La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le Premier ministre, les conclusions de la commission mixte paritaire portant sur le projet de loi relatif au renseignement que vous avez inscrit en procédure accélérée, privant ainsi le Parlement du temps nécessaire à un travail législatif de qualité, sont soumises au vote de l’Assemblée nationale ce mercredi.
Le texte issu de la commission comporte une disposition inquiétante, introduite à la dernière minute, comme un dernier petit coup de force, sans débat préalable ni au Sénat ni à l’Assemblée. Cette disposition permet en effet de surveiller les étrangers de passage en France sans que soit saisie l’instance de contrôle, la future Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement – CNCTR –, sans même qu’elle soit informée de cette mesure de surveillance lorsqu’un étranger de passage est concerné.
En clair, il sera possible aux services de poser un micro dans la chambre d’un diplomate, d’un chef d’État ou d’un journaliste, de glisser une balise sous une voiture, de siphonner un disque dur ou encore d’épier discrètement les conversations téléphoniques, tout cela sans contrôle, sans que la finalité soit d’ailleurs la lutte contre le terrorisme.
Le Gouvernement a déposé au Sénat un amendement visant à supprimer cette disposition, sans doute convaincu par les fortes oppositions soulevées et par les réserves du rapporteur au Sénat, Philippe Bas, qui indique que « tout ce qui porte atteinte au contrôle de la commission doit être motivé par des arguments extrêmement sérieux. »
C’est une sage décision qui ne suffit malheureusement pas à rendre ce texte acceptable. Celui-ci confère en effet à la communauté du renseignement des finalités extrêmement larges, et des outils de recueil de données d’une très grande ampleur sans que leur efficacité ait été ni évaluée ni démontrée. Qui plus est, parmi les amendements déposés au Sénat par le Gouvernement, l’un tend à supprimer le statut des lanceurs d’alerte, introduit par le rapporteur Jean-Jacques Urvoas.
Le groupe écologiste signera le recours devant le Conseil constitutionnel et votera très majoritairement contre le texte. Les polémiques qui ont accompagné la discussion de ce projet de loi ont été d’autant plus vives que le Gouvernement ne semble pas faire preuve de la même célérité sur des textes tout aussi attendus tels que celui sur la protection des sources des journalistes ou encore celui relatif aux libertés numériques. Ma question est simple : quand ces textes arriveront-ils en discussion devant notre assemblée ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Votre question, monsieur le député, m’offre l’occasion de préciser le contenu de ce texte, en particulier les dispositions auxquelles vous venez de faire référence.
Tout d’abord, les mesures dont vous parlez, introduites par un amendement parlementaire, feront l’objet d’un amendement de suppression du Gouvernement, que je défendrai moi-même au Sénat. Il ne faut pas laisser accroire que cette proposition de suppression d’amendement que nous défendrons tout à l’heure serait le fruit d’une quelconque pression. Le Gouvernement n’a jamais été favorable à cet amendement et l’a fait savoir. C’est de sa propre initiative et avec une volonté affirmée depuis l’origine qu’il défendra cette position.
Par ailleurs, je me permettrai d’ajouter, puisque vous ne l’avez pas fait, que ce projet de loi tend à encadrer l’activité des services de renseignement, qui ne l’était pas jusqu’à présent, grâce à l’instauration d’un triple contrôle. Tout d’abord, une autorité administrative indépendante, la CNCTR, pourra contrôler l’activité des services de renseignement avant que les techniques ne soient déclenchées, pendant leur mise en oeuvre et a posteriori. Ensuite, il y aura un contrôle juridictionnel qui n’existait pas jusqu’à présent : aussi bien la CNCTR que le Conseil d’État pourront saisir le juge pénal s’il est constaté qu’une infraction pénale a été commise dans le cadre de la mobilisation de ces techniques de renseignement. Enfin, un puissant contrôle parlementaire s’exercera puisque la délégation parlementaire au renseignement aura la possibilité d’exercer des prérogatives de contrôle qu’elle n’avait pas jusqu’à présent.
Quant aux techniques les plus discutées pendant le débat parlementaire, elles seront réservées exclusivement à la lutte antiterroriste. Chacun comprendra que notre pays a besoin de se protéger. C’est pourquoi vous pouvez désormais regarder ce texte avec une totale sérénité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, la Grèce est au bord du gouffre, au bord du défaut de paiement. L’heure est grave. Si aucun accord n’est trouvé d’ici la fin de la semaine, le pays sera en faillite, avec toutes les conséquences dévastatrices que cela emporterait tant pour le peuple grec que pour les autres économies de la zone euro, et la France ne serait naturellement pas épargnée.
Sous la pression internationale, Alexis Tsipras a ces derniers jours adopté une posture moins arrogante, moins populiste, plus réaliste – semble-t-il – et plus constructive. Des efforts ont été consentis en direction des créanciers : coupes dans les dépenses, notamment dans le budget des retraites, et nouvelle augmentation des impôts.
Si certaines de ces avancées semblent satisfaisantes, nous n’avons toutefois pas de visibilité quant aux termes de l’accord final qui pourrait être trouvé d’ici vendredi. Cette impression de flou est renforcée par certaines déclarations antagonistes du Président de la République et de la Chancelière allemande, Angela Merkel, qui laissent entrevoir des divergences politiques sur le fond.
Alors que la dette grecque s’apparente de plus en plus à un gouffre sans fond, les Français s’interrogent. Sommes-nous bien, comme nous le souhaitons tous, en attente d’un plan robuste qui serait de nature à offrir une solution durable pour permettre à la Grèce de se reconstruire, ou bien s’agit-il d’une stratégie d’évitement qui reviendrait à reculer pour mieux sauter ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur l’avancée des négociations et nous indiquer quelle position défendra la France et quels seront les contours de l’accord final ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Sur la question difficile de la situation de la Grèce et des rapports qu’elle entretient avec le reste de la zone euro, nous devons aujourd’hui être ambitieux et volontaires. Ce dont nous, Européens – y compris la France, pilier de la construction européenne depuis toujours – avons besoin avec la Grèce, c’est un accord global et durable, et non pas d’un accord qui durerait quelques jours et reporterait les problèmes, les difficultés et les incertitudes aux mois de juillet ou d’août, voire à la fin de l’année.
Nous avons besoin d’un accord qui donne de la visibilité à la Grèce afin que son économie puisse repartir, que ses entreprises, ses commerçants, ses artisans puissent retravailler dans de bonnes conditions, que ses salariés aient davantage de certitudes quant à leur avenir.
Au fond, ce qu’il faut à la Grèce, comme à l’ensemble de l’Europe et comme à la France, c’est de la croissance – une croissance durable et suffisamment forte pour créer de l’emploi et la richesse supplémentaire dont les peuples comme le peuple grec ont aujourd’hui tellement besoin, tant ils ont souffert année après année.
C’est à ce cela que nous travaillons ! C’est à cela que le Président de la République travaille depuis le premier jour ; c’est à cela que, plus modestement, je travaille avec l’ensemble de mes collègues membres du conseil Ecofin, qui réunit les ministres des finances.
Dans les heures et dans les jours qui viennent, nous devrons continuer ce travail. Oui, monsieur le député, les propositions qu’a formulées la Grèce sont solides et sérieuses. Elles méritent d’être examinées avec précision, parce que nous avons enfin la possibilité de trouver d’ici la fin de la semaine cet accord global et durable dont nous avons besoin !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Sauvetage de la Grèce
La parole est à Mme Sandrine Doucet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des finances, le destin de l’Europe est suspendu à la conclusion d’un accord avec la Grèce avant le 30 juin prochain. Sans accord, la zone euro est menacée de plonger dans l’inconnu et dans de grandes difficultés.
Depuis de longs mois, la France, avec patience et sens des responsabilités, exerce une fonction primordiale de médiateur dans ce dossier qui menace la pérennité de la zone euro. Notre volonté est que la semaine européenne dense et cruciale qui vient de s’ouvrir se conclue par un accord global et durable sur la situation grecque.
Les négociations qui se tiennent dans différents cadres – au Conseil européen, au sein de l’Eurogroupe et avec la Commission européenne – ont d’ores et déjà permis de consolider des convergences décisives.
Le niveau d’excédent primaire à partir duquel le redressement financier doit s’opérer a notamment été abaissé et la France a fortement contribué à écarter les scénarios irréalistes que tentaient d’imposer certaines instances.
Chers collègues, notre volonté est que la Grèce demeure dans la zone euro et cette volonté, nous la partageons avec l’Allemagne et les autres États membres. Si des efforts doivent être demandés à la Grèce pour faire face à ses engagements internationaux, ils doivent être réalistes, soutenables et respectueux du cadre démocratique issu des dernières élections grecques.
Tout aux longs de ces négociations, monsieur le ministre, la France a permis et continue de permettre à la construction européenne de renouer avec la croissance, avec le volontarisme politique et avec les valeurs qui ont fait la genèse et la consolidation de notre projet européen. Le plan Juncker, le programme de rachat de la Banque centrale européenne et la baisse de l’euro montrent que les options françaises rencontrent un écho croissant. Si un optimisme raisonnable nous conduit donc à croire de nouveau qu’une issue positive aux difficultés de la Grèce peut être trouvée, notre pays, là encore, n’y est pas étranger.
Comment la France envisage-t-elle ainsi la suite des négociations ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame Doucet, nous sommes résolument sur la voie d’un accord entre la Grèce et ses partenaires européens. Nous y sommes résolument parce que la France, je l’ai dit, joue son rôle depuis le premier jour. En quoi consiste son rôle ?
À être un pilier, je le répète, de la construction européenne, et à l’être toujours dans le cadre d’un dialogue avec l’Allemagne. Il ne servirait à rien de vouloir créer une opposition entre l’une et l’autre pour résoudre une difficulté aussi grave que celle que présente la situation de la Grèce.
Nous tenons aussi ce rôle avec notre singularité. Cette singularité tient à ce que nous sommes un peuple qui est l’ami historique du peuple grec, qui le comprend et qui en est compris.
C’est Jospin qui l’a fait entrer dans l’euro ! C’est l’Internationale socialiste !
Depuis le premier jour, nous disons à la Grèce qu’elle doit respecter les règles de bon fonctionnement de l’Europe d’aujourd’hui, puisqu’elle en est un membre depuis longtemps et que sa banque est la Banque centrale européenne, qui lui permet de disposer de liquidités.
Cependant, nous le lui disons toujours dans le respect de la démocratie qui s’est exprimée et du gouvernement légitime qui formule ses propositions.
Nous agissons en ami et, comme tout bon ami, nous disons les choses. Lorsqu’il faut conseiller, nous conseillons ; lorsqu’il faut accompagner, nous accompagnons. Lorsqu’est advenu un moment où il a fallu dire à la Grèce que ses propositions n’étaient pas suffisamment précises et qu’elles ne convenaient pas, nous l’avons fait.
Aujourd’hui, le gouvernement grec présente des propositions solides et sérieuses et nous disons à tous que c’est à partir de ces propositions que nous devons travailler pour trouver les bases d’un accord.
Un accord global et durable pour la Grèce doit naturellement contenir les mesures qui lui permettront d’équilibrer son budget, mais aussi traduire la solidarité nécessaire pour soutenir l’investissement et la croissance – cette croissance qui est le seul moyen pour la Grèce de retrouver un avenir durable !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement a rendu public hier un bilan d’étape de la réforme des rythmes scolaires : un satisfecit d’autocongratulation qui ne donne pourtant aucune indication sur l’impact des nouveaux rythmes sur l’apprentissage des enfants. Autrement dit, vous présentez un bilan qui ne traite pas de l’essentiel de la réforme. C’est pourtant bien ça le coeur du sujet !
Si l’on vous écoute, c’est : tout va bien, circulez il n’y a rien à voir. Mais la question des enfants est principale et les bienfaits de la réforme ne sont en aucun cas prouvés.
Vous omettez également de parler de ses conséquences pour les communes et des difficultés qu’elle entraîne pour les maires, alors même que beaucoup d’ajustements sont nécessaires.
La réforme des rythmes scolaires est loin de faire l’unanimité, que vous le vouliez ou non. Elle engendre des problèmes d’organisation, des problèmes de financement, des inquiétudes.
Cette réforme est symptomatique des contraintes supplémentaires que vous confiez aux maires, des charges et des dépenses qui leur sont transférées pendant que, dans le même temps, vous baissez les dotations sans aucune concertation.
Oui, monsieur le Premier ministre, les maires sont d’accord pour faire des économies.
Oui, monsieur le Premier ministre, les maires sont d’accord pour engager des réformes et réaliser des efforts sur les dépenses. Mais cela doit se faire en concertation avec les élus locaux et sans risquer de mettre en péril certains services publics locaux.
Plus que jamais, nos concitoyens ont besoin de l’écoute et de l’aide des élus de proximité. Vous devez les accompagner, pas leur forcer la main. Cela doit se faire sans que l’État transfère toujours davantage de charges non compensées aux communes.
Monsieur le Premier ministre, comptez-vous ouvrir le dialogue pour un rééchelonnement des baisses de dotations qui, aujourd’hui, font porter un effort financier disproportionné aux communes et intercommunalités ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Madame la députée, votre question comporte deux parties : la place des enfants et la « charge » qu’ils représenteraient pour nos communes.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Pour me déplacer très souvent dans nos territoires, j’ai pu constater que de nombreux accords existent au niveau des intercommunalités pour permettre aux petites communes rurales d’offrir enfin aux enfants non seulement les haltes-garderies traditionnelles mais également un accès à la culture. C’est là un vrai projet de société que nous défendons.
S’agissant de la baisse des dotations, on ne peut pas dire blanc et noir en même temps.
J’ai lu pendant le week-end une publication de l’ancien ministre du budget, M. Woerth, selon lequel il faudrait baisser la dépense publique de 25 milliards d’euros par an.
Nous ne vous proposons – et effectivement, vous pourriez nous en faire reproche – de ne la baisser que de 50 milliards, mais dans la mesure où 20 % de cette dépense publique sont portés par les collectivités territoriales, il n’y avait aucune raison pour que le sujet soit exclu et que nous fassions comme si nous ne le voyions pas.
D’autant que, je le rappelle souvent, ceux qui assurent l’impôt sur le revenu, la CSG et l’ensemble des recettes de TVA de l’État sont ceux qui paient l’impôt local. Nous devons donc globaliser la recette en même temps que nous globalisons la baisse de la dépense.
Je vous rappelle, madame la députée, que nous avons, avec les associations d’élus, fait en sorte que cette réforme soit juste. C’est pourquoi nous avons augmenté la dotation de solidarité rurale et la dotation de solidarité urbaine et fait en sorte que les communes plus riches contribuent sept fois plus que les communes pauvres, conformément à notre engagement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, depuis 2010, du fait de l’entrée sur le marché de Free, notre pays compte quatre opérateurs. Pour les usagers consommateurs de téléphonie, durant cette période, les prix ont globalement baissé, les investissements ont augmenté et le service numérique s’est considérablement développé.
Je considère que les questions relatives à la zone de couverture et à la qualité du débit forment l’alfa et l’oméga du citoyen numérique du XXIe siècle, car – disons les choses franchement – le numérique est devenu un service public.
La France a découvert hier l’offre de rachat de Numericable-SFR sur Bouygues Telecom. Au-delà des aspects financiers et de la redistribution des parts de marché du secteur que cette opération entraînerait, dès lors que le conseil d’administration du groupe Bouygues accepterait l’offre, de nombreuses interrogations subsistent.
Il conviendrait donc, à mon sens, d’évaluer précisément les impacts d’une telle acquisition pour l’emploi dans le secteur, les utilisateurs, les entreprises et les territoires.
Je rappelle également que le processus de mise aux enchères de la bande de 700 mégahertz que vous venez de lancer est articulé pour quatre opérateurs. C’est la raison pour laquelle je considère que la responsabilité du politique est engagée.
Monsieur le ministre, je préside la Commission supérieure du service public des postes et communications électroniques
« Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains
et, à ce titre, je considère que la question de l’équilibre du secteur est posée. J’ai donc demandé à M. Patrick Drahi et à son équipe dirigeante de préciser leurs intentions dans le cadre d’une audition lors de la prochaine séance de la Commission supérieure.
Free s’étant également positionné sur une partie du rachat pour permettre le passage entre les fourches caudines de l’Autorité de la concurrence,…
…finalement un seul des quatre opérateurs semble aujourd’hui bien isolé : le groupe Orange, dont l’État est actionnaire.
Monsieur le ministre, où va la France de la téléphonie mobile, mais surtout où va la France de l’internet mobile ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le député, la question que vous posez est la bonne : quels sont nos objectifs en matière d’internet et de téléphonie mobile ? Ces objectifs sont de l’ordre de trois.
Le premier est l’investissement qui nécessaire pour équiper notre territoire, pour notre économie et pour couvrir la fracture numérique qui fait que, dans nombre de départements et dans de trop nombreuses communes, l’accès à l’internet 3G, ce que l’on appelle l’internet mobile, parfois même à l’internet 2G ou au très haut débit, n’est pas encore une réalité.
Face à cela, nous avons, pour la première fois, demandé aux opérateurs de prendre des engagements très fermes, dans le cadre de la loi pour la croissance et l’activité. Nous avons donné plus de pouvoir à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – ARCEP – pour conduire les opérateurs à signer une convention qui s’est conclue il y a quelques semaines – ce qui est une première – et qui permettra de couvrir l’intégralité des zones blanches au-delà des centres-bourgs.
Le deuxième objectif de cette politique de la téléphonie mobile et de l’internet mobile, c’est évidemment l’emploi. Plusieurs milliers de nos concitoyens sont employés dans ce secteur, qu’il s’agisse des grands groupes ou de leurs sous-traitants. Il est fondamental de le préserver.
Enfin, c’est le meilleur service que nous pouvons rendre à nos concitoyens et aux usagers.
Au regard de ces critères, comment comprendre l’offre qui, apparemment, a été remise il y a quelques jours par le groupe SFR-Numericable ?
Tout d’abord, c’est une offre qui va trop vite. Nous n’avons pas, à ce jour, évalué les conséquences de cette offre et nous avons des doutes, en matière d’emploi et de délais de paiement, par rapport aux engagements tenus.
Ensuite, nous devons regarder de près quelles en seront les conséquences sur l’investissement à court terme. Seront-elles positives ou pas ? Je ne saurais le dire.
S’agissant de l’emploi, il est à peu près évident que cette opération entraînera des destructions d’emploi du fait de ce que l’on appelle joliment les synergies. Nous sommes donc opposés à ce choix.
Pour toutes ces raisons, cette opération doit être regardée de près et expliquée. En effet, contrairement à ce que j’ai pu entendre de la part de M. Jacob, oui, l’État a un rôle à jouer en la matière, pour le long terme et pour notre économie.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adressait à M. le Premier ministre. Elle porte sur la relation qu’il entretient avec Mme la garde des Sceaux et sur la place de celle-ci dans le Gouvernement.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
En son absence, je la poserai directement à Mme la garde des sceaux.
Depuis un an, nos concitoyens assistent médusés à la dégradation des relations entre vous-même et M. le Premier ministre, madame la ministre ! Vous étiez voici un an, à La Rochelle, au premier rang des frondeurs. Vous avez depuis contesté à mots à peine couverts le projet de loi Macron et critiqué le projet de loi renseignement.
Vous avez franchi la semaine dernière une étape supplémentaire de provocation à l’égard de M. le Premier ministre. En effet, vous n’avez pas hésité à lui adresser un ultimatum afin de le contraindre à présenter le projet de loi relatif à la délinquance des mineurs que vous préparez.
Je ne reviendrai pas sur le fond du projet de loi. J’espère pour ma part que nous n’aurons pas à en débattre car il est animé de la philosophie qui inspirait déjà le texte relatif à la contrainte pénale dont on mesure les conséquences sur la sécurité des Français.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mais sur la forme, jusqu’où irez-vous, madame la ministre ? Où allez-vous ? Que cherchez-vous ? Ces provocations et cet ultimatum inédit sous la Cinquième République ne cachent-ils pas un marchandage politicien ? Vos critiques ne visent-elles pas à contraindre le Président de la République à vous faire quitter le Gouvernement pour vous nommer à la présidence du Conseil constitutionnel, ce qui serait un scandale politique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen, radical, républicain, démocrate et progressiste, écologiste et de la gauche démocrate et républicaine – Les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen et plusieurs députés des groupes radical, républicain, démocrate et progressiste, écologiste et de la gauche démocrate et républicaine se lèvent et applaudissent.
Je vous remercie.
Malgré les années passées, j’avoue que vous conservez à mes yeux quelque chose de mystérieux, monsieur le député Ciotti ! Je me demande si vous croyez vraiment à certains propos que vous tenez. Du temps de ma fringante jeunesse, j’aurais supposé un sentiment contrarié !
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen et écologiste.
Mais cet hémicycle tout entier a déjà constaté dans vos propos publics à quel point je vous obsède avec une constance dans votre expression publique qui suscite tout de même l’admiration ! Pour la première fois, M. le Premier ministre aurait besoin d’un défenseur ! Compte tenu de sa personnalité, de son courage et de son autorité,…
…nous avons du mal à comprendre non seulement qu’il en ait besoin mais encore qu’on puisse le trouver dans vos rangs !
La justice des mineurs vous perturbe, monsieur le député, mais la majorité que vous avez soutenue pendant deux quinquennats a considérablement perturbé l’ordonnance de 1945 : les trente-sept modifications qu’elle a subies l’ont rendue illisible et incohérente !
En prétendant qu’elle est efficace, vous vous livrez à un exercice solitaire !
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen et écologiste.
Il s’agit d’un sujet très important. Tous ceux qui sont concernés, tant les magistrats et les professionnels de l’enfance que les élus locaux, plaident clairement pour la résorption de cette incohérence et de cette illisibilité ! Quant aux victimes, elles en ont assez d’attendre des procès trop tardifs. Nous allons en effet améliorer les choses et n’avons pas besoin de votre secours !
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen, radical, républicain, démocrate et progressiste, écologiste et de la gauche démocrate et républicaine – Les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen et plusieurs députés des groupes radical, républicain, démocrate et progressiste, écologiste et de la gauche démocrate et républicaine se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question s’adresse aussi à vous, madame la garde des sceaux, mais un peu différemment ! La Cour européenne des droits de l’Homme a condamné l’an dernier le refus de la France de transcrire à l’état-civil les actes de naissance d’enfants nés à l’étranger dans le cadre d’une gestation pour autrui. La Cour fonde sa condamnation sur la violation par la France de l’article 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant, relatif au respect de leur vie privée.
L’assemblée plénière de la Cour de cassation a été saisie de ce dossier complexe car deux décisions lui ont été déférées, l’une positive, l’autre négative. À l’audience, M. le Procureur général a d’abord rejeté la transcription automatique, estimant qu’elle équivaut à une reconnaissance de la GPA alors même qu’elle est interdite en France.
Mais M. le Procureur général, principal représentant en France du parquet et par là-même des intérêts de la société, a également proposé une retranscription sous conditions, compte tenu de la condamnation de la CEDH, consistant à retenir uniquement le lien de filiation biologique au père à condition que celui-ci soit incontestablement établi.
On peut s’interroger sur cette position car elle pourrait amener à fonder l’inscription sur les liens du sang et non sur le droit du sol. Quelle est donc la position du gouvernement français ? Compte tenu des arrêts rendus par la CEDH, compte-t-il s’opposer à toute demande de retranscription ou compte-t-il attendre les décisions de la Cour de cassation qui seront rendues le 3 juillet prochain ? Ne serait-il pas opportun de prendre l’initiative d’une conférence internationale sur la GPA ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Vous conviendrez, monsieur le député Tourret, qu’il est délicat de discuter maintenant du sujet que vous évoquez puisque la Cour de cassation, qui est la plus haute juridiction de notre ordre judiciaire, se prononcera en effet le 3 juillet. Elle s’est en effet réunie le 19 juin et M. le Procureur général a émis certaines réquisitions dont vous avez fait état. Elle doit en effet se prononcer sur deux pourvois issus d’une affaire antérieure aux arrêts de la CEDH. L’un d’entre eux rejette la transcription de l’acte de naissance d’un enfant et l’autre, postérieur aux arrêts, l’autorise. La Cour de cassation examine donc deux décisions contradictoires. Le Gouvernement a bien l’intention de s’inspirer de sa décision pour déterminer les modalités d’exécution des arrêts de la CEDH.
Le sujet est complexe en raison de la confrontation d’un principe, d’une norme et d’un droit, tous trois fondamentaux. Du principe d’ordre public, absolu, découle la norme de l’interdiction de la gestation pour autrui. En regard, les enfants ont droit à l’identité et à la vie privée au titre de l’article 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant, comme l’a rappelé la CEDH. Nous tiendrons compte de la décision de la Cour de cassation.
Par ailleurs, en matière d’action internationale, la France est très active dans la conférence de droit privé qui se tient actuellement à La Haye. C’est en tenant compte de ces nécessaires conciliations que nous veillerons à faire au mieux.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la garde des sceaux, le 12 juillet 2013, il y a deux ans, une catastrophe ferroviaire tragique frappait notre pays. Nous avons tous en mémoire la violence des images de ce train Paris-Limoges encastré dans le quai de la gare de Brétigny-sur-Orge. Sept personnes y ont laissé la vie, soixante-dix ont été blessées, dont neuf étaient dans un état grave. À la suite de cette catastrophe, des experts ont été mandatés ; leur rapport dénonce l’état de délabrement avancé des voies autour de Brétigny-sur-Orge et sur d’autres parties du réseau.
Face à ce constat, j’ai demandé un audit général des infrastructures ferroviaires en Île-de-France mais, malgré la gravité des faits, ma demande a été rejetée par votre majorité au Syndicat des transports d’Île-de-France. Et voilà que la semaine dernière, le quotidien Le Parisien nous apprend que les juges chargés de l’enquête demanderaient à être dessaisis parce qu’on ne leur donne pas les moyens de faire leur travail. Si cette information est vraie, elle est profondément choquante. La confirmez-vous ?
Les victimes, les familles et les millions de voyageurs qui prennent le train chaque jour ont droit à toute la vérité sur cette tragédie : que s’est-il passé à Brétigny ? Tirer les leçons de ce drame pour en éviter de nouveaux, c’est notre responsabilité et c’est notre devoir. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour que la justice puisse faire son travail ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la députée, c’est un drame douloureux qui nous a frappés. Vous vous souvenez combien nous étions tous choqués, parce que nous avions perdu l’habitude dans notre pays d’être confrontés à des tragédies de cette nature, avec autant de victimes.
La justice a été saisie ; le ministère de la justice a immédiatement veillé à ce que la prise en charge des nombreuses victimes soit assurée dans les meilleurs délais. Le Premier ministre s’est déplacé, le ministre des transports s’est déplacé (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)…
Je me suis moi-même déplacée, et nous avons veillé à nous assurer que tous les moyens soient déployés. Les moyens ont été donnés au tribunal d’Évry.
Il se trouve que les juges d’instruction ont saisi le procureur au début de l’année pour demander à être dessaisis de la procédure. Entre-temps, ils ont en effet estimé que cette procédure lourde et complexe – même s’ils veillaient bien sûr à informer les victimes – pouvait être transférée à Paris. En effet, j’ai créé en décembre 2014 deux pôles spécialisés en matière d’accidents collectifs, l’un à Paris et l’autre à Marseille – au titre, d’ailleurs, de la loi de 2011, qui n’avait pas encore été appliquée.
Ces deux pôles ont bien entendu été dotés des effectifs de magistrats et de greffiers nécessaires pour fonctionner. De même, nous avons fait une avance en frais de justice auprès du tribunal d’Évry pour assurer le traitement de cette procédure. Il revient aux chefs de cour de décider de la délocalisation d’une procédure. Nous mettons les moyens, mais nous ne pouvons pas prendre la décision de dessaisir une juridiction pour transférer la procédure à Paris. Les renforts nécessaires ont néanmoins été prévus au cas où cette délocalisation serait décidée. Dans le cas contraire, j’ai déjà fait savoir qu’au besoin, nous apporterions dans les tout prochains jours le complément par la nomination d’un juge d’instruction supplémentaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Claude Buisine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
Depuis plus de deux ans et demi, le Gouvernement a engagé une politique active de lutte contre la fraude fiscale particulièrement efficace. C’est ainsi qu’au titre de 2014, le montant des redressements s’est élevé à près de 20 milliards d’euros, chiffre en hausse par rapport aux années précédentes. Dès 2012, notre majorité s’est engagée dans une lutte déterminée contre toutes les catégories de fraudes, avec succès. Alors que d’importants efforts sont fournis par nos concitoyens pour avancer sur le chemin du redressement économique et financier, la fraude, l’évasion et les abus en matière fiscale sont plus que jamais intolérables.
Chers collègues, faut-il le rappeler, après un quinquennat Sarkozy marqué par l’explosion vertigineuse de la dette – plus de 600 milliards –…
…notre majorité réduit, elle, chaque année le déficit public de notre pays.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La lutte contre toutes les fraudes est au coeur de notre politique : 10 milliards d’euros de recettes ont ainsi été encaissés au titre de la lutte contre la fraude fiscale.
De nouveaux fronts décisifs mobilisent aujourd’hui notre majorité et les administrations : la lutte contre la fraude à la TVA et la fraude documentaire, et bien sûr la lutte contre le financement du terrorisme.
Monsieur le secrétaire d’État, les résultats obtenus dans la lutte contre la fraude permettent de financer la nouvelle donne fiscale voulue par notre majorité : la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu permettra dès cette année d’exonérer ou de réduire l’impôt de 9 millions de ménages des classes populaires et des classes moyennes ; la mise en place du prélèvement à la source simplifiera la vie des Français.
De nouvelles mesures de lutte contre la fraude ont été annoncées ce matin, notamment en matière de lutte contre le travail illégal…
Merci, monsieur Buisine.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
Monsieur le député, merci de rappeler ces résultats qui doivent nous conduire non seulement à nous réjouir, mais aussi à chercher les voies et moyens pour continuer à progresser.
Ces bons résultats sont dus à trois éléments. Tout d’abord, la mutualisation de plus en plus importante de l’ensemble des administrations de l’État et des ministères. Police, douane, Direction générale des finances publiques, Tracfin, tout le monde travaille ensemble, et cela produit des résultats.
Ensuite, la pression nationale et internationale qui s’exerce de plus en plus, notamment, sur ceux qui utilisent des comptes et omettent, si j’ose dire, de déclarer leurs avoirs à l’étranger. Soixante et un pays ont signé des accords ; les choses progressent, et c’est cette pression nationale et internationale qui conduit à ces déclarations « spontanées » qui donnent lieu à des recouvrements très importants.
Le troisième élément, ce sont les outils législatifs que vous nous avez donnés en renforçant les sanctions, en donnant plus de pouvoirs à nos administrations. Nous irons là aussi plus loin en vous proposant d’approfondir et de généraliser les systèmes de data mining, mais aussi la lutte contre les logiciels frauduleux qui permettent à certains d’éviter la TVA.
J’entends quelques esprits chafouins
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
prétendre que nos meilleurs résultats seraient liés à l’explosion de la fraude. Je ne sais si c’est vrai,
« Cahuzac ! » sur les bancs du groupe Les Républicains
mais j’ose une métaphore. Lorsque la pêche est bonne, c’est souvent pour plusieurs raisons – les poissons sont peut-être plus nombreux, les pêcheurs sont peut-être plus habiles. Mais il en va de la lutte contre la fraude comme des poissons : lorsque les prises sont importantes, l’espèce peut être menacée.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Merci, monsieur le président. Avant toute chose je voudrais saluer ici la ministre des outre-mer et lui souhaiter un bon et prompt rétablissement.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie. Le 7 octobre dernier, j’alertais la ministre des outre-mer sur la situation préoccupante que connaissent nos populations ultramarines du fait de la présence des algues sargasses. La ministre – je veux l’en remercier ici – m’avait alors informé de la mise en place d’une aide opérationnelle pour aider les communes à ramasser ces algues ainsi que de la mise à disposition, par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – l’ADEME – en Martinique, de crédits d’investissements orientés vers des équipements permettant une meilleure valorisation de ces algues. Néanmoins, ces mesures n’ont pas permis d’améliorer une situation qui s’est dégradée par la suite.
C’est pourquoi, madame la ministre, lors du débat du 16 mars 2015 sur la biodiversité, je vous ai demandé que l’état de catastrophe naturelle soit décrété. Je sais, et je tiens également à vous en remercier, que vous vous êtes saisie de ce dossier pour tenter de trouver des moyens réels et cohérents d’endiguer ce phénomène.
Toutefois, si je reviens vers vous aujourd’hui, c’est parce que ce phénomène a franchi un nouveau palier, comme le montrent les photos aériennes qui nous ont été transmises. À la veille de la saison touristique, le nouveau cap qui va être franchi risque de fragiliser encore davantage l’économie martiniquaise et, plus encore, de poser de graves problèmes de santé publique tout en dégradant l’ensemble de la biodiversité : ce sont en effet 180 hectares de sargasses et quelque 60 000 tonnes de matière sèche en voie de putréfaction qui sont disséminées le long des côtes antillaises.
Madame la ministre, lors de la crise des algues vertes de 2010, le gouvernement de l’époque avait dégagé près d’un milliard d’euros, l’état de catastrophe naturelle avait été déclaré et une mission interministérielle sur la gestion du risque avait été mise en place pour lutter contre la prolifération du phénomène. Je pense que le Gouvernement devrait faire de même avec la Martinique, la Guadeloupe et, plus largement, avec les Antilles françaises.
C’est pourquoi, madame la ministre, je vous demande que l’état de catastrophe naturelle soit décrété et qu’une mission interministérielle soit mise en place sur ce sujet.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser Ségolène Royal, qui m’a chargé de vous répondre.
Effectivement, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane subissent d’importants échouages de sargasses : on dénombre 60 000 tonnes de matière sèche. Pour lutter contre ce phénomène naturel, qui engendre des nuisances et menace l’économie des Antilles, vous l’avez rappelé, la ministre de l’écologie a annoncé le 7 mai un plan d’action en trois volets.
Ce plan a d’abord pour objet d’améliorer la connaissance pour anticiper et agir à la source. Le centre de ressources du protocole relatif aux zones et à la vie sauvage spécialement protégées de la zone Caraïbe – SPAW – est chargé d’un travail sur la connaissance et les origines des impacts et des moyens de contrôle des algues brunes.
Il a également pour finalité de soutenir l’effort des collectivités pour ramasser les sargasses et nettoyer le littoral. Des brigades vertes, vous le savez, sont en cours de constitution, avec deux intercommunalités, en Martinique, qui recruteront respectivement 64 et 24 emplois aidés entièrement financés par l’État. Dans cette attente, et compte tenu des arrivées de sargasses de cette semaine, que vous avez mentionnées, le préfet de Martinique a déployé des engins pour ramasser les sargasses mécaniquement, en complément, bien entendu, des efforts des collectivités.
Le troisième objectif poursuivi par ce plan consiste à mettre en place les infrastructures de gestion et de valorisation des sargasses. Un appel à projet a été lancé par l’ADEME, en Martinique, à hauteur de 1,5 million d’euros. Les lauréats de cet appel ont été désignés ; les contrats sont en cours de signature. Un complément de 800 000 euros est prévu pour la Guadeloupe.
Vous avez demandé la mise en place de l’état de catastrophe naturelle. Le Gouvernement est naturellement en train d’engager un dialogue avec les assureurs pour l’application de cette revendication.
Vous le voyez, le suivi de ce problème, qui est véritablement très sérieux pour vos départements, est assuré.
Monsieur le Premier ministre, l’agression s’est produite dans la nuit de samedi à dimanche, à Lyon. Il est deux heures du matin, un jeune homme de 26 ans demande à un taxi de le conduire chez lui, mais le chauffeur affirme être en grève et refuse de le prendre en charge. L’usager décide d’appeler un UberPop. Il est alors directement pris à partie par plusieurs chauffeurs de taxi, qui l’agressent violemment. Le jeune homme reçoit plusieurs coups de poing au visage, qui se traduisent par 21 jours d’incapacité temporaire de travail.
Monsieur le Premier ministre, la tension entre les chauffeurs de taxi et les conducteurs de voiture de tourisme avec chauffeur – les VTC – est à son comble. Plusieurs conducteurs de VTC ont porté plainte ces derniers jours après avoir été agressés par des taxis à Strasbourg, Nice ou Lille. D’après la presse, rien que la semaine dernière, en France, une centaine de faits de violence grave auraient été commis par des chauffeurs de taxi à l’encontre de chauffeurs ou de clients de VTC.
Monsieur le Premier ministre, la loi du 1er octobre 2014, dite « Thévenoud », ambitionnait de créer un équilibre entre des règles de développement pour les VTC et des efforts nécessaires de modernisation pour les taxis, ainsi qu’un encadrement de cette profession pour parvenir à une concurrence loyale.
Votre stratégie est d’abord un échec politique
Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
puisqu’elle débouche sur des violences inacceptables dans les rues de France et qu’à ce jour, aucune juridiction n’a estimé que le service UberPop était illégal.
Votre stratégie est un échec économique : la commission Thévenoud avait estimé à 70 000 la création d’emplois dans le secteur des VTC. Résultat, au bout de six mois, vos services en déclarent très exactement 215, alors que, parallèlement, environ 1 500 demandes de dossier sont enregistrées par semaine chez les compagnies de VTC.
Votre stratégie est ensuite un échec écologique : comment comprendre que vous interdisiez aux VTC de rouler en véhicule électrique et que vous les obligiez à retourner à leur garage entre deux courses ?
Enfin, elle est un échec social. On parle d’un million et demi d’utilisateurs par mois en France. Beaucoup de chauffeurs sont des jeunes, souvent issus de quartiers difficiles, qui étaient auparavant éloignés de l’emploi.
Monsieur le Premier ministre, qu’allez-vous faire pour mettre enfin un terme à ces violences et pour régler le problème ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, votre question repose sur une confusion. La loi du mois d’octobre, à laquelle vous faites référence, issue d’une proposition déposée par un parlementaire (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)…
…définissait les conditions d’exercice des professions de taxi et de VTC. Ce qui est en cause aujourd’hui, ce ne sont pas les entreprises de VTC, qui acquittent des charges sociales et fiscales, c’est l’activité conduite par la société UberPop, qui met dans des véhicules des chauffeurs, parfois sans permis, sans que ni ces derniers ni cette entreprise n’acquittent la moindre charge sociale et fiscale.
Si je comprends bien votre question, vous considérez que, face aux VTC et aux chauffeurs de taxi, il faudrait, en instaurant la dérégulation la plus pure, accepter que des activités soient soumises à une concurrence déloyale et que certains n’acquittent aucune charge sociale et mènent leur activité dans l’illégalité, alors que, depuis la loi en question, des taxis et des VTC acquittent des charges sociales et fiscales dans le cadre d’une concurrence loyale.
Telle n’est pas la doctrine du Gouvernement.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le Gouvernement considère qu’UberPop est en situation d’illégalité absolue, que le droit doit passer et que les règles de la concurrence doivent être respectées. C’est la raison pour laquelle nous prenons un certain nombre de dispositions pour que cessent ces troubles à l’ordre public, qui résultent de la conduite d’une activité manifestement illégale par une société qui enfreint le droit. Comment allons-nous le faire ? Nous allons le faire en multipliant les réunions des comités opérationnels départementaux anti-fraude pour que des poursuites soient engagées à l’encontre de ceux qui n’acquittent aucune charge, qu’elle soit sociale ou fiscale.
Nous allons le faire par une circulaire adressée aux procureurs par la garde des sceaux, leur demandant de déclencher systématiquement l’action publique. Nous allons le faire en saisissant le CSA, de manière à ce qu’il condamne des publicités mensongères qui, elles aussi, visiblement, enfreignent le droit. Je suis même prêt à aller plus loin, en prenant toute disposition…
La parole est à M. Serge Janquin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international. J’y associe mon collègue Razzy Hammadi, président du groupe d’amitié France-Mali.
Monsieur le ministre, samedi 20 juin, l’accord de paix et de réconciliation pour le Mali, négocié depuis plus d’un an à Alger, et pour lequel se sont personnellement impliqués les présidents algérien et français, a enfin été signé par la Coalition des mouvements de l’Azawad. Cela signifie que le conflit qui ensanglante le Mali depuis janvier 2012 a pris fin. L’engagement de toutes les parties prenantes maliennes en faveur de la réconciliation, la médiation algérienne, l’action de la France et de l’ONU ont porté leurs fruits.
À la demande du peuple malien, qui craignait pour sa sécurité, la France a pris ses responsabilités. Dès janvier 2013, l’opération Serval a eu pour but de protéger les populations et de lutter contre le joug terroriste. La France est toujours présente dans la région grâce à la mission Barkhane. La France participe à la MINUSMA –mission multidimensionnelle des Nations unies pour la stabilisation au Mali – qui est déployée depuis un an. Vous faites en sorte que l’aide européenne au maintien de la paix soit prorogée, voire accrue, et je tiens ici à saluer le courage de nos soldats, comme chacun de nous sur tous les bancs de cette assemblée, j’en suis persuadé.
Il est indispensable que la France continue de soutenir la MINUSMA. Des officiers de la mission Barkhane seront rattachés à son état-major, qui compte aujourd’hui plus de 10 000 militaires et policiers. La signature des accords de paix, qui a été rendue possible grâce à la mobilisation de chacun, doit en effet être suivie de faits concrets afin que la paix revienne dans cette partie de l’Afrique. Elle ne sera pérenne que si toutes les parties honorent leurs engagements.
Monsieur le ministre, ainsi que vous l’avez récemment exprimé : « Renforcer l’ONU, c’est renforcer notre propre sécurité. S’impliquer en faveur de la paix durable au Mali, c’est aussi renforcer notre sécurité. »
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
J’ai encore le souvenir de cet après-midi du mois de janvier 2013, lors duquel le Président de la République, alors que j’étais à ses côtés, a reçu un appel du président de transition malien, comme on l’appelait alors, M. Traoré. Celui-ci lui a dit en substance que la France était un des rares pays à avoir donné l’alerte durant des mois sur la situation du Mali, que des groupes terroristes roulaient sur Bamako et qu’il demandait à la France d’intervenir car elle était le seul pays à disposer des forces militaires pour le faire. Il a ajouté que si nous notre pays ne le faisait pas, les terroristes prendraient bientôt le Mali et qu’il serait mort. Le Président de la République a pris sa décision. C’était en janvier 2013.
Près de deux ans et demi après cet appel, les terroristes ont été repoussés, une élection présidentielle puis des élections législatives ont eu lieu dans des conditions parfaitement régulières, le Mali a repris son développement et enregistré l’année dernière un taux de croissance de 7 %. Enfin, samedi dernier, les groupes du nord du pays ont signé un accord avec le sud pour le retour de la démocratie.
La diplomatie et les forces militaires n’ont pas toujours le succès escompté. Cette fois-ci, cependant, le succès a été au rendez-vous à la fois pour le Mali, pour la communauté internationale, pour la France. Il faudra bien sûr le prolonger par la présence de toute une série d’acteurs, par la décentralisation, le développement économique et le soutien, y compris aux Nations unies. Ce succès aura néanmoins été possible grâce à vous, et je pense qu’on peut aujourd’hui le saluer.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. François de Mazières, pour le groupe Les Républicains.
Ma question s’adressait à M. le Premier ministre ; en l’absence de celui-ci, je la poserai à Mme Lebranchu.
Madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, vous avez répondu tout à l’heure à l’un de nos collègues sur le budget des collectivités territoriales en affirmant que l’effort demandé à ces dernières était le même que celui qui était requis de l’État.
Tout d’abord, madame la ministre, les élus que nous sommes examinent les budgets. Nous constatons que le budget de l’État représente 373 milliards d’euros, que l’effort demandé s’élève à 7,7 milliards d’euros soit 2,06 %. Que demandez-vous aux collectivités territoriales ? L’ensemble des dotations qui leur sont versées, la célèbre dotation globale de fonctionnement, représente 37 milliards d’euros, et vous demandez un effort de 3,7 milliards d’euros, soit 10 %, ce qui est cinq fois celui de l’État.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Cela n’a rien à voir !
Ensuite, madame la ministre, vous avez déclaré tout à l’heure que la solution c’était la péréquation. Je vous invite à vous présenter devant nous avec la circulaire en main et à nous expliquer le mécanisme, car il est absolument incompréhensible.
Par conséquent, votre gouvernement se rend responsable d’une faute historique : l’irresponsabilité généralisée. En effet, les maires qui font l’objet d’une péréquation très violente sont contraints de ralentir leurs investissements, parfois même de réduire le budget alloué à la culture, ce qui me paraît une erreur. Le choc est violent. Et on ne sait même pas pourquoi on nous prend de l’argent !
Madame la ministre, il nous faut de la transparence, une vraie transparence, pas de l’enfumage. Dites-nous à quoi sert la péréquation dans chacune des communes bénéficiaires !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.
Monsieur le député, vous avez cité beaucoup de chiffres ; j’en citerai à mon tour quelques-uns.
Premièrement, la dépense publique globale dans notre pays est de l’ordre de 1 250 milliards d’euros. La dépense publique locale représente 250 milliards d’euros, soit 20 % de ce total. Dans le cadre d’un plan d’économies de 50 milliards d’euros sur trois ans lancé par le Gouvernement pour réduire les déficits, nous demandons aux collectivités locales un effort de 11 milliards d’euros, ce qui représente 20 % du total.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Deuxièmement, monsieur le député, les 3,670 milliards d’euros d’économies par an que nous demandons aux collectivités locales représentent 1,6 % de leurs recettes totales ; c’est beaucoup, c’est trop quand on est maire, mais ce n’est pas l’étranglement que vous décrivez.
Troisièmement, vous avez demandé à quoi servait la péréquation, monsieur le député. La péréquation a pour objet de faire jouer la solidarité entre les plus riches et les moins favorisés, entre les communes les plus en difficulté et celles qui ont des recettes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ce sont la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et la dotation de solidarité rurale ; c’est la solidarité ! On aide plus ceux qui sont en difficulté et on demande aux collectivités les plus favorisées de participer à cet effort.
J’en viens à mon dernier élément de réponse, monsieur le député. Nous partageons l’inquiétude des maires au sujet des difficultés en matière d’investissement. Le Premier ministre a réuni à plusieurs reprises les représentants d’associations ; Marylise Lebranchu et moi-même les recevons chaque semaine. Nous avons pris des mesures en matière de compensation de la TVA et en ce qui concerne la dotation d’équipement des territoires ruraux. D’autres mesures pourront être annoncées en juillet lors d’une rencontre avec l’Association des maires de France.
L’investissement public local, qui représente 70 % de l’investissement public en France, est un sujet auquel nous sommes très attentifs et sur lequel nous sommes très vigilants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Maud Olivier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à madame la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.
Notre assemblée a réaffirmé la position abolitionniste de la France en adoptant largement en deuxième lecture, le 12 juin dernier, la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Cette proposition de loi est le produit d’une longue réflexion transpartisane enrichie depuis deux ans par la navette parlementaire. Nous renvoyons aujourd’hui ce texte aux sénatrices et sénateurs, qui sauront, nous l’espérons, le faire aboutir.
Cette proposition de loi répond, plus que jamais, à une urgence sanitaire et sociale. Pour celles et ceux que les arguments progressistes et humanistes ne convaincraient pas, selon l’étude ProstCost, le chiffre d’affaires de la prostitution en France serait de 3,2 milliards d’euros et son coût économique et social supporté par notre pays de 1,6 milliard d’euros par an. Ce chiffre est révélateur de la nécessité d’investir dans la prévention, dans le développement d’une politique de sortie de la prostitution, dans la répression du proxénétisme et dans le découragement de la demande.
La proposition de loi, outil essentiel pour compléter les moyens législatifs d’action contre la traite des êtres humains, ne saurait être effective sans des moyens budgétaires complets. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer l’engagement financier du Gouvernement, dans le projet de loi de finances pour 2016, quant au plan d’action national contre la traite des êtres humains et, plus spécifiquement, pour le parcours de sortie des victimes de la prostitution ?
La lutte contre le système prostitutionnel a fait l’objet d’un très fort engagement du Gouvernement. Les personnes prostituées, les associations et la société civile attendent ce texte. Compte tenu de l’urgence qui entoure ce sujet, quels seront les délais, selon vous, pour voir enfin cette proposition de loi définitivement adoptée par nos deux assemblées et effectivement mise en oeuvre ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.
Comme je m’y étais engagée ici même et comme vous l’avez souligné, madame la députée, la proposition de loi visant à la lutte contre le système prostitutionnel et à la protection de ses victimes a considérablement avancé. Le Sénat l’a examinée en première lecture en mars dernier, puis votre assemblée l’a adoptée le 12 juin en deuxième lecture.
Je veux saluer à cet égard l’engagement et le travail des députés sur l’ensemble de ces bancs : ils ont permis l’adoption d’un texte équilibré et de qualité.
Le Sénat est à nouveau saisi de ce sujet. La rapporteure, Mme Michelle Meunier, travaille à l’inscription rapide du texte à l’ordre du jour et nous soutenons les démarches des sénateurs et sénatrices en ce sens. Il est en effet essentiel que les mesures visant à réduire la demande, donc la traite et le proxénétisme qu’elle suscite, soient mises en oeuvre rapidement, tout comme les dispositifs améliorant la protection des personnes prostituées, désormais considérées comme des victimes du système prostitutionnel et non comme des délinquantes.
Une partie du budget dont j’ai la responsabilité est d’ores et déjà dédiée à la prévention et à la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains. À ce sujet, je tiens à saluer le travail de grande qualité que les associations réalisent sur le terrain. Elles aspirent à ce que cette loi et les outils qu’elle comporte soient rapidement adoptés. Je suis moi-même allée en maraude avec l’Amicale du Nid et dans des centres d’hébergement protégés à Paris pour être à leurs côtés et pour observer leur travail. Je sais la violence du quotidien des personnes prostituées et l’urgence qu’il y a à lui apporter une réponse, comme, plus globalement, aux violences faites aux femmes. Plusieurs ministères sont concernés, notamment ceux de l’intérieur, de la justice, de la santé et du logement. L’adoption de la proposition de loi renforcera encore notre partenariat.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour le groupe Les Républicains.
Madame la ministre de l’éducation nationale, vous préparez une circulaire sur les sections d’enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA, qui s’adressent aux élèves en grande difficulté à la fin de l’école primaire.
Adossées à un collège, ces sections offrent un parcours adapté et individualisé à partir de la sixième. Les classes ont un effectif restreint – seize élèves – et l’enseignement est dispensé par des professeurs des écoles spécialisés et des professeurs de lycée professionnel. En plus de l’enseignement général, les élèves découvrent les métiers sur des « plateaux techniques » et effectuent des stages. L’objectif est qu’ils intègrent avec succès en fin de troisième un enseignement professionnel de type CAP – certificat d’aptitude professionnelle.
Les SEGPA, madame la ministre, ont fait la preuve de leur efficacité. Or, vous voulez que désormais les élèves en grande difficulté détectés en CM2 commencent par intégrer une classe de sixième ordinaire à l’entrée au collège.
Comment les professeurs de sixième pourront-ils enseigner à une classe composée d’élèves présentant des différences de niveau considérables ? Comment, dans des classes à vingt-neuf, suivre les programmes en s’occupant d’élèves en grande difficulté sans freiner la progression des autres ?
Madame la ministre, sous le prétexte d’inclure ces élèves en milieu ordinaire, vous vous apprêtez à les exclure de la réussite en cassant un système qui marche.
Pour vous, l’égalité en matière d’éducation, c’est la grisaille de l’uniformité et le nivellement par le bas. Pour nous, c’est la chance offerte à chaque enfant de donner le meilleur de lui-même, de trouver sa voie et sa place dans la société.
Madame la ministre, allez-vous renoncer à ce projet purement idéologique et nuisible ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Contrairement à ce que vous venez de prétendre, monsieur le député, la réforme du collège n’a absolument pas oublié les SEGPA. Le décret et l’arrêté, dont nous avons d’ailleurs beaucoup parlé, les mentionnent en termes très clairs. « Au sein d’un collège plus inclusif, la section d’enseignement général et professionnel adapté, bien identifiée comme structure, permet aux élèves éprouvant des difficultés graves d’être mieux pris en compte dans le cadre de leur scolarité », précise le décret.
Les élèves de SEGPA bénéficieront donc de la nouvelle organisation du collège, c’est-à-dire, comme tous les autres collégiens, des enseignements pratiques interdisciplinaires et de l’accompagnement personnalisé, qui permet un meilleur suivi, plus individualisé.
La SEGPA est une structure qui a toute sa place dans le traitement de la difficulté scolaire et dans la lutte contre le décrochage scolaire. Si elle a montré son efficacité – et je redis ici mon attachement à ce dispositif –, elle doit cependant évoluer pour être plus efficace : évoluer, par exemple, pour améliorer la transition entre la fin de l’école primaire et le début du collège ; évoluer aussi pour garantir le droit, pour chaque élève, non seulement d’être scolarisé dans les mêmes conditions que les autres, mais aussi de se rapprocher le plus possible des autres en multipliant les moments où les élèves qui appartiennent à ces sections et ceux qui n’y appartiennent pas se retrouvent ensemble.
Pour ces raisons, une circulaire sera publiée très prochainement, qui viendra remplacer des dispositions remontant à 2009 et visera à conforter l’existence les moyens et des SEGPA, à garantir une meilleure inclusion des élèves au sein des établissements scolaires et à mieux définir l’orientation et les modalités d’admission des élèves dans ces sections.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.
Le président de l’Assemblée nationale a reçu du président du Conseil constitutionnel une lettre l’informant que la requête dirigée contre l’élection au Sénat de M. Alain Marc a été rejetée par une décision en date du 18 juin 2015. En conséquence, en application de l’article LO 137 du code électoral, il est pris acte de la vacance du siège de la troisième circonscription de l’Aveyron.
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (nos 2725, 2870).
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires étrangères et rapporteure de ce texte, mesdames et messieurs les députés, votre assemblée examine aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, signé le 6 février 2015.
Vous le savez, le Maroc est l’un des États d’Afrique avec lequel la France a le plus d’échanges en matière d’entraide pénale, notamment dans la lutte contre le trafic international de stupéfiants et contre le terrorisme. Le Maroc a souhaité suspendre cette relation pendant un an, pour les raisons que vous connaissez tous, avec des conséquences préjudiciables.
Le dialogue étroit et constant que nous avons maintenu avec les autorités marocaines a fort heureusement abouti, le 31 janvier dernier, à un accord entre les deux ministres de la justice. Sous l’impulsion du Président de la République François Hollande et du roi Mohammed VI, le partenariat d’exception qui nous unit au Maroc a retrouvé sa pleine vigueur. J’en profite pour saluer le rôle précieux joué par la diplomatie parlementaire dans cette dynamique et le travail exemplaire de la commission des affaires étrangères et du groupe d’amitié.
Un calendrier dense de contacts politiques a permis, durant les six derniers mois, de renouveler et d’approfondir notre coopération dans tous les domaines. Se sont succédé les visites en France des ministres marocains de la justice et des libertés, de la communication, des finances, de l’éducation nationale et de la formation professionnelle et de l’environnement, tandis que les ministres français des affaires étrangères, de l’intérieur, des finances et des comptes publics se sont rendus au Maroc.
La rencontre de haut niveau, présidée par les deux chefs de gouvernement, a réuni à la fin du mois de mai vingt-deux ministres français et marocains et a illustré, à travers la signature d’une vingtaine d’accords, la densité du partenariat franco-marocain.
Mesdames et messieurs les députés, avec la ratification de ce texte, nous ne ferons que confirmer et renforcer les liens de confiance et d’amitié qui président à la relation franco-marocaine. C’est indispensable dans le contexte sécuritaire que nous connaissons.
Je connais les interrogations soulevées à l’occasion de l’examen en commission. Pour y répondre, je rappellerai les clarifications apportées par le ministre des affaires étrangères et du développement international lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, le 9 juin.
Le principal objectif de ce texte est de mettre en place un nouveau mécanisme d’information immédiate et de recueil d’informations. Ce texte ne vise qu’à favoriser et à fluidifier les échanges entre les autorités françaises et marocaines. C’est essentiel pour un travail efficace de la justice.
Ce texte est évidemment conforme au principe de séparation des pouvoirs et à l’indépendance de l’autorité judiciaire, consacrés par la Constitution. Soyons clairs, le dispositif ne prévoit aucun mécanisme de dessaisissement du juge français au profit du juge marocain ou du juge marocain au profit du juge français. Le juge, initialement saisi, recueille, par le biais des autorités centrales, des observations et informations auprès du juge de l’autre partie ; au vu des éléments éventuellement transmis, il détermine les suites à donner à la procédure. Si le texte prévoit que la clôture ou le renvoi doivent être prioritairement envisagés, c’est en raison des éléments d’extranéité de la procédure, pour une meilleure administration de la justice. Excepté si le juge français décide de clore la procédure, celui-ci reste saisi du dossier, puisque le renvoi éventuel est effectué par une dénonciation officielle des faits qui ne dessaisit pas le juge. Néanmoins, l’autorité judiciaire conserve en toutes hypothèses la possibilité de poursuivre la procédure, notamment par souci d’efficacité des investigations à mener ou pour éviter toute impunité. Contrairement à ce qui a pu être allégué, la poursuite de la procédure n’est pas limitée à l’absence de réponse ou au cas d’inertie de l’autre partie.
Ce texte est également conforme à nos engagements internationaux, notamment aux règles applicables en matière de compétence quasi universelle. Il ne crée pas, je le répète, de mécanisme de dessaisissement ou de subsidiarité. Le juge initialement saisi demeure toujours libre de décider des suites qu’il entend donner à la procédure. L’article 23 bis rappelle d’ailleurs que le dispositif de coopération et d’échanges s’inscrit dans le cadre des engagements respectifs de la France et du Maroc, pour contribuer à la bonne mise en oeuvre des conventions internationales qui les lient.
Le nouvel article ne porte aucune atteinte au droit à un recours effectif des victimes françaises et étrangères de crimes et délits commis au Maroc. Bien au contraire, l’objectif de ce nouveau dispositif est de permettre une meilleure administration de la justice et la conduite efficace et diligente des procédures. En effet, la pratique démontre que les procédures menées en France pour des faits commis à l’étranger sont souvent longues et complexes, dans la mesure où les éléments de preuve se trouvent majoritairement hors du territoire national et nécessitent des demandes d’entraide. Le mécanisme introduit par l’article 23 bis, qui facilite l’échange d’information entre les parties, contribuera à l’efficacité de la conduite des procédures, tout en préservant les critères de compétence des autorités judiciaires initialement saisies.
Enfin, et je sais que c’est un sujet d’interrogation, le ministre Laurent Fabius l’a dit clairement : le texte s’applique aux binationaux. Si une procédure est engagée en France par un ressortissant marocain, franco-marocain ou d’une nationalité autre que française et marocaine, contre un ressortissant marocain ou franco-marocain pour des faits commis au Maroc, l’autorité judiciaire française recueille dès que possible auprès de l’autorité judiciaire marocaine ses observations ou informations.
Le juge marocain pourra prendre les mesures qu’il juge appropriées, y compris l’ouverture d’une procédure. Le juge français, au vu des observations ou informations éventuellement reçues de son homologue marocain, déterminera pour sa part les suites qu’il donne à cette procédure : cela peut être le renvoi au juge marocain sous la forme d’une dénonciation officielle des faits, la clôture ou la poursuite de la procédure. La réciproque vaut bien sûr pour le cas de procédures engagées au Maroc pour des faits commis en France.
Mesdames et messieurs les députés, le Maroc est un pays ami de la France. C’est un partenaire stratégique, avec lequel nous entretenons une relation d’amitié profonde et historique. C’est un allié dans la lutte contre le terrorisme.
Face aux enjeux régionaux de sécurité, de stabilité et de développement en Méditerranée et au-delà, la France et le Maroc ont plus que jamais besoin l’un de l’autre. Garantir une circulation plus rapide et efficace de l’information en matière pénale, assurer une meilleure administration de la justice, renforcer la coopération judiciaire avec un de nos principaux partenaires au sud de la Méditerranée : autant de raisons pour approuver ce texte, dans le respect le plus total de notre Constitution et de nos engagements internationaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Élisabeth Guigou, présidente et rapporteure de la commission des affaires étrangères.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le savons, la France et le royaume du Maroc entretiennent des relations exceptionnelles. Nul besoin de remonter très loin dans l’histoire pour se souvenir que, durant la Seconde guerre mondiale, le Maroc est venu en aide à la France. Au lendemain de la Débâcle, le futur roi Mohammed V déclarait : « Nous sommes les amis de la France. Il est dans la nature ni du musulman ni du Marocain de trahir les engagements de l’amitié. Que le Gouvernement français se rassure en ce qui concerne le Maroc ». De fait, les sacrifices marocains n’ont pas manqué jusqu’à la libération totale de notre territoire, à commencer par la libération de la Corse par des goumiers marocains, dès 1943. Mon père, qui a combattu à leurs côtés, me racontait que ces goumiers avaient pris le Monte Cassino à dos de mulet et à l’arme blanche, ce qui laisse imaginer l’ampleur des pertes qu’ils ont subies.
Notre relation au royaume chérifien est, certes, une relation d’État à État mais aussi une intense relation humaine : les décennies passées ont tissé entre nos deux peuples des liens si étroits que l’on peut, à bien des égards, parler de fraternité franco-marocaine.
Aujourd’hui, le Maroc est pour nous un allié précieux au Sahel, en Méditerranée mais aussi ici chez nous, en Europe. Hassan II avait coutume de dire que : « Le Maroc est un arbre dont les racines plongent en Afrique et qui respire par ses feuilles en Europe ». Aujourd’hui, plus que jamais, si le Maroc a besoin de l’oxygène européen, l’Europe et la France doivent pouvoir compter sur cet enracinement africain.
Entre février 2014 et janvier 2015, ces relations bilatérales ont connu une crise à la suite de la présentation, par des fonctionnaires de police, à la résidence de l’ambassadeur du Maroc, le 20 février 2014, d’une convocation d’un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris, destinée au directeur général de la surveillance du territoire marocain, M. Hammouchi.
La France a fait valoir le principe d’indépendance de la justice, mais les autorités marocaines ont considéré que cet acte revêtait un caractère outrageant. Le 25 février 2014, le ministre de la justice marocain a suspendu l’application de toutes les conventions d’entraide judiciaire en matière pénale et civile entre nos deux pays. Le magistrat de liaison marocain en poste à Paris a été rappelé en attendant « de convenir de solutions adéquates garantissant le respect mutuel et total des conventions liant les deux pays de manière à préserver la souveraineté des deux États sur la base du principe de l’égalité qui doit présider à leurs relations. »
Je dois souligner qu’à aucun moment de la crise, le Maroc n’a remis en cause les autres volets de notre coopération, qu’elle soit économique, éducative et universitaire, ou culturelle. En revanche, l’arrêt complet en 2014 de la coopération judiciaire a porté un préjudice grave à nos deux pays et à nos populations.
On le sait, la grande majorité des demandes en matière d’entraide judiciaire sont d’origine française ; elles sont dix fois plus nombreuses que les demandes marocaines. Pendant la crise, près de 230 dossiers en matière pénale, dont 119 commissions rogatoires internationales, sont restés en souffrance. Les décisions d’extraditions ou de transfèrement de prisonniers français condamnés au Maroc n’ont pas été exécutées. Les enquêtes pénales transnationales ont été entravées, notamment la lutte contre le trafic international de stupéfiants et la lutte contre le terrorisme.
Alors que la menace terroriste grandit au Sahel, en Syrie et en Irak, et que le phénomène des combattants étrangers touche aussi bien la France que le Maroc, le gel des échanges d’informations aurait pu avoir de graves conséquences, même si, pour ma part, je suis convaincue que les services marocains nous auraient alertés en cas de menace imminente.
En matière de coopération familiale, le signalement de déplacement illicite d’enfants n’a plus été effectué durant la suspension de notre coopération. Cinquante-cinq dossiers de recouvrement de procédures alimentaires étaient ouverts en avril 2015, et quarante-quatre dossiers relatifs à des droits de visite, concernant soixante-neuf enfants. Aucune médiation n’a été possible durant un an.
Le texte qui nous est soumis permet de sortir de cette crise. Le protocole additionnel à la convention du 18 avril 2008 a été signé le 6 février 2015, après un an de négociations, suivies par les ministères de la justice et des affaires étrangères.
Je dois dire que lors de toutes les auditions auxquelles j’ai procédé, y compris et au premier chef celles des opposants à ce texte, personne n’a contesté la nécessité de rétablir notre coopération judiciaire. Le premier objet de ce texte, justement, est de mettre fin à ce blocage.
La signature du protocole a d’ailleurs permis la reprise immédiate et efficace d’une coopération dont l’importance est vitale pour nos ressortissants.
Je ne dissimulerai pas que ce texte comporte néanmoins des ambiguïtés et des difficultés d’interprétation qui expliquent les interrogations, voire, les inquiétudes des organisations et représentants des professions de justice.
Il est important d’y répondre mais l’analyse détaillée du texte à laquelle j’ai procédé révèle qu’il n’est contraire ni aux principes de notre droit national, ni à nos engagements internationaux. Je vais maintenant expliquer pourquoi.
Le premier paragraphe de l’article 2 du protocole vise à favoriser les échanges pour la bonne conduite des procédures et pour une coopération efficace. La portée de cette disposition est moins juridique que politique.
En effet, la convention du 18 avril 2008 prévoit d’ores et déjà des échanges d’informations entre nos autorités judiciaires, notamment – cela est précisé depuis 2008 – s’agissant de la dénonciation aux fins de poursuites – article 23 – ou d’échanges spontanés d’informations – article 24.
Point capital : le texte énonce clairement que les parties ont entendu inscrire strictement le dispositif d’information et d’échanges créé par l’article 23 bis, que nous examinons, dans le respect des engagements de la France, par exemple au titre de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés et de la convention des Nations unies contre la torture ainsi que d’autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984.
Le deuxième paragraphe pose le principe d’une information mutuelle immédiate lorsque les faits ont été commis sur le territoire de l’autre partie par un de ses ressortissants.
Plusieurs questions peuvent être ici soulevées – elles l’ont d’ailleurs été au cours des travaux préparatoires de la commission des affaires étrangères – : celles des délais de transmission, du circuit emprunté par cette information et de la nature des informations transmises.
Conformément à l’article 5 de la convention bilatérale de 2008, l’information s’effectuera d’autorité centrale à autorité centrale. Pour la France, elle sera à la charge du ministère de la justice français et ne pourra donc concerner que les informations portées à la connaissance du ministère de la justice par les parquets généraux.
Dès lors, le terme « immédiatement » recevra une interprétation relative car l’autorité centrale ne pourra informer, par définition, que des affaires dont elle est elle-même informée, quand elle en aura été informée.
La nature des données transmises n’est pas précisée par le texte mais elle devra de toute évidence concilier l’obligation d’information avec le secret de l’instruction nécessaire à l’efficacité de l’enquête.
Une information portant sur la simple existence d’une procédure pourrait me semble-t-il suffire mais, madame la secrétaire d’État, j’attends que vous nous en donniez la confirmation.
Le troisième paragraphe établit le principe d’un recueil d’observations de l’autre partie dans le cas de procédures pénales engagées auprès de l’autorité judiciaire pour des faits commis sur le territoire de l’autre partie par l’un de ses ressortissants.
Je le répète après vous, madame la secrétaire d’État : l’usage du mot « prioritairement » dans le protocole ne signifie nullement que le juge français a l’obligation de clôturer la procédure ou de transférer le dossier à son homologue marocain. Il peut tout à fait décider de poursuivre son enquête.
L’autorité judiciaire initialement saisie recueille les informations ou observations auprès de son homologue et décide souverainement au vu des éléments ainsi recueillis des suites qu’elle donnera à la procédure.
Par ailleurs, le protocole devant être lu à la lumière de l’ensemble de la convention d’avril 2008, il faut entendre par « renvoi » une dénonciation officielle par laquelle les autorités qualifiées d’un État demandent aux autorités d’un autre État dont les juridictions sont également compétentes d’en assurer la poursuite. Cette modalité de coopération est usuelle. La France procède à environ dix dénonciations officielles au Maroc par an.
Vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, il s’agit d’une simple délégation de poursuites et non d’un transfert de la compétence de l’autorité judiciaire saisie. Celle-ci ne renonce pas à l’exercice de son droit de poursuivre. J’insiste sur ce point : ce texte ne comporte ni mécanisme de subsidiarité, ni clause de compétence ; il n’y a donc aucun dessaisissement. Même en cas de classement sans suite, le procureur de la République pourra revenir sur son appréciation et exercer des poursuites jusqu’à l’expiration du délai de prescription.
De surcroît, conformément à l’article 41-3 du code de procédure pénale, il sera possible de former un recours auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite.
Enfin, bien sûr, cette décision ne privera pas de la possibilité de porter plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction.
Il n’y a donc aucune atteinte au droit à un recours effectif des victimes françaises et étrangères de crimes et délits qui pourraient être commis au Maroc.
Je dois souligner aussi que le protocole additionnel ne fait pas non plus échec à la mise en oeuvre de la compétence quasi universelle des juges ni à la compétence reconnue aux autorités judiciaires françaises par la Convention des Nations unies contre la torture et l’article 689-2 de notre code de procédure pénale pour connaître de faits de torture commis à l’étranger, dès lors que la personne soupçonnée d’en être l’auteur se trouve sur le territoire français.
Enfin, le quatrième et dernier paragraphe du nouvel article 23 bis prévoit que « les dispositions du paragraphe 3 du présent article s’appliquent aux individus possédant la nationalité de l’une et l’autre partie ».
Il faut reconnaître que cette rédaction est un peu ambiguë. J’ai donc demandé au ministre des affaires étrangères si cela s’appliquait aux binationaux et il m’a répondu positivement, tout comme vous venez de le confirmer, madame la secrétaire d’État – voilà donc une réponse précise à une question importante. Ce texte n’aura donc pas d’incidence sur le bon fonctionnement de notre justice.
En revanche, et c’est son objet principal, il adresse un message politique fort de confiance au Maroc, qui a engagé d’importantes réformes après l’adoption de la nouvelle constitution du 1er juillet 2011. La réforme judiciaire y tient une place centrale.
Pourtant, les Marocains me l’ont dit, notamment des parlementaires : ils ont le sentiment de faire l’objet d’un préjugé négatif de notre part.
Je crois que nous autres, Français, avons besoin d’actualiser notre approche de la réalité marocaine. Celle-ci a profondément évolué ces dernières années sous l’impulsion du Roi mais, également, des forces politiques et de la société civile marocaines.
Nous avons intérêt à être pour le Maroc un soutien solide dans la poursuite des efforts engagés. Comme le souligne un récent rapport du Conseil national des droits de l’Homme marocain, les progrès sont indéniables même si, c’est vrai, le rapport en témoigne, des efforts importants doivent encore être accomplis en matière de respect des libertés publiques. Je plaide d’ailleurs pour que la coopération judiciaire soit à la hauteur de notre coopération dans d’autres domaines.
Même si notre pays reste un partenaire central pour le Maroc, cette relation n’est pas exclusive. Le Maroc diversifie ses partenariats avec les autres membres de l’Union européenne, avec les États-Unis mais, aussi, avec les pays du Golfe et d’Afrique où l’influence économique, politique et religieuse du Royaume est grandissante.
L’amitié entre la France et le Maroc est bien sûr très forte mais, comme toutes les amitiés, elle n’est jamais définitivement acquise.
Des échéances communes nous permettront de renforcer encore nos actions partagées, au premier rang desquelles l’organisation à la fin de l’année de la COP 21 à Paris, qui sera suivie en 2016 de la COP 22 à Rabat. Le Maroc entend bien y jouer un rôle tout à fait primordial.
Le Maroc est aussi un partenaire incontournable au Sahel, au Proche et au Moyen-Orient. Il est et reste pour la France un allié précieux dans le règlement négocié des conflits, que ce soit en Libye ou au Mali ou, encore, dans la lutte contre la radicalisation.
La rencontre de haut niveau du 28 mai, à Paris, entre les deux gouvernements a illustré la vitalité de notre coopération dans tous les domaines, tout comme la tenue du deuxième forum parlementaire franco-marocain le 16 avril 2015 à Paris. La présidence du Dialogue 5+5, cette année, renforcera elle aussi notre action commune.
Je veux conclure, madame la secrétaire d’État, chers collègues, en exprimant une conviction personnelle : la nécessité de réactiver en Méditerranée, porte de l’Afrique, une politique de voisinage européenne dont les résultats sont, au minimum, très décevants.
Cet espace est absolument stratégique pour la France et pour l’Europe. Son intégration doit nous permettre de peser significativement dans la mondialisation et de répondre concrètement aux problèmes économiques et sociaux qui sont trop souvent à l’origine des drames migratoires en Méditerranée, hélas, mais aussi de l’insécurité là-bas, en Afrique et, ici, chez nous.
L’exceptionnelle relation franco-marocaine est un atout formidable qu’il faut sans cesse renforcer. Ce texte y participe et c’est pourquoi je vous invite à l’adopter.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte important pour l’amitié entre la France et le Maroc.
En tant que président de notre groupe d’amitié parlementaire – le plus important numériquement –, je tiens à témoigner de l’importance de ce protocole sur la convention d’entraide judiciaire.
L’adoption de ce protocole doit clore ce que j’appellerai un mauvais feuilleton. À mon sens, c’est à juste titre que nos amis marocains ont assez mal vécu les incidents survenus en février 2014 qui les ont amenés à suspendre la coopération judiciaire entre nos deux pays.
S’ils les ont mal vécus, c’est qu’il existe entre nos deux pays et nos deux peuples une amitié que je qualifierai d’indéfectible.
Je rappelle tout d’abord l’ancienneté et l’importance des liens qui unissent le royaume du Maroc et la République française. Dans les moments forts, le Maroc a toujours été un allié et un ami de la France.
Depuis des années, au-delà des alternances dans nos pays respectifs, nous développons un partenariat exceptionnel, le Maroc constituant un allié essentiel dans cette région du monde si instable et tourmentée.
Dans ce Maghreb souvent chaotique, le Maroc constitue un pôle de stabilité très important pour notre politique dans la région et pour soutenir un certain nombre d’initiatives communes dans l’espace méditerranéen. Nos pays, en effet, ont des intérêts communs. Nous partageons une même vision de cet espace méditerranéen et prospère.
Je rappelle que le Maroc a soutenu l’initiative de la France et de l’Union européenne concernant l’Union pour la Méditerranée, son secrétaire général étant d’ailleurs l’ancien ambassadeur du Maroc à Paris, M. Sijilmassi.
Nous partageons donc un certain nombre d’orientations politiques : messages forts, traditions d’ouverture, de dialogue entre les cultures. Les uns et les autres avons été très touchés par les messages de solidarité de nos amis marocains après les attentats du 7 janvier.
Aujourd’hui, nous le sommes de la même manière s’agissant du départ d’un certain nombre de nos ressortissants voulant rejoindre les rangs de l’organisation Daech.
Vous l’avez également rappelé, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, le Maroc nous a également soutenus lors de l’intervention au Mali. Il est aujourd’hui à nos côtés dans la lutte contre la radicalisation et le terrorisme.
Il constitue sans doute pour nous un exemple en matière de formation des imams. C’est d’ailleurs pourquoi nous coopérons, cinquante places étant réservées à des imams français à l’Institut de formation Mohammed VI.
Alors que vous comme nous réfléchissons à la place de l’islam dans la République, je pense que cette coopération avec le Maroc est importante car nous partageons une vision de la religion vécue dans le respect et la tolérance, l’équilibre et la stabilité.
Nous sommes également partenaires sur le plan économique, comme en témoigne l’accord passé voilà quelques jours entre le groupe PSA Peugeot Citroën et le royaume du Maroc pour installer une deuxième grande usine automobile dans ce pays.
Il s’agit là d’un point majeur car nous sommes l’un des investisseurs économiques les plus importants. Nous avons également beaucoup de projets avec nos amis marocains en matière de développement durable et d’environnement.
J’étais hier avec le directeur de l’agence de développement de l’énergie solaire : les entreprises françaises coopèrent également à des projets fantastiques existant en la matière au Maroc.
Je rappelle également la vitalité des liens entre Paris et Rabat dans le domaine culturel et universitaire. Ils favorisent une véritable compréhension mutuelle et traduisent une même volonté de travailler ensemble.
L’amitié franco-marocaine, ce sont aussi ces liens bi-nationaux noués entre Français et Marocains, amitié qui existe entre nos peuples au-delà des États et des gouvernements, ce qui explique sans doute aussi pourquoi ces incidents ont provoqué tant d’émois au Maroc.
Vous avez rappelé, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, l’importance de la coopération judiciaire entre nos deux pays. Les informations communiquées par le ministère de la justice – que je veux ici remercier – en témoignent d’ailleurs : notre coopération avec le Maroc, avant la crise de 2014, était de tout premier ordre, notamment en matière pénale. Je pense notamment aux commissions rogatoires internationales, ainsi qu’au volume d’échanges entre nos deux pays, qui était en augmentation constante.
Les incidents de février 2014 ont donné à cette coopération internationale un coup d’arrêt, qui a été très préjudiciable. La criminalité transfrontalière, les trafics en tout genre – blanchiment d’argent, trafic de stupéfiants – ainsi, évidemment, que le terrorisme, en ont bénéficié, et cela a fragilisé la bonne administration de la justice, au Maroc comme en France.
Cet incident, madame la secrétaire d’État, je ne le banaliserai pas. Je ne considère pas qu’il était inévitable, et j’ai eu l’occasion d’indiquer, en commission, qu’il était dû, selon moi, à un mélange d’un peu – beaucoup – de maladresse et d’un peu de malveillance. Arrêter un ministre des affaires étrangères à l’occasion d’un contrôle à l’aéroport, c’est faire preuve d’un peu de malveillance. Venir avec six policiers armés à la résidence de l’ambassadeur du Maroc, en présence du ministre de l’intérieur marocain, pour porter une convocation du juge, je considère que c’est un mélange de maladresse et de malveillance. Il me semble que nous aurions assez mal pris la chose de la part d’un pays ami. Nos amis marocains ont été blessés ; ils se sont sentis trahis, parce qu’ils mettent l’amitié avec la France au-dessus de tout. Et sans doute avons-nous, pour notre part, sous-estimé cette blessure, sous-estimé l’importance de cette cassure entre nos deux pays.
C’est la raison pour laquelle de nombreux contacts ont dus être noués, pendant toute cette période – des contacts informels, mais aussi des contacts avec certaines personnalités du gouvernement marocain. Vous avez rappelé, madame la ministre, que la diplomatie parlementaire avait pleinement joué son rôle, d’abord par des contacts informels, mais aussi lorsque, au plus fort de la crise, en décembre 2014, notre groupe d’amitié, dont je salue les membres ici présents, a reçu à l’Assemblée nationale nos homologues marocains. Ils nous ont expliqué leur inquiétude et nous ont fait part de la blessure profonde qu’ils ont ressentie. À l’issue d’échanges nombreux, nous avons publié une déclaration commune, dans laquelle nous mettions en exergue la nécessité impérieuse de reprendre et de renforcer la coopération entre nos deux pays, et de renouer au plus vite des relations bilatérales de confiance et de coopération.
En tant que président du groupe d’amitié, j’ai également interrogé le Premier ministre, ici même, le 28 janvier 2015, en lui rappelant l’urgence de renouer ces liens de confiance. Les membres du groupe d’amitié se sont donc naturellement réjouis de l’accord qui a pu intervenir entre les deux ministres de la justice, puis entre les deux gouvernements.
Vous avez rappelé, madame la rapporteure, qu’il s’agit là d’un accord exceptionnel, au regard des conventions internationales qui nous lient à d’autres pays. J’ai entendu les critiques que suscite ce texte et je voudrais ici rassurer tout le monde. Ce protocole additionnel ne bouleverse en rien ce qui existe déjà. En introduisant un nouvel article 23 bis à la convention d’entraide judiciaire, il vise simplement à améliorer et à faciliter la transmission d’informations entre la France et le Maroc. Il n’entraîne aucune redéfinition des compétences entre le juge français et le juge marocain. Il ne remet aucunement en cause les engagements internationaux de la France. Et il ne conduira à aucun dessaisissement systématique des juridictions françaises.
Pour toutes ces raisons, après avoir examiné ce texte et avoir, dans le cadre de la diplomatie parlementaire, essayé de contribuer au rapprochement entre nos deux pays, le groupe Les Républicains, parce qu’il met l’amitié avec le Maroc au-dessus de tout,…
…considère, au-delà de ce qui peut parfois nous diviser, qu’il faut voter ce texte. Nous estimons qu’il faut en finir avec cette brouille qui n’a que trop duré, et que notre assemblée se doit aujourd’hui de faire un acte politique fort en direction de nos amis marocains.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, je tiens d’abord, au nom du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, à saluer l’opportunité que nous avons, aujourd’hui, de débattre d’un projet de loi essentiel pour l’avenir de nos relations avec le Maroc, qui ont malheureusement été fragilisées pendant près d’un an.
Malgré les difficultés rencontrées par la France et le Maroc en 2014, chacun est conscient du lien unique qui existe entre nos deux pays. Premier partenaire de la France au Maghreb, le Maroc a toujours occupé une place particulière au sein de notre pays, que ce soit en matière de commerce, d’investissements ou de coopération culturelle. Plus qu’une simple relation diplomatique, la France et le Maroc entretiennent depuis longtemps une amitié sans équivalent, particulièrement précieuse dans un contexte international aussi compliqué.
La France et le Maroc ont toujours partagé des valeurs et des intérêts communs, sur lesquels ils ont pu bâtir une confiance mutuelle forte et pérenne. Le mélange de nos deux peuples reste certainement l’un des plus beaux exemples de l’engagement réciproque qui unit nos deux pays – un engagement qui n’a jamais failli. Ainsi, le Maroc compte près de 50 000 Français permanents et 20 000 résidents occasionnels sur son territoire et il est, encore aujourd’hui, l’une des destinations touristiques préférées des Français, notre pays étant le principal marché émetteur pour le royaume. En ce qui concerne la France, ce sont plus de 1,5 million de Marocains, dont 670 000 binationaux, qui sont installés sur notre territoire. Preuve de l’attractivité de notre pays : plus de 60 % des Marocains qui partent faire leurs études à l’étranger choisissent la France pour poursuivre leur cursus.
Mes chers collègues, au-delà des intérêts économiques et culturels que nous partageons depuis longtemps, nous avons récemment trouvé, dans le Maroc, un allié de poids contre le fléau de la radicalisation qui terrasse nos deux pays. Au fil des années, le Maroc est donc devenu un partenaire incontournable dans la lutte contre le terrorisme, notamment au Sahel, au Proche et au Moyen-Orient. Si une telle coopération trouve toute son importance aujourd’hui, elle est loin d’être nouvelle. En effet, depuis près de soixante ans, nos deux pays ont pris l’habitude de coopérer en matière judiciaire avec efficacité et confiance.
Cette relation entre la France et le Maroc remonte à la signature, le 5 octobre 1957, d’une convention d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur et d’extradition. Pour la première fois, ce texte a permis l’ouverture d’une coopération judiciaire, en matières civile et pénale, entre nos deux pays. Souvent jugé incomplet, cet accord a finalement été remplacé par une nouvelle convention, signée le 18 avril 2008. Depuis cette date, la France et le Maroc bénéficient d’un véritable cadre conventionnel concernant l’entraide judiciaire et pénale. À cette occasion, les deux États se sont engagés à « s’accorder mutuellement l’aide judiciaire la plus large possible ».
Entrée en vigueur en 2011, cette convention avait pour principal objectif d’élargir le champ de l’entraide et de rendre plus fluides les échanges entre nos deux pays. Elle permettait surtout de promouvoir des techniques de coopération très modernes, afin de lutter plus efficacement contre la criminalité transnationale. Malgré cet accord, la France et le Maroc ont connu en 2014 un épisode diplomatique pour le moins regrettable, un épisode auquel nous ne pourrons mettre un terme qu’en adoptant le protocole additionnel à cette convention.
Le gel de tous les accords de coopération judiciaire avec la France, décidé unilatéralement par le ministère de la justice marocaine en février 2014, a porté un coup à la stabilité de nos relations diplomatiques. Cette crise est la conséquence de trois plaintes pour torture déposées à Paris, en février 2014, contre le patron de la Direction générale de la surveillance du territoire marocain, M. Abdellatif Hammouchi. La justice française avait alors demandé l’audition du patron du contre-espionnage marocain, ce qui avait été perçu comme un acte d’ingérence par les autorités marocaines. Récusant de telles accusations, le Maroc avait finalement pris la décision de suspendre toute coopération judiciaire, rendant nos relations diplomatiques quasiment impossibles. Ce choix a bien entendu été préjudiciable à nos deux pays. En effet, 230 dossiers sont restés en souffrance, les enquêtes pénales transnationales ont été entravées et les extraditions ou transfèrements de prisonniers ont été ralentis. Le gel des échanges d’informations aurait pu avoir des conséquences encore plus graves, notamment dans la lutte menée par la France et le Maroc contre le terrorisme.
En janvier 2015, Christiane Taubira et son homologue marocain, Mustapha Ramid, ont finalement choisi la voie de la réconciliation en permettant le rétablissement immédiat de la coopération judiciaire. Ce rapprochement devrait s’officialiser avec l’approbation du protocole additionnel présenté aujourd’hui devant notre assemblée. Signé le 6 février 2015 par les ministres de la justice des deux États, ce texte cherche à rendre plus efficace, et surtout plus durable, la coopération entre la France et le Maroc, dans le respect du droit interne et des engagements internationaux.
Ce protocole additionnel représente une opportunité unique de sortir d’une crise qui n’a que trop duré. Participer, en tant que parlementaire, à l’adoption d’un tel texte, constitue un message politique fort, de confiance et de soutien, adressé directement au peuple marocain. Gage de réconciliation entre nos deux pays, ce protocole introduit un nouvel article 23 bis au texte de la convention d’entraide judiciaire signée en 2008. Désormais, il est explicitement indiqué que le dispositif d’information et d’échange instauré entre nos deux États devra respecter l’ensemble des conventions internationales auxquelles ils ont souscrit, à l’image de celle des Nations unies contre la torture, adoptée en 1984, ou de celle relative à la lutte contre la criminalité transnationale organisée, adoptée en 2000.
Ce nouvel article pose également un principe d’information mutuelle immédiate pour des faits commis sur le territoire de l’autre partie. Ainsi, les autorités françaises auront l’obligation d’informer le Maroc en cas de procédure ouverte en France pour des faits commis au Maroc. Si ce principe ne semble pas de nature à bouleverser notre droit, des imprécisions de rédaction semblent demeurer. En effet, le terme « immédiateté » n’est pas précisé et semble très relatif. Par ailleurs, est-il possible de concilier une telle obligation d’information avec le respect du secret de l’instruction ? Une information sur la simple ouverture d’une procédure ne pourrait-elle suffire ?
En outre, des réserves peuvent légitimement être émises quant à l’instauration d’un ordre prioritaire pour déterminer les suites à donner à une procédure. D’après le texte, au vu des observations reçues, l’autorité judiciaire initialement saisie détermine les suites à donner. Ainsi, lorsqu’une affaire concerne des faits commis sur le territoire de l’autre pays par un de ses ressortissants, l’autorité judiciaire doit renvoyer en priorité l’affaire au pays concerné, ou la clôturer. Cette disposition interroge. Elle est d’ailleurs à l’origine des craintes émises par certaines organisations, comme Amnesty International, par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, ou encore par des syndicats de magistrats. N’est-il pas à craindre que le juge français soit automatiquement poussé à se dessaisir d’affaires dont les faits ont été commis au Maroc au profit d’un juge marocain ?
Mes chers collègues, malgré ces questions, auxquelles, je l’espère, des réponses seront apportées au cours de ce débat, nous restons convaincus que l’approbation de cet accord est primordiale pour l’avenir des relations et de l’amitié franco-marocaine. Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera donc bien évidemment ce projet de loi.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, la vie de parlementaire est ainsi faite que, pour exercer pleinement notre mission, chacune et chacun d’entre nous a pris l’habitude de chercher à débusquer la vérité sous les apparences. Et je dois dire que, une fois de plus, le texte que vous nous présentez en urgence, madame la secrétaire d’État, sollicite notre vigilance et mérite, mes chers collègues, une mobilisation très forte de notre part.
Nous discutons en effet ce jour, non pas de l’amitié franco-marocaine – bien précieux, s’il en est ! – mais d’un protocole additionnel pour amender la convention d’entraide judiciaire en matière pénale franco-marocaine. Rien ne prédisposait le groupe écologiste à s’opposer à un texte, dont le Gouvernement disait qu’il devait « favoriser une coopération plus durable et efficace entre la France et le Maroc, dans le respect du droit interne et des engagements internationaux des deux parties » et à « resserrer les liens avec l’un des principaux partenaires de la France ». S’il ne s’agissait que de cela, à la vérité, comment pourrions-nous trouver à y redire ?
Mais le protocole qui nous est présenté n’a rien d’anodin : en dépit des louables intentions affichées, il constitue, de fait, un mouvement de recul dans le respect de nos principes en matière de défense des droits humains, effectué par calcul diplomatique.
Les interventions qui ont précédé allaient d’ailleurs parfaitement dans ce sens. Madame la rapporteure, la partie de votre intervention consacrée à l’amitié franco-marocaine était brillante, et nous partageons totalement vos propos sur ce point. Mais la vocation de ce protocole est justement de réconcilier la France et le Maroc, après un an de brouille diplomatique résultant de plusieurs plaintes déposées en France par des victimes contre des agents des services de sécurité marocains, pour des actes présumés de torture.
Pour être plus précise encore, et puisqu’il faut ici dire les choses, l’accord du 6 février 2015, signé près d’un an après la convocation par une juge d’instruction française du chef du contre-espionnage marocain, M. Hammouchi, apparaît aux yeux de beaucoup de connaisseurs du dossier comme une réponse diplomatique de circonstance. Tout porte à considérer que si ce protocole venait à entrer en vigueur, il constituerait de fait une forme de pression destinée à ce que la magistrate française se dessaisisse au profit d’un magistrat marocain.
La justice doit-elle être un auxiliaire de la diplomatie ? Ce sujet mériterait de très longs développements. Mais j’irai droit au but et vous livrerai notre inquiétude sans ambages : ce qui nous est présenté sous le visage avenant d’une amélioration de la coopération judiciaire entre les deux pays présente le risque de favoriser l’impunité de certains dignitaires marocains soupçonnés de graves violations des droits humains, notamment en leur permettant d’échapper à toute poursuite engagée sur le territoire français.
Les conséquences de ce texte ne se limiteront pas aux seules affaires, certes dramatiques, de torture. Le protocole prévoit en effet le renvoi prioritaire vers le Maroc de toutes les plaintes déposées en France.
Vous avez dit, madame la rapporteure, que l’interprétation du terme « prioritaire » ne signifiait pas que la convention excluait la poursuite des procédures en France. Mais vous voyez bien que nous sommes là dans l’interprétation. En outre, cette priorisation concerne tous les crimes subis au Maroc, quelle que soit leur gravité, introduisant ainsi une différence de traitement injustifiable entre les Français et les Franco-Marocains, dont les plaintes seront traitées différemment, et qui feront alors figure de justiciables de seconde zone.
Un tel traitement différencié pose question. Ne contrevient-il pas au principe d’égalité d’accès à la justice garanti par notre Constitution ? Je le dis librement, et je veux vous faire part des réflexions de notre groupe sur cette question, sans aucune intention polémique, mais avec gravité. Nous ne pouvons pas faire comme si l’ensemble des organisations de défense des droits humains, et un certain nombre de magistrats, parmi les plus haut placés, n’avaient pas eu la sagesse d’alerter chacune et chacun d’entre nous sur un sujet dont certains, à l’évidence, auraient préféré qu’il restât dans l’ombre.
Nous partageons les inquiétudes des défenseurs des droits humains. Nous questionnons, comme nous avons déjà eu l’occasion de le faire en commission, la légalité de ce texte et sa compatibilité avec la Constitution française et les engagements internationaux souscrits par la France.
À nos yeux – et de manière tristement évidente, aucune garantie formelle n’a pu nous être apportée sur ce point –, le protocole porterait atteinte au droit à un recours effectif des victimes françaises et étrangères de crimes commis au Maroc, et entrerait en contradiction avec l’obligation qui pèse sur la France de traduire en justice, sur le fondement de la compétence extraterritoriale, toute personne se trouvant sur son territoire et présumée avoir commis les crimes les plus graves.
La question n’est pas uniquement une affaire de spécialistes des conventions internationales et de la diplomatie. Elle concerne l’ensemble des citoyennes et les citoyens de notre pays, dont le rayonnement international est souvent lié à la défense des droits humains.
On entend dire que les matières internationales ne passionnent pas les Françaises et les Français. Mais ils sont ici directement concernés, et nous entendons bien les amener à se poser des questions sur ce qui se fait, se dit, ou se signe en leur nom.
Voilà en effet un protocole qui porte atteinte au droit à un recours effectif des victimes françaises et étrangères de crimes et délits commis au Maroc ; qui est contraire au principe de la séparation des pouvoirs et à l’indépendance réelle du pouvoir judiciaire ; qui donne la priorité à la justice marocaine sur la justice française, même quand la victime est de nationalité française ; qui est contraire aux obligations qui pèsent sur la France de traduire en justice des auteurs présumés de crimes internationaux ; qui place les victimes françaises dans une situation d’inégalité devant la loi, selon qu’elles ont été victimes d’un crime ou d’un délit au Maroc ou ailleurs ; qui ordonne au juge français de se dessaisir au profit du juge marocain dès lors qu’une plainte en France a été déposée par un Marocain ou un Français, sans même examiner les principes fondamentaux du droit à un procès équitable et sans requérir une demande d’extradition au préalable.
J’ajoute que ce texte, critiquable en bien des aspects, pourrait créer un triste précédent. Qui ne voit en effet qu’il constituerait, pour nombre de pays, une manière d’incitation à suspendre la coopération judiciaire afin d’obtenir de la France la conclusion de semblables conventions d’entraide judiciaire ?
Cet engrenage pourrait nous conduire à priver les personnes victimes de crimes et délits à l’étranger, y compris les victimes françaises, du droit de saisir, de fait, la justice française. Nous disons donc qu’il existe un danger. Mais de surcroît, cela ferait le jeu de l’impunité en encourageant le renvoi de procédures judiciaires portant sur des affaires politiquement sensibles – telles que de graves violations des droits humains – vers les autorités judiciaires de pays pressés de mettre un terme à ces procédures.
En réponse à l’ensemble de ces points, j’ai entendu que notre interprétation des dispositions les plus floues de ce texte était trop extensive, et que ses effets ne seraient pas aussi graves que je l’affirme. Ainsi, l’obligation d’information ne pourrait pas entacher le secret de l’instruction. Mais l’usage du mot « prioritairement », madame la rapporteure, signifie bien que la compétence de la justice marocaine sera placée au premier rang.
En outre, c’est justement le caractère flou du texte qui nous pose problème. Instruits par l’expérience, nous savons en effet que l’imprécision juridique ne bénéficie jamais à la défense des droits humains, qu’elle est le plus souvent la brèche par laquelle s’engouffre l’arbitraire.
Pour autant, nous étions prêts à entendre les arguments qui nous étaient opposés – le débat en commission a d’ailleurs été très respectueux, et je remercie Mme la rapporteure de lui avoir consacré le temps nécessaire. Nous avions ainsi déposé un amendement prévoyant la remise, dans un délai de deux ans, d’un rapport d’information sur le sujet, afin de savoir, en fin de compte, laquelle des deux interprétations était la bonne. Mais il a été refusé par le service de la séance, ce que nous regrettons vivement. Il serait pourtant normal que l’Assemblée exerce son droit d’information, et qu’un bilan de l’application du protocole soit réalisé deux ans après son approbation.
Dans une décision de 2003, le Conseil constitutionnel a indiqué que les amendements sur des projets de loi de ratification n’accordaient pas aux membres du Parlement compétence pour assortir de réserves, de conditions ou de déclarations interprétatives l’autorisation de ratifier un traité ou d’approuver un accord international non soumis à ratification, et cela s’entend parfaitement, sinon nous ne pourrions plus ratifier aucun accord.
Néanmoins, le Sénat considère que cette décision lui permet de déposer des amendements de demande de rapports. De même, nous ne souhaitions pas modifier ce texte, mais bien demander qu’un rapport soit fait sur la mise en oeuvre du protocole additionnel.
L’Assemblée, de son côté – et nous le regrettons vivement –, donne une interprétation différente de la décision de 2003 : elle considère, en s’appuyant sur le commentaire dont le Conseil a assorti sa décision, que seuls les amendements de correction rédactionnelle ou de suppression sont recevables.
Au-delà des questions de procédure, j’en reviens au fond, et j’en termine.
Nous pensons que ce texte est une petite abdication judiciaire qui ne dit pas son nom.
Bien sûr, nous entendons les arguments avancés pour défendre ce texte et notamment l’impérieuse nécessité de rétablir de bonnes relations avec le Maroc. Cet argument est celui qui a été le plus mis en avant ici, c’est pourquoi j’en suis resté au texte lui-même.
Bien sûr, le groupe écologiste, comme vous tous, est attaché à l’amitié franco-marocaine et connaît l’histoire des liens très particuliers qui unissent nos deux pays.
Mais nous disons que l’équilibre de ce protocole n’est pas acceptable et présente trop de risques. Les concessions y sont trop importantes et trop lourdes de conséquences pour que nous puissions y souscrire. En signant ce protocole avec le Maroc, la France sacrifie une partie de sa souveraineté, de l’indépendance de sa justice et des droits fondamentaux de ses citoyens.
Je répète que je partage, au nom du groupe écologiste, les propos de la rapporteure sur l’approfondissement du travail en cours au Maroc, sur l’évolution de ce pays, que nous devons soutenir. C’est un allié précieux, c’est vrai. Je voudrais ne pas avoir à citer ici Francis Blanche, qui disait de la véritable amitié qu’elle était lucide quand elle le voulait, et aveugle quand elle le devait. Nous pensons que notre amitié avec le Maroc doit être lucide, franche et sincère. Refusant le renoncement que représenterait la signature de ce protocole, le groupe écologiste votera contre.
Pour répondre à une partie de votre intervention, madame Duflot, l’amendement que vous aviez déposé requérait du Gouvernement qu’il remette un rapport d’évaluation sur la mise en oeuvre du protocole France-Maroc sur l’entraide judiciaire. Il a été déclaré irrecevable. Le Conseil constitutionnel a en effet considéré dans une décision du 9 avril 2003 que le seul pouvoir reconnu au Parlement en matière de traités et d’accords internationaux est d’en autoriser ou d’en refuser la ratification ou l’approbation.
Par suite, sur un projet de loi de cette nature, les parlementaires ne peuvent assortir l’autorisation de ratification d’aucune réserve, condition ou déclaration interprétative, ce à quoi aboutirait en pratique le fait d’exiger du Gouvernement la remise d’un rapport sur la mise en oeuvre d’un traité.
Les seuls amendements recevables sont donc ceux par lesquels les parlementaires supprimeraient l’article unique d’un projet de loi de ratification ou, en cas de pluralité de ratifications, la mention d’un traité ou d’un accord.
La parole est à M. Jean-Pierre Maggi.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les relations bilatérales entre la France et le Maroc sont traditionnellement excellentes et marquées par une confiance exceptionnelle. Rappelons-nous qu’en 2000, Mohammed VI a choisi la France pour effectuer sa première visite d’État à l’étranger. De même, le rythme régulier des rencontres à haut niveau entre nos gouvernements permet de maintenir un dialogue politique à l’égal de celui entretenu, pour la France, avec les partenaires européens les plus proches.
Ainsi, plusieurs conventions ont été signées entre les deux États, en particulier dans le domaine judiciaire.
La première, entrée en vigueur en 1957, couvrait la coopération judiciaire en matière civile et pénale. En 2008, une nouvelle convention d’entraide judiciaire en matière pénale – entrée en vigueur en 2011 – venait abroger, dans son domaine spécifique, les dispositions de la première, d’une part pour offrir un moyen plus efficace de lutte contre la criminalité transnationale en élargissant le champ de l’entraide, en fluidifiant et optimisant l’efficacité des échanges entre nos deux pays, et d’autre part pour promouvoir les techniques les plus modernes de coopération.
En 2014, un regrettable différend judiciaire est venu assombrir de sereines relations bilatérales. Dès lors, des discussions ont été engagées sur les moyens de renforcer l’échange d’informations entre les deux États, notamment dans le cas de procédures portant sur des faits commis sur le territoire français ou marocain, en vue de compléter la convention bilatérale de 2008.
Malgré cette crise diplomatique, la France et le Maroc ont fait la preuve de leur volonté de ne jamais rompre le dialogue.
Preuve en a été qu’à force d’échanges, ils sont parvenus à un consensus lors d’une réunion tenue à Paris en janvier dernier. En février, l’ambassadeur de France au Maroc et le ministre marocain de la justice et des libertés signaient ainsi, à Rabat, le protocole additionnel à la convention bilatérale d’entraide judiciaire en matière pénale de 2008.
Quel dispositif contient-il ?
Il prévoit, tout d’abord, que l’un des deux États informe rapidement l’autre de toute procédure pénale ouverte sur son territoire qui pourrait engager la responsabilité d’un ressortissant de l’autre pays.
Il pose ensuite un principe d’information mutuelle dans le cas de faits commis sur le territoire d’un État lorsque ces faits sont susceptibles d’avoir été perpétrés par un ressortissant de ce dernier.
Enfin, il instaure un principe de recueil d’observations d’un État dans le cas de procédures pénales engagées auprès de l’autorité judiciaire de l’un des deux États par une personne n’en possédant pas la nationalité et pour des faits commis sur le territoire de l’autre État par un de ses ressortissants.
Le projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention, dont nous sommes saisis aujourd’hui, va dans le bon sens car il tend à resserrer davantage les liens judiciaires avec l’un de nos principaux partenaires.
En effet, l’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Maroc est particulièrement active. Le volume d’échanges en ce domaine est en constante augmentation, notamment du côté français. Depuis 1998, ce sont 952 demandes qui ont été adressées par la France, et 103 par le Maroc.
Les chiffres parlent donc d’eux-mêmes, révélant l’importance du nombre d’affaires judiciaires impliquant les deux États, et justifiant de ce fait la nécessité de favoriser les échanges d’informations afin d’assurer la rapidité et l’efficacité des investigations à mener.
Ce protocole est conforme aux exigences de notre droit interne et à nos engagements internationaux. Il n’implique aucune adaptation des dispositions législatives ou réglementaires nationales.
Il est ainsi rappelé, dans le nouvel article 23 bis intitulé « Application des conventions internationales », que le dispositif d’information et d’échanges entre les deux États s’inscrit dans le cadre des engagements respectifs de la France et du Maroc, afin de contribuer à la bonne mise en oeuvre des conventions qui les lient. Je pense à la convention des Nations unies contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants, adoptée à New York en 1984, ou encore à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée à New York en 2000.
Ainsi, ce protocole additionnel, qui promeut in fine une meilleure administration de la justice, devrait faciliter les investigations transnationales et améliorer l’efficacité des procédures pour l’ensemble des justiciables concernés.
Tout d’abord, il vise à mieux organiser la coopération entre les autorités judiciaires françaises et marocaines, notamment dans le cas de procédures pénales engagées sur le territoire d’un État concernant des faits commis sur le territoire de l’autre et susceptibles d’impliquer des ressortissants respectifs.
Ensuite, le nouveau dispositif devrait permettre de lutter plus efficacement contre la criminalité transnationale. En effet, dans le cas de faits pénalement répréhensibles commis sur le territoire d’un des deux États et dans lequel des ressortissants de l’un ou de l’autre État sont susceptibles d’être impliqués, l’information immédiate de l’autre État favorisera les échanges entre les parties et permettra une meilleure conduite des procédures.
Enfin, dans le cas de procédures engagées dans un État par une personne n’en possédant pas la nationalité et pour des faits commis sur le territoire de l’autre État par un de ses ressortissants, la nouvelle procédure de recueil d’observations permettra à l’autorité judiciaire de l’État saisi de décider, au vu des éléments éventuellement transmis par l’autre État, des suites à donner à la procédure. L’autorité judiciaire saisie examinera en priorité le renvoi de la procédure à l’autorité judiciaire de l’autre État ou sa clôture. Elle pourra également faire le choix de poursuivre la procédure, par exemple en l’absence de réponse de l’autre État. Un tel mécanisme permettra d’assurer une meilleure administration de la justice et la conduite efficace des procédures, au regard notamment du principe de territorialité des poursuites.
Dès lors, le nouvel article 23 bis s’insère en toute logique au sein des stipulations de la convention bilatérale de 2008 relatives aux échanges d’informations. Il vient les compléter, notamment celles relatives à la dénonciation aux fins de poursuite et aux échanges spontanés d’informations.
Le protocole additionnel s’avère par ailleurs indispensable, tant le maintien d’un dialogue franco-marocain étroit et constant est capital dans plusieurs domaines.
Rappelons que des échéances communes nous lient, au premier rang desquelles l’organisation à Paris de la Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui sera suivie d’une autre réunion à Rabat en 2016. La présidence marocaine pourra ainsi consolider les acquis de la conférence sur le climat qui aura lieu à Paris fin 2015 ; elle sera chargée de veiller à la mise en oeuvre effective des engagements alors conclus.
Le Maroc constitue aussi un partenaire incontournable dans le contexte de multiplication des crises et des risques au Sahel, au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Il est et reste pour la France un allié précieux dans le règlement négocié des conflits qui agitent la région et auxquels notre pays ne saurait apporter une réponse unilatérale.
Ainsi, dans le dossier libyen, le Maroc joue un rôle constructif. C’est en effet la diplomatie marocaine qui a réuni les deux parties pour la première fois autour d’une même table, en mars dernier à Rabat, en vue de former un gouvernement d’union nationale.
Autre dossier majeur de notre dialogue stratégique avec le Maroc : la résolution de la crise malienne. Nos deux pays partagent pleinement le souhait d’un règlement durable de la situation. La France salue régulièrement les efforts du Maroc au Sahel, où ce dernier jouit d’une forte influence.
Enfin, dans un contexte marqué par la montée des menaces sécuritaires, le Maroc s’avère être un partenaire incontournable. La coopération sécuritaire franco-marocaine, qui a repris en février dernier, en se focalisant sur la lutte contre le terrorisme, notamment grâce aux échanges d’informations entre les services de renseignement, permettra de maintenir un lien étroit et nécessaire.
Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient ce projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel, car il tend à favoriser une coopération encore plus étroite, durable et efficace entre la France et le Maroc, dans le respect du droit interne et des engagements internationaux des deux États. Notre groupe restera néanmoins extrêmement vigilant quant au strict respect des droits et libertés fondamentales des ressortissants français mêlés à des affaires judiciaires impliquant les deux pays.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous féliciter des liens puissants et durables qui unissent la France au Maroc. Vous avez tenu des propos très chaleureux, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, pour exalter l’amitié franco-marocaine. Je les partage : les peuples français et marocain sont des peuples amis. Nous partageons une histoire commune et une même envie de construire un pont entre deux continents. Nos cultures sont à jamais mêlées, dans l’intimité même des familles dont les racines puisent leurs origines de part et d’autre de la Méditerranée. Nous entretenons des échanges d’une ampleur exceptionnelle dans les domaines culturel, économique et diplomatique. Je tiens également à saluer le rôle décisif joué par le Maroc dans la lutte contre le péril terroriste : il s’agit d’un appui irremplaçable pour préserver notre sécurité et nos libertés publiques. Les députés du Front de gauche soutiennent tous les efforts pour promouvoir une coopération encore plus forte entre nos deux peuples.
Pour autant, l’accord judiciaire en matière pénale qui est aujourd’hui soumis à la ratification de notre Parlement s’inscrit dans un contexte de crise diplomatique sans précédent. Indignées des poursuites pour allégations de tortures engagées en 2014 contre M. Hammouchi, directeur des services secrets marocains, les autorités de Rabat ont choisi l’épreuve de force en suspendant pendant un an toute coopération judiciaire. Selon les informations qui nous ont été communiquées, près de 200 dossiers, dont 119 commissions rogatoires internationales, sont restés en souffrance. Le signalement de déplacements illicites d’enfants n’a plus été effectué. Aucune médiation n’a été possible dans les dossiers de droit de visite et de recouvrement alimentaire.
Bien sûr, il est indispensable de mettre fin à cette crise diplomatique sans précédent.
Oui, il est indispensable de reprendre la coopération judiciaire, notamment dans le domaine de la lutte antiterroriste où le Maroc constitue un allié fiable et déterminé. Mais à quel prix ? Fallait-il céder à cette forme de chantage du régime marocain en réformant notre protocole de coopération judiciaire pour que M. Hammouchi ne puisse plus être inquiété ? Fallait-il engager l’urgence sur ce projet de loi alors que les questions soulevées nécessitent un véritable débat ? D’Amnesty International à la Ligue des droits de l’homme, ce projet d’accord a suscité une levée de boucliers inhabituelle pour un texte censé améliorer la coopération judiciaire.
L’analyse du texte de ce protocole additionnel à la convention d’entraide en matière pénale du 18 avril 2008 nous amène à partager l’inquiétude des défenseurs des droits de l’homme. Ce protocole comporte trois volets.
Le premier volet, contenu au paragraphe 1 de l’article 2, repose sur la volonté politique de renforcer notre coopération judiciaire par une meilleure information réciproque. Naturellement, nous soutenons pleinement et sans réserve cette stipulation.
Le deuxième volet, beaucoup plus problématique, impose au juge français d’informer immédiatement les autorités marocaines de l’ouverture d’une procédure contre un ressortissant marocain, et réciproquement. S’il est souhaitable que le juge français puisse être informé d’une procédure déjà engagée au Maroc, ce protocole, qui demeure vague quant au degré d’information communiqué, pourrait mettre à nu la procédure engagée. Dans ces conditions, que restera-t-il du secret de l’instruction, particulièrement indispensable dans des cas sensibles ? Dès le début de l’enquête, le politique aura tout loisir de faire pression sur les autorités de l’autre partie pour interrompre la procédure.
Le troisième volet, à notre sens inacceptable, enjoint au juge français ou marocain de se dessaisir des plaintes ouvertes contre un ressortissant de l’autre partie au profit des juridictions du pays d’origine. Selon les termes de l’accord, le juge devra décider « prioritairement » le renvoi de la procédure à l’autorité judiciaire de l’autre pays. Je vous remercie, madame la rapporteure, d’avoir précisé devant notre commission que le procureur de la République pourra à tout moment revenir sur sa décision de dessaisissement ou être saisi d’un recours. Pour autant, à travers cette disposition, l’indépendance des juges sera bel et bien circonscrite. Cela ne sera pas sans conséquence sur les engagements internationaux de la France à traduire en justice les auteurs des crimes les plus graves présents sur son sol, quelle que soit leur nationalité, en vertu de la compétence universelle.
Certes, l’accord prévoit qu’en « l’absence de réponse ou en cas d’inertie de l’autre partie, l’autorité judiciaire saisie poursuit la procédure ». Mais dans les cas les plus gênants, il sera aisé de lancer une procédure pour masquer l’absence de volonté de rendre justice. Que répondrons-nous désormais aux militants politiques et aux responsables syndicaux marocains en butte à la répression, voire à des cas de tortures ? Faute d’obtenir justice dans leur propre pays, ils se tournent traditionnellement vers la France, à leurs yeux pays des droits de l’homme. Les renverra-t-on désormais devant des juges marocains ?
Nous nous interrogeons par ailleurs sur le dangereux précédent que constitue cet accord. D’autres pays risquent de demander un même traitement de faveur. En droit international, il existe une tension entre les principes de territorialité et de compétence universelle. Graver ainsi dans le marbre d’un accord bilatéral la prédominance quasi systématique du principe de territorialité pourrait déséquilibrer l’édifice du droit. Alors que la communauté internationale déploie depuis plusieurs décennies ses efforts pour faire reculer l’impunité, notre pays ne peut se permettre d’envoyer aux auteurs des crimes les plus graves un signal de faiblesse, pour de simples considérations court-termistes. À ce sujet, nous regrettons que les autorités françaises n’aient toujours pas procédé à la modification de la loi du 9 août 2010 portant adaptation du statut de Rome, pour garantir enfin le plein accès au juge national pour les crimes internationaux.
Au-delà de son contenu juridique, la ratification de cet accord pose la question de son opportunité politique. Indéniablement, le nouveau régime marocain a accompli des pas décisifs vers la consolidation d’un État de droit. Une nouvelle constitution a été approuvée par référendum en 2011, avec un rééquilibrage des pouvoirs en faveur du parlement et du gouvernement. Nous saluons ces avancées, tout en les jugeant insuffisantes au regard de notre boussole commune, le respect du droit international.
Le renforcement souhaitable des liens franco-marocains ne peut conduire à passer sous silence la situation toujours préoccupante des droits de l’homme dans ce pays. D’une part, les autorités marocaines persistent à refuser l’application du droit international concernant l’auto-détermination du peuple sahraoui. Ce conflit colonial s’enlise et génère son flot de violences. D’autre part, la liberté d’expression et la liberté de manifester sont régulièrement mises en cause. En mai dernier, Amnesty International a rendu public un rapport sévère, soulignant notamment des cas de tortures. Selon l’ONG, l’impunité règne, malgré la signature il y a plus de vingt ans par le Maroc de la convention des Nations unies contre la torture : 173 cas de mauvais traitements en détention auraient été signalés depuis 2010. Nous devons aider nos amis marocains à se débarrasser de ces derniers stigmates, dans le respect de leur souveraineté, en maintenant une position ferme contre toute violation des droits de l’homme.
Le nouveau régime marocain a mis fin aux années de plomb du règne d’Hassan II, marquées par la disparition de 600 opposants. On se souvient de l’odieux enlèvement de Mehdi Ben Barka, leader du mouvement tiers-mondiste et révolutionnaire, en plein coeur de Paris. Mais aujourd’hui encore, faute d’enquête sérieuse du côté marocain, le doute demeure quant à l’identité du véritable commanditaire de cet assassinat. Force est de constater qu’en 2005, les investigations du juge français Ramaël ont été sabotées par l’absence de coopération des autorités marocaines.
Dans les faits, la culture de l’impunité tarde à reculer. Le système judiciaire garantit de manière insuffisante les droits de la défense. Des poursuites sont bien engagées pour des faits de tortures, mais elles peinent à aboutir. Trop rarement, des enquêtes et expertises médicales sont diligentées pour corroborer des cas de torture. Pire encore, celles et ceux qui prennent le risque de dénoncer les violences tombent régulièrement sous le coup de plaintes pour dénonciation calomnieuse.
En raison des risques liés à la rédaction de ce protocole d’accord et des progrès toujours insuffisants du régime marocain en matière de droits de l’homme et de droits de la défense, les députés du Front de gauche ne voteront pas ce projet de loi en l’état. Nous redoutons que la ratification de cet accord envoie un message désastreux, celui que la France renonce à poursuivre les auteurs présumés des crimes les plus graves.
Bien loin d’être un signe de défiance, notre vote constitue un encouragement adressé aux autorités marocaines, afin qu’elles poursuivent volontairement leurs réformes. C’est enfin un vote de soutien à nos amis marocains qui se battent pour le respect des droits humains, des droits sociaux et politiques. Ces amis attendent de la France qu’elle se montre à la hauteur de son message universel en faveur de la justice et de la paix.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, il est à la fois urgent et nécessaire de rétablir entre la France et le Maroc la coopération judiciaire et policière suspendue dans les conditions que vous connaissez.
Pour ma part, je ne reviendrai pas sur les circonstances qui ont conduit à la négociation de ce protocole additionnel. Elles sont connues de tous. Tout à l’heure, l’un de nos collègues a parlé de « mauvais feuilleton ». Je souhaite sincèrement que nous contribuions à mettre un point d’orgue au dernier épisode de ce mauvais feuilleton, et que nous le fassions ici, à l’Assemblée nationale, et non par des déplacements à mon sens inappropriés – je pense notamment au déplacement à Rabat, pas plus tard qu’hier, d’un ancien chef d’État qui a tenté ainsi de gêner le travail que nous souhaitons effectuer ensemble.
Nos relations diplomatiques et d’amitié avec le Maroc sont étroites et anciennes tant en matière économique, culturelle qu’éducative. Mais parce que les circonstances et l’actualité l’imposent, nous avons à faire face ensemble à un nouveau défi, celui de la lutte contre le terrorisme, avec son cortège de trafics en tout genre. Je pense notamment aux trafics d’êtres humains que l’on voit, malheureusement, se développer dans toute la Méditerranée.
La coopération franco-marocaine s’inscrit dans une volonté générale et commune de lutte contre la radicalisation, laquelle apparaît d’autant plus importante au vu des événements récents. Nous connaissons d’ailleurs tous la place essentielle qu’occupe le Maroc dans ce combat commun.
Le renforcement de notre coopération doit permettre de prévenir les risques d’instabilité politique dans la région du Sahel et, demain, de rechercher des solutions sur la question particulièrement sensible de la Libye. Rabat a joué un rôle fort en mars dernier en facilitant la réunion, pour la première fois, des deux parlements rivaux libyens en vue de former un gouvernement d’union nationale, et en les recevant par la suite à plusieurs reprises, facilitant ainsi l’action menée par le médiateur de l’ONU, M. Bernardino Leon, pour tenter de rapprocher les points de vue libyens.
Une telle collaboration doit être approfondie, particulièrement en matière judiciaire et pénale, ce qui est l’objectif de ce protocole additionnel. Mais si elle revêt, par la nature même du texte, un caractère exceptionnel, cette coopération ne doit pas être exorbitante : les droits et libertés constitutionnels tout comme nos engagements internationaux doivent être garantis et respectés.
Nous le savons tous, le protocole additionnel a soulevé de nombreuses interrogations tant du côté des ONG que des autorités administratives indépendantes. Pour s’approcher de la vérité de son contenu, mieux vaut se garder de certaines approches, certes enthousiastes, mais peut-être excessives.
Je m’attacherai à développer quatre questions. Tout d’abord, l’indépendance des juges et donc de la justice est-elle réellement garantie ? Le rapport remis par la présidente de la commission des affaires étrangères a permis de lever une partie des incertitudes sur ce point.
En premier lieu, s’agissant des informations dont le paragraphe 2 prévoit la transmission immédiate lorsque les faits ont été commis sur le territoire de l’autre partie par l’un de ses ressortissants, il appartiendra aux parquets généraux, en opportunité, de les porter à la connaissance des autorités centrales afin que les autorités centrales de l’autre partie soient également informées.
Il semble donc clairement établi qu’aucune directive ne sera donnée par le ministère de la justice aux autorités judiciaires.
En outre, lors de l’ouverture de procédures pénales auprès de l’autorité judiciaire par une personne n’en possédant pas la nationalité pour des faits commis sur le territoire de l’autre partie par l’un de ses ressortissants, le paragraphe 3 de l’article 2 du présent protocole prévoit la mise en place d’une procédure dite de « dénonciation officielle ».
Il ne s’agit pas d’un dessaisissement des juges français ou marocains au profit de leurs homologues, mais d’une simple délégation de poursuites. Ainsi, l’autorité judiciaire saisie ne renonce pas à l’exercice de son droit de poursuite et les requérants ne sont pas privés de voies de recours réelles. L’accès à une justice effective reste garanti.
Deuxième question : le secret de l’instruction, principe fondamental de notre droit pénal, est-il respecté ? Seule l’information sur l’existence d’une procédure sera transmise et non le contenu précis et détaillé du dossier. Une telle information sommaire ne saurait constituer une violation du secret de l’enquête et de l’instruction.
Ma troisième question porte sur l’articulation de ce protocole avec nos engagements internationaux et la compétence quasi universelle des juges français.
Les articles 689 et suivants du code de procédure pénale permettent aux juridictions françaises de poursuivre et de juger les faits commis à l’étranger par une personne étrangère se trouvant sur le territoire français sur des victimes étrangères et ce, conformément aux conventions internationales ratifiées par la France.
Or le protocole additionnel ne revient en rien sur les obligations de la France en la matière et ne remet pas en cause la compétence quasi universelle du juge français.
Le protocole rappelle en effet que le dispositif de coopération et d’échange s’inscrit dans le cadre des engagements respectifs de la France et du Maroc pour contribuer à la bonne mise en oeuvre des conventions internationales qui les lient.
C’est le cas en particulier de la convention des Nations unies contre la torture adoptée à New York le 10 décembre 1984 et à laquelle chacun de nos deux pays est partie.
Le texte ne comporte aucun mécanisme obligatoire de subsidiarité, ni aucune clause de compétence ; par conséquent, il ne contrevient pas au droit en vigueur.
Enfin, l’application de ce protocole aux binationaux est le principal point sur lequel nous pourrions éventuellement exprimer des réserves. Il a toutefois été évoqué par plusieurs intervenants, et je n’y reviendrai pas, d’autant que mon temps de parole est écoulé. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter sans aucune retenue en faveur de l’approbation du protocole additionnel.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, la France et le Maroc entretiennent traditionnellement des relations bilatérales que, malgré a prudence de sa terminologie, la diplomatie n’hésite pas à qualifier « d’excellentes ». La qualité de cette relation s’est notamment incarnée aux yeux des Français et des Marocains depuis le milieu des années 1990 par la relation intime qui a uni les présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy et leurs majestés Hassan II et Mohammed VI.
Cette relation bilatérale est fondamentale pour notre pays sur bien des plans. En termes économiques d’abord, la France est le premier investisseur étranger au Maroc, ainsi que son deuxième fournisseur. Ensuite, en termes de coopération politique régionale, de lutte contre le terrorisme et de sécurité, l’amitié franco-marocaine permet un partenariat dont la stabilité revêt une importance particulière en Afrique du nord.
La qualité de ces relations bilatérales est également importante pour le quotidien de nos compatriotes français installés aux Maroc ou pour les près de 700 000 franco-marocains vivant en France.
Mais plusieurs incidents diplomatiques survenus au début de l’année 2014 sont venus mettre en péril cette relation privilégiée et exceptionnelle. Peu relayés en France, ils ont en revanche profondément blessé nos amis marocains. Ces derniers se sont sentis trahis, comme en témoignent le déchaînement médiatique que ces incidents ont entraîné au Maroc, et le sentiment de défiance vis-à-vis de la France qu’ils ont provoqué, pour aboutir à l’arrêt brutal de tout échange judiciaire.
On peut d’ailleurs les comprendre ! Comment aurions-nous réagi si un haut responsable de la lutte antiterroriste avait ainsi été menacé d’arrestation, au sein même de la résidence de notre ambassadeur ? Comment aurions-nous réagi devant une telle entorse faite à notre souveraineté ?
Après une année de rupture, la signature, le 6 février dernier, par notre ambassadeur au Maroc et le ministre marocain de la justice et des libertés, du protocole que nous examinons aujourd’hui, a marqué le rétablissement de notre coopération judiciaire. Aujourd’hui, il s’agit donc d’acter définitivement la fin de la crise et la reprise de cette coopération.
L’enjeu est avant tout celui de la coopération judiciaire, dont il faut rappeler qu’en volume, elle est la plus importante que la France entretient avec un pays étranger.
En matière d’entraide judiciaire pénale par exemple, l’arrêt de cette coopération a été particulièrement préjudiciable, en particulier pour la France, notre pays étant, depuis 1998, à l’origine de 952 demandes, contre 103 par le Maroc.
Nous pensons tous à la lutte antiterroriste, pour laquelle les conséquences d’un tel arrêt auraient pu être dramatiques. Mais d’autres domaines sont également en jeu, celui de la coopération familiale par exemple, qui touche directement des familles françaises.
Mme la rapporteure a rappelé lors de l’examen du texte en commission que pendant la suspension de notre coopération, aucune médiation n’avait pu être réalisée dans les nombreux dossiers relatifs à des conflits impliquant les enfants – procédures alimentaires, droits de visite –, et qu’aucun signalement de déplacement illicite d’enfants n’avait été effectué. C’est très grave, et on peut imaginer le désarroi que cela a dû engendrer pour de nombreuses familles.
Mais au-delà du domaine judiciaire, l’enjeu est aussi bien plus large : cette brouille diplomatique aurait pu mettre en péril notre relation dans d’autres domaines avec un partenaire privilégié, qui fait figure de « maillon fort » dans sa région.
Il est urgent de rétablir auprès de ce pays ami, de ce partenaire privilégié, la confiance que nous avons écornée. Cela passe par une adoption très large de ce protocole par l’Assemblée nationale.
Ce texte a suscité des incompréhensions et interrogations, en très grande partie en raison de difficultés d’interprétation de son contenu. Mais Mme la rapporteure en a expliqué très précisément la portée juridique et a levé les inquiétudes – légitimes au demeurant – que certains pouvaient avoir.
Il ne s’agit en aucun cas de bouleverser le système préexistant à « la crise ». Il s’agit simplement de faciliter l’échange d’informations entre nos deux justices et de permettre ainsi une meilleure administration de la justice.
Après les différentes maladresses qui ont tant blessé, il s’agit donc aujourd’hui d’envoyer à nos amis marocains un message clair de respect et de confiance en adoptant ce texte à la plus large majorité possible.
Puisse aussi cet épisode, madame la secrétaire d’État, madame la présidente, nous inspirer plus de circonspection et permettre d’éviter toute initiative hasardeuse : je pense notamment au groupe d’études sur le Sahara occidental dont l’Assemblée nationale aurait été probablement mieux inspirée en n’en décidant pas la création.
Murmures sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Là encore, quel message envoyons-nous à nos amis marocains ?
En ces temps si compliqués, si troublés, si violents au Proche-Orient, rien ne doit venir faire douter le Royaume du Maroc qu’il représente à nos yeux un précieux pilier de stabilité, un pilier essentiel pour soutenir le pont que nous voulons construire entre les deux rives de la Méditerranée.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis vise à autoriser l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire du 18 avril 2008, signé le 6 février 2015 entre la France et le Maroc. La concrétisation de cet accord marque la reprise d’une coopération indispensable pour nos deux pays tant en matière pénale que civile. Elle intervient après une période de onze mois de crise bilatérale qui a vu le gel de notre coopération judiciaire et policière.
Ce texte dont les garanties juridiques sont assises sur le respect du principe de compétence universelle permettra le rétablissement d’une coopération d’exception entre nos deux pays. Notre droit n’est donc aucunement sacrifié pour raison d’État, vous nous l’avez démontré, madame la rapporteure, lors de l’examen du projet de loi en commission.
Cette nouvelle relation porte le sceau de la confiance et de l’égalité. La signature du présent protocole doit se concevoir comme un acte de confiance dans la capacité des institutions judiciaires de nos deux pays à coopérer en bonne intelligence pour une meilleure administration de la justice.
L’amitié entre nos deux pays repose sur des relations bilatérales étroites dans de nombreux domaines : la culture, l’éducation ou encore l’économie. Le gel de nos relations en matière judiciaire, s’il a affecté cette amitié, n’a fort heureusement pas eu d’impact sur ces échanges.
Par ailleurs, le couple France-Maroc est aujourd’hui soumis à des enjeux diplomatiques majeurs. D’une part, le Maroc se positionne comme un acteur central en Afrique et dans la région et d’autre part, il constitue un partenaire de premier plan pour ce qui concerne la lutte contre le terrorisme et la montée du fondamentalisme religieux.
La communauté française au Maroc compte près de 50 000 personnes, près de 20 000 y résident une partie de l’année. De son côté, la communauté marocaine en France représente 1,5 million de personnes. Notre coopération s’appuie sur des liens forts et anciens, et la crise que nous avons subie n’a pas altéré ces relations.
Aujourd’hui, en France, on dénombre près de 35 000 étudiants marocains. Cet effectif représente le premier contingent d’étudiants étrangers dans notre pays, il faut le rappeler. La coopération en matière éducative et universitaire s’appuie sur un réseau très important : l’Institut français du Maroc compte ainsi douze sites, abrite trois espaces Campus France et entretient un partenariat étroit avec l’Alliance française de Safi.
Le réseau d’enseignement du français au Maroc est quant à lui le plus grand réseau d’enseignement à l’étranger : plus de 31 500 élèves sont répartis sur quatre réseaux implantés sur le territoire. Le lancement de divers projets permettra de fortifier un peu plus ce réseau qui témoigne de la volonté de maintenir nos partenariats en la matière.
Le Maroc a recensé près de 8,1 millions de touristes sur son exercice 2014. Plus de 2 millions d’entre eux étaient français, preuve de l’attrait du Maroc pour nos concitoyens.
Nos échanges s’appuient également sur de solides liens économiques. La France est en effet le premier partenaire commercial du Maroc, son premier client et son deuxième fournisseur après l’Espagne. Les exportations de la France vers le Maroc représentent 2,5 milliards d’euros, les importations françaises depuis le Maroc s’élèvent quant à elles à 2 milliards d’euros.
Il convient de noter par ailleurs que la France est à la fois le premier investisseur étranger au Maroc et le premier bailleur de fonds bilatéral du royaume : 750 filiales françaises employant plus de 120 000 personnes y sont en effet installées.
À ces échanges viennent s’ajouter de nouveaux axes permettant le renforcement de notre partenariat économique. Je pense aux énergies renouvelables, au coeur de la stratégie marocaine, et qui devraient constituer un axe majeur de notre coopération économique.
Par ailleurs, le lancement de nouveaux projets économiques communs tournés vers l’Afrique devrait être l’un des axes majeurs de notre coopération.
En matière culturelle et audiovisuelle, enfin, les échanges sont également très riches. La saison culturelle France-Maroc 2015, par exemple, prévoit plus de 300 événements culturels tout au long de l’année au Maroc. Les tensions que nous avons connues dans nos relations en matière judiciaire n’ont fort heureusement pas eu d’impact sur nos partenariats, preuve de la force du lien qu’ont noué nos deux États.
La France et le Maroc disposent donc de partenariats privilégiés dans de nombreux domaines d’activité et ont des habitudes de coopération qui leur permettent d’appréhender les enjeux diplomatiques majeurs auxquels ils sont aujourd’hui confrontés. Le Maroc se positionne en effet comme un acteur central en Afrique et dans la région.
Dans le dossier libyen, par exemple, Rabat joue un rôle particulièrement constructif : la diplomatie marocaine est à l’initiative d’une rencontre, en mars dernier, en vue de former un gouvernement d’union nationale ; elle est également présente dans le processus de formation d’un gouvernement d’union nationale sous l’égide de la Mission d’appui des Nations unies en Libye.
La résolution de la crise malienne est également un dossier important de notre stratégie diplomatique avec le Maroc et, à l’échelle européenne, nos deux pays ont un rôle stratégique à jouer dans la relance d’une politique de voisinage plus ambitieuse. Le Maroc constitue naturellement un allié incontournable dans la promotion d’une politique méditerranéenne ambitieuse, qui doit permettre de répondre aux défis nombreux de cette zone. La coopération militaire, également très dense, est appelée à se poursuivre et à s’intensifier.
Pour ce qui est de la lutte contre la radicalisation, l’Institut Mohammed VI de formation des imams assure une formation religieuse qui fait du Maroc un partenaire utile qui contribuera, pour une part, à la formation des imams de France.
Le dialogue franco-marocain est donc étroit et équilibré.
Madame la rapporteure l’a dit, le texte sur lequel nous allons nous prononcer contient des ambiguïtés et des zones d’ombre. Nous avons été interpellés par plusieurs organisations au sujet de ce protocole et il conviendra de veiller à l’indépendance du juge dans le cadre des échanges qui interviendront. Comme l’a rappelé notre commission, il faudra désormais faire vivre ce partenariat.
Je salue donc, madame la rapporteure, le travail que vous avez mené et qui a été réalisé dans un esprit de transparence et de franchise particulièrement utile à nos débats. Nos deux pays doivent poursuivre le renforcement de leurs relations, car ils sont des acteurs majeurs de la construction de la politique de l’espace méditerranéen.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nos relations sont en train de se réchauffer avec ce grand pays de l’autre bord de la Méditerranée qu’est le Maroc. Comme l’ont dit la plupart de mes collègues avant moi, c’est une grande et bonne nouvelle.
Le Maroc a participé, voilà plus de deux mois, à une réunion organisée à Paris sur la lutte contre le terrorisme et nous avons déjà dépêché ou dépêcherons certainement des hauts fonctionnaires chargés de travailler sur les dispositions relatives à la justice dont ce pays veut à nouveau s’inspirer. Le Maroc est le dix-neuvième pays avec lequel nous développons une entraide judiciaire de tout premier plan. Celle-ci concerne de nombreux êtres humains, car un nombre important de nos concitoyens résident dans ce pays et plus d’un million de Marocains en France.
Bien sûr, tout n’est pas encore parfait et il y a certes encore beaucoup à faire mais, dans une zone aussi tourmentée et aussi difficile, où la paix a tant de difficultés à se défendre et à reprendre pied, notre pays adresse un signal très important en s’engageant dans cette politique qui lui fait honneur.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente et rapporteure de la commission des lois, mes chers collègues, le protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale avec le Maroc signé en février 2015 est soumis à l’approbation de notre Assemblée. Chacun connaît la particularité de l’exercice qui ouvre la possibilité à notre Assemblée d’approuver ou de rejeter ce protocole, sans pouvoir en aucune manière en modifier le contenu, comme vous nous l’avez rappelé très précisément tout à l’heure, madame la présidente.
Cela ne doit cependant pas empêcher notre Assemblée d’examiner ce texte et d’entrer dans le débat. Je tiens à adresser sans attendre mes chaleureux remerciements à la présidente et rapporteure de la commission des affaires étrangères, qui a ouvert ce débat et mené des auditions permettant d’examiner largement la question avec l’ensemble des intervenants susceptibles de s’y intéresser. Je la remercie d’avoir accepté que je l’accompagne dans certaines de ces auditions pour faire part aux membres de la commission des lois des conditions dans lesquelles la commission des affaires étrangères s’était saisie de cette question.
Sans revenir sur les modalités d’élaboration de ce protocole, j’axerai mon intervention sur son contenu judiciaire et juridique, qui est certainement la seule chose utile à notre débat. Des organisations non-gouvernementales ont été auditionnées. Par ailleurs, la présidente et les membres de la Commission nationale consultative des droits de l’homme – CNCDH – ont également été auditionnés par vous et ont rendu un avis.
Il ne me semble pas exact d’affirmer que, comme on a pu le lire aujourd’hui dans certaines déclarations, le nouveau dispositif prévoit que les plaintes déposées en France seront prioritairement renvoyées à Rabat ou clôturées. Affirmer que cela figure dans le dispositif est une faute intellectuelle complète, un propos inconsidéré. Un tel mécanisme remettrait en cause l’indépendance de la justice et la compétence universelle des tribunaux français.
En fait, le dispositif évoque deux grandes situations : la transmission d’informations d’État à État ou d’autorité judiciaire à autorité judiciaire et – ce qui semble faire débat – les procédures engagées, avec l’éventuelle mise en cause des compétences de chacun.
À cet égard, j’appelle votre attention sur le fait que, si une procédure est engagée, cela signifie qu’une autorité judiciaire est impliquée dans le dispositif. Si l’on veut qu’il y ait une vraie coopération avec le Maroc, les deux autorités judiciaires doivent être concernées et le plus grand service que nous puissions rendre à l’État marocain est de favoriser la plénitude de l’exercice de compétence de son autorité judiciaire. C’est ainsi que l’on construit des rapports d’État à État : dans la plénitude des autorités judiciaires.
Par ailleurs, si une autorité judiciaire française intervient dans ce dispositif, elle ne le fera que dans la limite de ses capacités. Elle ne peut faire autrement. Ainsi, il est faux de dire qu’un parquet sera dessaisi car, en vertu de l’article 35 du code de procédure pénale, le parquet a la liberté de saisir et fait, en la matière, ce qu’il veut. S’il ne fait pas ce qu’un justiciable, quel qu’il soit, attend de lui, ce dernier peut saisir le parquet général ou déposer plainte. On ne peut plus prétendre qu’un parquet français pourrait se trouver dans l’incapacité d’agir selon ses compétences, et d’autant moins que ces dernières ont été renforcées voilà deux ans par une loi qui prive définitivement le garde des sceaux de toute possibilité de donner des instructions individuelles. Ce problème est désormais derrière nous.
En deuxième lieu, on ne voit pas comment un juge, quel qu’il soit, pourrait se soustraire à ses obligations – qu’il s’agisse de celles que lui impose le code de procédure pénale, notamment pour ce qui concerne le déport de citoyens risquant des tortures, ou de l’ensemble des engagements conventionnels.
Il est vrai, et vous l’avez reconnu vous-même, madame la présidente de la commission, que le texte n’est pas très bien écrit et qu’il est porteur d’ambiguïtés. J’affirme cependant que son interprétation est, quant à elle, sans ambiguïté et que le travail accompli par chacun dans cet hémicycle servira cette interprétation. Ainsi, les juridictions seront désormais confortées par l’analyse que font de ce texte le Gouvernement et – entre autres – la présidente de la commission des affaires étrangères. Tous les questionnements sur ces sujets sont légitimes, mais il ne faut pas les prolonger lorsque l’on considère que l’on a satisfait à l’exigence que se fixait le législateur.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, ce protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc justifiait-il nos échanges de cet après-midi ? Je crois que oui et j’en veux pour preuve les nombreuses interrogations tout à fait légitimes qu’il a soulevées, parmi les membres de la société civile comme dans notre Assemblée. L’explication était donc nécessaire – explication de texte, mais aussi de contexte.
Les circonstances particulières de sa négociation et de son écriture doivent être rappelées. Mme Élisabeth Guigou nous a proposé une lecture du texte qui répond de façon exhaustive à toutes les préoccupations signalées. Elle nous a convaincus – je parle ici, au moins, au nom des députés socialistes, républicains et citoyens – et nous voterons ce texte.
Compte tenu des enjeux juridiques et diplomatiques qui ont accompagné la mise en oeuvre de ce traité, il est important que chacun d’entre nous puisse donner son point de vue et que, madame la secrétaire d’État, vous puissiez confirmer qu’il s’agit bien là, comme cela a été dit à la rapporteure, d’une convention visant à fluidifier les rapports entre la justice de deux pays amis – ni plus, ni moins.
Pour en revenir au contexte particulier de son élaboration, ce texte est directement issu d’une mésentente bilatérale, qu’il s’efforce de corriger. Les faits sont connus : le 20 février 2014, M. Abdellatif Hammouchi est venu à Paris pour participer à une réunion consacrée à la lutte contre le terrorisme. Vous connaissez la suite, que plusieurs d’entre nous ont rappelée : l’intervention d’un groupe de policiers français à l’ambassade du Maroc pour demander à ce responsable de l’antiterrorisme de se rendre dans le bureau d’un magistrat a eu de lourdes conséquences. Le 27 février, le Maroc annonçait la suspension unilatérale de toute forme de coopération judiciaire pénale avec la France.
Conséquences lourdes, en effet : des dossiers de transferts de prisonniers, de gardes d’enfants et de divorces ont été gelés pour une durée indéfinie ; la coopération antiterroriste a été suspendue, ainsi que les visites ministérielles. La suspension de l’entraide policière et judiciaire a entraîné des préjudices considérables pour nos deux pays et il devenait urgent de mettre à plat les différents éléments du problème et de chercher ensemble une feuille de route pour la sortie de crise, combinant le respect du droit et celui des règles de bon voisinage – exercice complexe, mais qui relève du quotidien habituel de tous les gouvernements.
Au terme de plusieurs mois de contacts et d’échanges, le protocole additionnel à la convention bilatérale a été signé par les autorités des deux pays et arrive aujourd’hui dans notre hémicycle.
La convention vise à instituer une information mutuelle automatique dès lors qu’un ressortissant de l’un des deux pays fait l’objet de procédures pour des faits commis sur le territoire de l’autre partie. Ce dispositif, plusieurs l’ont rappelé, n’enlève aucune prérogative au juge en charge de l’instruire, dont l’indépendance reste entière. Il contribue en revanche, en créant une obligation d’information mutuelle, à mieux fonder les suites à donner et la prise de décision.
L’information communiquée par les autorités marocaines sera-t-elle de qualité ? Il reviendra aux magistrats français de l’apprécier au cas par cas – la justice a ses qualités et ses défauts sous tous les horizons, en France comme au Maroc.
Le constat qui s’impose toutefois aujourd’hui, en 2015, est celui d’une évolution très nette de la justice et du droit marocains. Le Maroc a signé la convention internationale contre la torture et s’est doté d’une commission de défense des droits de l’homme, qui a présenté ses premières recommandations en 2014.
Nous devons certes rester vigilants, mais ce texte le permet. Il prend acte d’un malentendu et propose, de façon pragmatique, de tourner la page, dans le respect des valeurs de justice auxquelles nous sommes tous attachés. Principe de compétence universelle, indépendance du juge et secret de l’instruction : tous les principes majeurs qui garantissent notre droit sont respectés. Il respecte, enfin, un pays ami, un peuple historiquement humilié et qui entend légitimement être traité sur un pied d’égalité par les autres nations, en particulier par l’ancienne puissance coloniale.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mesdames, messieurs les députés, vous avez soulevé dans cette discussion générale des questions importantes et légitimes auxquelles je veux répondre.
Ces questions sont importantes parce que le Maroc constitue un pôle de stabilité dans un monde arabe déchiré par les conflits. Ce pays a fait des choix courageux pour se moderniser ; il est donc essentiel de le soutenir dans cette voie. C’est aussi un partenaire de premier plan pour la France, tant par nos liens si profonds et si complexes, rappelés par Élisabeth Guigou, que dans notre lutte contre le terrorisme et les dérives radicales.
Elles sont légitimes parce que l’accord que nous examinons aujourd’hui traite de questions fondamentales pour notre démocratie, telles que la séparation des pouvoirs, l’accès des citoyens à la justice, l’égalité de tous devant la loi et la vocation universelle des droits de l’homme. Nous devons traiter ces sujets avec la gravité qui convient et il est important que je puisse prendre quelques instants pour éclaircir certains points.
Madame Guigou, monsieur Degallaix, vous m’avez interrogée sur la nature des informations qui seront transmises : les autorités se transmettront les informations que l’autorité judiciaire aura portées à leur connaissance à cette fin. C’est donc bien à l’autorité judiciaire, dont notre Constitution garantit l’indépendance et la vocation de gardienne des libertés individuelles, qu’il reviendra d’apprécier le contenu exact des informations transmises, dans le respect du secret de l’instruction.
S’agissant du flux important d’informations, il y a lieu de penser, ainsi que vous l’avez indiqué, madame Guigou, que celles-ci seront assez succinctes et strictement nécessaires au bon déroulement de la procédure : identité de l’auteur présumé, lieu, date et qualification des faits poursuivis.
Monsieur Degallaix, madame Duflot, vous avez évoqué les risques de dessaisissement dans l’hypothèse où, après avoir reçu des éléments d’information de l’autre partie, l’autorité judiciaire saisie décide qu’il est préférable que l’affaire soit jugée par les autorités judiciaires de l’autre pays. Elle procédera alors par la voie de la dénonciation officielle des faits, rappelée par M. Philippe Baumel : c’est l’acte par lequel une partie donne connaissance à une autre partie d’une infraction et lui demande de la juger. Cet acte ne dessaisit pas le juge saisi en premier, qui conserve la faculté de reprendre les poursuites à tout moment.
Madame Duflot, vous avez indiqué que ce texte donnerait une priorité au juge marocain : si le nouveau dispositif permet la saisine du juge de l’autre État, ce n’est qu’à l’initiative du juge initialement saisi – et encore ce dernier conserve-t-il in fine le droit de juger : il est important de le rappeler. Ces deux précisions devraient achever de vous convaincre.
Monsieur Asensi, madame Duflot, vous avez évoqué des risques de pression sur les juges : le texte est strictement conforme aux principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance de l’autorité judiciaire consacrés par la Constitution. L’autorité judiciaire conservera donc, en toute hypothèse, le dernier mot sur les suites à donner. Je rappelle que, depuis juillet 2013, le pouvoir exécutif ne donne plus aucune instruction aux parquets dans les dossiers individuels, comme l’a fort bien rappelé Jean-Yves Le Bouillonnec.
Concernant le droit au recours, et contrairement à ce qui a été dit, ce texte ne porte pas atteinte au droit à un recours effectif des victimes de crimes et de délits commis au Maroc – bien au contraire ! Les procédures menées en France pour des faits commis à l’étranger nécessitent des demandes d’entraide, que ce texte favorisera.
Ce texte est le résultat non pas d’un chantage, mais bien d’une forte volonté politique et d’un attachement partagé à la relation franco-marocaine, monsieur Asensi. Cet accord crée bien sûr les conditions de la relance. Il n’y a donc ni vainqueur ni vaincu : après l’adoption de ce texte tout à l’heure – je l’espère ! –, il y aura in fine deux gagnants.
Par ailleurs, vous convergez tous – monsieur Chatel, madame Duflot, monsieur Maggi, monsieur Asensi – sur un point : le Maroc est engagé depuis quinze ans dans un processus important de modernisation politique et sociale. En 2014, rappelons-le, le Maroc se classe premier dans l’indice de démocratie arabe publié par l’Arab Reform Initiative. L’expérience d’autres pays de cette région doit nous conduire à encourager résolument ces avancées ; tel est le chemin que nous suivons tous aujourd’hui.
Monsieur Marleix, vous avez raison : la France souhaite, plus que jamais, rester le partenaire de référence du Maroc dans tous les domaines. Les moyens déployés sont donc à la hauteur de nos ambitions. Le réseau d’enseignement français au Maroc est notre plus grand réseau à l’étranger, avec plus de 32 000 élèves en 2014, et l’Institut français du Maroc est notre plus grand institut dans le monde, avec douze sites répartis sur tout le territoire.
Au terme de ce débat, je souhaite vous remercier, au nom du Gouvernement, pour la qualité de nos échanges. Ils ont été à la hauteur des enjeux : d’une part, la place de la justice, des victimes et des droits de l’homme dans notre société et dans les relations internationales ; d’autre part, la relation bilatérale avec un partenaire essentiel pour la France dans un contexte où nous faisons face aux mêmes défis et où notre partenariat nous offre des opportunités formidables d’y répondre.
Le texte soumis à votre approbation aujourd’hui répond à ces enjeux en créant les conditions d’une coopération judiciaire plus efficace entre nos deux pays, dans le plein respect de nos principes constitutionnels et de nos engagements internationaux.
J’espère, mesdames, messieurs les députés, que ces quelques mots supplémentaires vous auront apporté des réponses aux quelques inquiétudes qui seraient demeurées jusqu’à maintenant. Nous sommes nombreux à estimer que ce texte est gagnant pour toutes les parties, la France comme le Maroc, et j’espère que vous serez très nombreux à le voter.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.
La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, premier orateur inscrit sur cet article.
Cet article unique permet d’entériner le protocole additionnel entre la France et la Maroc dont nous venons de débattre. Les échanges et les explications de Mme la secrétaire d’État ont permis de valider la voie choisie par le Gouvernement pour clore de façon satisfaisante un grave malentendu bilatéral.
L’intention première de ce texte est politique – comment pouvait-il en aller autrement ? –, et même de bonne politique ; pour autant, le projet de loi n’a en rien sacrifié les grands principes de droit auxquels nous sommes, à juste titre, attachés. Je remercie d’ailleurs Mme la rapporteure pour le travail qu’elle a accompli, ainsi que l’ensemble des commissaires aux affaires étrangères pour leur concours. Cet accord est donc globalement satisfaisant, comme la majorité des intervenants l’ont souligné.
Il convenait de remettre la coopération judiciaire sur les rails afin de rétablir la bonne entente bilatérale entre nos deux pays. Il convenait d’effacer le sentiment d’humiliation – c’est ainsi qu’il était exprimé – ressenti par le Maroc. Cette page de l’humiliation a été tournée, mais – deuxième point sur lequel je souhaite insister – pas à n’importe quel prix. L’obligation d’informer qui figure dans le texte n’a pas vocation à dessaisir le magistrat qui engage une procédure ; cela a été constamment rappelé. En outre, la portée de ce qui est communiqué reste de la responsabilité du magistrat instructeur. Les choses sont claires et ont été rappelées tout au long du débat.
Je ne reviendrai pas sur les interrogations portant sur l’interprétation de certaines formulations, qui ont légitimement suscité des questions. Les réponses apportées par le Gouvernement ont confirmé que l’on restait bien dans un cadre informatif : l’insertion d’un nouvel article 23 bis dans la convention d’entraide judiciaire ne peut en aucun cas être comprise autrement que comme un dispositif visant à renforcer la coopération judiciaire en densifiant les échanges mutuels.
Pour toutes ces raisons, le groupe SRC confirme le vote positif qu’il a émis en commission des affaires étrangères le 17 juin dernier. Il votera donc cet article permettant d’entériner le protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire entre la France et le Maroc et de relancer de bonnes relations entre nos deux pays.
Je me félicite du débat sur ce protocole destiné à renouer des relations diplomatiques plus apaisées et à relancer la nécessaire coopération judiciaire avec le Maroc. Ce premier pas ouvrant le champ à d’autres types de coopération renforcée, nous devons maintenir par la suite ce dialogue et en passer par la signature de ce protocole.
Sans revenir sur les compétences du juge français ou sur la compétence universelle, déjà évoquées, il y aura des discussions ultérieures sur les compléments à apporter à ce protocole. Mais celui-ci constitue une base nécessaire pour le règlement d’un certain nombre de contentieux que nous, députés des Français de l’étranger, rencontrons dans nos circonscriptions avec les familles binationales.
Une convention est une promesse d’une coopération plus étroite et nous allons progresser dans ce domaine : mieux vaut un dialogue perfectible qu’un désaccord diplomatique et politique, lequel ne contribuerait pas au développement de nos échanges, ainsi que l’a rappelé Jean-Luc Bleunven.
Il faut néanmoins rappeler, car je ne l’ai pas souvent entendu cet après-midi, que cette convention d’entraide judiciaire prend tout son sens dans le cadre d’une francophonie plus développée. En effet, depuis quelques années, l’Organisation internationale de la francophonie organise des séminaires régionaux sur la question de la coopération judiciaire. Ce protocole additionnel trouve donc toute sa place dans l’ambition francophone que ce gouvernement soutient activement ; l’article unique de ce projet de loi permet cela.
Sur le vote de l’article unique du projet de loi, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Benoît Hamon.
Je souhaite poser deux questions au Gouvernement, moins sur le contenu strict de l’accord que sur ce qui l’entoure. Une grande partie des protestations qui ont pu voir le jour sur le contenu de ce protocole tient non pas à l’amitié franco-marocaine ou à la nécessité de clore une brouille diplomatique – c’est indispensable sur le plan tant économique, culturel que diplomatique –, mais à ce qui entoure le protocole, notamment le fait que la France a ratifié le traité instituant la Cour pénale internationale et a adopté une loi d’adaptation. Cette loi de 2010, en créant quatre verrous rendant quasiment impossible la poursuite d’auteurs de crimes internationaux sur le territoire français, a beaucoup ému certaines d’associations.
Une proposition de loi, qui a été déposée par le sénateur Jean-Pierre Sueur, lève trois de ces quatre verrous, à l’exception du monopole du parquet. Le Gouvernement peut-il s’engager aujourd’hui à faire examiner à l’Assemblée nationale cette proposition de loi, laquelle va dans le bon sens et rejoint l’un des engagements du Président de la République concernant la mise en oeuvre de la compétence universelle ? Nous pourrions ainsi rassurer toutes les associations qui se sont émues des conséquences de ce protocole sur la mise en oeuvre de la compétence universelle.
Enfin, d’autres pays pourraient-ils demander la signature d’un protocole de même nature ? En clair, le présent protocole fera-t-il jurisprudence ? Est-il imaginable que d’autres pays demandent l’équivalent de ce protocole entre la France et le Maroc ?
Je souhaite redire à quel point nous sommes déçus que notre amendement visant à demander un rapport d’information d’ici à deux ans ait été déclaré irrecevable, au nom d’une décision du Conseil constitutionnel interprétée à l’inverse de ce qui est admis au Sénat. Apparemment, le Sénat, sur certains sujets, a une vision plus positive que la nôtre : c’est la logique Raffarin.
Parce qu’il n’y aura pas de suivi, parce que vos arguments, madame la secrétaire d’État, ne nous ont pas convaincus, parce que nous continuons à penser que la situation n’est pas claire au plan juridique et que l’on continuera à torturer au Maroc – je me permets de rappeler qu’un jeune homme est mort très récemment après 72 jours de grève de la faim et qu’il était un militant des droits de l’homme –, parce que nous ne pouvons pas regarder de l’autre côté comme s’il ne se passait rien de choquant au Maroc, nous ne voterons pas ce texte.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 37 Nombre de suffrages exprimés: 37 Majorité absolue: 19 Pour l’adoption: 33 contre: 4 (L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)
La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt.
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux, Patrick Bloche, Mme Corinne Erhel et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen et apparentés relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre (nos 2822, 2877, 2863).
La parole est à M. Patrick Bloche, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles et de l’éducation, saisie au fond sur cette proposition de loi, a adopté, le 17 juin dernier, ce texte que j’ai déposé avec Bruno Le Roux, Corinne Erhel et les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen. Cette proposition relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la TNT a été, en commission, enrichie de plusieurs amendements.
La TNT utilise actuellement des bandes fréquences comprises entre 470 et 790 mégahertz. Au printemps 2013, le Président de la République a pris la décision de transférer aux opérateurs mobiles la bande comprise entre 694 et 790 mégahertz, dite « bande 700 ».
Ce transfert poursuit deux objectifs essentiels : accompagner le développement du très haut débit mobile tout en garantissant dans la durée les intérêts et la modernisation de la TNT qui demeure, je le rappelle, l’offre gratuite de référence et le socle du financement de la création audiovisuelle et cinématographique dans notre pays.
En ce qui concerne les besoins des services mobiles, depuis le lancement de l’internet mobile et l’arrivée des smartphones et tablettes dont nous usons et abusons, les volumes de données échangées sur ces réseaux connaissent une croissance spectaculaire. Selon les études, cette croissance, supérieure à 60 % par an ces dernières années en France, devrait se poursuivre à un rythme exponentiel, de sorte que les opérateurs mobiles auront besoin de fréquences supplémentaires au plus tard en 2020. Il faut donc, dès à présent, créer les conditions pour dégager un nouveau dividende numérique en faveur de ces nouveaux usages en France comme ailleurs.
Le transfert de la bande 700 s’inscrit en effet dans un mouvement international et européen. Dès 2013, la Commission européenne a lancé une réflexion sur l’avenir de cette bande. En septembre 2014, Pascal Lamy lui a remis un rapport qui préconise son transfert en 2020 ou plus tôt, pour les pays qui le souhaiteraient. Une décision européenne demandant aux États membres de libérer la bande 700 avant 2020 pourrait dès lors intervenir dès l’année prochaine. Plusieurs pays européens ont déjà annoncé leur intention de procéder au même transfert. L’Allemagne a déjà engagé, notons-le, la cession des fréquences. En France, leur vente aux opérateurs mobiles devrait avoir lieu en décembre de cette année, après un appel à candidatures en juillet. Pour associer les parlementaires à ce processus, a été créée à notre initiative, par la loi du 15 novembre 2013, la Commission pour la modernisation de la diffusion audiovisuelle – CMDA. Cette commission, dont nous avons été deux membres actifs, Corinne Erhel et moi, s’est réunie deux fois et a rendu son avis public le 13 mai dernier. Nous sommes aujourd’hui le 23 juin : en un mois et dix jours, nous n’avons pas perdu de temps. En cette affaire, le calendrier est très exigeant et chaque semaine gagnée est précieuse.
La libération de la bande par la TNT se fera en deux grandes étapes. Pour diffuser toutes les chaînes avec moins de fréquences, il faudra tout d’abord généraliser une norme de compression dite MPEG-4 qui permettra de regrouper toutes les chaînes de la TNT dans six multiplex au lieu de huit actuellement – ce qui conduira à la disparition des multiplex R 5 et R 8. Cette première étape doit être franchie rapidement et l’échéance d’avril 2016 a d’ores et déjà été envisagée.
Dans un second temps, le CSA devra organiser le dégagement de la bande 700 et le repli de la TNT dans la bande de fréquences restante. Pour ce faire, une campagne de réaménagements de fréquences sera mise en oeuvre zone par zone entre octobre 2017 et juin 2019. En Île-de-France, les réaménagements de fréquences auront lieu dès avril 2016 pour permettre aux opérateurs mobile de les utiliser dès cette date.
La proposition de loi prévoit les évolutions législatives nécessaires à la libération de la bande 700. Elle permet en particulier d’imposer la norme MPEG-4 aux autorisations en cours et facilite la recomposition des multiplex de la TNT.
Afin de ne pas modifier le cadre juridique de la radio numérique terrestre, dont le lancement dans vingt nouvelles zones fait l’objet de consultations par le CSA, la commission a adopté un amendement qui vise à recentrer cette disposition sur la seule TNT.
Au-delà, la proposition de loi offre à la TNT les garanties d’un développement durable et d’une modernisation continue. L’article 2, conformément aux recommandations du rapport Lamy, propose ainsi de sanctuariser la bande de fréquences restante, dite « bande UHF », pour la diffusion de la TNT jusqu’en 2030, avec une clause de rendez-vous en 2025. Cette garantie forte, qui n’a jamais existé jusqu’à présent dans la loi, doit donner à l’ensemble des acteurs du secteur audiovisuel la visibilité dont ils ont besoin pour continuer à investir afin d’assurer le succès de la TNT.
Je tenais ici à souligner que la généralisation de la norme MPEG-4 est une chance pour la TNT, car elle permettra de faire passer l’essentiel, voire la totalité des chaînes en haute définition. Pour l’avenir, la proposition de loi facilite l’introduction de normes encore plus performantes et de nouveaux formats comme l’ultra-haute définition sans avoir à repasser systématiquement par la loi.
Enfin, la proposition de loi prévoit les mesures nécessaires à l’accompagnement des acteurs concernés par la libération de la bande 700.
Pour les téléspectateurs, dont nous sommes ici les représentants, plusieurs dispositifs ont été introduits par la commission, en bonne coordination avec vous, madame la ministre, afin d’assurer la continuité de la réception pour tous. Ces dispositifs, qui ont fait l’objet d’amendements identiques en commission, sont calqués sur ceux mis en place avec succès au moment de ce qu’on a appelé « l’extinction du signal analogique », c’est-à-dire du passage au tout numérique, en 2009.
En effet, monsieur Martin-Lalande : faisons tout pour que ce soit également le cas de ce transfert.
Les téléspectateurs qui reçoivent la télévision par l’antenne râteau – je vous invite, mes chers collègues, à porter une attention particulière à ce cas sur lequel vous allez être sollicités très rapidement dans vos circonscriptions – devront, avant avril 2016, s’assurer que leur téléviseur est compatible avec la norme MPEG-4. Si tel n’est pas le cas, ils devront faire l’acquisition d’un adaptateur « TNT HD », vendu à partir de 25 euros.
Fin 2014, le nombre de foyers exclusivement dépendants de la réception par l’antenne râteau et non dotés d’un équipement compatible haute définition est estimé à 1,7 million, ce qui n’est pas rien. Parmi ces foyers, nous avons prévu que ceux qui sont dégrevés de la contribution à l’audiovisuel public, soit environ 250 000 foyers, bénéficieront d’une aide à l’équipement d’un montant d’environ 25 euros. L’adaptateur sera ainsi gratuit.
Pour les foyers, en nombre limité, qui pourraient perdre la réception de la télévision après les réaménagements de fréquences prévus entre 2017 et 2019, il faudra, pour éviter l’écran noir, soit procéder à une réorientation de l’antenne, soit passer à un moyen de réception alternatif de la télévision – satellite, câble, ADSL ou télévision par internet. Ces téléspectateurs bénéficieront alors d’aides versées sans condition de ressource : une aide à la réorientation de l’antenne d’un montant maximal de 120 euros par foyer, à laquelle environ 450 000 foyers seraient éligibles, et une aide au passage à un mode de réception alternatif, d’un montant maximal de 250 euros par foyer, à laquelle environ 190 000 foyers seraient éligibles.
Par ailleurs, une assistance technique sera assurée auprès des téléspectateurs âgés ou en situation de handicap pour le branchement et le réglage des appareils. Toutes ces aides seront gérées par l’Agence nationale des fréquences – ANFR –, qui en a l’expérience et fera ainsi office de « guichet unique ».
Enfin, autre volet essentiel, une campagne de communication nationale à l’attention du public sera mise en oeuvre à partir de novembre 2015. Je sais que c’est une préoccupation forte des parlementaires, sur tous les bancs. Cette campagne devra, en particulier, bien prendre en compte la question de l’adaptation des postes secondaires, les plus touchés, afin que l’opération ne se traduise pas par une diminution de l’audience globale de la TNT, sur laquelle les auditeurs nous ont alertés.
D’autres mesures d’accompagnement sont prévues en direction des chaînes. L’article 8 de la proposition de loi met ainsi à la charge des opérateurs mobiles l’ensemble des coûts des réaménagements nécessaires à la libération de la bande 700. L’article 9 met à leur charge les coûts de résolution des brouillages qu’ils causeront par l’occupation de la bande.
La question de l’indemnisation de la rupture anticipée des contrats de diffusion sur deux multiplex se pose également. Sur ce sujet, madame la ministre, je me félicite de votre annonce, en commission, du lancement d’une mission d’expertise destinée à évaluer le plus précisément possible l’impact économique et financier de la suppression de deux multiplex sur les acteurs de la diffusion.
La commission a également adopté, à l’initiative de Madame Corinne Ehrel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, dont je salue l’excellent travail,…
…un amendement important qui prévoit de prendre en compte l’aménagement du territoire dans l’utilisation des fréquences qui seront libérées par la TNT.
La Commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle – CMDA – avait également appelé le Gouvernement à limiter l’impact du transfert sur les utilisateurs de microphones sans fil qui utilisent aujourd’hui les fréquences de la bande 700. Je me félicite que cette préoccupation se traduise aujourd’hui par le dépôt d’un amendement du Gouvernement.
Pour compléter cette proposition de loi qui poursuit un objectif de bonne gestion du domaine public hertzien, la commission a également adopté un amendement visant à repréciser l’intention du législateur en matière d’autorisation de nouveaux services en TNT. Il s’agit de rappeler que le CSA doit favoriser la diversité des opérateurs sans que cela justifie l’attribution d’autorisations à de « nouveaux entrants » manifestement dépourvus d’une volonté réelle de développer de véritables projets en TNT. Sur ce sujet, nous sommes vaccinés. Plusieurs amendements identiques visent aujourd’hui à compléter cette disposition.
Tels sont les principaux objectifs de cette proposition de loi qui, sous des aspects très techniques, recouvre des enjeux absolument essentiels pour l’avenir des services mobiles et de la TNT, et donc pour l’ensemble de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je ne peux commencer mon propos sans saluer d’emblée le travail du rapporteur Bloche ainsi que celui de Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.
L’examen de la proposition de loi en commission des affaires économiques, puis en commission des affaires culturelles, a permis d’enrichir substantiellement ce texte. Sur un plan plus politique, il a démontré que cette proposition de loi portée par le groupe « socialiste républicain et citoyen » faisait en réalité consensus.
Comme le Gouvernement, les parlementaires partagent l’ambition de donner aux Français le meilleur de ce que permettent les technologies actuelles. Le président Bloche avait raison de ce point de vue, lui qui rappelait en commission que ce texte était remarquable, notamment parce qu’il anticipait les futurs progrès technologiques plutôt que de chercher à s’en accommoder.
Au fond, ce texte, d’apparence très technique, est d’une grande portée politique. Nous poursuivons l’ambition initiée avec le premier dividende numérique, par une autre majorité, celle de hisser en permanence nos standards technologiques à la hauteur de la demande sociale, des besoins, des usages.
Cette proposition de loi acte et accompagne l’évolution spectaculaire des usages des technologies numériques : d’une part la révolution de l’internet en mobilité, notamment pour les services audiovisuels, ce qui requiert de nouvelles ressources en fréquences hertziennes pour les opérateurs de télécommunications ; d’autre part, la poursuite de la modernisation de la TNT avec la généralisation de la haute définition. Celle-ci permettra de répondre à l’évolution des équipements des téléspectateurs en écrans de plus en plus grands, dont certains déjà en ultra haute définition.
L’objet premier de ce texte est donc de permettre la réaffectation de la bande de fréquence « 700 » mégahertz aux services haut débit mobiles en 4G. Le trafic internet en mobilité croît au rythme de 60 % par an sur les dernières années. C’est une réalité à laquelle nous devons nous adapter.
Les Français font de plus en plus massivement le choix de la presse en ligne, de la vidéo à la demande, de la télévision de rattrapage, de la radio et de la musique en ligne. Il est donc nécessaire d’accompagner ces usages et de créer un cadre dans lequel les professionnels des médias pourront continuer à innover. Il y va de l’avenir de notre création et de la force de frappe de nos industries créatives.
Le deuxième grand objectif de ce texte est de permettre la modernisation de la télévision numérique terrestre, la TNT, premier moyen d’accès des foyers français à la télévision, plateforme de référence à laquelle les téléspectateurs sont attachés et qui reste le socle du financement de la création audiovisuelle et cinématographique en France. La TNT est aujourd’hui plébiscitée par nos concitoyens.
Je suis attachée à ce que le rôle social essentiel de cette « télévision pour tous » soit conservé au gré des évolutions des usages et des technologies. La TNT doit donc continuer de proposer des services toujours plus innovants afin de répondre aux attentes des acteurs économiques mais surtout de l’ensemble des téléspectateurs, notamment les plus fragiles. La progression de la réception de la télévision par l’ADSL et la fibre ne constitue pas un danger pour la TNT. C’est une concurrence fertile, qui rend l’innovation nécessaire.
L’augmentation continue de la taille des écrans de télévision, de leur qualité d’image, combinée avec les habitudes des téléspectateurs, rend inéluctable la généralisation du format de diffusion en haute définition sur la TNT, qui deviendra progressivement la qualité de référence. Afin d’accompagner ces avancées, et compte tenu de la rareté du spectre hertzien, les technologies de codage vidéo de la TNT doivent être modernisées.
La proposition de loi permet ainsi le remplacement pour toutes les chaînes, dès avril 2016, de la norme MPEG-2 – technologie utilisée depuis le lancement de la TNT il y a dix ans – par le MPEG-4, version plus récente et plus efficace. Cette nouvelle norme permettra à l’ensemble des téléspectateurs d’accéder à la totalité des chaînes gratuites en haute définition : c’est l’objet de l’appel à candidatures que vient de lancer le CSA.
Comme pour toutes les migrations technologiques, l’arrêt de la norme MPEG-2 ne doit cependant pas se faire au détriment du public.
Nous devons veiller à accompagner cette transition, en particulier auprès des Français les plus fragiles, parce que la télévision est l’un des ferments de notre lien social, qu’elle joue un rôle primordial dans la vie des Français. Cette transition doit donc faire l’objet d’un accompagnement précis. Les amendements du rapporteur, longuement discutés et adoptés en commission, viennent compléter très utilement le texte.
J’ai entendu en commission des affaires culturelles l’attente des parlementaires sur ce plan d’accompagnement. Cette attente traduit naturellement une préoccupation commune ; il faut anticiper ce saut technologique, sans que celui-ci ne se traduise par une perte de signal ou des difficultés de réception pour les Français.
L’examen par la commission des affaires culturelles a bien démontré combien nous avions pris en compte ces attentes, en préparant un plan d’accompagnement précis et adapté à l’ampleur de cette transition.
J’ai tenu à rappeler en commission dans le détail les montants prévus. Je veux le redire ici : des aides financières conséquentes seront mobilisées pour permettre aux foyers les plus modestes, encore équipés de récepteurs seulement compatibles avec la norme MPEG-2, de renouveler leur équipement.
L’ensemble des dispositifs d’aides prévus pour le passage au tout numérique, et qui ont montré leur efficacité pour mener à bien cette transition, seront repris pour ce deuxième dividende numérique.
Le rapporteur Bloche a déposé en commission des amendements ayant permis, je crois, de bien compléter le dispositif. Aucun foyer ne souffrira d’un écran noir à l’occasion de cette mutation. Aucun foyer ne perdra l’accès au signal hertzien sans qu’une solution technique lui soit proposée.
Les grandes mutations technologiques peuvent faire peur. Je pense aux personnes isolées, aux personnes âgées, pour qui la télévision est parfois le dernier rempart contre la solitude, un média qui permet d’appartenir à la société.
Le rôle du Gouvernement et du législateur est de prévoir un plan d’information et de communication massif, et de s’assurer de sa diffusion sur tous les territoires de France.
Une large campagne de communication, à la fois nationale et locale, sera donc lancée pour que chacun soit parfaitement informé des événements à venir, et puisse s’assurer de son équipement.
Enfin, il est nécessaire, comme vous le proposez, que la bande de fréquences affectée à l’audiovisuel, en dessous de la bande des 700, reste allouée à ce secteur au minimum jusqu’en 2030. Elle constitue un signal fort à destination des éditeurs de services de télévision et du secteur audiovisuel, en leur apportant une visibilité suffisante pour sécuriser leur prochain cycle d’investissements et accompagner la modernisation de cette plateforme de référence.
C’est aussi pour accompagner les éditeurs de services de télévision que cette proposition de loi prévoit que les coûts de réaménagement nécessaires à la libération des fréquences ne soient pas placés à leur charge, mais à celle des premiers bénéficiaires de cette opération, c’est-à-dire les opérateurs mobiles qui se verront attribuer ces fréquences.
Je sais que d’autres professionnels sont inquiets de l’impact de cette transition. Je pense notamment aux prestataires techniques de diffusion, qui devront interrompre la diffusion de deux multiplex pour libérer des fréquences. C’est un sujet très important sur lequel je vous propose de ne pas avancer à ce stade sans évaluation précise.
Le Gouvernement a décidé de lancer une mission d’expertise destinée à évaluer plus précisément l’impact sur les acteurs de la diffusion de l’arrêt du MPEG-2 et de la fin de la diffusion de deux multiplex pour libérer la bande 700.
De la même manière, je suis aussi soucieuse des conséquences qu’emportera la réaffectation de la bande 700 pour les producteurs de spectacle vivant, d’émissions d’actualité ou d’événements sportifs, qui sont des acteurs fondamentaux de l’activité et de la création culturelles en France. En effet, ces professionnels, qui utilisent actuellement gratuitement les fréquences laissées libres localement par la diffusion de la TNT, verront leurs ressources spectrales diminuer et seront conduits à renouveler une part de leurs équipements du fait de la réallocation de la bande 700.
C’est pourquoi le Gouvernement vous propose un amendement permettant d’accompagner cette transition pour les structures les plus fragiles, afin que l’organisation de ces événements, qui contribuent au vivre ensemble, à la solidarité entre nos concitoyens, ne soit pas perturbée.
Ce texte de loi est indispensable pour réussir la cession de bande de fréquences de la bande des 700 mégahertz. C’est, pour l’État, l’ambition de valoriser au mieux les intérêts patrimoniaux des Français. C’est aussi, et cette perspective doit autant nous réjouir que nous réunir, l’ambition d’offrir à tous les Français la meilleure offre numérique et télévisuelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
La parole est à Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, le spectre est un bien public. Son attribution et sa gestion dans le temps sont un enjeu hautement stratégique aussi bien pour les télécoms que pour l’audiovisuel.
Le texte que nous examinons aujourd’hui doit être vu comme une chance de saisir des opportunités de taille. Opportunité pour moderniser la TNT et développer la télévision en haute définition au service des téléspectateurs français, avec un accès universel et gratuit. Opportunité pour les opérateurs de téléphonie ensuite, afin que ceux-ci disposent du spectre nécessaire à la prise en charge de la croissance exponentielle des données échangées. Mais opportunité aussi, pour tout un secteur industriel autour de l’économie de la donnée, de se développer et de créer de l’emploi et de la croissance.
Il est essentiel que la France, qui entend être un pays moteur sur les questions numériques, s’empare rapidement de ce sujet et s’inscrive dans la dynamique qui a été engagée collectivement au niveau international. Alors que le législateur a pour mission de trouver le juste équilibre entre les différents enjeux et acteurs en présence, il est indispensable de concilier la protection de la réception au service des citoyens, la préservation des acteurs de l’audiovisuel, l’intérêt de la filière des télécommunications, l’aménagement du territoire et, bien entendu, la valorisation du patrimoine de l’État – donc des Français.
Le travail accompli en commission et les engagements pris par Mme la ministre ont déjà permis de clarifier ces points, notamment le premier d’entre eux concernant les téléspectateurs, qu’il sera indispensable d’accompagner dans ce processus ambitieux, comme l’ont rappelé Mme la ministre et M. le rapporteur.
Quant aux acteurs de l’audiovisuel, il me paraît essentiel de rappeler l’important défi technique et financier que représente pour eux cet exercice. En effet, dans un calendrier très contraint et malgré des gains dus notamment à la migration vers la haute définition, c’est un secteur tout entier qui va devoir trouver ses marques. C’est pourquoi il me semble indispensable de bien anticiper l’impact de cette mesure en considérant les différents modèles économiques en présence, et de donner aux acteurs concernés la visibilité nécessaire à la bonne réorganisation de leurs activités et des contrats qui les lient les uns aux autres.
À cet égard, je me félicite du lancement d’une mission d’expertise – Mme la ministre l’a rappelé – sur l’évaluation de l’impact économique pour les acteurs de la diffusion, entre autres, et des coûts liés à l’arrêt anticipé des deux multiplex.
S’agissant des opérateurs mobiles, qui sont les principaux concernés par les articles 8 et 9 dont s’est saisie la commission des affaires économiques, je ne m’attarderai pas sur la nécessité qu’il y a pour eux de disposer de fréquences afin de répondre à des besoins connus de tous et liés à la croissance exponentielle du trafic de données.
En revanche, je soulignerai deux points. Tout d’abord, je me réjouis de l’équilibre de la procédure telle qu’elle est exposée dans ce texte et telle qu’elle est envisagée dans ses ressorts non législatifs. Cet équilibre a trait non seulement au calendrier, qui semble faire la synthèse entre les différents besoins des opérateurs, mais aussi aux modalités d’attribution et d’usage des fréquences soumises par l’ARCEP à la commission consultative des communications électroniques. En effet, la régulation mise en oeuvre à la suite de la procédure d’enchère doit être cohérente, stable et lisible afin de prévenir des crispations semblables à celles nous avions pu constater lors du premier dividende numérique.
Ensuite, en écho à l’actualité et à un potentiel rapprochement entre SFR-Numéricable et Bouygues Télécom, je note que les télécommunications sont un secteur souvent en pleine effervescence où l’on ne s’ennuie jamais. Que de questions et d’incertitudes, cependant, pour l’emploi, pour les salariés de l’ensemble de la filière, pour l’investissement, pour l’innovation, pour le consommateur et pour l’aménagement du territoire ! Ce sont des enjeux qui se trouvent au coeur de la réflexion et des préoccupations du Gouvernement et des parlementaires, et qu’il nous faut anticiper.
Nous sommes donc en droit de nous interroger, madame la ministre, sur le calendrier de ces annonces et sur les conséquences éventuelles d’un tel rapprochement pour le sujet qui nous occupe aujourd’hui – même si, à ma connaissance, la question n’est pas encore tranchée et si la réponse appartient au groupe Bouygues Télécom.
Je conclurai par l’importance que revêt la reconnaissance des enjeux d’aménagement du territoire dans la procédure d’affectation du spectre. Je me réjouis que la commission des affaires économiques et la commission des affaires culturelles, qui était saisie au fond, aient adopté l’amendement consacrant dans le code des postes et des communications électroniques la nécessité de tenir particulièrement compte des impératifs d’aménagement du territoire, tant dans le cas que nous examinons aujourd’hui que, plus généralement, dans toute procédure d’affectation future du spectre. Selon moi, ce point est extrêmement important.
Sous des apparences techniques, ce texte, comme cela vient d’être dit, est un texte déterminant qui nous permet d’accompagner deux secteurs majeurs de l’économie française dans leur dynamique d’avenir et de croissance.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, pour offrir leurs programmes et leurs services, la télévision numérique terrestre, la radio et la téléphonie mobile utilisent aujourd’hui des bandes de fréquences qui composent le spectre hertzien.
Il importe de répondre aux besoins croissants qu’ont les services mobiles en termes de spectre, tout en garantissant un accès à une offre de services de télévision qui réponde aux objectifs d’intérêt général tels qu’ils sont définis par la politique audiovisuelle en France. La présente proposition de loi se situe au carrefour de ces deux enjeux majeurs.
La mise à disposition de fréquences supplémentaires pour les services mobiles apparaît essentielle, tant les perspectives de croissance du trafic mobile sont importantes. En effet, le taux de croissance du trafic mobile global est supérieur à 60 % par an, il double chaque année et il est voué à augmenter davantage !
Parallèlement, il convient de garantir la pérennité, le développement et la modernisation de la télévision numérique terrestre. La réception hertzienne demeure en effet le premier mode de réception de la télévision, puisqu’elle concerne plus de 58 % des foyers et que la proportion de foyers ne regardant la télévision que par la voie hertzienne terrestre atteint encore 30 %.
Lancée en 2005, la TNT est devenue une offre gratuite de référence se caractérisant par sa large couverture de la population, sa qualité d’image, sa fiabilité ainsi que son accès à faible coût.
En outre, ainsi que le souligne notre rapporteur, cette offre constitue également le socle du financement de la création audiovisuelle et cinématographique en France. En effet, les chaînes de la TNT, qui bénéficient de l’attribution de fréquences gratuites, doivent en contrepartie satisfaire à des obligations de production audiovisuelle et cinématographique. Par conséquent, il est indispensable de conforter la TNT, alors que le marché européen est assailli par une multitude d’acteurs qui proposent des services de médias audiovisuels sur internet sans être engagés par des obligations en matière de financement de la création.
Afin de dégager un nouveau dividende numérique destiné à garantir le développement du très haut débit mobile, le Président de la République a pris la décision de transférer la bande dite « 700 mégahertz » aux opérateurs de télécommunications pour le développement des réseaux mobiles à très haut débit.
L’affectation nouvelle des fréquences de la bande 700 mégahertz, aujourd’hui utilisée pour la diffusion de la TNT, s’inscrit dans un mouvement international. En Europe, la Finlande, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse et le Royaume-Uni ont d’ores et déjà fait connaître leur intention d’affecter cette bande aux services mobiles. L’Allemagne a quant à elle engagé des procédures de cession de ces fréquences. La France ne peut rester en marge de cette dynamique européenne et doit envisager cette nécessaire transition numérique comme un gisement de productivité, de croissance et d’emplois potentiels.
Les enjeux sont immenses. En effet, les fréquences basses, qui caractérisent la bande 700 mégahertz, sont parfaitement adaptées pour favoriser le déploiement de réseaux mobiles à très haut débit étendus et performants, ainsi que pour accompagner les futures innovations.
L’affectation de nouvelles fréquences constitue également un enjeu majeur en termes de gestion du spectre hertzien – patrimoine immatériel de l’État – et d’équilibre des patrimoines spectraux entre les quatre opérateurs de réseaux qui opèrent actuellement en métropole. N’oublions pas que les ressources espérées, d’un montant de 2,1 milliards d’euros, doivent contribuer au financement des opérations militaires de la France.
Enfin, la poursuite de la modernisation de la plateforme hertzienne, que cette proposition de loi confie aux pouvoirs publics et au Conseil supérieur de l’audiovisuel, est en jeu. La libération de la bande et la généralisation de la norme de compression MPEG-4 pour la diffusion de la TNT, qui s’accompagne de l’arrêt de la diffusion en MPEG-2 et de celui de deux multiplex, comme Mme la ministre l’a rappelé, entraînent de lourdes conséquences non seulement pour le secteur de l’audiovisuel, mais aussi pour 15 % des téléspectateurs et des téléspectatrices qui pourraient être privés de réception – même si Mme la ministre nous a rassurés sur ce point.
À cet égard, notre groupe est préoccupé par le calendrier tendu de la réforme. En effet, la vente des fréquences, le changement de norme, la recomposition des multiplex et les réaménagements de la TNT constituent des opérations lourdes. Par conséquent, nos marges de manoeuvre sont particulièrement ténues, alors même que la réussite de cette transition est impérative.
Aussi, nous serons particulièrement attentifs à ce que l’équilibre final de cette proposition de loi permette de garantir plusieurs points :
La pérennité du modèle économique des diffuseurs audiovisuels, pour qui l’abandon de ces fréquences nécessitera un basculement vers de nouveaux moyens de distribution et de diffusion, ce qui générera nécessairement des coûts ;
La visibilité économique et la sécurité juridique pour les opérateurs engagés dans des programmes d’investissements en faveur du déploiement du très haut débit et de l’amélioration de la couverture mobile sur l’ensemble du territoire ;
La qualité du service proposé au consommateur, que ce soit en matière de très haut débit mobile ou de réception audiovisuelle.
Nous abordons l’examen de cette proposition de loi convaincus qu’il s’agit de préoccupations partagées par notre rapporteur et confiants dans la capacité de l’Assemblée nationale à définir le cadre législatif et réglementaire pertinent pour faire de cette indispensable transition technologique une véritable réussite.
Les articles 1 à 7 de la proposition de loi donnent en effet au Conseil supérieur de l’audiovisuel les moyens d’engager la libération de la bande, tout en apportant des garanties aux acteurs de l’audiovisuel. En outre, s’agissant des téléspectateurs et des téléspectatrices, vous vous êtes engagée en commission, madame la ministre, à ce que soit mis en oeuvre un programme d’accompagnement organisé autour de l’Agence nationale des fréquences.
Nous nous félicitons que des aides financières et un accompagnement technique soient prévus, en particulier à destination des foyers les plus modestes qui devront renouveler leur équipement.
Enfin, nous nous réjouissons que l’examen en commission ait permis de faire évoluer l’obligation faite au CSA de favoriser prioritairement la présence de nouveaux entrants lorsqu’il doit délivrer des autorisations de chaînes de TNT. Cette disposition constitue une avancée qui doit permettre d’enrayer le processus de spéculation financière autour des fréquences hertziennes, dont le seul objectif est de réaliser une forte plus-value dans un délai très court. Nous vous proposerons d’ailleurs un amendement visant à garantir l’effectivité de cette mesure tout en ne l’appliquant qu’au seul secteur audiovisuel, sur lequel j’espère que l’Assemblée portera une attention et un regard bienveillants.
Vous l’aurez compris, chers collègues, le groupe de l’Union des démocrates et des indépendants ne s’opposera pas à l’adoption de cette proposition de loi.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, cette proposition de loi entend libérer une bande de fréquences actuellement utilisées par la TNT au profit de la téléphonie mobile, partant du constat indéniable qu’aujourd’hui, le taux de croissance annuel du trafic mobile est de plus de 60 % par an.
L’arrivée de l’internet mobile et l’essor des smartphones et des tablettes conduisent en effet à une explosion des données échangées. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer ici lors d’un débat sur la presse, les frontières entre ce qui est lu, écrit et écouté sont de plus en plus ténues. Il est désormais courant – et même banal – de regarder, sur un téléphone ou une tablette, une émission en replay depuis le site internet d’une télévision hertzienne, depuis celui d’un média numérique ou encore depuis un site internet d’hébergement de vidéos. On assiste à une petite révolution des modes de diffusion et de consommation des vidéos, qu’il s’agisse de reportages, de documentaires, de séries ou de films.
C’est aussi une révolution dans le mode d’accès à l’information. Les succès de Dailymotion, YouTube et iTunes, l’arrivée de Netflix en France ou encore l’essor des pure players n’en sont qu’un exemple. Il en résulte une augmentation fulgurante du trafic mobile qui, d’après les projections, n’est pas près de s’arrêter.
Aussi, libérer des basses fréquences pour répondre aux besoins des opérateurs de télécommunications se révèle nécessaire pour répondre au développement actuel et attendu des réseaux mobiles à très haut débit.
C’est donc l’objet de cette proposition de loi, en cohérence avec un mouvement international et européen qui, comme l’a indiqué l’orateur précédent, se dessine autour de la bande 700 mégahertz. Plusieurs pays européens ont déjà décidé d’affecter cette bande aux services mobiles : l’Allemagne, la Suède, le Danemark ou encore la Finlande, pour ne citer que ces quelques exemples. Qu’autant de pays parviennent à agir en cohérence est suffisamment rare pour que l’on puisse le souligner et apprécier que la France participe à cet élan en anticipant les besoins.
Toutefois, il faudra être très regardant sur les conséquences de l’attribution de ces nouvelles fréquences sur la téléphonie et sur la reconfiguration de ce secteur. Il faudra notamment s’assurer que l’attribution de fréquences aux opérateurs mobiles se fasse en tenant bien compte des impératifs d’aménagement numérique du territoire.
Ce point a fait l’objet d’un examen particulier en commission et l’amendement déposé par Mme Erhel nous rassure, mais il s’agit d’un tel enjeu que je me permets d’insister à nouveau : il est essentiel que l’aménagement du territoire constitue un critère prégnant dans l’attribution des futures fréquences.
Cette vigilance devra aussi s’exercer sur d’autres points, en raison de leurs effets induits sur la TNT. Certes, certains effets escomptés seront positifs : je pense en particulier à l’amélioration de la qualité de l’image pour les téléspectateurs. En effet, pour libérer ces fréquences, la TNT va devoir passer de huit à six multiplex et la norme de compression MPEG-4 sera généralisée, ce qui permettra de moderniser la TNT grâce à la généralisation de la haute définition. C’est donc une meilleure qualité des images qui est attendue, au profit du public.
Ce texte dresse également le cadre permettant de poursuivre dans cette voie de la modernisation de la plateforme hertzienne avec, par exemple, la possibilité d’expérimenter l’ultra haute définition.
Cependant, cette modernisation s’accompagne de risques qu’il faut anticiper pour que la réforme se réalise dans de bonnes conditions. La crainte de « l’écran noir », qu’a notamment soulevée M. Bloche, a été très largement mise en avant. La vaste campagne de communication et les différents dispositifs d’aide adoptés en commission suite à des amendements du Gouvernement et de notre rapporteur devraient permettre d’éviter ce scénario, afin que cette évolution n’affecte la réception des chaînes de la TNT dans aucun foyer. C’est une préoccupation qui doit être prise au sérieux dans l’intérêt du public – notamment les personnes âgées ou handicapées et celles qui connaissent des difficultés financières ou qui vivent dans des territoires « enclavés ». En clair, aucune personne, aucun téléspectateur ne doit être « privé d’écran » suite à ces évolutions.
La proposition de notre collègue Patrick Bloche de « panneau déroulant » est une piste, qu’il conviendrait d’ailleurs d’ajouter à celles déjà envisagées en matière de communication.
Autres éléments à prendre en compte : la peur de la perte d’audience et la question des coûts pour les diffuseurs et la chaîne.
Si globalement cette évolution est supposée générer une baisse des coûts de diffusion, des cas particuliers peuvent apparaître. Il convient de mieux les prendre en compte. Je pense à France 3, par exemple, qui devra faire face à un surcoût important pour le remplacement des encodeurs utilisés pour les décrochages locaux et régionaux auxquels les écologistes sont particulièrement attachés.
En ce qui concerne la perte d’audience, les garanties données quant aux postes secondaires sont rassurantes, mais ce point mérite un suivi spécifique du fait des migrations technologiques qui pourraient avoir lieu.
Autres questions délicates : la rupture anticipée des contrats de diffusion ou encore l’impact pour les collectivités territoriales qui, dans les zones géographiques non couvertes par les opérateurs de multiplex, organisent elles-mêmes une rediffusion locale.
Dans le contexte financier actuel et compte tenu des diminutions des dotations de l’État, il est important que les collectivités concernées reçoivent bel et bien une compensation financière.
Et il faudra aussi s’assurer que les professionnels du spectacle vivant et les producteurs de spectacles culturels ou d’événements sportifs ne soient pas touchés, car aujourd’hui ils utilisent pour leurs manifestations les fréquences de la bande 700 restées libres. Vous avez, madame la ministre, soulevé cette question. Des garanties doivent effectivement leur être apportées pour qu’ils puissent continuer à utiliser des fréquences gratuitement et sans avoir besoin d’autorisation individuelle.
Ce qui m’amène à aborder un autre enjeu essentiel, largement sous-estimé ici : le soutien à la création.
Le financement de la création audiovisuelle et cinématographique repose largement sur les contributions de la TNT – plus de 1,2 milliard d’euros en 2012.
Comme l’indique le CSA, il n’existe aujourd’hui aucun modèle alternatif de soutien à la création. Or, compte tenu de l’évolution des modes de consommation et de l’utilisation des fréquences par les opérateurs de téléphonie pour diffuser sons et vidéos, on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de maintenir le modèle existant sans l’élargir aux autres plateformes à très haut débit. Il serait en effet logique que le financement de la création s’appuie sur les chaînes de télévision mais aussi sur les opérateurs de téléphonie.
Plus globalement, les écologistes regrettent que cette proposition de loi, en transférant des fréquences, n’ait pas été l’occasion d’initier une réflexion plus large sur le financement de la création, via, par exemple, la licence globale.
Enfin, vous vous en doutez, nous regrettons que les 2 milliards d’euros escomptés du transfert de la bande 700 ne bénéficient pas à la création mais alimentent un budget de la défense, ce à quoi nous nous sommes opposés lors des discussions qui ont eu lieu à l’automne dernier.
Alors que la création manque de moyens, alors que le budget de la culture pourrait être renforcé – je pense notamment au secteur du spectacle vivant qui n’a malheureusement pas été épargné dans le PLF 2015 – affecter ces milliards au budget de la défense est plus que regrettable.
Ce texte, je l’ai dit, aurait dû être l’occasion de mener une réflexion de fond sur le financement de la création en France. Et j’espère que les différentes remarques que j’ai formulées et que les différents points de vigilance sur lesquels j’ai insisté trouveront un écho favorable auprès du Gouvernement et bénéficieront de toute l’attention qu’ils requièrent.
En tout état de cause, cette proposition de loi répond à une évolution en cours concernant l’usage et l’essor du très haut débit mobile, elle anticipe les besoins et elle répond à un mouvement européen tout en permettant la modernisation de la TNT et en apportant aux téléspectateurs une meilleure qualité d’image. C’est pourquoi le groupe écologiste la votera.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur et président de la commission des affaires culturelles, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, alors que la télévision numérique terrestre s’est peu à peu imposée sur le territoire national avec, fin 2011, l’arrêt de la diffusion en analogique, l’évolution des technologies a avancé d’une manière telle qu’il nous faut aujourd’hui revoir le mode d’accès aux services audiovisuels.
L’ancrage de la TNT ne pourra se faire réellement sans une modernisation du système.
En effet, depuis le lancement des services d’internet mobile et l’arrivée des smartphones et des tablettes, les réseaux mobiles parviennent à saturation. C’est pourquoi cette proposition de loi permet la libération de nouvelles fréquences. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste adhère à ces objectifs, servis par un calendrier serré mais qu’il importe de tenir.
Certains ont pu regretter le fait que ce texte, qui est une proposition et non un projet de loi, n’ait pas été soumis à une étude d’impact, financier ou industriel.
Je comprends leur préoccupation, mais l’adoption d’une telle proposition de loi ne saurait être remise en cause, tant il est nécessaire de favoriser le « tout numérique » et de ne prendre aucun retard en la matière car ce sont les emplois en France qui sont en jeu.
De fait, outre la France, plusieurs pays européens ont déjà annoncé leur intention d’affecter cette bande aux services mobiles.
Ainsi l’Allemagne a engagé des procédures de cession de la bande et les enchères se déroulent en ce moment même. Le Royaume-Uni, de son côté, a récemment achevé une consultation approfondie relative aux conditions de transfert de la bande 700 mégahertz et un fonds de 600 millions de livres sterling a été annoncé par le Gouvernement afin de couvrir les dépenses – communication, changements de fréquence – engagées pour libérer cette bande. Enfin, aux Pays-Bas, les autorisations existantes dans la bande 700 mégahertz s’achèvent en 2017 et le Gouvernement a laissé entendre que la procédure d’enchères pourrait être enclenchée en 2019.
Bref, il est nécessaire que l’ensemble des États de l’Union européenne engagent le mouvement à des dates relativement proches afin de bénéficier pleinement de l’émergence d’un marché unique numérique que la Commission souhaite promouvoir dans le cadre de sa stratégie numérique présentée le 6 mai dernier. La France est donc en avance au sein de l’Union européenne et il importe de préserver cette avance. Ainsi, dès le printemps 2013, pour pallier les 60 %, observés ces dernières années, d’augmentation annuelle du trafic de données mobiles au niveau mondial, le chef de l’État avait annoncé sa volonté d’attribuer au secteur des télécommunications la bande de fréquence dite des 700 mégahertz. Aujourd’hui, les bandes de fréquence affectées à la TNT sont comprises entre 470 et 790 mégahertz. Il s’agit donc d’attribuer une partie de ces fréquences aux opérateurs de réseaux mobiles afin de généraliser la norme de compression pour la diffusion de la TNT.
L’enjeu est de taille car il s’agit de soutenir le développement de services mobiles à très haut débit sur le territoire national.
La couverture intégrale du territoire national se heurte cependant encore à la réalité des faits puisque certaines zones blanches existent toujours. Il s’agit là d’un problème récurrent auquel cette proposition de loi peut répondre.
Ainsi que le faisait remarquer notre collègue Michel Pouzol en commission, les téléspectateurs recevant la télévision par le câble ou le satellite, qui sont encore trop nombreux dans les zones blanches, devront vérifier que leur décodeur ou adaptateur est bien compatible avec la HD.
Je me félicite donc, sur ce point, de l’adoption des amendements du rapporteur et du Gouvernement qui prévoient la mise en oeuvre d’un plan d’accompagnement destiné à éviter à ces téléspectateurs de se retrouver devant un écran noir.
Car il n’est pas question que la modernisation et l’adaptation aux nouvelles fréquences coûtent un centime de plus aux habitants des régions rurales et de montagne, qui sont depuis trente ans systématiquement pénalisées à chaque « saut » technologique – réseau cuivre, téléphone mobile, 3G, télévision numérique terrestre, internet ADSL, fibre optique... À chaque déploiement, ces territoires sont délaissés – à de rares exceptions près et uniquement quand députés et sénateurs se battent pour l’éviter, à l’image du fonds Fillon pour la TNT, arraché de haute lutte en 2009. Je me souviens de la fronde des députés qui ont mis fin à la réunion de la commission tant qu’aucune garantie financière ne serait apportée par le Gouvernement pour le déploiement intégral de la TNT.
Le Gouvernement ne voyait alors, en novembre 2011, aucun inconvénient à ce que plusieurs centaines et parfois plusieurs milliers de personnes vivant dans un département rural ou montagnard se retrouvent brutalement, le jour du basculement en TNT, face à un écran noir sous prétexte qu’environ 99,8 % de la population était couverte. Quant aux 0,2 % qui ne l’étaient pas, soit 130 000 personnes en France, c’était tant pis pour eux…
À chaque fois, les mêmes questions se sont posées et de belles promesses ont été faites, mais les mêmes « oublis » se sont répétés, avec, il est vrai, quelques exceptions territoriales, là où certains ont leur habitudes en termes de villégiature…
Pour rappel, en 2010, à grand renfort de beaux discours, la loi contre la fracture numérique, appelée loi Pintat, avait fixé trois principes pour l’aménagement numérique du territoire : l’anticipation de l’action publique pour assurer l’équité territoriale ; la concomitance des déploiements de réseaux dans les territoires urbains et ruraux ; l’intervention financière de l’État pour assurer la péréquation géographique nationale.
Il y a cinq ans, et déjà à l’époque, certains parlementaires avisés n’avaient pas caché leurs doutes sur la crédibilité de la loi. Nous sommes en 2015 et elle n’est que rarement appliquée : à chaque innovation technologique, ce qui caractérise la fracture numérique territoriale c’est sa permanence et sa récurrence.
Bref, si la modernisation implique de changer de matériel de réception ou d’acheter un adaptateur, cela doit être financé, par un fonds d’aide ou tout autre chose mais au niveau national, par exemple au moyen d’un mix public-privé car il faut impliquer les chaînes de télévision dans la péréquation.
Ainsi, l’article 7 ter nouveau de la présente proposition de loi inscrit trois dispositions qui seront bénéfiques pour nos concitoyens.
D’abord, une aide financière, sans condition de ressources, sera versée pour l’acquisition d’un adaptateur – le nombre de foyers susceptibles d’être éligibles à cette aide a été estimé à près de 450 000.
Ensuite, une assistance technique gratuite sera destinée aux personnes âgées et handicapées.
Enfin, une campagne nationale de communication sera organisée à partir de novembre 2015 afin de garantir aux téléspectateurs une parfaite information.
Je note par ailleurs que cet article 7 ter nouveau renvoie à un décret d’application, dans le respect du principe de neutralité technologique. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste sera particulièrement attentif au contenu de ce décret afin que nos concitoyens résidant dans les zones rurales et de montagne puissent bénéficier de ces aides.
Une autre évolution importante de la proposition de loi, réalisée grâce aux travaux en commission et que je tiens à souligner est la réaffirmation de l’obligation de diversité des opérateurs. Cette obligation est d’autant plus un gage d’offre diversifiée en matière de TNT que les éditeurs doivent, pour obtenir des autorisations, démontrer leur volonté réelle de développer de véritables projets en TNT. Le rôle du CSA sera central pour le développement d’une TNT dotée d’un contenu de qualité. En matière de programmation des chaînes de la TNT, la performance technologique doit en effet s’accompagner d’une offre qualitative.
Pour conclure, le texte qui nous est présenté aujourd’hui est un texte d’équilibre. Il permet d’assurer le développement du très haut débit mobile, tout en garantissant à nos concitoyens la continuité de la réception télévisuelle avec une qualité accrue du son et de l’image.
Ce texte était attendu. Fin décembre 2014, la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, la CSSPPCE, a rendu un avis favorable au processus d’une nouvelle attribution des fréquences de la bande 700 mégahertz et a recommandé que des dates fermes soient établies. C’est bien le cas aujourd’hui avec cette proposition de loi.
LA CSSPPCE a ainsi estimé que la bande de 700 mégahertz permettra une meilleure couverture des zones rurales, avec un meilleur rapport coût-efficacité, et que l’utilisation de ces fréquences permettra de réduire le nombre d’émetteurs sur le territoire.
Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que la couverture de tout le territoire par la TNT concourt à la diffusion des savoirs et à l’égalité des chances, socle de notre République, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutiendra ce texte.
Toutefois, comme je vous l’indiquais, il ne tolérera plus aucune entorse, dans son application, à l’équité territoriale, s’agissant notamment des zones rurales et de montagne, là où la télévision numérique prétendue terrestre a dû sa survie – quel paradoxe ! – au satellitaire.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, aujourd’hui nous étudions la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre. Cet intitulé sophistiqué fait en réalité référence au transfert des fréquences de la bande des 700 mégahertz vers les services de très haut débit mobile, ce qui n’est pas moins sophistiqué.
Permettez-moi tout d’abord de me féliciter que cette proposition de loi, qui émane du groupe socialiste, républicain et citoyen et dont les premiers signataires sont notre président de groupe Bruno Le Roux, le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation Patrick Bloche, et notre collègue des Côtes-d’Armor Corinne Erhel, ait retenu l’attention du Gouvernement.
Si la libéralisation des fréquences de la bande 700 mégahertz et le basculement de la TNT vers un nouveau mode de compression permettant une diffusion systématique en haute, voire très haute définition, est une préconisation européenne, à laquelle nos voisins se soumettront dans les mois à venir, c’est aussi une étape nouvelle dans le développement et la mise en oeuvre de normes nouvelles en matière de télévision qui s’inscrit totalement dans notre histoire puisque déjà le Général de Gaulle, en choisissant le SECAM face au PAL des pays anglo-saxons, faisait le choix pour notre pays de l’indépendance en matière de diffusion.
La TNT à accès gratuit et universel revêt une importance primordiale pour nos concitoyens. Elle s’inscrit en effet dans les objectifs d’intérêt général poursuivis depuis plusieurs années par la politique audiovisuelle française. Sa très large couverture, sa qualité d’image, son accès à faible coût font de la TNT l’offre de référence pour une grande partie de la population. Elle est aussi l’assurance d’une offre de programmes diversifiée pour l’ensemble des Français, quels que soient leurs moyens financiers.
Face à l’arrivée de services de médias audiovisuels, l’ancrage de la TNT dans le paysage audiovisuel français est pourtant menacé – TNT qui, rappelons-le, constitue aussi le socle de la création audiovisuelle et cinématographique qu’elle finance à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Il convient donc de l’accompagner dans sa modernisation.
Actuellement, la bande des 700 mégahertz est utilisée pour la diffusion des services de la TNT reçus via une antenne râteau.
Ce dont nous parlons aujourd’hui, avec l’adoption d’une nouvelle norme de compression, dite MPEG-4, c’est de la systématisation de la diffusion de ces chaînes en version haute définition et de l’abandon de leurs diffusion en définition standard sur des fréquences allouées.
Les performances supérieures de ce mode de compression, couplé à l’abandon de la diffusion des chaînes en qualité standard, permettra de regrouper l’ensemble des chaînes de la TNT sur six multiplex, au lieu de huit auparavant, libérant cette fameuse bande 700 mégahertz pour d’autres usages.
La généralisation de la norme MPEG-4 mettra fin à la double diffusion – standard définition et haute définition – de certaines chaînes historiques comme TF1, France Télévisions, Arte, M6...
Le second volet de la proposition de loi met les fréquences au service du développement croissant des opérateurs de téléphonie mobile. Depuis le lancement des services de l’internet mobile et l’arrivée des smartphones et tablettes, les volumes de données échangées sur les réseaux mobiles connaissent une croissance continue très importante. D’après l’observatoire de l’ARCEP, la France est en phase avec les tendances mondiales et connaît un taux de croissance du trafic supérieur à 60 % par an depuis plusieurs années. Au printemps 2013, une décision de principe a donc été prise par le Président de la République : transférer la bande de 700 mégahertz aux opérateurs de télécommunications au profit du développement des réseaux mobiles à très haut débit.
L’attribution des fréquences concernées aux opérateurs de télécommunications aura lieu en décembre 2015 et leur transfert effectif entre le 1er octobre et le 30 juin 2019, à l’exception de l’Île-de-France où les opérateurs pourront les utiliser dès le mois d’avril 2016. L’article 1er habilite donc le pouvoir réglementaire à modifier les normes de diffusion afin d’imposer la généralisation du MPEG-4 et de favoriser l’adaptation régulière du paysage audiovisuel aux nouvelles normes de diffusion et de compression, ce qui améliorera la qualité de l’image comme du son sans qu’il soit nécessaire d’en passer par la loi à chaque évolution.
L’article 2 a pour objet une nouveauté très importante pour les opérateurs audiovisuels car elle leur assure un plan de développement pérenne et serein. Il s’agit de sanctuariser par la loi l’attribution de la bande UHF au CSA pour la diffusion de la TNT jusqu’au 31 décembre 2030. Dans le cadre de la cession aux opérateurs de télécommunications mobiles de la bande de fréquence de 700 mégahertz, il a semblé opportun de sanctuariser l’affectation de la bande UHF afin qu’elle reste attribuée à la TNT, conformément aux recommandations du rapport de M. Pascal Lamy. Le MPEG-4 étant moins exigeant en débit que le MPEG-2, l’arrêt de celui-ci libérera des ressources pour les huit multiplex existants.
L’arrêt du MPEG-2 et l’optimisation du codage MPEG-4 sur les chaînes réparties dans les multiplex créeront des espaces libres. Il en résultera une recomposition des chaînes au sein des multiplex qui ne seront finalement plus que six. Deux multiplex seront complètement vidés, ce qui est une condition indispensable de la libéralisation de la bande de 700 mégahertz. Bien entendu, selon leur mode de réception, tous les téléspectateurs ne seront pas concernés à l’identique par la migration des normes de diffusion. Ceux qui reçoivent la télévision par antenne râteau, soit la majorité des Français, doivent d’ores et déjà vérifier que leur équipement est compatible HD. Le 5 avril 2016, date du basculement, ils devront procéder à une recherche et une mémorisation des chaînes afin de récupérer l’ensemble des chaînes de la TNT si leur équipement est compatible. À titre d’information, rappelons que 6 % des foyers, soit 1,7 million, reçoivent la télévision uniquement par ce biais.
Les téléspectateurs recevant la télévision par ADSL ou fibre optique ne sont pas concernés par l’opération du 5 avril car les décodeurs ADSL et fibre optique sont déjà compatibles HD, donc MPEG-4. Enfin, et c’est un point important au regard de l’aménagement du territoire, les téléspectateurs recevant la télévision par satellite ou par câble doivent vérifier si leur décodeur ou adaptateur est compatible HD. Il s’agit d’un point très important pour les zones rurales et les zones de montagne où la diffusion a lieu uniquement par satellite. Plus de 80 % des foyers sont équipés d’un téléviseur compatible et n’auront donc pas besoin d’adapter leur matériel. Un test simple est d’ores et déjà possible. Il suffit de se positionner sur la chaîne Arte et de vérifier que le logo « ARTE HD » apparaît à l’écran, ce qui signifie que le poste est adapté et comporte un décodeur MPEG-4. Dans le cas contraire, il suffira d’équiper son poste d’un adaptateur TNT HD externe, comme on le faisait à l’apparition de la TNT, pour un coût d’environ vingt-cinq euros.
Face au grand bouleversement annoncé, il est primordial de rappeler ces détails techniques et de relayer ces informations dans nos territoires, car ils concernent directement la vie quotidienne de nos concitoyens et leur éviteront le désagrément de l’écran noir dans la nuit du 4 au 5 avril 2016. On se croirait revenu au temps du bug de l’an 2000 !
Il faudra porter une attention particulière aux zones blanches en termes de diffusion car la TNT est aussi un élément important de l’aménagement de nos territoires. À ce sujet, des amendements déposés conjointement en commission par M. le rapporteur et par le Gouvernement prévoient le lancement, à destination de tous les téléspectateurs, d’un plan d’accompagnement semblable à celui que nous avons déjà mis en oeuvre et dont nous avons constaté l’efficacité lors de la suppression de la diffusion analogique. Il comporte deux volets, une campagne nationale de communication et des aides financières et de proximité. Il sera lancé à partir de novembre 2015 et s’inspirera des recettes utilisées lors de l’extinction de la diffusion analogique.
Des aides financières seront alors accordées sous certaines conditions. L’aide à l’équipement pour l’acquisition d’un adaptateur TNT sera versée sous conditions de ressources et concernera les téléspectateurs dégrevés de la contribution à l’audiovisuel public. L’aide à la réception ne sera soumise à aucune condition de ressources et assurera la continuité de la réception des foyers affectés lors des réaménagements de fréquences. Enfin, une assistance de proximité sera dispensée gratuitement au domicile des personnes âgées ou handicapées afin de les aider à régler et mettre en service leurs appareils.
Je rappelle pour conclure que les nouveaux créneaux seront mis en vente aux enchères et qu’on estime que le transfert de la bande de 700 mégahertz rapportera plus de deux milliards d’euros au budget de l’État. Il permettra également d’accompagner le développement du très haut débit mobile tout en garantissant la modernisation de la plateforme TNT en la préparant à la très haute définition et aux nouveaux modes de diffusion à venir. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste républicain et citoyen se prononcera à l’unanimité en faveur de la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre organisant le passage de la TNT au MPEG-4 et le transfert de la bande de 700 mégahertz aux opérateurs de télécommunications. Je me réjouis de la double avancée que prévoit la proposition de loi qui permettra d’une part la généralisation de la haute définition pour la TNT, ce qui constitue un véritable progrès pour les téléspectateurs français en matière de qualité d’accès aux programmes, d’autre part le développement de l’internet mobile, en particulier, je l’espère, dans les zones rurales qui sont aujourd’hui sinistrées. À ce titre, je salue le travail de notre rapporteur, Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et celui de la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, Corinne Erhel.
Néanmoins, l’opération ne doit pas être menée dans n’importe quelles conditions. J’alerte donc la représentation nationale sur une forme de précipitation avec laquelle le Gouvernement propose de la mettre en oeuvre. Il faut bien reconnaître que le temps nous est compté et qu’il est urgent d’agir. En effet, selon le calendrier proposé par le Gouvernement, le changement de norme de la TNT devrait avoir lieu en avril 2016 pour l’ensemble du territoire français. Le défi est de taille ! Plus de trois millions de foyers sont menacés d’écran noir à moins qu’ils ne se procurent d’ici là un nouveau poste de télévision ou un adaptateur pour les postes ne pouvant recevoir la norme MPEG-4. Or, si la proposition de loi, présentée à moins de dix mois de l’échéance, organise les conditions juridiques du transfert, nous attendons encore du Gouvernement des informations sur sa mise en oeuvre concrète. Nous craignons donc que les garanties de succès de l’opération, c’est-à-dire la continuité de la réception de la TNT pour tous les Français, soient loin d’être assurées.
Quelques remarques sur la forme laissent craindre que le Gouvernement ne sous-estime la complexité de la transition qui pourtant affectera massivement la vie quotidienne des Français. Comme je l’ai rappelé en commission, l’opération engendrera deux chocs. Le premier aura lieu en avril 2016 en raison du passage à la norme MPEG-4 sur tout le territoire, le second en avril 2016 en Île-de-France et de 2017 à 2019 ailleurs, lors de la réaffectation des fréquences, c’est-à-dire la libération des services de télévision de la bande de 700 mégahertz et la réaffectation aux opérateurs mobiles qui obligera certains foyers à des réajustements d’antenne voire au recours à l’ADSL ou à la TNT par satellite afin de continuer à recevoir la TNT.
D’autre part, des zones frontalières risquent de ne plus recevoir certaines chaînes étrangères, allemandes en particulier, ce qui inquiète beaucoup nos compatriotes qui y vivent. En dépit de l’importance et de la technicité du sujet, la majorité a choisi de se passer d’une étude d’impact en ayant recours à une proposition et non à un projet de loi. Au sein du groupe Les Républicains, nous estimons qu’une telle étude d’impact est pourtant essentielle. C’est pourquoi nous en demanderons à nouveau la réalisation par un amendement. Elle permettrait de vérifier que l’opération est bien réalisable dans des délais aussi contraints.
Certes, mais la date d’avril 2016 est-elle la bonne ? Un grand nombre d’acteurs du secteur, cher Marcel Rogemont, craignent comme nous que cette date soit prématurée car tout n’a pas été pensé pour garantir que personne ne soit laissé à l’écart. Une étude d’impact permettrait aussi de savoir si les implications auxquelles sont exposées les chaînes de télévision ne sont pas plus fortes que prévu. Il est vrai que le texte suit les recommandations du rapport Lamy et qu’un travail important a été réalisé par nos deux rapporteurs dans leurs commissions respectives. Mais la bande des fréquences comprises entre 470 et 694 mégahertz restera-t-elle affectée à la TNT jusqu’en 2030 ?
Il est en effet essentiel que les chaînes disposent toujours d’une place suffisante sur le spectre hertzien afin de poursuivre leur développement technologique, en particulier en matière de très haute définition, d’autant plus que l’accès gratuit à certaines fréquences dont elles bénéficient a pour contrepartie leur participation au financement de la création. Nous ne pourrons contester ce principe sans exposer le monde de la création à des conséquences dévastatrices. En outre, une étude d’impact permettrait également d’identifier les meilleures conditions dans lesquelles mener à bien la transition en termes de calendrier et de coût pour l’État et nos concitoyens.
Le calendrier retenu par la majorité pour transférer la bande de fréquence de 700 mégahertz de la TNT à la téléphonie mobile est en effet particulièrement défavorable. Le Président de la République a prévu le lancement de la procédure d’attribution de cette bande à la fin de l’année 2015 mais cette mise aux enchères survient bien trop tôt pour les opérateurs mobiles. Les dernières fréquences ont été attribuées il y a trois ans à peine et la 4G, qui n’est pas encore totalement déployée, a coûté 3,6 milliards d’euros aux opérateurs qui sont donc fragiles financièrement et n’ont pas immédiatement besoin de ces fréquences. Nous avons constaté par ailleurs que les Allemands viennent juste de mettre aux enchères leur spectre et ont valorisé la bande de 700 mégahertz à hauteur de 450 millions d’euros. On se demande vraiment, mais peut-être nous donnerez-vous quelques informations à ce sujet, madame la ministre, comment le Gouvernement peut évaluer à 2,1 milliards d’euros la fréquence de 700 mégahertz alors même que les Allemands l’ont évaluée et réalisée à un montant quatre fois inférieur ! On ne voudrait pas que vous bradiez un patrimoine si important de l’État !
D’autre part, madame Pompili a rappelé tout à l’heure qu’il importe de faire contribuer d’autres intervenants de la diffusion des biens culturels au financement de la création. Je vous rappelle, madame la ministre, même si vous n’en êtes peut-être pas seule responsable, que le rendement de la « taxe telco » de 0,9 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications, qui a vocation à alimenter le financement de l’audiovisuel public, ne sera affecté à l’audiovisuel public que pour moitié en 2015 et que le Gouvernement prévoit qu’il ne sera plus du tout fléché vers l’audiovisuel public dans le budget 2017. Ne pas l’affecter à l’audiovisuel public comme l’avait prévu la précédente majorité, n’est-ce pas un rendez-vous manqué qui en outre laisse intactes les préoccupations de Mme Pompili ? Pour en revenir au passage au MPEG-4 et au second dividende numérique, je rappelle que la transition de l’analogique vers le numérique menée entre 2009 et 2011 a été un succès. Le précédent gouvernement et la majorité qui le soutenait ont beaucoup investi et se sont énormément mobilisés dans l’affaire, notamment par la création d’un groupement d’intérêt public « France Télé Numérique » pour l’opération et par la budgétisation de plus de cent millions d’euros afin de financer les modalités d’accompagnement.
Bref, beaucoup de temps, de moyens, d’implication et de communication, un peu à l’opposé du calendrier si étroit que vous nous proposez aujourd’hui.
Ma question est simple, madame la ministre : cet engagement de l’État est-il suffisant ? Êtes-vous certaine que tous les investissements dont vous nous parlez ont été budgétés ? À quelle hauteur et sur quelle ligne budgétaire ? Nous devons être sûrs que tous les accompagnements évoqués oralement par vous-même et M. le rapporteur seront bien versés, le moment venu, à nos compatriotes. Je ne voudrais pas que les engagements qu’a pris le rapporteur – qui ne figurent pas dans le texte – ne soient pas tenus, et que vous mettiez le Parlement dans l’embarras, voire la difficulté vis-à-vis de nos compatriotes, alors qu’il souhaite voter ce texte à la plus large majorité possible.
Au nom du groupe Les Républicains, je vous demande donc de nous dire comment vous comptez formaliser concrètement les engagements que vous avez pris devant la commission et que vous prenez aujourd’hui devant la représentation nationale, afin que nous puissions être sûrs que les Français et les différents acteurs de ce passage bénéficieront bien de tous les moyens que vous avez rappelés.
Nous espérons que vous pourrez nous répondre à l’occasion des amendements que défendront les députés de notre groupe, ainsi que nous donner des précisions sur la manière dont vous comptez formaliser ces engagements. Si nous obtenons ces réponses, nous voterons ce texte, qui constitue une avancée importante pour davantage de télévision haute définition et davantage de couverture internet mobile dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, ce texte est utile à de nombreux égards.
Utile en ce qu’il met en oeuvre la décision du Président de la République de transférer aux opérateurs de téléphonie la bande dite 700, actuellement utilisée par les services de télévision.
Ce transfert répond à un impératif technique, qu’a rappelé notre rapporteur : le volume des données mobiles augmente de façon exponentielle – plus de 60 % par an, selon notre cher Patrick Bloche.
Ce texte accompagne aussi le développement du très haut débit mobile tout en garantissant la modernisation de la télévision numérique terrestre, qui doit être préservée.
N’oublions pas que la TNT est une plate-forme de référence à laquelle les téléspectateurs sont extrêmement attachés, d’abord parce que l’accès y est totalement libre et anonyme, et ensuite – je le dis pour Franck Riester – parce qu’elle participe au financement de la création : 1,2 milliard d’euros ont ainsi été investis en 2012. Je rappelle par ailleurs que la « taxe telco » créée en 2008 n’a jamais été une taxe affectée. Si l’intention du gouvernement de l’époque avait été d’affecter cette taxe à France Télévisions…
…il l’aurait dit. Il ne l’a pas fait. Le produit de ladite taxe alimente donc le budget général.
Là encore, le texte accompagne l’évolution du secteur en généralisant la norme de codage MPEG 4. Cela permettra de mettre fin à la double diffusion qui coûte si cher. Le téléspectateur en sera le premier bénéficiaire.
S’agissant de la mise en oeuvre du transfert, il appartiendra au CSA de procéder au dégagement de la bande 700 et au repli de l’offre TNT.
Il a d’ailleurs récemment rendu un avis par lequel il formule un certain nombre d’alertes.
L’une d’elles doit nous intéresser tout particulièrement : l’avenir des sociétés proposant des prestations de diffusion aux opérateurs de multiplex.
Le CSA estime que la pérennité de certaines entreprises ainsi que la préservation de l’emploi dans ce secteur pourraient être affectées par le passage de 8 à 6 multiplex.
L’arrêt de deux multiplex obligera également les opérateurs concernés « à rompre de manière anticipée les contrats les liant avec leurs prestataires, notamment les sociétés assurant la diffusion hertzienne ».
Les opérateurs seraient tenus de verser des indemnités évaluées à plusieurs millions d’euros. Nous devons donc veiller à ne pas déséquilibrer le secteur de l’audiovisuel, en termes tant d’activité que d’emploi.
Lors de l’examen de ce texte en commission, vous avez annoncé, madame la ministre, la création d’une mission d’expertise : tant mieux. Pouvez-vous nous en préciser les missions et le calendrier, à défaut de disposer dès à présent des conclusions que Franck Riester appelait de ses voeux ?
S’agissant de l’appel à candidatures lui-même, de nouveaux entrants pourront prétendre à l’obtention d’une fréquence.
Il serait heureux que l’on évitât les pièges passés. La vente de la chaîne Numéro 23 fait débat. Elle a encouragé le législateur à se saisir davantage de cette question. Un premier pas a été fait par l’adoption d’une taxe dégressive sur la vente des chaînes de la TNT.
Il serait dommage de s’arrêter en si bon chemin. Ma logique est celle de la responsabilisation du CSA : s’il revient au législateur de fixer le cadre dans lequel le Conseil attribue l’usage de fréquences, ce dernier doit conserver un pouvoir d’appréciation des critères au regard desquels il doit examiner les projets de candidatures.
Il est ainsi préférable d’encourager la diversité plutôt que de la rendre impérative, de passer de l’obligation stricte à l’ardente obligation – pour faire écho aux propos de notre collègue Michel Pouzol, qui appelait le général de Gaulle à la rescousse.
Il s’agit de ne pas favoriser à n’importe quel prix de nouveaux entrants. La création de chaînes fragiles et non pérennes n’est absolument pas souhaitable.
Par ailleurs, j’ai souhaité, avec ma collègue Martine Martinel, déposer un amendement fixant une durée minimale de détention d’une chaîne ayant bénéficié d’une autorisation d’usage d’une fréquence hertzienne attribuée gratuitement. Ce n’est pas un scoop : pour les six dernières chaînes de la TNT, une durée minimale de deux ans et demi – conventionnelle et non législative – était demandée par le CSA. Convenons que cette durée n’est pas suffisante : elle doit être bien supérieure, et c’est l’objet de cet amendement.
Il s’agit d’éviter les opérations de spéculation sur un bien public. L’instauration d’une durée minimale de détention vise à encourager le développement de la chaîne attributaire et à affirmer une véritable logique industrielle.
Ce dispositif respecte le principe de droit public selon lequel les autorisations d’occupation du domaine public sont personnelles et incessibles. Cependant, nous ne saurions nier les aléas pouvant avoir un impact sur la pérennité d’une chaîne. C’est pourquoi, sous réserve de l’accord du Conseil, il sera possible de déroger à la durée fixée par la convention. Cet amendement devrait pouvoir recueillir l’assentiment de tous.
Le lancement de la TNT, en 2005, il y a déjà dix ans, marquait l’ambition d’une télévision numérique pour tous.
La généralisation de la norme de codage MPEG 4 et de la diffusion en haute définition porte désormais plus loin encore cette ambition.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, « le deuxième dividende numérique » : voilà une appellation qui pourrait laisser penser à un film de science-fiction. Néanmoins, il s’agit d’un texte de loi, dont l’importance est réelle et qui demeure politique, au sens noble du terme, puisqu’il poursuit deux objectifs qui peuvent faire consensus.
Le premier est la libéralisation de la bande 700 qu’occupent les services de télévision hertzienne terrestre. Son premier objectif est la garantie d’une modernisation de la TNT, qui demeure l’offre gratuite de référence tout en constituant le socle du financement de la création audiovisuelle et cinématographique.
Si le groupe Les Républicains se réjouit de la généralisation de la haute définition de la TNT, qui vient conforter la place de la TNT dans le paysage audiovisuel français, nous savons aussi que cette évolution technologique va toucher près de 7 millions de téléspectateurs qui ne disposent pas aujourd’hui du matériel adapté aux nouvelles normes. Je rejoins ici Mme Pompili : cela ne peut se faire à leur détriment ; il n’est pas concevable que certains d’entre eux puissent être confrontés à un écran noir !
De même, les délais que vous annoncez semblent très courts : avril 2016 pour le basculement de la norme MPEG-2 vers la norme MPEG-4, réaménagement des fréquences de 2017 à 2019. Cette évolution numérique va donc imposer à bon nombre de téléspectateurs de modifier leur antenne ou leur installation technique.
Nous voyons là une certaine précipitation de la part de l’exécutif. Je rejoins donc Franck Riester : il est regrettable de se dispenser d’une étude d’impact là où un chiffrage du coût pour l’État, les usagers, les diffuseurs et les opérateurs aurait été très utile. Le groupe Les Républicains a déposé à ce sujet un amendement qui a été examiné en commission.
Si nous sommes inquiets sur les délais, notre inquiétude se porte également sur les mesures d’accompagnement. Nous ne disposons d’aucune précision réelle sur les campagnes d’information, qui devront être menées le plus rapidement possible, ni sur les aides qui seront proposées à ceux qui en auront le plus besoin, et cela même si la commission des affaires culturelles, saisie au fond, a apporté quelques précisions lors de l’examen du texte.
Pas de chiffrage, donc, hormis celui du produit que le Gouvernement attend de la revente de la bande des 700 aux opérateurs mobiles, chiffrage particulièrement optimiste puisque l’on évoque plus de 2 milliards d’euros déjà inscrits dans le budget pour 2015.
Sensibles aux intérêts patrimoniaux de l’État, nous craignons que ce montant ne soit pas atteint, les opérateurs ayant fait savoir qu’ils étaient impatients d’obtenir de nouvelles fréquences considérant le calendrier comme précoce.
Le second objectif de cette proposition de loi est donc de permettre la réaffectation de la bande de fréquences 700 au haut débit mobile, dont les usages sont en très forte augmentation en France comme partout dans le monde. Les volumes de données échangées sur les réseaux mobiles connaissent une croissance formidable.
L’apport de ces nouvelles technologies est essentiel, mais un cadre est nécessaire. Avant la libération de la bande des 700 au profit des opérateurs mobiles, il est nécessaire de réorganiser les fréquences utilisées par les diffuseurs via multiplex et de conforter la bande restante en dessous des 700 à l’audiovisuel. Même si les coûts des réaménagements ne seront pas à la charge des éditeurs de services audiovisuels, mais à celle des opérateurs mobiles, nous nous devons de répondre à leur inquiétude quant à l’impact de la transition…
…puisqu’il est prévu d’interrompre la diffusion de deux multiplex pour libérer des fréquences alors que des contrats de prestations techniques sont toujours en cours.
Enfin, en termes d’aménagement du territoire et d’accès à des zones difficiles comme les zones de montagne, le réaménagement des fréquences touchera les émetteurs opérés par les collectivités territoriales, qui avaient jusqu’à présent pris le relais. Comment financeront-elles les adaptations, aucune compensation financière n’étant prévue dans le texte ?
Pour conclure, permettez-moi d’insister sur le nécessaire engagement de l’État, qui doit être plus prégnant dans cette transformation numérique où les enjeux industriels sont élevés. Même si vous avez vous-même évoqué en commission quelques chiffres visant le budget de 1’Agence nationale des fréquences qui aura la gestion des aides et des réclamations, madame la ministre, l’État se doit de mieux accompagner cette réaffectation des fréquences en trouvant un nécessaire équilibre entre tous les acteurs concernés, et selon un calendrier raisonnable.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, je tiens tout d’abord à saluer le travail de coopération qui s’est instauré sur ce texte entre le Gouvernement et les parlementaires. Cette proposition de loi est également le fruit d’un travail concerté sur la base des avis de l’ARCEP, du CSA et de la Commission pour la modernisation de la diffusion audiovisuelle, qui réunit des parlementaires.
Cette proposition de loi démontre que les parlementaires peuvent exercer leur pouvoir d’initiative législative dans des domaines qui touchent le quotidien des Français. Le texte poursuit deux objectifs : moderniser et développer la TNT en allant vers la systématisation de la haute définition, développer le haut débit mobile pour répondre à la demande croissante du trafic mobile français.
Le principal apport de la proposition de loi est la libération de la bande 700 mégahertz qu’occupe actuellement la TNT afin de la réattribuer aux opérateurs de téléphonie mobile. Cette libération, réalisée grâce à la généralisation de la norme MPEG-4, permettra de répondre aux nouveaux usages des Français. En effet, nos compatriotes, via leur téléphone mobile, lisent de plus en plus la presse numérique, écoutent la musique en ligne ou peuvent partager et communiquer avec autrui beaucoup plus rapidement. En vertu du principe d’adaptabilité, le service public se doit de répondre à ces besoins novateurs.
De l’ORTF du général de Gaulle à la TNT, nombreuses ont été les réformes en ce domaine. Si la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui n’est qu’une étape supplémentaire de ce processus, elle n’en revêt pas moins une grande importance, dans la mesure où elle symbolise la mutation des médias vers le tout numérique.
La TNT a permis de diversifier les contenus de l’audiovisuel national, et les Français sont aujourd’hui attachés à cette diversité, qui mêle chaînes généralistes et spécialisées. De fait, l’apparition de chaînes entièrement dédiées à l’information de la vie publique constitue une évolution notable de l’offre audiovisuelle. Que l’on critique ou non ce phénomène, il n’en demeure pas moins bien réel et les pouvoirs publics doivent plus que jamais s’adapter à ce changement.
Le deuxième apport de la proposition de loi réside dans la modernisation de la TNT ; elle instaure le passage de la norme MPEG-2 à la norme MPEG-4 et permettra la généralisation des chaînes de la TNT en haute définition.
De surcroît, cette proposition de loi facilitera l’introduction à terme de l’ultra haute définition, qui sera sans aucun doute plébiscitée par nos compatriotes. À cet égard, je tiens à affirmer que cette modernisation doit également favoriser le multilinguisme en encourageant le sous-titrage des contenus diffusés en langue originale lorsque les programmes ne sont pas français.
Ce changement répond aussi à un défi de taille : la transition entre les deux standards doit se faire dans la nuit du 4 au 5 avril 2016. Les dispositions introduites par voie d’amendements par la commission des affaires culturelles et de l’éducation ont permis de créer des dispositifs permettant à tous les Français de bénéficier de cette adaptation.
Enfin, les nouvelles dispositions offriront aux pouvoirs publics et au CSA de nouveaux moyens, nécessaires à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre.
Ces dispositions montrent clairement que la puissance publique joue encore un rôle dans le développement économique du pays, en modernisant la TNT et en renforçant le déploiement du haut débit mobile. Comme plusieurs orateurs l’ont rappelé, la France n’est pas la seule à poursuivre cet objectif : plusieurs pays européens, dont l’Allemagne et les pays du nord de l’Europe, souhaitent également réattribuer la bande 700 mégahertz au service mobile à très haut débit. En outre, afin de préserver autant que possible les acteurs concernés par la libération de la bande 700, la proposition de loi instaure des mesures d’accompagnement indispensables pour permettre la continuité du service public audiovisuel auprès de tous les téléspectateurs.
Ces aides comportent trois aspects – je pense que c’est de nature à vous rassurer, monsieur Kert : une assistance technique, destinée aux personnes âgées ou ayant un handicap lourd, une aide financière à l’achat d’un adaptateur TNT pour les foyers dégrevés de la contribution à l’audiovisuel public et une aide au passage à un mode de réception alternatif pour ces mêmes ménages fragiles. Une mesure essentielle s’y ajoute : la campagne nationale de communication. En étant bien informés, les citoyens seront plus à même d’anticiper le transfert en s’assurant que leur téléviseur est compatible avec la norme MPEG-4 ; en cas d’incompatibilité, ils devront faire l’achat d’un adaptateur TNT HD, vendu à partir de 25 euros. Mieux encore, la campagne nationale de communication incitera les ménages fragiles à accéder aux aides prévues par la présente proposition de loi. Ces aides, considérées dans leur ensemble, jouent un rôle déterminant, car elles permettront de moderniser la télévision numérique terrestre dans tous les foyers français, conformément à l’objectif d’égalité devant le service public audiovisuel que le texte s’assigne.
De la même manière que le Gouvernement français s’est engagé en faveur d’un plan numérique accessible à tous, permettant de couvrir l’ensemble du territoire, il nous paraît fondamental que l’État puisse accompagner tous les Français dans la modernisation de leur télévision.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, le transfert de la bande 700 mégahertz aux opérateurs télécoms a été décidé par l’exécutif en octobre 2014. La décision revient en effet au Gouvernement, mais il doit malgré tout passer par la loi pour ce qui concerne les modalités de cette attribution. Voilà pourquoi nous sommes réunis ici, huit mois après la décision de principe. Que la modification du tableau de fréquences relève du pouvoir réglementaire n’a rien de scandaleux, c’est même tout à fait normal : rappelons en effet que les fréquences sont considérées comme des ressources stratégiques. Ceci dit, le Gouvernement s’est engagé à associer le Parlement, quitte à le faire de façon « factice » – j’emploie des guillemets –, puisque tout le monde comprend bien qu’il a téléguidé cette proposition de loi.
Sans méconnaître le travail toujours méticuleux accompli par le président Bloche, il est regrettable, comme l’ont dit plusieurs de nos collègues, que nous n’ayons pas pu disposer d’étude d’impact. Cela devient une habitude. L’absence d’étude d’impact nous empêche, par exemple, d’avoir une estimation du coût que devront supporter les opérateurs bénéficiaires – qui devront, par exemple, assurer le respect d’accords transfrontaliers – ou encore une estimation des gains attendus par l’État lors des enchères, bloc par bloc. Voilà pour la forme ; j’y reviendrai tout à l’heure.
Sur le fond et sur le coeur du texte, à savoir le transfert de la bande 700, il faudrait être aveugle pour ne pas admettre que les opérateurs télécoms ont besoin de davantage de bande passante afin, notamment, de remplir leurs obligations de couverture, qui répondent à de réels besoins sur le territoire. Il reste encore du chemin à faire en ce sens.
À partir du moment où la décision du Gouvernement a été prise, l’ensemble des articles de cette proposition de loi ne font que confirmer cette décision et ont donc leur logique. Ainsi, les articles 8 et 9 concernent le coût des réaménagements, qui seront supportés par les opérateurs, et l’extension de la taxe afférente. Ces obligations financières ayant déjà été prévues pour la bande 800, il est donc parfaitement logique que ces règles soient aussi valables pour la bande 700. Quant au traitement des réclamations des téléspectateurs par les opérateurs, voilà qui devrait répondre aux risques réels de brouillage de la TNT, évoqués notamment par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et les chaînes de télévision.
Les aides financières que vous avez introduites en commission pour le basculement vers la norme MPEG-4 sont, là aussi, les bienvenues pour éviter l’écran noir. Toutefois, je m’interroge sur trois points. Premièrement, qu’en est-il des foyers équipés en réception satellite, notamment en zone de montagne, qui vont connaître les mêmes problèmes et ne semblent pas visés par l’actuelle rédaction ? On ne peut pas priver ces téléspectateurs du passage au MPEG-4, ni demander aux diffuseurs de mettre en place une double diffusion. Madame la ministre, le rapporteur vous a plus ou moins invitée à y réfléchir, et mes collègues Riester et Kert vous y invitent également : il serait injuste que les foyers satellites soient exclus, d’autant qu’une telle extension ne coûterait que 3 % du budget déjà prévu.
Deuxièmement, j’ai l’impression que l’on fait preuve ici d’une certaine précipitation. Comment faire pour anticiper davantage les futurs basculements ? En effet, il y en aura d’autres et, d’ailleurs, assez rapidement, puisque le problème va se reposer dès les années 2020, avec un nouveau basculement prévu, semble-t-il, vers la norme High Efficiency Video Coding – HEVC.
Troisièmement, madame la ministre, pouvez-vous nous assurer, comme vous l’avez fait, me semble-t-il, en commission, que l’Agence nationale des fréquences disposera d’un budget suffisant pour l’accomplissement de cette nouvelle mission, certes temporaire, mais qui va demander beaucoup de moyens sur un temps restreint ?
S’agissant toujours des modalités, je souhaite m’arrêter sur le calendrier. On peut en effet s’interroger sur l’agenda retenu et sur la vision de long terme qui semble manquer au Gouvernement. Je crains que, pour l’exécutif, la réaffectation de la bande 700 soit vue uniquement comme un moyen de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État et ce, le plus vite possible : il y en a bien besoin ! Comment percevoir autrement le fait que les plus de deux milliards d’euros attendus aient déjà été comptabilisés dans le budget de la défense pour 2015 ? Je serais ravi d’être démenti et d’entendre la vision stratégique du Gouvernement sur les fréquences, ce qui démontrerait qu’il n’y a aucune précipitation dans le calendrier.
De surcroît, 2015 est visiblement une année-clé dans l’évolution du paysage français des opérateurs télécoms. D’ailleurs, madame la ministre, j’en profite pour vous poser une dernière question, en lien avec l’actualité la plus récente : sur la bande 700, comment cela va-t-il se passer si SFR-Numericable finit par racheter Bouygues Télécom ?
Quoi qu’il en soit, vous l’avez compris, je pense que ce transfert est salutaire ; nous sommes à peu près tous d’accord sur ce point. Le principe de la réaffectation a été bien cadré, et ses objectifs suffisamment précisés. Cela n’empêche pas, comme vous le voyez, de nombreuses interrogations, auxquelles le Parlement attend des réponses.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner la proposition de loi relative à la modernisation de la télévision numérique terrestre et au deuxième dividende numérique. Il s’agit à la fois de garantir le développement du très haut débit mobile et d’assurer l’accès universel et gratuit à la télévision en haute définition.
Dix ans après le lancement de la télévision numérique terrestre – la TNT – en France, cette nouvelle étape est porteuse de grands enjeux pour notre pays, à la fois technologique – il s’agit d’un vrai progrès pour tous les Français, sans exception, et il s’agit d’accompagner cette modernisation –, social et culturel – le Gouvernement a pris la pleine mesure du défi numérique comme contributeur à l’égalité des droits et d’accès aux savoirs –, enfin, économique, puisque plus de deux milliards de recettes sont attendues par la vente aux enchères de la bande 700 aux opérateurs de téléphonie mobile.
Dès le printemps 2013, le Président de la République s’était engagé dans cette démarche et, aujourd’hui, nous sommes appelés à prendre les mesures législatives indispensables au transfert de cette bande 700. Conformément à l’avis rendu par le CSA, les articles et les amendements que nous allons étudier doivent nous permettre de prendre toutes les dispositions nécessaires pour relever ce défi essentiel.
Je souhaite particulièrement souligner le programme d’accompagnement des téléspectateurs à la mise en oeuvre de cette modernisation, dans le cadre de l’opération nationale de dégagement de la bande 700 : citons l’aide à l’équipement pour les téléspectateurs des foyers dégrevés de la contribution à l’audiovisuel public, l’aide sans condition de ressources pour permettre de se connecter au dispositif de réception des zones non couvertes, l’assistance technique à domicile en faveur des personnes âgées et handicapées et la campagne nationale et régionale d’information pour garantir à tous l’information la plus complète. Ces dispositions traduisent la volonté du Gouvernement et l’ensemble des objectifs d’intérêt général qu’il poursuit. N’oublions pas qu’en 2011, l’ancien gouvernement avait reporté l’adoption de la norme MPEG-4, condition de la généralisation de la haute définition, afin de ne pas affecter la majorité du parc d’équipements non compatibles.
Que les Français soient rassurés : cette proposition de loi affecte plus de 80 millions d’euros pour concrétiser les mesures que je viens d’indiquer ; il s’agit bien d’accompagner nos concitoyens pour leur garantir la continuité de la réception télévisuelle et l’accès universel et gratuit à la télévision en haute définition.
Dernier point qu’il me semble essentiel de mettre en évidence : cette mesure va permettre de libérer de l’espace numérique. Elle va ainsi contribuer à assurer une couverture numérique de l’ensemble du territoire. Dans la circonscription de Flandre intérieure, à dominante rurale, que je représente, les problèmes de réseau, donc d’accès à l’ensemble des services mobiles sont parfois bien compliqués. Je ne peux que saluer cette proposition de loi, qui devrait faciliter l’accès de nos territoires ruraux au très haut débit mobile. Cela me permet de saluer aussi l’amendement de Mme la rapporteure pour avis, qui a proposé d’inscrire dans cette proposition de loi la prise en compte de l’aménagement du territoire dans le cadre de la procédure d’attribution de fréquences aux opérateurs de téléphonie mobile. Cette disposition vient compléter la loi de 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, et je voulais vous en remercier.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je serai très brève, car j’aurai l’occasion par la suite de répondre à la plupart des interpellations et interrogations de l’ensemble des orateurs lors de la discussion des amendements.
Tout d’abord, sans confondre urgence et précipitation, je pense qu’il y a urgence à prendre en compte les besoins et les usages de nos concitoyens, de la population, car les usages mobiles évoluent extrêmement rapidement. La consommation de bande passante et le trafic internet mobile augmentent de 60 % chaque année. Il est donc urgent de donner aux opérateurs mobiles les moyens de répondre à la demande de nos concitoyens en s’adaptant à leurs usages.
Le Gouvernement a tout fait pour que le Parlement soit informé au fur et à mesure, dans le cadre de la commission pour la modernisation de la diffusion audiovisuelle, qui s’est réunie aux mois d’avril et de mai derniers et qui a reçu une information complète sur l’ensemble des questions posées par les représentants du Parlement qui dont les réponses ont pu ensuite être transmise aux parlementaires. Ces renseignements répondent à beaucoup de questions qui ont été posées, mais je serai heureuse d’apporter les précisions nécessaires afin que cette proposition de loi puisse être adoptée à l’unanimité. Ce serait le signal que la représentation nationale suit le mouvement de monde, et même le précède, l’anticipe, et qu’elle est à l’écoute des besoins de nos concitoyens, en particulier lorsqu’il s’agit de les faire bénéficier du progrès technologique.
Je voudrais ensuite apporter une précision sur le financement de la création, car beaucoup d’entre vous ont souligné la nécessité de le moderniser, ce à quoi cette proposition de loi contribue d’une certaine façon.
Permettez-moi de vous rappeler que j’ai été très soucieuse, depuis mon entrée au Gouvernement, à chacun des postes que j’y ai occupés, de moderniser notre financement de l’audiovisuel et du cinéma en faisant contribuer non pas les fournisseurs d’accès à internet ou les opérateurs de télécommunications, qui sont déjà des contributeurs au financement de la création au travers de la taxe sur les services de télévision « distributeurs », TSTD, ou « éditeurs », TSTE, mais les plateformes numériques, qui aujourd’hui échappent totalement à l’impôt sur les sociétés et qui, tout en bénéficiant assez largement de la circulation des oeuvres, ne participent au financement ni des infrastructures ni de la création.
Je considère que nous devons sur ce point avoir une vision conjointe, au Gouvernement ou au Parlement, sur la nécessité d’intégrer ces plateformes, ces nouveaux acteurs économiques dans le financement de la création. J’espère pouvoir compter sur le soutien de l’ensemble des membres de l’Assemblée pour m’aider à trouver des solutions et faire en sorte que le modèle vertueux de financement de la création et d’exception culturelle puisse ainsi perdurer.
Je voudrais tout d’abord remercier ceux de nos collègues qui ont pris part à cette discussion générale, dans une démarche positive de soutien à cette nouvelle transition numérique. Je leur sais gré d’avoir posé de bonnes questions ; par honnêteté intellectuelle, je dois avouer que, si j’étais dans l’opposition, j’aurais sans doute posé un certain nombre d’entre elles.
J’aimerais apporter quelques précisions.
Monsieur Tardy, je ne voudrais pas qu’on laisse croire que le Parlement a joué un rôle factice dans le processus législatif qui nous rassemble aujourd’hui. Lorsque le Président de la République a annoncé, au printemps 2013, sa volonté de vendre la bande 700 mégahertz, nous avons aussitôt décidé que le Parlement serait partie prenante, et nous en avons débattu collectivement lors de l’examen puis de l’adoption de la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public.
C’est par la voie d’un amendement que j’ai eu l’honneur de proposer et qui a été voté que la commission pour la modernisation de la diffusion audiovisuelle a été créée. Celle-ci s’est d’abord réunie de façon informelle, puis très formelle ; deux témoins de moralité peuvent en attester, Corinne Erhel, ici présente, et Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, qui ne saurait être contesté de ce côté de l’hémicycle, et qui participe également de façon très assidue à nos réunions.
C’est donc en toute logique que le texte que nous examinons aujourd’hui est d’origine parlementaire, même s’il s’agit d’une coproduction législative, pour reprendre les termes utilisés par Jean-François Copé à une autre époque.
Vous avez été amenés, les uns et les autres, à mettre en avant un certain nombre de préoccupations tout à fait légitimes, notamment pour les éditeurs de télévision. Je rappelle que ce texte de loi leur apporte trois garanties essentielles. Tout d’abord, leur bande de fréquence est sécurisée jusqu’en 2030, ce qui n’avait jamais été inscrit auparavant dans la loi. Ensuite, ils réaliseront des économies du fait de la fin de la double diffusion, comme l’a souligné Michel Pouzol, et parce que les coûts de réaménagement des fréquences seront pris en charge par les opérateurs mobiles. À l’arrivée, incontestablement, avec une télévision de plus grande qualité technique, les éditeurs télévisuels seront gagnants.
Vous avez été nombreux à évoquer votre préoccupation pour les téléspectateurs et votre souci qu’il n’y ait pas d’écran noir, en particulier, sans mauvais jeu de mot, dans les zones blanches.
Sourires.
Ont été évoquées des zones particulières qui préoccupent souvent notre assemblée au cours de débats parfois très longs : les zones rurales et, plus encore, les zones de montagne.
À cet égard, en bons républicains que nous sommes, bien que nous n’en portions pas quotidiennement le nom, nous aurons le souci de l’égalité des territoires et prendrons à cette fin toutes les garanties nécessaires.
Je ne conteste pas que le calendrier est serré ; il l’est d’ailleurs d’autant plus que l’avis de la CMDA pointe cette urgence, qui, comme l’a souligné Mme la ministre, ne saurait être confondue avec la précipitation, et la nécessité de tenir ces délais. Vous avez exprimé, notamment Franck Riester et Christian Kert, votre préoccupation quant à la possibilité de respecter un tel calendrier.
Le dispositif que nous allons voter aujourd’hui ne comporte pas de calendrier précis. Il a été fait référence à la nuit du 4 au 5 avril 2016 pour le passage sur tout le territoire à la nouvelle norme de compression MPEG-4, une date qui ne saurait être inscrite dans la loi en tant que telle, mais qui constitue l’objectif pour lequel nous devons nous mobiliser.
Afin de ne pas intervenir plus longtemps que Mme la ministre, j’insisterai sur deux derniers points.
La campagne de communication, tout d’abord, est essentielle, et étroitement liée au calendrier parlementaire. Je pense ne pas prendre trop de risque en affirmant que nous adopterons aujourd’hui en première lecture la présente proposition de loi. Il est prévu qu’elle soit examinée par le Sénat au cours de la session extraordinaire de juillet. À l’issue de cette dernière, un vote en première lecture aura eu lieu dans chacune des deux assemblées. Plus vite nous travaillerons à la rentrée, dès la mi-septembre, plus vite nous pourrons fixer un cadre législatif qui permettra de lancer cette grande opération de transition numérique.
De surcroît, plus tôt nous lancerons la campagne de communication, mieux cela vaudra. Le financement de cette dernière est pris en charge par l’Agence nationale des fréquences – ANFR –, à l’instar des différentes aides à l’équipement et de l’assistance technique. J’avais évoqué en commission, et Mme Pompili s’en est souvenu, l’idée d’un bandeau déroulant pour alerter ceux de nos concitoyens qui ne possèdent pas de poste adapté à la norme MPEG-4 afin qu’ils s’équipent d’un adaptateur, l’achat d’un nouvel écran de télévision n’étant pas nécessaire.
Ensuite, et ce sera mon dernier point, vous avez évoqué très justement le soutien à la création, madame la ministre. C’est un vrai débat, mais un autre débat.
Les opérateurs mobiles ont en effet été régulièrement sollicités par la loi, ce qui répondait à une volonté assez unanime, sur tous nos bancs ; je pense en particulier au dispositif que nous avions élaboré ensemble pour élargir la portée du compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels – COSIP – géré par le Centre national du cinéma et de l’image animée – CNC –, c’est-à-dire l’aide apportée à la création cinématographique en France, disposition qui avait à l’époque été adoptée à l’unanimité.
Je ne voudrais pas qu’on laisse penser que les opérateurs mobiles ne contribuent pas, directement ou indirectement, au financement de la création dans notre pays. La question contributive porte moins sur nos acteurs nationaux, au nombre de quatre actuellement – du moins jusqu’à ce que de nouvelles évolutions interviennent –, que sur ceux qu’on appelle les géants du Web, les GAFA, acronyme qui désigne Google, Apple, Facebook et Amazon, qui, eux, échappent très largement à cette contribution pourtant indispensable à l’alimentation de leurs tuyaux en contenus de la qualité que l’on sait.
Telles étaient les dernières observations que je souhaitais faire.
En 2000 était créé dans cet hémicycle le cadre pour le lancement de la télévision numérique terrestre. Le lancement officiel fut réalisé en 2005, à l’initiative de Dominique Baudis, alors président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et qui avait résisté à beaucoup de pressions. Entre 2009 et 2011, le signal analogique s’est progressivement éteint pour laisser la place au tout numérique. Aujourd’hui se profile une nouvelle étape, qui sera rendue effective entre 2016 et 2019. Mes chers collègues, nous pourrons affirmer fièrement en juin 2019, à l’issue de cette opération, que nous y avons contribué de manière décisive.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
La parole est à M. Franck Riester, pour soutenir l’amendement no 14 , portant article additionnel avant l’article 1er.
Je voudrais tout d’abord remercier M. le rapporteur et Mme la ministre des précisions qu’ils viennent de nous apporter.
Madame la ministre, de quelle façon pensez-vous communiquer au sujet des aides que M. le rapporteur et vous-même avez annoncées en commission ? Nous souhaitons en effet nous assurer que le Gouvernement les octroiera aux citoyens qui en auront besoin, au cours tant de la première phase que de la seconde. Quel est le montant du budget prévu et où sera-t-il affecté ? Au vu des difficultés budgétaires que rencontre notre pays, il est parfaitement légitime que, afin d’être rassurée, la représentation nationale dispose d’éléments précis sur le montant qui vous semble devoir être mobilisé et sur son affectation.
J’en viens à présent à l’amendement. Il existe un statut pour le métier de distributeur de services audiovisuels. Le présent amendement vise à créer une nouvelle catégorie, celle de distributeur de programmes audiovisuels, qui n’emporte pas de conséquence normative, comme vous l’aviez rappelé en commission, madame la ministre. Nous renouvelons donc ici notre demande de création d’un tel métier et souhaitons vivement que vous souteniez cette initiative.
Nous avons déjà eu ce débat en commission. Je remercie d’ailleurs Franck Riester de son initiative car, sur le fond, il s’agit d’un bon amendement, qui traite d’un vrai sujet : la distinction entre distributeurs de services et distributeurs de programmes. Il a ainsi le mérite de rendre hommage à ces derniers, qui valorisent les programmes, donc la création en général, et qui contribuent de façon insuffisamment connue au rayonnement culturel international de notre pays.
La réserve porte donc non pas sur le contenu de cet amendement, mais sur le caractère opportun de son introduction dans le présent texte. J’avais souhaité recueillir l’avis de la ministre, qui l’avait alors manifesté et le réitérera sans doute aujourd’hui. L’avis de la commission est par conséquent défavorable.
Nous avons en effet eu l’occasion d’en débattre en commission. Cet amendement a pour objet d’introduire dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication une définition du distributeur de programmes audiovisuels. Nous avons reconnu en commission son intérêt sur le fond, mais il n’a aucun lien avec la présente proposition de loi, raison pour laquelle nous avons émis un avis défavorable que je réitère ici.
Permettez-moi aussi, madame la présidente, de répondre brièvement à la question de M. Riester sur le cadrage budgétaire des mesures d’accompagnement des téléspectateurs, car je n’y ai pas répondu après la discussion générale et je ne crois pas qu’un autre amendement me donne l’occasion de le faire.
Comment vais-je communiquer, me demande M. Riester. Eh bien je le fais ici, devant la représentation nationale, et cela trouvera également une traduction dans le budget de l’année 2016. Je ne vois pas comment le faire autrement qu’en m’exprimant devant vous. Je peux évidemment vous le dire par lettre, si vous le souhaitez,…
…ou répondre à une question écrite.
Comme en commission la semaine dernière, je précise à nouveau qu’il y aura plusieurs types d’aides.
D’abord des aides à l’équipement de certains ménages en boîtiers permettant de rendre le matériel compatible avec la norme de compression MPEG-4. L’enveloppe réservée à cet effet sera de l’ordre de 2,4 millions d’euros.
S’agissant deuxièmement des aides à la réception, qui concernent les personnes qui auront besoin de réorienter leur antenne ou, le cas échéant, de changer de système de réception, une enveloppe de 48 millions d’euros sera inscrite.
Quant au troisième volet, celui de l’assistance technique – notamment aux personnes handicapées ou âgées, avec le déplacement d’un technicien à domicile pour aider à mettre les appareils en conformité –, une enveloppe de 6,5 millions d’euros lui sera consacrée.
La campagne de communication fera l’objet d’une enveloppe de l’ordre de 25 millions d’euros. J’invite d’ailleurs tous les membres de l’Assemblée à y participer dans leurs circonscriptions, afin de renforcer notre capacité à toucher l’ensemble des Français et à les informer correctement.
L’enveloppe totale sera donc d’environ 80 millions d’euros. Elle sera allouée à l’Agence nationale des fréquences, qui, ainsi qu’on l’a précisé, aura la charge non seulement de la campagne de communication mais aussi de l’organisation et de la coordination des aides apportées à nos concitoyens.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter.
Je vous remercie, madame la ministre, mais permettez-moi de revenir à l’amendement.
Lors de l’examen de la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, votre prédécesseur nous avait déjà dit que ce n’était pas le moment de défendre certains amendements concernant le secteur de l’audiovisuel. Et voilà qu’aujourd’hui, vous nous dites de nouveau qu’on ne peut intégrer des amendements au motif qu’ils ne seraient pas directement liés au texte, bien qu’ayant eux aussi trait à l’audiovisuel ! Comme je doute que nous ayons à examiner un nouveau texte consacré à ce domaine avant la fin de la législature, quand pourrons-nous, nous autres parlementaires, apporter au secteur audiovisuel des réformes importantes ou, comme celle que je propose, symboliques ? Cet amendement serait un message de bon aloi envoyé aux distributeurs de programmes audiovisuels, un signe favorable et, comme l’a très bien dit Patrick Bloche, une marque de considération quant au rôle qu’ils tiennent dans le rayonnement de la culture de notre pays.
Je vous demande donc de faire une exception à la règle qui exclut les cavaliers législatifs, sachant que nous n’aurons plus l’occasion, au cours de cette législature, de voter un tel amendement.
L’amendement no 14 n’est pas adopté.
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, premier orateur inscrit sur l’article.
Le calendrier de l’examen de cette proposition de loi me semble être, malheureusement, le plus défavorable que l’on puisse imaginer. Il est à la fois précipité et à contretemps.
Précipité dans la mesure où M. Pascal Lamy, dans son rapport à la Commission européenne, envisageait une libération des fréquences pour 2020. Faut-il vraiment aller plus vite ? Le Gouvernement veut gagner dix-huit mois mais il ne s’est pas donné les moyens de mener à un rythme raisonnable les réformes qu’impliquait le deuxième dividende numérique. Ce texte aurait dû être soumis au Parlement il y a un an ou un an et demi, comme le demandait par exemple le CSA.
De plus, le retard de l’examen parlementaire par rapport au calendrier annoncé par le Gouvernement risque de rendre illégal l’appel à candidatures pour la TNT haute définition en juillet. En effet, la loi prévoit que le CSA ne peut engager un tel appel que si la ressource est disponible. Elle ne le sera pas !
Le Premier ministre lui-même avait annoncé en décembre 2014 un calendrier de mise en oeuvre du deuxième dividende numérique. Ce calendrier aurait dû permettre au Gouvernement de déposer il y a plusieurs mois le texte que nous examinons aujourd’hui. Si cela avait été le cas, nous aurions pu disposer d’une étude d’impact, laquelle, par définition, manque à cette proposition de loi. Du reste, vous le reconnaissez clairement, madame la ministre : en décidant, avec la mission d’expertise, une sorte de rattrapage, vous montrez qu’il y a des trous dans les bases de cette proposition de loi.
Pis : venant trop tardivement, ce texte vient aussi à contretemps. Dans le contexte initial de la proposition de loi, Free était intéressé par ces fréquences parce qu’il lui en manquait, et son intérêt pour les enchères motivait l’intérêt des autres opérateurs. C’est sur ces bases que l’ARCEP publiait vendredi dernier un cadre prévoyant quatre lots. Or, en lançant une offre de reprise de Bouygues Télécom, SFR…
Je suis inscrit sur d’autres articles, madame la présidente. Je promets d’abandonner certaines prises de parole si vous me laissez finir. Mais je peux aussi tronçonner mon intervention…
Sourires.
En lançant, disais-je, une offre de reprise de Bouygues Telecom, SFR ramène le nombre des acquéreurs potentiels de quatre à trois. De surcroît, on apprend que Free négocie déjà la reprise de fréquences qui lui manquent auprès de Bouygues Telecom, ce qui signifie qu’il n’est plus utile de se porter acquéreur des fréquences de la bande 700 mégahertz. Si Free n’est plus candidat, Orange et SFR ne le seront probablement plus.
Ainsi, on s’apprête à bousculer l’ensemble des acteurs de la TNT et les téléspectateurs en passant outre à l’indemnisation des opérateurs de diffusion, pour se précipiter dans une mise aux enchères sans acquéreur probable. Il est donc urgent de suspendre l’examen de cette proposition de loi. Nous pourrions prendre le temps de laisser la situation se stabiliser et inscrire le texte, qui est par ailleurs intéressant sur un certain nombre de points, à l’ordre du jour d’une prochaine session.
En principe, les inscrits sur l’article consacrent leur propos au contenu de l’article en question. L’objet n’est pas de prolonger une discussion générale qui s’éternise !
L’article 1er, donc, habilite le pouvoir réglementaire à modifier les normes techniques au cours de la période de validité des autorisations. Il permettra à l’exécutif de modifier par arrêté les normes de diffusion des autorisations en cours. Comme vous, madame la ministre et monsieur le rapporteur, je fais le distinguo entre urgence et précipitation. Le calendrier me semble pour une fois en phase avec les évolutions qu’attendent nos concitoyens. Même sur un sujet aussi technique que celui-ci, le Parlement est tout à fait à sa place.
Comme le but recherché est bien l’efficacité et la rapidité, il faut éviter que les parlementaires aient à légiférer trop souvent sur ce type de sujet technique. Cela étant, l’habilitation que nous votons aujourd’hui constitue-t-elle un premier pas vers de possibles délégations du pouvoir réglementaire du ministre au Conseil supérieur de l’audiovisuel ? C’est peut-être là que se trouve le paradoxe : si, avec cette proposition de loi, nous sommes saisis d’un basculement important, devrons-nous légiférer pour chaque basculement, ou assistera-t-on au contraire à la délégation de ces questions à des autorités administratives indépendantes, ce qui peut aussi poser un problème en termes de normes ?
À ce stade de l’examen de la proposition de loi, je tenais à apporter ce commentaire.
L’article 1er est adopté.
Je promets que je serai bref, madame la présidente !
Ce texte ne rassure pas quant à l’avenir du service public de l’audiovisuel, madame la ministre. Si toutes les chaînes de la TNT doivent être diffusées en haute définition, leur regroupement au sein des multiplex reconfigurés ne permettra pas, on le sait, de toutes les intégrer. Il faut le dire ! Je demande donc au Gouvernement comment il compte concilier la haute définition promise par le texte et cet obstacle technique.
Plus important encore : comment le Gouvernement envisage-t-il de doter France Télévisions des moyens de faire passer toutes ses chaînes en haute définition ? Si cela se révélait impossible, quelles seraient la ou les chaînes maintenues en définition standard ?
Voilà une autre occasion de perdue pour le service public ! En effet, le texte offrait l’occasion de rendre obligatoire la diffusion de la totalité des services linéaires et non linéaires. Il s’agit d’élargir les obligations du must carry aux services non linéaires, en particulier la télévision de rattrapage, et de garantir la mise en valeur, dans les portails, des distributeurs et des outils de référencement.
L’article 2 est adopté.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, l’affectation des fréquences est une compétence du Gouvernement. Cela ne me choque pas, mais, dans ce cas, je ne vois pas l’intérêt de faire semblant d’y associer le Parlement, surtout lorsque c’est après coup ! Contrairement à ce qu’affirmait le rapporteur en réponse à la discussion générale et contrairement à ce que l’on avait annoncé, le Parlement aura été magistralement ignoré dans l’attribution de la bande 700 mégahertz.
Lors de la discussion de la loi de 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, c’est vous-même, monsieur le président et rapporteur, qui aviez suscité la création d’une commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle similaire à la commission du dividende numérique. Le but de cette création était clairement de permettre au Parlement de se prononcer sur la réaffectation des fréquences de la bande 700 mégahertz. Permettez-moi de citer l’exposé sommaire de votre amendement d’alors : « Cette commission pourrait ainsi se prononcer aussi bien sur la réaffectation des fréquences de la bande des 700 mégahertz que sur le processus de migration de la TNT vers les nouvelles normes de diffusion et de compression. » Or, si j’en crois son avis dont nous avons eu connaissance il y a quelques jours dans votre rapport, la CMDA ne s’est pas prononcée sur l’opportunité de la réaffectation. Et pour cause ! L’arrêté a été pris en janvier et la commission n’a été saisie qu’ultérieurement et son avis rendu en mai 2015.
Dans le cas présent, le rôle de la CMDA s’est limité à discuter des modalités quelques mois après la véritable discussion. Ce n’est pas uniquement pour cela qu’on l’avait créée ! Si l’on veut associer le Parlement, il faut que la CMDA soit consultée en amont de la décision de principe. Sinon, elle est condamnée à faire de la figuration – le terme est provocateur, certes, mais c’est un peu ce qui s’est passé.
Tel est le sens de mon amendement, madame la présidente.
Nous avons en effet déjà eu un échange à ce sujet dans la discussion générale et dans la réponse que j’ai apportée.
Je n’ai pas besoin de rappeler que la commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle fut créée en 2013 de par la volonté du législateur. Sachez toutefois qu’elle s’est réunie de manière informelle avant les deux réunions du 8 avril et du 15 mai 2015 mentionnées dans l’avis annexé au rapport, et qu’elle a été officiellement saisie le 3 décembre 2014, donc antérieurement à l’arrêté du Premier ministre du 6 janvier 2015. Tels sont les éléments factuels que je voulais vous apporter.
Pourquoi, me demandez-vous, l’arrêté du Premier ministre n’a-t-il pas été pris après que la CMDA eut rendu son avis ? Il est vrai que le CSA et l’ARCEP ont rendu leurs avis avant cet arrêté. N’étant pas maître des initiatives et du calendrier du Gouvernement, je laisserai à Mme la ministre le soin de vous répondre sur ce point.
En tout cas, je puis témoigner, avec ma collègue Corinne Erhel, que nous n’avons pas eu un rôle de figurants, mais au contraire un rôle très actif au sein de la CMDA. Cela a notamment permis de donner l’alerte sur différents points qui ont été pris en compte dans cette proposition de loi, et même améliorés ensuite par voie d’amendement.
Bref, nous n’avons pas été des figurants mais, je pense, des acteurs incontournables. C’est d’ailleurs ce que nous souhaitions.
L’avis du rapporteur importe moins que celui de la commission, qui est défavorable, madame la présidente.
La CMDA a été saisie par le Gouvernement du projet de réattribution de la bande de fréquences le 3 décembre 2014. Le 2 mars, de nouveaux documents, complétant le dossier envoyé lors de la saisine initiale, ont été transmis à la CMDA afin de la tenir informée de l’avancée des travaux du Gouvernement. Par ailleurs, deux réunions de travail avec les représentants du Premier ministre se sont tenues en avril et en mai. Les membres de la commission ont pu aborder les points qu’ils souhaitaient et poser de nombreuses questions. Des réponses précises leur ont été apportées à cette occasion et le 15 mai la commission a rendu un avis favorable.
La commission a donc bien été consultée et le Parlement s’est logiquement emparé de ce sujet très important pour les Français, et c’est la raison pour laquelle nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner cette proposition de loi.
Je comprends le sens de votre amendement, monsieur Tardy, mais admettez qu’il ne modifie pas la portée de cette procédure. Je vous propose donc de le retirer, à défaut de quoi le Gouvernement y sera défavorable.
Quant au fait que l’arrêté approuvant le tableau national de répartition des bandes de fréquences a été publié au Journal officiel en début d’année avant l’avis formel de la CMDA, c’est là une maladresse que je regrette. Je puis vous assurer qu’à aucun moment le Gouvernement n’a souhaité faire fi de l’avis de la commission créée par la loi du 15 novembre 2013.
L’historique que vous venez de faire n’est pas sans intérêt, mais je parle de l’avenir. Si la CMDA doit être maintenue, il faut qu’elle soit consultée avant la décision de principe du Gouvernement. Cet amendement vise à clarifier la loi de 1986 sur ce point et à cadrer les choses.
L’amendement no 1 n’est pas adopté.
Mme Catherine Vautrin remplace Mme Laurence Dumont au fauteuil de la présidence.
L’article 3 est adopté.
Je suis saisie d’un amendement no 7 portant article additionnel après l’article 3. La parole est à Mme Martine Martinel pour le soutenir.
Cet amendement a pour objet d’éviter les opérations de spéculation sur un bien public, en l’espèce par la vente d’une chaîne ayant bénéficié d’une autorisation d’usage d’une fréquence hertzienne attribuée gratuitement par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
L’instauration d’une durée minimale de détention vise à encourager le développement de la chaîne et l’instauration d’une véritable logique industrielle. Par ailleurs, ce dispositif respecte le principe de droit public selon lequel les autorisations d’occupation du domaine public sont personnelles et incessibles.
Il s’agit de remédier à une faiblesse de la loi, qui ne prévoit aucune durée minimale de détention. En l’absence d’une telle disposition, c’est le CSA qui fixe cette durée dans les conventions conclues avec les éditeurs de services de télévision. Toutefois, rien n’oblige ces éditeurs à la respecter. L’actualité récente nous a montré que nous devions encourager la pérennité des chaînes. Par ailleurs, le CSA conservera la faculté d’apprécier les conditions permettant de déroger à cette règle.
Autant le dire : cet amendement est lié à l’annonce récente de la vente de la chaîne Numéro 23, deux ans et demi après son autorisation de diffusion par le CSA. Je dis bien « vente », et non « revente », comme je l’entends souvent, puisque l’attribution des fréquences est gratuite, en contrepartie d’obligations, notamment en matière de financement de la création. Je ne reviens pas sur ce dossier, en attente de l’agrément du CSA.
Quand nous l’auditionnons, Olivier Schrameck, le président du CSA, a coutume d’invoquer la volonté du législateur. En l’occurrence, celle-ci doit être claire. Nous avons été amenés, en deuxième lecture du projet de loi « Macron », à augmenter de manière conséquente – nous l’avons portée de 5 à 20 % – la taxation en cas de vente d’une chaîne de la TNT dans les cinq ans suivant l’autorisation de diffusion. La volonté du législateur perdrait de sa lisibilité si, en adoptant cet amendement, nous interdisions toute vente durant cette même période. C’est la raison pour laquelle je souhaiterais que nous en restions à ce que nous avons voté, d’autant qu’à l’article 4, nous traiterons de manière complète la question de la diversité des opérateurs. En conséquence, madame Martinel, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
L’amendement no 7 est retiré.
Il s’agit de compléter le travail commencé en commission, mais que nous n’avions pu achever de crainte qu’il y ait confusion entre la régulation de la radio numérique terrestre et celle de la télévision numérique terrestre.
Quinze ans après le lancement législatif de la TNT et dix ans après son déploiement, il s’agit de tenir compte de ce que signifie aujourd’hui la diversité des opérateurs et d’indiquer clairement au CSA ce qu’est la volonté du législateur en 2015. Celle-ci n’est plus ce qu’elle était en 2000 : il s’agit moins aujourd’hui de rechercher une diversification à outrance en donnant systématiquement la priorité à de nouveaux opérateurs que de jouer la diversité avec les acteurs d’ores et déjà présents au sein de la TNT.
La parole est à Mme Martine Martinel, pour soutenir l’amendement no 6 .
Il s’agit de redéfinir les conditions dans lesquelles le CSA accorde les autorisations d’usage de la ressource radioélectrique. Aux termes du droit en vigueur, il le fait au regard d’impératifs prioritaires, notamment de la diversification des opérateurs, exigence qui favorise l’émergence de nouveaux entrants.
Si on peut comprendre un tel objectif, il n’est pas cohérent dans l’environnement économique actuel de l’audiovisuel. Il suffit pour s’en convaincre de considérer la situation de certains éditeurs qui ont bénéficié d’autorisations en 2012, comme 6ter ou Numéro 23, pour ne pas les nommer. Il semble plus important d’encourager la constitution de groupes compétitifs.
Face à de futurs projets, le CSA doit pouvoir encourager la diversité. Ce terme de diversité, qui désigne un objectif, est préférable à celui de diversification, terme d’action qui a un caractère plus contraignant.
En commission, nous avions émis collectivement l’idée de retravailler le texte, afin de nous assurer que sa rédaction ne comporterait pas de faille, suite à une question soulevée par notre collègue Premat notamment. Je me réjouis que les divers bancs de cette assemblée s’accordent sur cette nouvelle rédaction.
D’abord je voudrais remercier Mme Martinel d’avoir retiré son amendement précédent. S’agissant de la spéculation sur le domaine public hertzien, ma position n’a pas varié, vous le savez, depuis que je l’ai exprimée lors des questions au Gouvernement, tant au Sénat que devant votre assemblée. Vous pouvez compter sur la mobilisation du Gouvernement pour faire en sorte que l’on ne puisse pas à l’avenir spéculer sur le domaine public hertzien.
La diversité des opérateurs est un principe de la TNT depuis la loi du 1er août 2000. Il nous faut veiller à ce que l’ensemble de la plateforme TNT trouve un équilibre économique durable, capable d’assurer la production et la diffusion de programmes français de qualité, au bénéfice du public. Chacun admet aujourd’hui que l’arrivée de nouveaux entrants ne doit pas se traduire par une déstabilisation de l’économie générale de la TNT. C’est pourquoi j’ai émis un avis favorable à un amendement examiné en commission, tendant à assouplir les critères dont le CSA doit tenir compte lors des appels à candidature.
Monsieur le rapporteur, votre présent amendement a pour objet de préciser la modification introduite par cet amendement adopté en commission. Le CSA devra désormais veiller à la « diversité » des opérateurs de la TNT et non à leur « diversification », ce critère de sélection étant maintenu pour le secteur radiophonique. Je suis donc favorable à cet amendement.
L’article 4, amendé, est adopté.
Cet article est pour moi l’occasion d’appeler votre attention sur les limites de ce texte. Tout d’abord, il ne dit rien de l’indemnisation des dédits contractuels, alors que leur coût est estimé à 95 millions d’euros s’agissant des multiplex R5 et R9, auxquels il doit être mis fin. Au moment où nous allons décider de mettre fin à la situation actuelle, il serait normal que nous disposions d’une certaine lisibilité sur la création d’un fonds d’indemnisation. Doté d’un montant suffisant, celui-ci pourrait être géré par le CSA, qui a l’expertise nécessaire pour évaluer les préjudices éventuels. Déterminer cette indemnisation par la voie judiciaire serait une mauvaise solution en ce qu’elle entraînerait une perte de temps et aggraverait l’insécurité juridique, ce qui ne serait pas bon pour le système.
Par ailleurs, ce texte ne répond pas à la question de l’aide dont peuvent avoir besoin de nombreuses collectivités pour faire évoluer leurs émetteurs, qui utilisent actuellement la bande des 700 mégahertz.
Enfin, il ne faut pas sous-estimer un autre risque, technique celui-là : celui de brouillage de la réception télévisuelle à domicile par l’usage de téléphones mobiles sur des bandes passantes très voisines. Mais je crains que nous n’y puissions rien sur le plan législatif !
L’article 5 est adopté.
L’article 6 est adopté.
L’article 7 est adopté.
Article 7
L’article 7 bis est adopté.
Article 7
Le risque de l’écran noir a déjà été évoqué. Or, la TNT, ce n’est pas seulement la télévision numérique terrestre : c’est aussi, depuis la réussite du premier dividende, la télévision numérique pour tous, et cela doit le rester.
Nous l’avons dit, la prochaine modernisation aboutira notamment à la réception en haute définition, HD, des chaînes de la TNT. Celle-ci obligera les personnes qui ne disposent pas d’un téléviseur HD, d’une part, à acheter un décodeur MPEG-4 qui ne leur permettra cependant pas de visionner en haute définition sans un téléviseur idoine et, d’autre part, à re-scanner le dispositif à deux reprises : en avril 2016, lors du passage de MPEG-2 à MPEG-4, et ultérieurement, lorsqu’il sera procédé au réaménagement des fréquences pour libérer la bande des 700 mégahertz.
L’aide financière et technique prévue par l’article 7 ter apporte une première et indispensable réponse à la situation dans laquelle se trouveront un certain nombre de téléspectateurs du fait de la modernisation de la TNT. Mais cette aide devrait être complétée par une information complète des foyers qui voudront changer de téléviseur à cette occasion – ce sera probablement l’objet de la campagne dont vous avez parlé, madame la ministre. Il faudrait en effet éviter que, par manque d’information, on achète des équipements sans avoir anticipé les prochaines étapes de la modernisation telles que l’arrivée du 4 K ou celle du DVB-T2.
Je plaide donc pour une information qui anticipe ces évolutions techniques afin que nos concitoyens n’aient pas à regretter dans deux ou trois ans des achats auxquels ils auraient été contraints sans avoir été suffisamment informés des évolutions à venir.
J’aimerais, à l’occasion de l’examen de cet article 7 ter introduit par la commission, soulever un point précis concernant les Français établis à l’étranger.
Ces compatriotes, dont il arrive que la résidence secondaire en France constitue en fait la résidence principale en raison de leur mobilité, pourraient ne pas être informés des conséquences de cette loi du fait de leur situation particulière.
Afin qu’ils ne les découvrent pas lors de leur retour en France – objet de la mission confiée à Mme Conway-Mouret par le Premier ministre – on pourrait prévoir une campagne de communication diffusée sur la base de la liste électorale consulaire ou du site monconsulat.fr, qui permettent de contacter les milliers de Français inscrits sur les registres consulaires. On pourrait également utiliser ce site pour relayer l’information.
Je souhaite tout d’abord rectifier cet amendement en supprimant les guillemets encadrant les mots « tenir compte d’une réaffectation des fréquences en application de l’article 21 ».
Je prends note de cette suppression et l’amendement est désormais l’amendement 18 rectifié .
Poursuivez, madame la ministre.
Vous le savez tous ici, la télévision par voie hertzienne terrestre n’est pas le seul service à utiliser actuellement cette bande des 700 mégahertz destinée à être libérée au profit des opérateurs mobiles : de très nombreux professionnels utilisent des équipements sans fil, dont un quart environ émettent dans cette bande de fréquences. C’est le cas dans le monde de la culture et de l’audiovisuel – les théâtres, les salles de concert, les festivals, les organisateurs d’expositions, les producteurs audiovisuels, etc. – mais aussi pour les événements sportifs, dans certains lieux de culte ou d’enseignement. La réaffectation de la bande des 700 mégahertz limitera donc les ressources en fréquence de ces différents acteurs et les conduira à renouveler une partie de leurs équipements, point que Barbara Pompili a soulevé tout à l’heure.
Or, ces professionnels sont des acteurs fondamentaux de la création culturelle en France. Ils travaillent au sein de structures dont la taille est souvent limitée, parfois fragiles sur le plan financier. Il convient donc de les accompagner dans le cadre de cette opération.
Dans son avis du 15 mai dernier, la CMDA avait appelé l’attention du Gouvernement sur cette question. C’est pourquoi nous souhaitons mettre en place un dispositif d’accompagnement financier des plus fragiles de ces acteurs, d’autant qu’ils ont déjà dû partiellement renouveler leur équipement du fait du dernier dividende numérique, lors de l’extinction de la télévision analogique en 2011.
Les modalités de ce dispositif seront précisées par décret dans la limite de plafonds fixés selon le bénéficiaire et le type de matériels et en tenant compte de la durée de vie de ces équipements.
Il s’agit pour nous d’accompagner des acteurs essentiels à la diffusion culturelle et à la participation de l’ensemble des Français à la culture – la Fête de la musique vient encore de nous en donner un magnifique exemple. Au-delà, il s’agit d’une marque de notre attachement à tous ces acteurs, souvent associatifs, qui travaillent à faire vivre le lien social entre les Français. Il nous appartient de les encourager et de les accompagner.
Je remercie vivement le Gouvernement pour cet excellent amendement qui répond – je rebondis sur les propos de M. Tardy – à l’une des inquiétudes qui s’étaient manifestées au sein de la CMDA. Vous vous en souvenez comme moi, madame Erhel.
Il faut en effet éviter que de petites structures financièrement fragiles ne puissent pas supporter la charge du renouvellement de l’équipement qui leur est nécessaire afin d’assurer leurs émissions par ce que l’on appelle la microphonie sans fil.
Je vous remercie donc, madame la ministre, de cette initiative que nous ne pouvions pas prendre nous-mêmes. La commission ayant jugé votre amendement particulièrement opportun, elle a donné un avis favorable à son adoption.
L’amendement no 18 rectifié est adopté.
Je retire cet amendement, Mme la ministre et M. le rapporteur ayant apporté toutes les garanties nécessaires quant au financement de la campagne d’information et à l’aide de l’État.
L’amendement no 5 est retiré.
Il s’agit d’un amendement d’appel visant, madame la ministre, à ce que vous précisiez certains points touchant cette campagne d’information des téléspectateurs, même si vous nous avez déjà communiqué un certain nombre d’éléments.
Je songe notamment à ce qu’a dit M. le rapporteur sur l’utilisation des écrans de télévision. En tant que maire de Coulommiers, première ville de France à avoir basculé dans le tout numérique, je peux vous dire que la campagne d’information préalable avait très efficacement convaincu les téléspectateurs de la nécessité d’adapter leur récepteur, grâce notamment à la diffusion de bandeaux informatifs de plus en plus larges, les contraignant à prendre leurs dispositions avant le jour J s’ils ne voulaient pas se retrouver devant un écran noir – particulièrement dans les zones blanches, comme M. le rapporteur l’a dit tout à l’heure !
Ces dispositions sont très comparables à celles prévues pour le passage au tout numérique entre 2009 et 2011. Comme nous essayons d’éviter que la loi ne soit trop bavarde, nous avons fait référence aux termes que vous savez. J’ajoute qu’en commission comme dans l’hémicycle, la ministre a apporté toutes les précisions nécessaires, notamment quant au nombre de foyers qui seront concernés et aux sommes qui seront mobilisées. La discussion parlementaire elle-même a permis de répondre à un certain nombre d’interrogations, voire d’inquiétudes.
Nous l’avons tous dit : l’enjeu est avant tout celui des postes secondaires, dont l’adaptation sera évidemment accompagnée par une aide à l’équipement.
Vous avez évoqué la solution des bandeaux déroulants afin d’alerter les foyers dont les téléviseurs ne sont pas adaptés à la nouvelle norme de compression MPEG-4. Le président de la commission des affaires économiques évoquait tout à l’heure en aparté la possibilité de mobiliser les facteurs, ceux-ci s’étant révélés des agents de communication particulièrement efficaces lors du passage au tout numérique.
Sourires
Comme d’habitude, l’imagination est au pouvoir afin que tout se passe bien et qu’il n’y ait pas d’écran noir dans les zones blanches, zones rurales, zones de montagne et, évidemment, zones frontalières.
Je n’émettrai pas un avis défavorable à l’adoption de cet amendement mais je vous demande, monsieur Riester, de bien vouloir le retirer, la commission n’y étant pas, elle, favorable.
Je ne reviendrai pas sur la question des aides, que nous avons déjà évoquée.
S’agissant de la campagne d’information, j’ai entendu des suggestions extrêmement intéressantes et légitimes, qu’il s’agisse des bandeaux déroulants ou bien des écrans test. Je peux vous assurer que l’ANFR, qui est en train de préparer la campagne d’information et de communication, étudie d’ores et déjà la possibilité de mettre en place de tels écrans qui permettront de vérifier la compatibilité de son matériel et de recevoir des informations.
Aujourd’hui, la campagne nationale de communication est libellée de la manière la plus large possible pour garantir l’information des téléspectateurs. Pour l’essentiel, nous avons repris le dispositif de la loi du 5 mars 2007 relative à l’extinction de la diffusion analogique dont vous vous souvenez qu’il avait donné entière satisfaction.
Comme le rapporteur, je vous demande, monsieur le député, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
L’amendement no 12 n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Premat, pour soutenir l’amendement no 11 .
Cet amendement de précision vise à étendre la campagne de communication aux Français établis hors de France disposant en France d’une résidence secondaire qui, pour des personnes en mobilité courte notamment, constitue en fait un domicile principal. Il me semble important de mentionner ces compatriotes, à côté de ceux de la métropole et de l’outre-mer, d’autant qu’ils sont également assujettis à la taxation en cas de plus-values immobilières. Il importe donc de les avertir d’un tel changement.
Mon argument sera le même que pour l’amendement précédent : ne faisons pas figurer dans la loi ce qu’elle ne doit pas préciser.
En l’occurrence, je peux vous rassurer, monsieur Premat. Même s’il n’est pas possible de mettre en place une campagne d’information multimédia couvrant le monde entier, l’AFNR, qui fera office de guichet unique pour la campagne de communication, les aides à l’équipement et les aides à l’assistance technique, a prévu de mettre en place un site internet permettant d’informer les Français établis hors de France et y possédant une résidence secondaire. Un dispositif similaire avait bien fonctionné pour le passage au tout numérique.
En conséquence, je vous invite à retirer votre amendement.
Au bénéfice de ces précisions, monsieur le rapporteur, je retire l’amendement.
Il est vrai qu’on peut informer de différentes manières et qu’il n’est pas obligatoire de passer par la loi. Les Français établis hors de France étant aussi des vecteurs de projection de notre système audiovisuel il serait bon de les inclure dans la boucle. De ce point de vue, vos réponses me satisfont.
L’amendement no 11 est retiré.
Cet amendement concerne les foyers qui reçoivent la TNT par voie satellitaire.
Je rappelle que lors du passage au tout numérique, de 2009 à 2011, la modification du spectre et l’exigence d’une qualité de réception plus importante qu’avec l’analogique, en vertu de ce que l’on appelle « l’effet falaise », ont contraint un certain nombre de nos compatriotes à s’équiper de récepteurs satellite. Il importe qu’ils puissent eux aussi bénéficier autant que de besoin d’un accompagnement pour le passage en MPEG-4. Avec M. Kert, nous voulons nous assurer que ces foyers seront bien concernés par ce dispositif.
J’ai exprimé la même préoccupation que nos collègues Franck Riester et Christian Kert en commission, et j’ai en mémoire l’échange que nous avons eu à cette occasion. Il est vrai que les diffuseurs satellitaires souhaitent passer tout de suite en MPEG-4 pour améliorer la qualité du service rendu, même s’ils n’en ont pas l’obligation, ne serait-ce que pour ne pas maintenir une double diffusion.
Vous allez sans doute, madame la ministre, exposer les mêmes arguments que ceux que vous avez développés en commission. Je me contenterai donc de dire que la commission, convaincue par la pertinence de votre démonstration, a donné un avis défavorable à cet amendement.
Vous le savez, monsieur le député, cette proposition de loi a pour objectif de permettre le changement de normes de diffusion des services de radio et de télévision par voie hertzienne terrestre. C’est sur cette diffusion, et sur elle seule, que le Gouvernement détient un pouvoir de normalisation. L’article 12 de la loi relative à la liberté de communication ne concerne en effet ni le câble, ni les offres satellitaires permettant la réception de la télévision en France. Dans ces conditions, les opérateurs du câble et du satellite recourent aux normes qu’ils souhaitent, et ce, en toute liberté.
Les distributeurs d’offres satellitaires avaient déjà exprimé leur intention d’arrêter la diffusion en MPEG-2 depuis plusieurs mois, avant même que le Gouvernement ne confirme, par un communiqué de presse du Premier ministre de décembre 2014, la date d’arrêt du MPEG-2 pour la TNT. Les opérateurs pourront, ce faisant, optimiser leurs coûts de diffusion. Ces distributeurs, qui s’apprêtent à engager leurs propres actions de communication auprès de leurs téléspectateurs, ne proposent d’ailleurs déjà plus de décodeur satellitaire non compatible avec la norme MPEG-4. L’arrêt du MPEG-2 sur le satellite n’est donc pas une conséquence de l’arrêt du MPEG-2 sur la TNT : la proximité temporelle de ces opérations est bien un choix des distributeurs satellitaires, et il en est exactement de même pour le câble.
Vous rappelez que la loi impose aux offres de télévision gratuite par satellite de reprendre a minima le format d’image utilisé sur la TNT, mais il est question ici de la définition de l’image – standard ou haute définition – et non des normes de compression utilisées, comme le MPEG-2 ou le MPEG-4. Le modèle économique des distributeurs d’offres gratuites par satellite repose sur des bouquets payants, voire d’autres services à valeur ajoutée qu’ils proposent également à leurs téléspectateurs, et l’État n’a absolument pas à intervenir via un nouveau dispositif d’aide. Le même choix avait d’ailleurs été fait lors du passage au tout numérique : il n’avait pas été prévu, pour ces mêmes raisons, d’aide aux foyers passant de la réception satellitaire analogique au numérique. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Puisque j’ai évoqué les normes de compression, j’en profite, monsieur Martin-Lalande, pour répondre à la question que vous m’avez posée au sujet des six multiplex qui seront conservés pour les services audiovisuels. Le CSA a confirmé que ces six multiplex, compte tenu des progrès des normes de compression, permettront de diffuser l’ensemble des chaînes existantes en haute définition.
Il sera d’ailleurs possible de lancer, dans certains endroits, de nouveaux services, et notamment de l’ultra haute définition, avec l’arrivée des téléviseurs en 4K, puis bientôt en 8K.
Vous pouvez être rassuré sur ce point : les six multiplex disponibles permettront bien à nos concitoyens de bénéficier de l’ensemble des chaînes existantes en haute définition.
Je voulais d’abord vous transmettre une nouvelle importante : le conseil d’administration de Bouygues vient de rejeter l’offre de rachat formulée par Numéricable-SFR, que nous avons évoquée tout à l’heure. Voilà qui lève, pour un moment au moins, certaines interrogations.
Je voudrais revenir sur l’amendement de Franck Riester et sur les conséquences qu’aura, pour de nombreux foyers situés en zone de montagne, la généralisation de la norme MPEG-4 pour la diffusion de la télévision numérique terrestre. En l’état, la proposition de loi ne prévoit pas de dispositif d’aide spécifique sans conditions de ressources, au nom de l’équité territoriale, pour les foyers équipés d’un récepteur satellitaire.
Vous venez de nous dire, madame la ministre, que le passage au MPEG-4 ne concerne ni le câble, ni le satellite. Je me suis renseigné : s’agissant d’Eutelsat, le diffuseur Fransat prend déjà à sa charge les coûts de transmission par satellite des vingt-cinq services nationaux en clair de la TNT – c’est le principe du « must carry », édicté par la loi du 5 mars 2009 – sans pouvoir, en contrepartie, bénéficier de revenus récurrents d’abonnement. Par obligation d’alignement, il va devoir diffuser en MPEG-4 les quinze chaînes de la TNT actuellement offertes en MPEG-2. Pour des raisons de viabilité économique du service, Fransat ne peut pas supporter les coûts d’une double diffusion aux normes MPEG-2 et MPEG-4. Ainsi, Fransat est bien contraint d’arrêter le MPEG-2, contrairement à ce que vous dites. En l’état actuel, un problème se pose donc, et j’aimerais que vous nous répondiez clairement sur ce point.
L’Association nationale des élus de montagne vous a d’ailleurs alertée sur ce problème d’équité, par un courrier daté du 11 juin : il convient que les foyers équipés d’une réception par satellite bénéficient des mêmes conditions que les foyers qui ont une réception terrestre.
L’amendement no 15 n’est pas adopté.
L’article 7 ter, amendé, est adopté.
Article 7
L’article 7 quater est adopté.
L’article 8 est adopté.
Article 8
Cet article, introduit par un amendement de Mme Corinne Erhel, ne vient pas uniquement rappeler l’objectif d’aménagement numérique du territoire. En modifiant l’article L. 42-2 du code des postes et des télécommunications électroniques, il supprime également la Commission du dividende numérique, composée de huit parlementaires. C’est tout à fait logique : cette commission est obsolète puisque son rôle était de rendre un avis sur l’arrêt de la diffusion analogique – elle semble d’ailleurs avoir été consultée dans les temps.
Cet amendement est donc cohérent avec celui que j’avais déposé concernant la CMDA : il faut ne maintenir qu’une commission et être sûr qu’elle serve. Par ailleurs, les impératifs d’aménagement numérique du territoire sont déjà mentionnés dans la version actuelle. Il est donc logique de les conserver ; c’est même la raison d’être du transfert de la bande des 700 mégahertz aux opérateurs de télécommunication.
L’article 8 bis est adopté.
À ce stade de notre discussion, je voudrais évoquer les délais de couverture des zones rurales en téléphonie mobile 4G, qui sont préoccupants.
Dans sa consultation publique de décembre dernier, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes avait envisagé des obligations de couverture bien plus élevées que celles qui résulteraient de la réforme en cours. L’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel, l’AVICCA, souligne en effet que, s’agissant des zones prioritaires, l’objectif de couverture va passer à 92 % en 2027, alors que l’ARCEP proposait 90 % à l’horizon 2018 ; s’agissant de la couverture nationale, l’objectif de 98 %, d’abord fixé en 2020, est repoussé à 2027 et celui de 99,6 %, de 2023 à 2030. Pour la couverture départementale, qui permet d’assurer une certaine équité de traitement, l’ARCEP avait envisagé une obligation de 90 % en 2020 et de 95 % en 2023. Or ces échéances sont, elles aussi, repoussées de sept ans.
Je suis au regret de le dire, madame la ministre, mais tout se passe comme si le Gouvernement avait hâte de faire rentrer de l’argent dans les caisses – ce qui peut se comprendre – et qu’il troquait ces recettes anticipées contre des allongements du délai de couverture des territoires qui sont les plus défavorisés en matière d’équipement numérique.
Cela donne le sentiment que l’on va faire rentrer de l’argent, alors même qu’il n’y a pas d’urgence pour les opérateurs à investir, et que, en compensation, on va différer leur investissement réel dans les endroits où il est le plus difficile.
Dans mon département du Loir-et-Cher, qui est en train, comme d’autres départements, de programmer sur plusieurs années la couverture du territoire en internet à très haut débit, nous rencontrons des difficultés dans les zones rurales, et nous savons que l’opération y sera compliquée et coûteuse. Nous sommes cependant tous convaincus qu’il faut faire progresser la couverture des zones rurales autant que possible au même rythme que celle des zones les plus denses. Si le retard pris dans l’installation de la 4G se confirme, nous aurons du mal à régler certains problèmes liés à la couverture en internet très haut débit, alors qu’ils seront résolus dans les zones les plus denses.
S’il est exact que cette proposition de loi aura de telles conséquences, nous aggraverons la fracture numérique, alors que tous nos efforts, jusqu’ici, tendaient à la réduire le plus possible. Je vous remercie de bien vouloir nous rassurer, madame la ministre – si c’est possible.
Le Gouvernement a pris très récemment un certain nombre d’engagements sur les zones blanches. Ainsi un accord a été signé par l’ensemble des opérateurs par lequel ils s’engagent à équiper l’ensemble du territoire en couverture mobile. Cet accord visait très précisément, vous le savez bien, des zones qui sont aujourd’hui mal couvertes et mal équipées. Les opérateurs ont donc pris là un engagement important, sous l’égide de l’État.
Vous savez par ailleurs – nous avons eu l’occasion d’en discuter lorsque j’étais en charge du numérique – que j’ai fait en sorte que le plan « France Très haut Débit » organise une parité de couverture : chaque collectivité territoriale qui s’engage à couvrir son territoire doit faire en sorte qu’à chaque couverture d’une zone dense corresponde la couverture d’une zone rurale, afin que l’on avance au même rythme dans les zones rurales mal desservies et enclavées et dans les zones denses ou plus densément peuplées.
Le sous-équipement d’un certain nombre de nos territoires est donc totalement pris en compte par le plan « France Très haut Débit », s’agissant aussi bien du téléphone fixe que du téléphone mobile. Le Premier ministre a d’ailleurs réitéré l’attachement du Gouvernement à ces investissements et à la couverture intégrale de notre pays.
S’agissant de la 4G, c’est à un rythme extrêmement soutenu, inégalé en Europe, que, dans les semaines et les mois qui ont suivi l’autorisation de son déploiement, les opérateurs Orange et SFR on couvert une partie importante du territoire. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter outre mesure. Le Président de la République et le Gouvernement se sont engagés très fortement en matière de couverture du territoire en très haut débit, fixe et mobile, et ni cette proposition de loi ni les conséquences qui en seront tirées par le Gouvernement ne remettront en cause en quoi que ce soit cet engagement.
Madame la ministre, nous entendons avec plaisir ce que vous nous dites, mais vos propos porte sur le passé et sur les autorisations en cours. Ce dont nous parlons là, c’est de l’utilisation de la bande des 700 mégahertz pour la téléphonie mobile future. À ce sujet, pouvez-vous nous assurer que les délais prévus par l’ARCEP seront respectés ? Si c’est le cas, j’en suis heureux, et je suis prêt à le fêter avec vous à la buvette, mais pour l’instant on parle de délais plus longs et c’est une très mauvaise nouvelle pour les zones rurales. Mais si vous nous dites que ces informations sont fausses, nous en prendrons acte et nous serons heureux de fêter cela avec vous. Mais dites-le nous !
Vous nous avez parlé des zones blanches, mais elles relèvent d’autorisations antérieures et les choses, en ce domaine, vont dans le bon sens. Vous nous avez parlé des autorisations liées à la bande des 800 mégahertz, et nous sommes d’autant plus convaincus par ce que vous nous dites à ce propos que tout cela était déjà prévu. Mais nous, nous vous parlons des autorisations liées à la bande des 700 mégahertz. Les délais de déploiement de la téléphonie mobile de quatrième génération dans la bande passante des 700 mégahertz seront-ils, oui ou non, ceux que je vous ai indiqués et qui sont considérablement plus longs que ceux initialement prévus par l’ARCEP ? Je vous remercie de bien vouloir me répondre, madame la ministre.
L’article 9 est adopté.
L’article 10 est adopté.
Article 10
J’ai toujours été très mesuré en matière d’extension du droit de communication de l’administration fiscale à d’autres agences ou administrations publiques. C’est un sujet délicat s’agissant de données personnelles. Nous l’avons vu lors de l’examen du projet de loi sur le dialogue social, où un amendement concernant Pôle emploi a provoqué un tollé avant d’être retiré. Il s’agissait pourtant de traquer les fraudeurs.
Dans le cas présent, l’ANFR a besoin de certaines données pour verser les aides. Nous sommes exactement dans le même schéma que pour l’extinction de la diffusion analogique, et il s’agit des mêmes aides sous condition de ressources que celles qui avaient été versées par France Télé Numérique.
Cependant, la rédaction qui avait été alors retenue, et qui figure à l’article 166 B du livre des procédures fiscales, est plus satisfaisante car elle est plus encadrée. La communication se faisait à la demande, et concernait uniquement les nom, prénom et adresse. À l’inverse, la rédaction ici proposée semble autoriser l’administration fiscale à communiquer automatiquement et sans limitation tous les renseignements utiles. Cette différence ne me paraît pas justifiée, car, sauf erreur, France Télé Numérique versait le même type d’aides au même type de bénéficiaires.
Je vous propose une rédaction similaire à celle en vigueur, hormis qu’elle est plus précise, car même s’il s’agit de l’État et de ses agences, ce sont des données personnelles qui sont en cause.
J’ai étudié attentivement votre amendement, monsieur Tardy, car nous manifestons dans les débats parlementaires le même souci de la protection des données personnelles et de la vie privée – ce fut le cas encore lors d’un tout récent débat. J’ai donc recherché s’il était possible de gérer ces aides à l’équipement à partir des seuls nom, prénom et adresse des personnes.
Or on se heurte à la nécessité de connaître la composition du foyer fiscal afin de prévenir les doubles demandes. Il faut également connaître la qualification de la résidence d’imposition – principale ou secondaire – puisque les aides à l’équipement ne concernent pas les postes secondaires ; ou encore la régularité de la situation du foyer demandeur de l’aide au regard de la contribution à l’audiovisuel public. D’autres données doivent pouvoir être transmises pour le bien de nos concitoyens téléspectateurs afin de leur assurer le meilleur accompagnement possible.
La notion de « renseignements utiles » retenue par l’article 10 bis devrait permettre d’utiliser de manière modérée les données personnelles de nos concitoyens téléspectateurs. Nous pouvons compter sur l’administration fiscale pour veiller à la transmission des seules informations strictement nécessaires à la mission que nous confions à l’ANFR. C’est la raison pour laquelle la commission a rendu un avis défavorable à votre amendement, monsieur Tardy.
Le rapporteur a été clair et exhaustif. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour les mêmes raisons, s’agissant d’un sujet effectivement très important. L’expérience de la gestion des aides lors du passage à la télévision tout numérique avait précisément montré la nécessité de disposer d’un certain nombre de données fiscales afin de déterminer l’éligibilité des foyers demandeurs.
J’aimerais savoir, à cet instant de nos débats, ce que peut bien être une utilisation « modérée » des données personnelles ! Soit on les utilise, soit on ne les utilise pas.
Certes, mais s’agissant de données personnelles, la sémantique est très importante.
L’amendement no 2 n’est pas adopté.
L’article 10 bis est adopté.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 17 rectifié .
Cette proposition de loi définit un cadre qui permettra que le transfert des fréquences de l’audiovisuel aux télécommunications s’opère dans les meilleures conditions, en particulier pour les téléspectateurs. Mais au-delà de la réalisation de ce transfert, nous devons aussi poursuivre deux objectifs.
Il s’agit tout d’abord de veiller à ce que, lorsque les réseaux mobiles se déploieront sur ces fréquences, les éventuels cas de brouillage soient rapidement détectés et traités. Un dispositif spécifique avait été mis en place lors de l’attribution des fréquences du premier dividende numérique sur la bande des 800 mégahertz et il avait parfaitement joué son rôle. Il paraît donc utile d’inscrire cette nécessaire coordination dans la loi.
Il faut également faire en sorte que le dispositif proposé ait une portée plus globale puisqu’il va mieux encadrer la détection et le traitement des brouillages, quels que soient les utilisateurs concernés. Cela aura également une utilité particulière pour les réseaux ferroviaires.
C’est pourquoi l’amendement qui vous est proposé par le Gouvernement prévoit d’abord de renforcer la mission de coordination de l’Agence nationale des fréquences afin de mieux préciser dans la loi son rôle de coordination en amont de l’implantation ou de la modification d’un émetteur : c’est la dimension préventive.
Surtout, il permet à l’Agence nationale des fréquences de suspendre l’accord donné à un site lorsqu’elle constate qu’il est à l’origine d’un brouillage, ce qui permettra d’apporter une réponse rapide et d’engager les travaux nécessaires à une solution définitive : c’est la dimension curative.
Le dispositif qui vous est proposé traduit aussi les enseignements tirés des travaux menés depuis quelques mois pour éviter tout brouillage entre les réseaux mobiles et le système de communication des réseaux ferroviaires, le GSM-R. La résolution de ces brouillages par l’adoption d’une solution pérenne va grandement faciliter le déploiement des réseaux mobiles le long des voies et une meilleure couverture des trains. Je crois que tous ceux qui sont ici seront sensibles à cette amélioration. Cet enjeu est au coeur de nos débats, puisque le régulateur des télécoms, l’ARCEP, a proposé qu’une obligation spécifique de couverture des trains du quotidien – TER, RER et transilien – soit introduite dans les licences de la bande 700 mégahertz attribuée aux opérateurs mobiles.
L’amendement no 17 rectifié , accepté par la commission, est adopté.
Les orateurs du groupe Les Républicains ont défendu le principe même de cet amendement, et je me suis étonné que vous n’y fussiez pas favorable, monsieur le rapporteur tant il tend à éviter une fracture audiovisuelle. En effet il vise à parer à une menace que cette proposition de loi fait peser sur des foyers eux qui disposent d’un matériel ancien, c’est-à-dire de foyers aux revenus modestes.
C’est parce que nous pensons que tous les foyers et tous les territoires doivent bénéficier de ces nouvelles dispositions que nous demandons au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement mesurant l’impact de ce passage à la norme MPEG-4, en termes de coût pour l’État, les usagers, les acteurs audiovisuels, les opérateurs de téléphonie, et en termes d’aménagement du territoire – vous y êtes forcément favorable – et de faisabilité dans le calendrier imparti.
J’aurais pu être sensible à votre proposition si nous étions restés les bras croisés en attendant que la loi soit votée et que soit enclenché le changement de norme prévu pour avril 2016. Mais comme cela a été rappelé, à compter de l’annonce du Président de la République au printemps 2013, tant l’Agence nationale des fréquences que les autorités publiques indépendantes que sont l’ARCEP et le CSA se sont mobilisé et ont rendu leur avis – vous trouverez en annexe du rapport et l’avis de l’ARCEP et celui du CSA. S’y est ajouté l’avis rendu le 13 mai dernier par la CMDA, déjà évoqué.
En outre, les réponses de la ministre ainsi que les informations que je vous ai communiquées en toute transparence dans le rapport que je vous ai présenté et qui a été adopté par la commission permettent de connaître assez précisément l’impact que ce changement de normes et la réaffectation des fréquences entre 2017 et 2019 aura sur les téléspectateurs, le nombre de foyers touchés et par là-même les sommes qu’il sera nécessaire de provisionner. Je peux donc vous assurer que l’État sait précisément combien cela va coûter, et Bercy mieux encore que nous-mêmes.
Reste la question de l’impact sur les éditeurs et les télédiffuseurs de l’arrêt des deux multiplex R5 et R8. Nous les avons auditionnés et nous avons entendu leurs interrogations et leurs préoccupations. La ministre a annoncé la création – dont je me suis félicité – d’une mission d’expertise destinée à en évaluer précisément l’impact économique et financier, compte tenu notamment de la fin anticipée des contrats, pour éviter que Télédiffusion et surtout les deux autres diffuseurs ne soient pénalisés, au péril de leur équilibre, voire de leur existence.
Plutôt qu’une étude d’impact, attendons les résultats de la mission d’expertise sur le point qui reste à préciser. Pour ces bonnes raisons, et en espérant ne pas créer trop de déceptions, la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.
Vous le savez, madame et messieurs les députés, de nombreuses consultations et études ont été menées jusqu’à présent, aussi bien par mes services que par l’ARCEP ou le CSA. La présente proposition de loi consacre cette démarche, qui est en réalité une démarche de longue haleine à laquelle le Parlement a été pleinement associé depuis décembre 2014 par le biais de la CMDA.
L’ensemble des dispositifs d’aide, d’assistance et d’information ont précisément pour objet de veiller à ce que les évolutions technologiques ne créent pas de difficultés pour nos compatriotes, et nous en avons abondamment discuté aujourd’hui.
L’ensemble des dispositions prises par le Gouvernement ou à l’initiative du Parlement pour faire en sorte que nos compatriotes soient bien informés, qu’ils puissent être convenablement équipés, qu’il n’y ait pas d’écran noir, que toutes les difficultés liées à leur équipement puissent être résolues très rapidement après la bascule, tout cela me permet d’être extrêmement rassurante sur la manière dont celle-ci a été préparée, anticipée, et sur la façon dont elle se déroulera.
Le dispositif de la proposition de loi répond précisément aux préconisations formulées par la CMDA sur ce point, et je souhaite encore une fois saluer le travail du rapporteur à cette occasion. La commission a notamment souhaité que la proposition de loi soit adoptée avant le mois de novembre 2015, et que les dispositifs d’accompagnement puissent être mis en oeuvre au profit des téléspectateurs.
Aujourd’hui, notre intérêt collectif – et j’espère que vous y souscrirez – est d’aller vite pour que la campagne d’information que vous appelez de vos voeux et que vous souhaitez voir intervenir le plus rapidement possible puisse être lancée dans la foulée de l’adoption, que j’espère unanime, de cette proposition de loi.
Un rapport supplémentaire ne servirait en rien notre préoccupation commune, qui est de faire bénéficier l’ensemble de nos concitoyens d’un progrès technologique, d’améliorer la diffusion et de permettre à de plus nombreux Français d’avoir accès aux chaînes existantes en haute définition. Je souhaite que nous puissions collectivement prendre la décision de ne pas retarder davantage ce qui sera un progrès pour l’ensemble de nos concitoyens.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, qui réitère son engagement à mettre en place très rapidement cette mission visant à évaluer l’impact de la généralisation de la norme MPEG-4 pour les télédiffuseurs, est défavorable à l’amendement no 4 et vous demande de bien vouloir le retirer.
L’amendement no 4 n’est pas adopté.
Souhaitez-vous vous exprimer sur l’article 11, monsieur Martin-Lalande ?
À cette heure, madame la présidente, mon silence est ce que j’ai de plus profond.
Sourires.
L’article 11 est adopté.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Franck Riester, pour le groupe Les Républicains.
Après avoir échangé avec M. le rapporteur, Mme la rapporteure pour avis et Mme la ministre, le groupe Les Républicains tient à rappeler qu’il est attaché à ce que toutes les dispositions soient prises pour permettre cette nouvelle étape de la modernisation de la diffusion hertzienne de la télévision numérique terrestre, ainsi que pour trouver les moyens d’assurer une meilleure diffusion de l’internet mobile sur notre territoire.
Nous soulignons à nouveau que le délai qui nous sépare de l’échéance d’avril 2016 nous paraît très court. La ministre et le rapporteur sont très optimistes sur notre possibilité de respecter cette échéance. Nous nous en félicitons car nous souhaitons que ce passage se fasse de la meilleure façon possible. Vous pouvez compter sur les députés du groupe Les Républicains pour faire en sorte qu’il ait lieu dans les meilleures conditions.
Je remercie à nouveau nos deux rapporteurs pour leur travail. Le groupe Les Républicains votera ce texte.
Je me réjouis de l’explication de vote du groupe Les Républicains, qui laisse présager que cette proposition de loi sera votée à l’unanimité des groupes parlementaires ! L’intérêt général a prévalu.
L’intérêt général, tout simplement. Nul besoin d’intérêt supérieur : au moment du passage au « tout numérique », de nombreux députés siégeant sur ces bancs, qui étaient alors dans l’opposition, avaient eu le même réflexe.
Il nous reste, madame la présidente, à appeler l’attention du bureau de l’Assemblée nationale sur la nécessité de donner à La Chaîne parlementaire les moyens d’être diffusée en haute définition dès avril 2016.
Avouons-le, chers collègues : des débats parlementaires de cette qualité valent d’être diffusés en haute définition,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
et même peut-être, le plus tôt possible, à l’horizon 2020, en ultra-haute définition.
Je ne manquerai pas, monsieur le rapporteur, de me faire votre interprète auprès du Bureau de notre assemblée, auquel je transmettrai cette requête.
La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement sur des sujets européens ;
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur l’indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France, non couvertes par des programmes français ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif au renseignement ;
Discussion de la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ;
Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt et une heures trente-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly