générale, comment le CGET peut-il répondre de façon concrète à ces questions concrètes ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, madame la commissaire générale, d'être parmi nous aujourd'hui.

Je voudrais dire en premier lieu que je ne crois vraiment pas que c'est le numérique qui va apporter le bien-être et le bien-vivre aux populations, comme on a trop souvent tendance à le dire aujourd'hui. (Murmures divers) Il y a d'autres facteurs de bien-être et de bien-vivre.

Nous avons discuté à plusieurs reprises de l'égalité ou de l'inégalité des territoires. En particulier, nous avions auditionné Éloi Laurent, auteur d'un rapport sur le sujet, et qui avait pointé la pluralité des inégalités, aussi bien économiques qu'environnementales, sanitaires, ou numériques. J'aimerais savoir sur quels indicateurs le commissariat général se base pour intervenir, et si vous avez repris les préconisations d'Éloi Laurent dans vos méthodes de travail.

Le quatrième rapport triennal de l'Observatoire des territoires, qui a été remis récemment sur la qualité de la vie, a montré que le bien-être subjectif des habitants des régions les moins peuplées est supérieur à celui des habitants des grandes métropoles. Les deux principaux critères pris en compte sont : le logement et la sécurité de l'emploi. Les régions les mieux pourvues en infrastructures comme l'Île-de-France ne sont donc pas les régions où le bien être est le plus fort. On peut regretter que ce type de rapport ne tienne pas compte des critères environnementaux. Néanmoins, j'aimerais savoir comment le CGET utilise ce type d'informations pour cibler ses interventions sur les territoires.

Ensuite, je m'interroge toujours sur l'échelle pertinente pour agir sur les inégalités territoriales. Laquelle vous semble la plus intéressante ? La région, peut-être ? Il y a plusieurs échelles et cela dépend des besoins.

Mais revenons sur le numérique, dont le développement figure parmi les missions listées dans le décret qui crée le commissariat. On est en effet pris dans une course perpétuelle pour être le plus rapide, et l'on déploie, à coups de matraquage publicitaire, la 4G, bientôt la 5G alors même que de nombreux territoires ne sont couverts qu'en 2G et par un seul opérateur, voire pas du tout couverts. Il en est de même du réseau filaire : certains ont la fibre, d'autres des WMAX instables, avec un débit très fluctuant. J'aimerais que vous nous donniez les grandes lignes de votre action en la matière.

La tendance actuelle est au renforcement des métropoles. On concentre les activités dans certaines zones, pour en faire des pôles de rayonnement économique international. On recrée cette « diagonale du vide » dont on a déjà eu l'occasion de parler au sein de cette commission. Que pensez-vous donc de cette métropolisation, au regard de l'égalité des territoires ? Dans un tel contexte, quelle peut être la place des villes petites et moyennes ? La politique de métropolisation va à l'inverse du discours que vous tenez sur les ruralités.

En dernier lieu, je voudrais insister sur ce qui se passe aujourd'hui dans les transports. J'ai pu moi-même constater que la SNCF avait créé des lignes de bus « iDBUS », qui circulent déjà. Mais ces lignes de bus ne desservent aucune ville intermédiaire ; ainsi, on va de Paris à Lyon sans s'arrêter. Je m'interroge donc sur l'avenir des transports locaux. L'intérêt de la fibre et du haut débit est-il de permettre aux gens de rester chez eux, sans avoir à sortir ? Est-ce notre idéal de société ? Pourront-ils encore se déplacer ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La lutte contre les inégalités territoriales est la raison d'être du commissariat général que vous dirigez. Le sujet a fait l'objet d'un comité interministériel, le 13 mars dernier, qui a abouti à certain nombre de préconisations visant à garantir à tous l'accès aux services, à amplifier les capacités de développement des territoires ruraux et à assurer la mise en réseau des territoires.

Le premier constat qui s'impose est que les inégalités territoriales se creusent et que les territoires ruraux en sont les principales victimes. Je rappelle tout de même que, dans l'histoire, c'est toujours la ruralité qui a sauvé la France !

Les conditions d'accès au service public se dégradent. C'est notamment le cas à La Poste. En campagne, les bureaux ferment les uns après les autres, selon un processus assez redoutable. Dans un premier temps, les heures d'ouverture sont restreintes, ce qui amène les usagers à déserter le bureau de leur village. Dans un second temps, devant cette baisse de fréquentation, qu'elle a elle-même organisée, La Poste ferme le bureau. Et il reste alors à « refiler le bébé » aux communes, ou à un commerçant – s'il en existe encore dans la localité. Voilà comment on provoque la désertification !

Le comité interministériel propose, dans sa mesure n° 6, d'ouvrir 1 000 maisons de service public dès la fin 2016 grâce au partenariat passé avec La Poste. Je crains que nous n'encouragions ainsi le mouvement en cours, en transférant certaines compétences aux collectivités alors qu'elles ont déjà de plus en plus de mal à boucler leur budget en raison de la baisse des aides de l'État.

On pourrait faire la même démonstration s'agissant des perceptions, dont le réseau s'étiole. En concentrant les perceptions dans les villes, on éloigne le service public des contribuables et de leurs élus.

Cela se vérifie aussi pour les gares SNCF, dont on réduit les horaires d'ouverture, ou que l'on ferme. Il se trouve que ma circonscription est traversée par la ligne Paris-Bruxelles. Or un riverain m'a envoyé une quarantaine de photos d'enfants jouant au football sur la voie ferrée, entre les deux quais, en pleine ville ! Quelques jours après, une dame a été bloquée dans sa voiture au moment où la barrière se baissait. Personne n'a pu la secourir et elle a été emportée par le train. Voilà à quoi conduit la suppression des employés et des chefs de gare ! (Murmures) Pour acheter leur billet, les usagers n'ont plus à leur disposition que des machines, qui tombent souvent en panne. Les gares deviennent des lieux de squat et de trafics en tout genre, et la sécurité n'y est plus assurée. Pourtant, les collectivités font tous leurs efforts pour inciter les voyageurs à utiliser ces gares, allant jusqu'à organiser des transports de rabattement pour leur permettre de s'y rendre.

La désertification médicale est un autre sujet de préoccupation : les médecins partant à la retraite ne sont pas remplacés, les hôpitaux de proximité ferment, et les soins se concentrent dans les villes où dans des centres hospitaliers éloignés des zones rurales.

Je m'en tiendrai à ces quelques points, qui sont très importants. Mais je crains que le catalogue des bonnes intentions du comité interministériel ne demeure lettre morte. En effet, en zone rurale, l'État se désengage des services publics en se défaussant sur les collectivités qui manquent de moyens. On demande à celles-ci de ne plus embaucher, de dépenser moins, et on leur accorde moins de dotations.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, madame la commissaire générale, monsieur le directeur, pour vos interventions.

S'agissant du développement numérique, tout le monde a mis en avant l'importance des services rendus, que ce soit dans le domaine de l'éducation, avec les classes mobiles et les tableaux blancs interactifs, dans le domaine de la santé, avec les consultations ou les examens que l'on pourra faire à distance, etc. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre action en matière de développement numérique ? A-t-on prévu un financement spécifique pour les départements ruraux ?

S'agissant des appels à manifestation d'intérêt (AMI) pour les centres-bourgs, je voudrais me féliciter du soutien apporté à l'ingénierie de projets, qui est le plus souvent mise en place et financée par la Fédération nationale des entrepreneurs des territoires (FNEDT). En revanche, la question du financement de projets se pose. Aujourd'hui, on est plutôt sur des logiques de fléchage prioritaire, c'est-à-dire de droit commun, et dans des logiques de financements croisés. D'où la diversité des assiettes éligibles, qui entraîne une grande complexité et un manque de visibilité sur les financements. À partir du moment où tout le monde est d'accord sur les projets présentés, où toutes les collectivités et l'État sont d'accord pour les soutenir, je me demande s'il ne serait pas possible d'avoir une enveloppe commune et de simplifier les démarches.

Enfin, je voudrais vous faire part d'un problème que je rencontre sur mon territoire pour implanter des maisons de santé interdisciplinaires. En effet, en raison des incitations fiscales mises en place dans les zones franches, nous avons beaucoup de mal à attirer des médecins dans les MSP qui se trouvent à proximité de ces zones franches.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la commissaire générale, notre communauté de communes du pays de Nemours s'apprête à accueillir une grande entreprise française créatrice d'une nouvelle unité de bureaux et de locaux logistiques. C'est une aubaine pour notre territoire rural – tout en étant situé en Grande couronne – qui est touché depuis plusieurs années par la désindustralisation et la délocalisation d'entreprises vers les départements de province, où la fiscalité est beaucoup plus intéressante. Ce projet d'installation est très avancé. L'enjeu est de taille pour notre territoire puisqu'il est question, dès la première année, de créer 200 emplois et, à terme, d'en créer 350.

À ce jour, nous attendons le retour des services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) afin de connaître le calendrier des prochaines dates de la commission interministérielle d'aide à la localisation des activités qui étudiera le dossier de la prime d'aménagement du territoire (PAT). Or l'attribution cette PAT contribuera largement à l'installation de cette société sur notre territoire. J'ai vu, notamment sur le site du CGET, que la subvention maximale pouvait atteindre 15 000 euros par emploi. Vous imaginez que nous avons des étoiles dans les yeux ! (Sourires)

En 2013, 75 dossiers ont été primés. Quel est le ratio moyen par emploi en métropole ? Par ailleurs, nous sommes une petite communauté de communes. Est-il envisageable que nous soyons aidés, dans la mesure où nous n'avons qu'un agent de développement économique sur cette communauté de communes ?

Voilà quelques questions très pragmatiques pour un territoire rural et francilien, qui attend beaucoup de votre commission.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la commissaire, si l'égalité fait partie de notre devise, force est de constater qu'elle ne s'applique pas vraiment au quotidien sur nos territoires. Il suffit de quelques exemples, que nous connaissons bien, pour s'en rendre compte : inégalité devant les infrastructures routières, disparition des trains Intercités, fracture numérique, difficulté d'accès aux soins, suppression des services publics de proximité, etc.

Je voudrais plus particulièrement vous interroger sur la création de 1 000 maisons de services publics dans les espaces ruraux. Aujourd'hui, contrairement à ce qui se passe en ville, leur fonctionnement dépend des collectivités territoriales. Le plan annoncé par le Premier ministre évoquait un partenariat entre l'État et neuf opérateurs, parmi lesquels La Poste, EDF, SNCF, etc. Il s'agirait de créer un fonds de soutien, abondé par les opérateurs, à hauteur de l'effort financier déjà engagé par l'État. Or ce dernier a annoncé qu'il prendra seulement en charge la moitié du budget de fonctionnement des maisons de service public.

Depuis de nombreuses années, l'Association des maires ruraux, qui interpelle les neuf opérateurs, propose la création de ce fonds pour développer les espaces mutualisés de services publics. Il servirait à la création, mais aussi au fonctionnement de ces espaces. Selon les maires ruraux, les opérateurs doivent sans délai assumer leurs responsabilités et participer à la solidarité nationale.

J'aimerais connaître votre position sur cet exemple très précis, et sur l'engagement des opérateurs dans le financement des maisons de services au public.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le sujet est évidemment très vaste. Je voudrais connaître la place que vous accordez, dans vos réflexions, aux innovations. Les territoires ruraux de notre beau pays ont en effet du potentiel. Et pour qu'il y ait un équilibre, il faut autant d'accès aux services que d'offres de services.

En matière d'éducation, il arrive souvent que le nombre de postes devienne « limite » par rapport à la démographie. J'avais fait quelques propositions d'enseignement intergénérationnel, de télé enseignement, de mutualisation par des classes vertes permanentes avec des villes où la dynamique démographique est différente. Est-ce que ces propositions pourront être étudiées un jour ?

En matière de développement, on pourrait exploiter les différences de potentiel entre les territoires. Il n'y a pas longtemps, la presse locale publiait une carte du coût de l'hébergement des personnes âgées par département. Comme l'hébergement coûte moins cher dans les uns que dans les autres, on peut se demander si l'on ne devrait pas en profiter pour investir chez les uns et en tirer parti chez les autres. Actuellement, nous sommes enfermés dans des logiques départementales. Les équipements sont destinés aux résidents, comme si nous faisions des pistes de ski en Haute-Savoie uniquement pour les Hauts-Savoyards, en en interdisant l'accès aux Parisiens !

Enfin, l'articulation des territoires se fait le plus souvent selon une logique de territoires d'influence. Pourrait-on envisager des réseaux à distance, des coopérations entre territoires inégaux, métropoles et ruralités, même s'ils ne font pas partie de la même région ou du même département ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme dans beaucoup de départements ruraux, de nombreux commerces de proximité disparaissent en Mayenne. Ces disparitions ont des conséquences négatives sur la qualité de vie, sur l'animation de nombreuses petites communes, voire de centres-bourgs. Or ce gouvernement a réduit drastiquement le FISAC. Et après que ses dotations ont baissé, une instruction ministérielle a réduit de 50 % l'ensemble des subventions supérieures à 10 000 euros, mettant en difficulté les communes qui comptaient sur le montant de ces subventions pour finaliser leurs projets – cela s'est produit dans ma circonscription.

Le FISAC est un outil essentiel au maintien d'une activité commerciale ou artisanale de proximité dans les petites communes ; il avait d'ailleurs obtenu des résultats concluants. Cette politique porte donc un coup sévère à l'attractivité de nos territoires ruraux.

Par ailleurs, comme un certain nombre de mes collègues, je constate une grande impatience s'agissant du numérique et du haut débit, qui sont très importants pour les territoires ruraux.

On peut donc dire que ce gouvernement renforce les inégalités territoriales au détriment des territoires ruraux, alors qu'il faut agir pour une meilleure complémentarité entre le rural et l'urbain.

Madame la commissaire générale à l'égalité des territoires, merci par avance de tenir compte de mes observations de terrain.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour favoriser le développement et l'égalité des territoires, on peut prendre des mesures défensives visant à garantir un certain nombre de services de base aux territoires et aux habitants. C'est une logique de zonage, de mesures, une logique nécessaire qui relève de la solidarité nationale.

Une autre méthode consiste à s'inscrire dans des logiques de projets, à mobiliser l'ensemble des acteurs publics, économiques, sociaux sur le territoire, pour essayer d'en impulser le développement et de lui rendre son attractivité. Dans les années quatre-vingt-dix, ce fut la logique de la DATAR. Ce fut aussi celle de la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire avec, notamment, l'instauration des pays qui s'est avérée utile dans certains territoires comme en Bretagne, moins dans d'autres.

Je voudrais savoir si, aujourd'hui, l'action de l'État s'inscrit uniquement dans le domaine de la solidarité, l'État laissant aux collectivités territoriales la démarche de projets. Est-ce bien la stratégie qui est en oeuvre aujourd'hui ?

Par ailleurs, un de nos collègues a évoqué la problématique de la réunification des régions et l'avenir des anciennes capitales régionales. Ces dernières avaient été nombreuses à s'inscrire dans des processus de métropolisation et à faire des efforts pour développer leurs universités, la recherche et l'innovation. Demain, on risque d'assister, dans les nouveaux centres de décision, à un phénomène de concentration.

Ne pensez-vous pas qu'il faille accompagner ces anciennes capitales régionales pour éviter que la réforme ait des conséquences fâcheuses non seulement sur ces agglomérations, mais sur tous les territoires qu'elles commandent ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au 1er janvier 2016, un certain nombre de régions françaises vont en effet fusionner. Les élus et nos concitoyens ne peuvent que s'interroger sur l'impact que cette fusion aura en matière d'égalité des territoires.

Par exemple, la grande région Lorraine-Alsace-Champagne-Ardennes comptera 5,5 millions d'habitants, et emploiera 212 000 fonctionnaires d'État, répartis dans différents services. Que va-t-il se passer ? Nous rencontrons les préfets préfigurateurs, sans pour autant percer le secret de leurs intentions. Ils nous écoutent : mais nous ont-ils entendus ? Nous n'en savons rien. J'aimerais savoir si vous avez été consultés sur la façon dont pourraient être réorganisés les différents services de l'État sur un territoire aussi vaste, précisément dans un souci d'égalité des territoires.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'égalité des territoires est un objectif louable, dont tout le monde ressent bien la nécessité. On constate cependant des incohérences, qui aboutissent à l'inverse du but recherché. Par exemple, on souhaite que des jeunes médecins s'installent dans les territoires ruraux, mais on ferme les écoles, les collèges sont très éloignés, et les lycées encore plus. Certains élèves doivent faire des déplacements de plus d'une heure, matin et soir.

Dans ma circonscription, les élus se sont toujours battus pour défendre les lignes de chemin de fer qui contribuaient au développement du territoire. Aujourd'hui, la desserte de deux de ces lignes est menacée. Que faire dans de tels cas ? Que propose le commissariat général ?

Ensuite, vous nous avez parlé des contrats de réciprocité. La réciprocité, on en rêve. Mais concrètement, quel sera le contenu de ces contrats de réciprocité ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame, vous avez fêté le premier anniversaire du commissariat général à l'égalité des territoires, dont la préoccupation première me semblait être de coordonner les différentes politiques existantes et de peser ensuite sur les évolutions à venir.

Avez-vous donc pu peser sur ce qui est préconisé par le projet de loi NOTRe ? Avez-vous réussi à coordonner les différentes politiques qui aménagent d'ores et déjà notre territoire de manière assez spectaculaire ? Je pense aux politiques de développement économique qui se sont mises en place autour des pôles de compétitivité et dans le cadre du programme « investissements d'avenir ».

Pour l'instant, il ne me semble pas qu'on vous écoute beaucoup si je vois ce qui se passe avec le projet de loi NOTRe, ce qui s'est passé pour les nouvelles grandes régions, et ce qui se profile pour les compétences des différentes collectivités territoriales, lesquelles sont toujours plus éclatées. Arrivez-vous à vous faire entendre ? Arrivez-vous à coordonner les intérêts en présence, et les politiques d'ores et déjà structurantes sur notre territoire ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la commissaire générale, je souhaiterais évoquer deux exemples de coopération transfrontalière dans des territoires ruraux et hyper ruraux, qui cumulent les problèmes d'accès aux soins et de transports.

À 1 500 mètres d'altitude, sur le plateau de Cerdagne où vivent 30 000 habitants de part et d'autre de la frontière franco-espagnole, la création d'un hôpital transfrontalier à Puigcerdá a permis de résoudre de très gros problèmes d'accès aux soins. De la même façon, la construction d'un abattoir transfrontalier, dont le chantier vient d'être lancé, devrait apporter des solutions aux problèmes rencontrés par les éleveurs de montagne.

Est-ce qu'à la suite des Assises de la ruralité, on pourrait imaginer de mettre en place ce type de coopération dans les zones montagneuses et transfrontalières, qui constituent au demeurant de beaux exemples de projets européens ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la commissaire générale, j'ai retenu de votre introduction que, pour mener une politique d'égalité du territoire suppose, il faut se saisir d'enjeux différenciés et rompre avec les approches sectorielles. Cela m'amène à faire deux remarques.

Premièrement, la capacité à se saisir d'enjeux différenciés s'incarne sur des espaces particuliers : les territoires ruraux, et les territoires urbains sensibles. À ce propos, j'observe que l'on a peu parlé de la montagne et du littoral qui sont des secteurs traditionnels d'intervention, des secteurs d'enjeux différenciés, qui ont fait l'enjeu de politiques particulières.

Deuxièmement, le fait de rompre avec les approches sectorielles permet de privilégier les logiques transversales. Cela me semble essentiel. Les problèmes d'accès à la santé ou d'attractivité frappent tout particulièrement les territoires ruraux, mais aussi de plus en plus souvent les villes moyennes. De la même façon, les problèmes rencontrés par les capitales des anciennes régions peuvent se reproduire ailleurs. Et ceux qui affectent les régions frontalières pourraient être résolus comme l'a indiqué notre collègue Robert Olive ; or on en parle de moins en moins.

Je voudrais donc savoir quelles actions vous envisagez de mener sur ces territoires différenciés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les territoires ruraux éprouvent effectivement un sentiment d'abandon, et le travail qui reste à faire est important. J'aborderai trois points.

Premièrement, il est urgent de se pencher sur les difficultés que pose l'installation de médecins en milieu rural – installation par ailleurs indispensable. Ainsi, une commune de ma circonscription, pour faire venir un médecin de l'étranger, a dû lourdement investir.

Deuxièmement, on peut se demander comment conforter le rôle des bourgs-centres et évaluer à leur juste valeur les frais de centralité de ces petites villes qui doivent investir, assurer le fonctionnement des équipements et dynamiser le commerce.

Troisièmement, est-ce qu'une zone rurale – par exemple une intercommunalité rurale – a vocation à intégrer un pôle métropolitain ? Quel bénéfice peut-elle en retirer ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la commissaire, je voulais aborder la question des territoires hyper ruraux, qui ont été mis en lumière par le sénateur de la Lozère Alain Bertrand. Ceux-ci représentent 26 % du territoire national, accueillent un peu plus de 5 % de la population française et 100 % de la population gersoise. Ils accumulent les handicaps, à la fois naturels et créés : déficit de services publics, problèmes d'accès à la santé, de desserte numérique, problèmes de téléphonie. Je précise que ces difficultés ont commencé bien avant le mois de mai 2012, du moins en ce qui concerne le département du Gers.

Que pourrait-on proposer pour ces territoires hyper ruraux ? Ceux-ci sont au bord de l'effondrement. Serait-il possible de regrouper les différentes dotations existantes, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), les subventions du FISAC, les fonds de la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar), ceux du FNADT, et créer un guichet unique ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la commissaire générale à l'égalité des territoires, l'intitulé de votre fonction est à la hauteur de l'enjeu. Dans tous les domaines, les attentes sont immenses – services au public, déplacements, transports, couverture médicale, accès au numérique – et la fracture se creuse entre les populations. Pensez à celles qui ont accès au numérique, par rapport à celles qui sont restées au Minitel… (Sourires)

Malgré vos efforts méritoires, la montée en puissance des métropoles va inéluctablement consacrer cette France à deux vitesses. Au-delà des lamentations et des actions ponctuelles, je pense que la solution passe, non pas par des petites communes sans moyens financiers, mais par la montée en puissance, dans le monde rural, d'entités intercommunales fortes, intégrées, dotées de moyens proportionnellement identiques à ceux des métropoles. Cela suppose une réorganisation de la fiscalité, une redistribution des dotations forcément soumises à de fortes péréquations. Qu'en pensez-vous ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la commissaire générale, l'aménagement du territoire a toujours été d'actualité. Malheureusement, l'évolution de la technologie va toujours plus vite. Nous aurions sans doute dû prendre en compte le développement numérique car aujourd'hui il y a encore des zones blanches, surtout en milieu rural. Mais il est tout aussi important de prendre en compte l'organisation des transports, indispensable pour assurer le maillage de nos petites communes.

Cela passe par le transport à la demande, le transport par route et par le ferroviaire, et donc par la réhabilitation des lignes TER. Celles de ma circonscription datent de soixante, voire de quatre-vingts ans. Il faut dire qu'il y a une vingtaine d'années, personne ne croyait plus au TER. Mais maintenant, on l'utilise de plus en plus sur l'ensemble de nos territoires. Cependant, il n'est pas évident, pour les collectivités, d'investir sur ces lignes. Qu'en pensez-vous ?

Je remarque enfin que l'on oublie aussi que, la ruralité, ce peut être aussi le littoral. Certaines communes du littoral et du rétro littoral sont réduites à une urbanisation très limitée, notamment en raison de la loi Littoral, qui est très strictement appliquée dans certains départements. Sans vouloir « bétonner » notre littoral auquel j'attache une très grande importance, ne pensez-vous pas que certains aménagements seraient possibles, ne serait-ce que pour se préparer à l'évolution du trait de côte ?

Permalien
Marie-Caroline Bonnet-Galzy

Merci à tous pour votre intérêt.

Je peux déjà répondre que le terme d'égalité des territoires porte en lui-même une forte ambition politique qui nous tire tous vers le haut. Comme plusieurs d'entre vous l'ont fait remarquer, nous ne savons pas tout à fait ce que cette notion recouvre. Mais nous savons qu'il y a des inégalités que nous devons analyser, dont nous devons comprendre les facteurs, et que nous devons compenser en mobilisant les leviers adéquats.

De fait, le rôle du commissariat général réside davantage dans sa pertinence d'observation et d'analyse, que dans sa capacité à influer sur la décision politique. Il lui faut identifier les territoires qui réclament un traitement particulier, et voir comment il est possible de le mettre en place tous ensemble. C'est un travail de coordination et d'influence assez subtile, qu'on ne mène pas à bien d'un claquement de doigts. Il y a effectivement beaucoup à faire, et j'observe que nous ne sommes qu'un des acteurs dans cette démarche.

Madame Laurence Abeille, Éloi Laurent contribue aux travaux de l'Observatoire des territoires, que nous essayons de poursuivre dans tous les domaines, avec tous ceux qui ont eu de bonnes idées. Nous avons proposé que l'on utilise des indicateurs de bien-être pour essayer de faire prendre conscience des différences de modes de vie, et mettre éventuellement en garde contre certains modes de vie très axés sur la consommation.

Monsieur Laurent Furst, vous vous êtes interrogé sur le nombre de ruraux dans notre pays. De notre côté, nous avons insisté pour dire qu'il y avait « des » ruralités – Philippe Martin a même parlé d'hyper ruralité.

Si l'on prend seulement en compte les personnes qui ne sont pas impactées par l'urbanisation, leur nombre est très faible. Selon les statistiques, plus de 95 % des Français sont aujourd'hui concernés par le mode urbain, le référentiel urbain et pensent selon des schémas de consommation et d'organisation effectivement similaires.

En revanche, si on analyse les choses différemment, en prenant en compte ceux qui vivent dans cette concentration urbaine et les autres, les résultats sont tout autres. On estime qu'en France, plus de 16 millions d'habitants vivent dans un secteur péri urbain plus ou moins dense, 5 millions dans les grands campagnes agricoles et urbaines un peu éloignées, et 5 millions dans la ruralité – quasiment l'hyper ruralité. Et selon nos analyses, les besoins et les problèmes varient selon les localisations. Les ruralités sont une chance, et elles sont déjà diverses.

Ensuite, vous avez été plusieurs à nous interroger sur l'enjeu des grandes régions, considérant que leur création aurait des impacts très lourds sur les régions qui ne sont pas chefs de file et se trouvent éloignées de la future capitale régionale et de l'animation globale. Il est exact que cette réforme aura des conséquences sur l'emploi public. Les préfets préfigurateurs, qui sont au travail, doivent proposer des choix d'organisation dans les semaines qui viennent. Cette réforme aussi des conséquences équivalentes sur l'emploi public régional. Elle en aura sur l'emploi privé, qui est lié à tous les emplois publics qui vont « bouger ».

Sachez que le Premier ministre a mandaté le commissariat général pour qu'il appuie la MICORE – la mission de coordination de la réforme de l'État auprès du secrétaire général du Gouvernement, qui est sous la responsabilité de Jean-Luc Névache – en effectuant des simulations sur les schémas d'organisation, avec des points d'association possibles entre l'emploi public d'État, l'emploi public régional et l'emploi privé.

Ainsi, nous apportons notre expertise et nous réfléchissons aux leviers qu'il faudrait pouvoir actionner pour corriger certaines situations qui risquent d'être fragilisées ; vous avez cité Amiens, mais plusieurs capitales régionales seront directement impactées. Nous souhaitons que, dans le cadre de la nouvelle organisation de l'État, l'État soit en mesure d'animer et de diffuser les bonnes pratiques.

M. Philippe Duron a posé une question difficile : l'État considère-t-il aujourd'hui qu'il est en charge des systèmes défensifs et qu'il doit laisser aux collectivités les logiques de projets ? Je pense que c'est un peu des deux.

L'État est en effet en charge – avec le Parlement, je pense – des points de régulation défensifs qui relèvent de la norme, qui sont relatifs aux zonages et aux formes de péréquation financière et d'attribution des fonds. Cela dit, aujourd'hui, on s'interroge. En effet, le foisonnement des dispositifs aboutit à déshabiller Pierre pour habiller Paul, et peut-être aussi à prendre à l'urbain pour donner au rural, et inversement. Voilà pourquoi nous avons besoin de remise en cohérence et de remise à plat des dispositifs. Mais ce recadrage relève de la loi et des choix gouvernementaux.

Le commissariat général est chargé, entre autres, de la diffusion des bonnes pratiques. En ce domaine, nous souhaitons développer notre présence et notre participation. Les collectivités locales ayant des compétences de plus en plus importantes, il faut qu'elles trouvent auprès de nous une capacité d'observation et de diffusion de ces bonnes pratiques. Il faut que nous soyons légitimes. Et plus notre analyse sera pertinente, plus notre influence sera effective. Mais nous portons aussi une logique de projets. Nous pensons que l'innovation est déterminante et que c'est bien cette diffusion d'innovation, cette capacité d'expérimentation que nous devons essayer de développer avec les acteurs locaux.

Maintenant, comment faire pour être le plus concrets possible ? Je crois que le comité interministériel a progressé dans ce sens. Il est d'ailleurs tout à fait légitime que nous nous préoccupions des effets que notre action peut avoir sur le quotidien des habitants.

Commençons par les maisons de services au public (MSAP) qui ont fait l'objet d'assez nombreuses questions. Je reconnais que cela représente un coût pour les collectivités locales, qu'il convient de réguler. Le Fonds sur les opérateurs est aujourd'hui en très bonne voie. Nous avons obtenu l'adhésion de tous les partenaires. Par ailleurs, grâce au travail de partenariat mené avec La Poste – sur 500 des 1 000 MSAP envisagées – nous avons réduit les coûts. Cela profitera aux collectivités comme à l'État. En fin de compte, l'État contribuera pour plus d'un quart, les opérateurs devant assurer le deuxième quart. Et le coût global a été limité.

Passons aux maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), sur lesquelles certains s'interrogent. Ne risque-t-on pas de créer des maisons de santé vides ? Pourquoi cela n'avance pas ? Je répondrai qu'il faut convaincre les médecins. Marc-Étienne Pinauldt était ce matin au Conseil de l'ordre et il a pu constater que les médecins étaient de plus en plus ouverts à propos des MSP. Ils comprennent maintenant que le processus est inéluctable et qu'il faut développer le travail collectif pour attirer les internes et les jeunes médecins. Ce n'est plus seulement le point de vue des médecins qui arrivent à l'âge de la retraite et prévoient de quitter leurs fonctions.

