Intervention de Luc Chatel

Séance en hémicycle du 23 juin 2015 à 15h00
Approbation du protocole additionnel à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du royaume du maroc — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLuc Chatel :

Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte important pour l’amitié entre la France et le Maroc.

En tant que président de notre groupe d’amitié parlementaire – le plus important numériquement –, je tiens à témoigner de l’importance de ce protocole sur la convention d’entraide judiciaire.

L’adoption de ce protocole doit clore ce que j’appellerai un mauvais feuilleton. À mon sens, c’est à juste titre que nos amis marocains ont assez mal vécu les incidents survenus en février 2014 qui les ont amenés à suspendre la coopération judiciaire entre nos deux pays.

S’ils les ont mal vécus, c’est qu’il existe entre nos deux pays et nos deux peuples une amitié que je qualifierai d’indéfectible.

Je rappelle tout d’abord l’ancienneté et l’importance des liens qui unissent le royaume du Maroc et la République française. Dans les moments forts, le Maroc a toujours été un allié et un ami de la France.

Depuis des années, au-delà des alternances dans nos pays respectifs, nous développons un partenariat exceptionnel, le Maroc constituant un allié essentiel dans cette région du monde si instable et tourmentée.

Dans ce Maghreb souvent chaotique, le Maroc constitue un pôle de stabilité très important pour notre politique dans la région et pour soutenir un certain nombre d’initiatives communes dans l’espace méditerranéen. Nos pays, en effet, ont des intérêts communs. Nous partageons une même vision de cet espace méditerranéen et prospère.

Je rappelle que le Maroc a soutenu l’initiative de la France et de l’Union européenne concernant l’Union pour la Méditerranée, son secrétaire général étant d’ailleurs l’ancien ambassadeur du Maroc à Paris, M. Sijilmassi.

Nous partageons donc un certain nombre d’orientations politiques : messages forts, traditions d’ouverture, de dialogue entre les cultures. Les uns et les autres avons été très touchés par les messages de solidarité de nos amis marocains après les attentats du 7 janvier.

Aujourd’hui, nous le sommes de la même manière s’agissant du départ d’un certain nombre de nos ressortissants voulant rejoindre les rangs de l’organisation Daech.

Vous l’avez également rappelé, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, le Maroc nous a également soutenus lors de l’intervention au Mali. Il est aujourd’hui à nos côtés dans la lutte contre la radicalisation et le terrorisme.

Il constitue sans doute pour nous un exemple en matière de formation des imams. C’est d’ailleurs pourquoi nous coopérons, cinquante places étant réservées à des imams français à l’Institut de formation Mohammed VI.

Alors que vous comme nous réfléchissons à la place de l’islam dans la République, je pense que cette coopération avec le Maroc est importante car nous partageons une vision de la religion vécue dans le respect et la tolérance, l’équilibre et la stabilité.

Nous sommes également partenaires sur le plan économique, comme en témoigne l’accord passé voilà quelques jours entre le groupe PSA Peugeot Citroën et le royaume du Maroc pour installer une deuxième grande usine automobile dans ce pays.

Il s’agit là d’un point majeur car nous sommes l’un des investisseurs économiques les plus importants. Nous avons également beaucoup de projets avec nos amis marocains en matière de développement durable et d’environnement.

J’étais hier avec le directeur de l’agence de développement de l’énergie solaire : les entreprises françaises coopèrent également à des projets fantastiques existant en la matière au Maroc.

Je rappelle également la vitalité des liens entre Paris et Rabat dans le domaine culturel et universitaire. Ils favorisent une véritable compréhension mutuelle et traduisent une même volonté de travailler ensemble.

L’amitié franco-marocaine, ce sont aussi ces liens bi-nationaux noués entre Français et Marocains, amitié qui existe entre nos peuples au-delà des États et des gouvernements, ce qui explique sans doute aussi pourquoi ces incidents ont provoqué tant d’émois au Maroc.

Vous avez rappelé, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, l’importance de la coopération judiciaire entre nos deux pays. Les informations communiquées par le ministère de la justice – que je veux ici remercier – en témoignent d’ailleurs : notre coopération avec le Maroc, avant la crise de 2014, était de tout premier ordre, notamment en matière pénale. Je pense notamment aux commissions rogatoires internationales, ainsi qu’au volume d’échanges entre nos deux pays, qui était en augmentation constante.

Les incidents de février 2014 ont donné à cette coopération internationale un coup d’arrêt, qui a été très préjudiciable. La criminalité transfrontalière, les trafics en tout genre – blanchiment d’argent, trafic de stupéfiants – ainsi, évidemment, que le terrorisme, en ont bénéficié, et cela a fragilisé la bonne administration de la justice, au Maroc comme en France.

Cet incident, madame la secrétaire d’État, je ne le banaliserai pas. Je ne considère pas qu’il était inévitable, et j’ai eu l’occasion d’indiquer, en commission, qu’il était dû, selon moi, à un mélange d’un peu – beaucoup – de maladresse et d’un peu de malveillance. Arrêter un ministre des affaires étrangères à l’occasion d’un contrôle à l’aéroport, c’est faire preuve d’un peu de malveillance. Venir avec six policiers armés à la résidence de l’ambassadeur du Maroc, en présence du ministre de l’intérieur marocain, pour porter une convocation du juge, je considère que c’est un mélange de maladresse et de malveillance. Il me semble que nous aurions assez mal pris la chose de la part d’un pays ami. Nos amis marocains ont été blessés ; ils se sont sentis trahis, parce qu’ils mettent l’amitié avec la France au-dessus de tout. Et sans doute avons-nous, pour notre part, sous-estimé cette blessure, sous-estimé l’importance de cette cassure entre nos deux pays.

C’est la raison pour laquelle de nombreux contacts ont dus être noués, pendant toute cette période – des contacts informels, mais aussi des contacts avec certaines personnalités du gouvernement marocain. Vous avez rappelé, madame la ministre, que la diplomatie parlementaire avait pleinement joué son rôle, d’abord par des contacts informels, mais aussi lorsque, au plus fort de la crise, en décembre 2014, notre groupe d’amitié, dont je salue les membres ici présents, a reçu à l’Assemblée nationale nos homologues marocains. Ils nous ont expliqué leur inquiétude et nous ont fait part de la blessure profonde qu’ils ont ressentie. À l’issue d’échanges nombreux, nous avons publié une déclaration commune, dans laquelle nous mettions en exergue la nécessité impérieuse de reprendre et de renforcer la coopération entre nos deux pays, et de renouer au plus vite des relations bilatérales de confiance et de coopération.

En tant que président du groupe d’amitié, j’ai également interrogé le Premier ministre, ici même, le 28 janvier 2015, en lui rappelant l’urgence de renouer ces liens de confiance. Les membres du groupe d’amitié se sont donc naturellement réjouis de l’accord qui a pu intervenir entre les deux ministres de la justice, puis entre les deux gouvernements.

Vous avez rappelé, madame la rapporteure, qu’il s’agit là d’un accord exceptionnel, au regard des conventions internationales qui nous lient à d’autres pays. J’ai entendu les critiques que suscite ce texte et je voudrais ici rassurer tout le monde. Ce protocole additionnel ne bouleverse en rien ce qui existe déjà. En introduisant un nouvel article 23 bis à la convention d’entraide judiciaire, il vise simplement à améliorer et à faciliter la transmission d’informations entre la France et le Maroc. Il n’entraîne aucune redéfinition des compétences entre le juge français et le juge marocain. Il ne remet aucunement en cause les engagements internationaux de la France. Et il ne conduira à aucun dessaisissement systématique des juridictions françaises.

Pour toutes ces raisons, après avoir examiné ce texte et avoir, dans le cadre de la diplomatie parlementaire, essayé de contribuer au rapprochement entre nos deux pays, le groupe Les Républicains, parce qu’il met l’amitié avec le Maroc au-dessus de tout,…

1 commentaire :

Le 25/06/2015 à 10:53, laïc a dit :

Avatar par défaut

"Alors que vous comme nous réfléchissons à la place de l’islam dans la République, je pense que cette coopération avec le Maroc est importante car nous partageons une vision de la religion vécue dans le respect et la tolérance, l’équilibre et la stabilité."

Il n'y a pas de place pour l'islam dans la République. La République est laïque, il faut encore le dire ici, c'est-à-dire qu'elle ne prend pas en compte les religions. Et il ne peut donc pas plus y avoir de place dans la République pour l'islam que pour les autres religions. Les religions sont des activités privées, que l'Etat n'a pas à prendre en compte, sauf si ces religions enfreignent les lois de la République. Mais alors ces actes religieux délictuels seront condamnés non pas comme étant des actes religieux, mais comme étant des actes interdits par la loi, peu importe la raison qui les a motivés.

Par ailleurs, l'Etat n'a pas à avoir une vision de telle ou telle religion, là encore il sort de sa neutralité, ce qui revient à enfreindre la laïcité. La laïcité, c'et l'ignorance de la religion et l'application de la loi, en refusant les pressions religieuses pour que la loi ne s'applique pas.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion