Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du 23 juin 2015 à 15h00
Approbation du protocole additionnel à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du royaume du maroc — Présentation

Annick Girardin, secrétaire d’état chargée du développement et de la francophonie :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires étrangères et rapporteure de ce texte, mesdames et messieurs les députés, votre assemblée examine aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, signé le 6 février 2015.

Vous le savez, le Maroc est l’un des États d’Afrique avec lequel la France a le plus d’échanges en matière d’entraide pénale, notamment dans la lutte contre le trafic international de stupéfiants et contre le terrorisme. Le Maroc a souhaité suspendre cette relation pendant un an, pour les raisons que vous connaissez tous, avec des conséquences préjudiciables.

Le dialogue étroit et constant que nous avons maintenu avec les autorités marocaines a fort heureusement abouti, le 31 janvier dernier, à un accord entre les deux ministres de la justice. Sous l’impulsion du Président de la République François Hollande et du roi Mohammed VI, le partenariat d’exception qui nous unit au Maroc a retrouvé sa pleine vigueur. J’en profite pour saluer le rôle précieux joué par la diplomatie parlementaire dans cette dynamique et le travail exemplaire de la commission des affaires étrangères et du groupe d’amitié.

Un calendrier dense de contacts politiques a permis, durant les six derniers mois, de renouveler et d’approfondir notre coopération dans tous les domaines. Se sont succédé les visites en France des ministres marocains de la justice et des libertés, de la communication, des finances, de l’éducation nationale et de la formation professionnelle et de l’environnement, tandis que les ministres français des affaires étrangères, de l’intérieur, des finances et des comptes publics se sont rendus au Maroc.

La rencontre de haut niveau, présidée par les deux chefs de gouvernement, a réuni à la fin du mois de mai vingt-deux ministres français et marocains et a illustré, à travers la signature d’une vingtaine d’accords, la densité du partenariat franco-marocain.

Mesdames et messieurs les députés, avec la ratification de ce texte, nous ne ferons que confirmer et renforcer les liens de confiance et d’amitié qui président à la relation franco-marocaine. C’est indispensable dans le contexte sécuritaire que nous connaissons.

Je connais les interrogations soulevées à l’occasion de l’examen en commission. Pour y répondre, je rappellerai les clarifications apportées par le ministre des affaires étrangères et du développement international lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, le 9 juin.

Le principal objectif de ce texte est de mettre en place un nouveau mécanisme d’information immédiate et de recueil d’informations. Ce texte ne vise qu’à favoriser et à fluidifier les échanges entre les autorités françaises et marocaines. C’est essentiel pour un travail efficace de la justice.

Ce texte est évidemment conforme au principe de séparation des pouvoirs et à l’indépendance de l’autorité judiciaire, consacrés par la Constitution. Soyons clairs, le dispositif ne prévoit aucun mécanisme de dessaisissement du juge français au profit du juge marocain ou du juge marocain au profit du juge français. Le juge, initialement saisi, recueille, par le biais des autorités centrales, des observations et informations auprès du juge de l’autre partie ; au vu des éléments éventuellement transmis, il détermine les suites à donner à la procédure. Si le texte prévoit que la clôture ou le renvoi doivent être prioritairement envisagés, c’est en raison des éléments d’extranéité de la procédure, pour une meilleure administration de la justice. Excepté si le juge français décide de clore la procédure, celui-ci reste saisi du dossier, puisque le renvoi éventuel est effectué par une dénonciation officielle des faits qui ne dessaisit pas le juge. Néanmoins, l’autorité judiciaire conserve en toutes hypothèses la possibilité de poursuivre la procédure, notamment par souci d’efficacité des investigations à mener ou pour éviter toute impunité. Contrairement à ce qui a pu être allégué, la poursuite de la procédure n’est pas limitée à l’absence de réponse ou au cas d’inertie de l’autre partie.

Ce texte est également conforme à nos engagements internationaux, notamment aux règles applicables en matière de compétence quasi universelle. Il ne crée pas, je le répète, de mécanisme de dessaisissement ou de subsidiarité. Le juge initialement saisi demeure toujours libre de décider des suites qu’il entend donner à la procédure. L’article 23 bis rappelle d’ailleurs que le dispositif de coopération et d’échanges s’inscrit dans le cadre des engagements respectifs de la France et du Maroc, pour contribuer à la bonne mise en oeuvre des conventions internationales qui les lient.

Le nouvel article ne porte aucune atteinte au droit à un recours effectif des victimes françaises et étrangères de crimes et délits commis au Maroc. Bien au contraire, l’objectif de ce nouveau dispositif est de permettre une meilleure administration de la justice et la conduite efficace et diligente des procédures. En effet, la pratique démontre que les procédures menées en France pour des faits commis à l’étranger sont souvent longues et complexes, dans la mesure où les éléments de preuve se trouvent majoritairement hors du territoire national et nécessitent des demandes d’entraide. Le mécanisme introduit par l’article 23 bis, qui facilite l’échange d’information entre les parties, contribuera à l’efficacité de la conduite des procédures, tout en préservant les critères de compétence des autorités judiciaires initialement saisies.

Enfin, et je sais que c’est un sujet d’interrogation, le ministre Laurent Fabius l’a dit clairement : le texte s’applique aux binationaux. Si une procédure est engagée en France par un ressortissant marocain, franco-marocain ou d’une nationalité autre que française et marocaine, contre un ressortissant marocain ou franco-marocain pour des faits commis au Maroc, l’autorité judiciaire française recueille dès que possible auprès de l’autorité judiciaire marocaine ses observations ou informations.

Le juge marocain pourra prendre les mesures qu’il juge appropriées, y compris l’ouverture d’une procédure. Le juge français, au vu des observations ou informations éventuellement reçues de son homologue marocain, déterminera pour sa part les suites qu’il donne à cette procédure : cela peut être le renvoi au juge marocain sous la forme d’une dénonciation officielle des faits, la clôture ou la poursuite de la procédure. La réciproque vaut bien sûr pour le cas de procédures engagées au Maroc pour des faits commis en France.

Mesdames et messieurs les députés, le Maroc est un pays ami de la France. C’est un partenaire stratégique, avec lequel nous entretenons une relation d’amitié profonde et historique. C’est un allié dans la lutte contre le terrorisme.

Face aux enjeux régionaux de sécurité, de stabilité et de développement en Méditerranée et au-delà, la France et le Maroc ont plus que jamais besoin l’un de l’autre. Garantir une circulation plus rapide et efficace de l’information en matière pénale, assurer une meilleure administration de la justice, renforcer la coopération judiciaire avec un de nos principaux partenaires au sud de la Méditerranée : autant de raisons pour approuver ce texte, dans le respect le plus total de notre Constitution et de nos engagements internationaux.

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