Nous pensons aussi qu'il faut sortir des tabous, et que les centres de santé – qui ne sont pas d'initiative libérale et emploient des médecins salariés – ont leur utilité. Dans certaines régions de France, la culture des centres de santé est beaucoup plus développée que dans d'autres, notamment avec le réseau mutualiste.

Ces deux outils, MSP et centres de santé, méritent donc d'être développés.

Il y a aujourd'hui 623 maisons de santé et notre objectif est qu'il y en ait 800 en 2016. Les dispositifs de rémunération complémentaire que Marc-Étienne a évoqués tout à l'heure incitent à la création de ces MSP, que l'on peut installer dans des endroits isolés.

Ensuite, comme vous avez été nombreux à le remarquer, le développement du numérique est vraiment déterminant. On peut dire que le numérique fait partie des autoroutes d'aujourd'hui, et chacun doit comprendre que c'est dans ce secteur que nous devons faire nos meilleurs efforts. La question est particulièrement sensible dans les zones rurales, d'autant que les délais risquent d'être plus longs. Mais nous faisons tout pour atteindre l'objectif de 2022-2023.

Le suivi de la Mission France Très Haut débit et de l'Agence du numérique est extrêmement pertinent. Si vous ne l'avez déjà fait, je pense que vous pourriez auditionner M. Antoine Darodes, le directeur de la Mission. Celui-ci agit avec énormément de volonté et de fermeté vis-à-vis des opérateurs, et porte financièrement les plans et les schémas de développement très haut débit des départements. Mais bien sûr, il faut que chaque collectivité s'y mette et s'outille. Les points d'ingénierie et les bonnes pratiques des uns et des autres profiteront aux retardataires qui n'auraient pas encore lancé leur délégation de service public (DSP) sur leur propre schéma.

Je confirme qu'un des points importants du projet de loi Macron est que l'Agence numérique portera le guichet, et que ce guichet sera compétent pour le mobile. C'est assez novateur. Il faut maintenant passer à la mise en oeuvre.

Plusieurs interventions portaient sur les mobilités. Nous sommes tous convaincus qu'il faut développer toutes les mobilités, et donc l'intermodalité. Cela suppose qu'une forme de chef de filat – qui est maintenant de plus en plus positionné autour de la région – gère l'ensemble des modalités de transport.

Les conclusions de la mission conduite par Philippe Duron nous ont permis de comprendre quels étaient les points névralgiques qu'il fallait absolument maintenir, et amenés à réfléchir aux modalités de soutenabilité du dispositif ferroviaire. Nous sommes extrêmement vigilants sur cette question, qui est d'autant plus compliquée que nous manquons aujourd'hui de moyens pour faire face aux engagements financiers qui sont sur la table. Nous allons donc devoir porter les engagements pris par le passé en faisant avec les évolutions futures.

J'en viens aux questions sur l'intercommunalité. Nous pensons fondamentalement que la commune est une institution très importante pour nos concitoyens, qui fait partie de la culture nationale – à la différence d'autres cultures en Europe. Mais nous avons absolument besoin de passer à un niveau d'échelle qui nous permette de réfléchir et nous assure les bons outils. Or cela nécessite d'arriver à une certaine taille.

La commande qui nous avait été faite par trois ministres, en mai dernier, consistait précisément à apprécier si le seuil de 20 000 habitants était adapté. Comme vous avez sans doute pu le lire dans la note que nous vous avons communiquée à la demande de Mme Maryse Lebranchu, nos conclusions sont les suivantes :

Quand on regarde les bassins de vie, c'est-à-dire les équipements fixes de l'INSEE, quand on prend le noyau qui paraît nécessaire pour un équivalent EPCI de 20 000 habitants, on aboutit à 1 000 EPCI sur les 2 500 actuels. 500 ont plus de 20 000 habitants, et 1 500 doivent se réduire à 500 nouveaux EPCI. Cette configuration à 1 000 EPCI paraît relativement homogène et pertinente.

Certes, c'est une logique « papier » statique – même si l'on s'est basé sur des équipements existants – qu'il faut absolument croiser avec les flux de transports : résidence-travail, résidence-école, résidence-hôpital, résidence-commerces. Grâce aux mobiles, il est de plus en plus facile d'analyser les flux à micro-échelle, et cela nous a permis de croiser un certain nombre d'informations. Mais il faut aussi travailler localement pour comprendre comment passer d'un périmètre bassin de vie, qui est statique, à un périmètre territoire vécu, qui est adapté.

De ce point de vue, la maille des 20 000 habitants permet de regrouper un effectif administratif adapté, quelles que soient les compétences ou les domaines envisagés – éclairage public, voirie, etc. Nous pensons donc que c'est en ce sens qu'il faut travailler.

Certains se sont demandés si l'on n'était pas en train de s'engager vers la transformation de l'EPCI en collectivité locale. Viendrait-il s'ajouter à la commune ? Nous n'avons pas pris parti. Nous avons dit simplement qu'il serait légitime que le budget de l'EPCI, qui sera très vite plus élevé que celui des différentes communes, soit débattu par les citoyens. Sinon, ce serait un déni de démocratie. Il en est de même s'agissant de l'éventualité de l'élection de l'EPCI par une forme de suffrage universel direct.

Nous avons bien dit que l'on amorçait une certaine dynamique, dont il fallait être conscient. Je crois que beaucoup de citoyens et d'élus le mesurent. Nous ne nions pas l'importance de l'identité communale dans le vécu de nos concitoyens, mais nous savons qu'il faudra pousser de plus en plus loin la capacité de travail et d'ingénierie collective.

Le renforcement des métropoles répond à la même logique. De longue date, la DATAR a mis en évidence le phénomène de métropolisation. Cette métropolisation est inéluctable et internationale : elle existe partout. Il faut la conforter par un bon maillage. C'est l'objet de différentes lois récentes. Mais cela suppose, derrière, une forme d'architecture urbaine entre métropoles, villes moyennes, les petites villes, et une coopération entre les unes et les autres. Car nous croyons à un contrat de réciprocité qui peut lier le rural et à l'urbain.

Je rappelle que le CGET est le coordonnateur des fonds structurels. Depuis toujours, nous sommes en relation étroite avec les régions. Par exemple, nous avons construit avec elles l'accord de partenariat pour la nouvelle programmation de fonds structurels pour la période 2014-2020.

Aujourd'hui, les fonds structurels atteignent 27 ou 28 milliards d'euros, dont 20 milliards sont directement gérés par les régions – qui sont autorités de gestion. Ces crédits ont été organisés selon les priorités thématiques que l'Europe nous a demandées. Toutes les régions s'y sont conformées et souvent, elles ont fait mieux que ce qui était demandé : sur le développement urbain intégré, elles ont fait en moyenne 10 % quand on en demandait 5 %. Je précise que ces efforts sont cohérents avec l'ensemble des priorités nationales et des contrats de plan État-région – 12 milliards de l'État, au moins l'équivalent des collectivités.

La capacité de mise en cohérence des tempos, des objectifs et des acteurs, par un chef de file et un chef d'animation de l'infra territorial ou de l'infra régional est aujourd'hui très importante, même si l'État a toujours un rôle à jouer. L'État a un rôle de garant, un rôle de suggestion et de diffusion des bonnes idées. Mais il a moins de compétences qu'auparavant. Et nous devons tous nous demander comment faire pour aider les collectivités à coopérer entre elles.

Ensuite, madame Valérie Lacroute, nous sommes bien en charge de la prime d'aménagement du territoire (PAT). La date de la prochaine réunion de la commission interministérielle est fixée. Encore faut-il que le dossier ait été déposé et qu'il ait eu le temps de cheminer. Certes, nous avons eu un peu de retard, mais ce retard a été comblé et nous avons retrouvé notre régime de croisière.

Je terminerai sur le FISAC, sujet qui fait débat : le FISAC doit-il être transféré aux régions ? J'observe qu'il serait transféré à un niveau qui ne serait plus le même qu'il y a quatre, cinq ou six ans. Quoi qu'il en soit, deux dispositifs nous paraissent très sensibles, qui justifieraient une subvention, même marginale, de l'État. Celle-ci permet d'assurer la diffusion des bonnes pratiques, et un bon cadrage de l'expérience.

Premièrement, le dispositif expérimental de revitalisation des centres-bourgs. L'ANAH avait mis 200 millions d'euros dans des appels à projets de réhabilitation de logements anciens. Nous nous sommes aperçus que certains des projets qui nous avaient été envoyés n'étaient pas éligibles aux aides de l'ANAH, mais qu'ils le seraient dans une logique de revitalisation via les commerces. Nous croyons beaucoup aux centres-bourgs, qui sont un peu l'équivalent des EPCI de demain. C'est là qu'il nous faut une cohérence de logique et d'appui. Mais cela suppose que nous ayons les leviers et les moyens correspondants.

Deuxièmement, en rapport avec les missions que pourrait remplir le FISAC dans les prochaines années, la DATAR a identifié 800 stations-services incontournables, celles qu'il faut absolument maintenir. Le maillage des stations-service doit en effet être suffisant pour permettre à chacun de faire le plein d'essence pour aller travailler. Or les règles de mise aux normes environnementales font que les très petites stations-services, souvent tenues par des commerçants indépendants, n'ont pas les moyens de faire les travaux d'assainissement de leurs cuves qui sont demandés. Il serait important que le FISAC participe à ces travaux de remise en état afin de maintenir, à terme, l'activité de ces stations. Nous avons dit et redit que nous étions soucieux que de telles priorités relèvent du FISAC et soient satisfaites à très brève échéance.

Merci beaucoup d'avoir évoqué tous ces sujets qui réclament une grande attention, même si tous les leviers ne sont pas dans nos mains.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous vous remercions beaucoup pour l'ensemble de vos réponses.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 16 juin 2015 à 17 heures

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Laurent Furst, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, Mme Valérie Lacroute, Mme Viviane Le Dissez, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Philippe Martin, M. Robert Olive, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilles Savary, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - Mme Sylviane Alaux, Mme Chantal Berthelot, Mme Florence Delaunay, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville