Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les relations bilatérales entre la France et le Maroc sont traditionnellement excellentes et marquées par une confiance exceptionnelle. Rappelons-nous qu’en 2000, Mohammed VI a choisi la France pour effectuer sa première visite d’État à l’étranger. De même, le rythme régulier des rencontres à haut niveau entre nos gouvernements permet de maintenir un dialogue politique à l’égal de celui entretenu, pour la France, avec les partenaires européens les plus proches.
Ainsi, plusieurs conventions ont été signées entre les deux États, en particulier dans le domaine judiciaire.
La première, entrée en vigueur en 1957, couvrait la coopération judiciaire en matière civile et pénale. En 2008, une nouvelle convention d’entraide judiciaire en matière pénale – entrée en vigueur en 2011 – venait abroger, dans son domaine spécifique, les dispositions de la première, d’une part pour offrir un moyen plus efficace de lutte contre la criminalité transnationale en élargissant le champ de l’entraide, en fluidifiant et optimisant l’efficacité des échanges entre nos deux pays, et d’autre part pour promouvoir les techniques les plus modernes de coopération.
En 2014, un regrettable différend judiciaire est venu assombrir de sereines relations bilatérales. Dès lors, des discussions ont été engagées sur les moyens de renforcer l’échange d’informations entre les deux États, notamment dans le cas de procédures portant sur des faits commis sur le territoire français ou marocain, en vue de compléter la convention bilatérale de 2008.
Malgré cette crise diplomatique, la France et le Maroc ont fait la preuve de leur volonté de ne jamais rompre le dialogue.
Preuve en a été qu’à force d’échanges, ils sont parvenus à un consensus lors d’une réunion tenue à Paris en janvier dernier. En février, l’ambassadeur de France au Maroc et le ministre marocain de la justice et des libertés signaient ainsi, à Rabat, le protocole additionnel à la convention bilatérale d’entraide judiciaire en matière pénale de 2008.
Quel dispositif contient-il ?
Il prévoit, tout d’abord, que l’un des deux États informe rapidement l’autre de toute procédure pénale ouverte sur son territoire qui pourrait engager la responsabilité d’un ressortissant de l’autre pays.
Il pose ensuite un principe d’information mutuelle dans le cas de faits commis sur le territoire d’un État lorsque ces faits sont susceptibles d’avoir été perpétrés par un ressortissant de ce dernier.
Enfin, il instaure un principe de recueil d’observations d’un État dans le cas de procédures pénales engagées auprès de l’autorité judiciaire de l’un des deux États par une personne n’en possédant pas la nationalité et pour des faits commis sur le territoire de l’autre État par un de ses ressortissants.
Le projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention, dont nous sommes saisis aujourd’hui, va dans le bon sens car il tend à resserrer davantage les liens judiciaires avec l’un de nos principaux partenaires.
En effet, l’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Maroc est particulièrement active. Le volume d’échanges en ce domaine est en constante augmentation, notamment du côté français. Depuis 1998, ce sont 952 demandes qui ont été adressées par la France, et 103 par le Maroc.
Les chiffres parlent donc d’eux-mêmes, révélant l’importance du nombre d’affaires judiciaires impliquant les deux États, et justifiant de ce fait la nécessité de favoriser les échanges d’informations afin d’assurer la rapidité et l’efficacité des investigations à mener.
Ce protocole est conforme aux exigences de notre droit interne et à nos engagements internationaux. Il n’implique aucune adaptation des dispositions législatives ou réglementaires nationales.
Il est ainsi rappelé, dans le nouvel article 23 bis intitulé « Application des conventions internationales », que le dispositif d’information et d’échanges entre les deux États s’inscrit dans le cadre des engagements respectifs de la France et du Maroc, afin de contribuer à la bonne mise en oeuvre des conventions qui les lient. Je pense à la convention des Nations unies contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants, adoptée à New York en 1984, ou encore à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée à New York en 2000.
Ainsi, ce protocole additionnel, qui promeut in fine une meilleure administration de la justice, devrait faciliter les investigations transnationales et améliorer l’efficacité des procédures pour l’ensemble des justiciables concernés.
Tout d’abord, il vise à mieux organiser la coopération entre les autorités judiciaires françaises et marocaines, notamment dans le cas de procédures pénales engagées sur le territoire d’un État concernant des faits commis sur le territoire de l’autre et susceptibles d’impliquer des ressortissants respectifs.
Ensuite, le nouveau dispositif devrait permettre de lutter plus efficacement contre la criminalité transnationale. En effet, dans le cas de faits pénalement répréhensibles commis sur le territoire d’un des deux États et dans lequel des ressortissants de l’un ou de l’autre État sont susceptibles d’être impliqués, l’information immédiate de l’autre État favorisera les échanges entre les parties et permettra une meilleure conduite des procédures.
Enfin, dans le cas de procédures engagées dans un État par une personne n’en possédant pas la nationalité et pour des faits commis sur le territoire de l’autre État par un de ses ressortissants, la nouvelle procédure de recueil d’observations permettra à l’autorité judiciaire de l’État saisi de décider, au vu des éléments éventuellement transmis par l’autre État, des suites à donner à la procédure. L’autorité judiciaire saisie examinera en priorité le renvoi de la procédure à l’autorité judiciaire de l’autre État ou sa clôture. Elle pourra également faire le choix de poursuivre la procédure, par exemple en l’absence de réponse de l’autre État. Un tel mécanisme permettra d’assurer une meilleure administration de la justice et la conduite efficace des procédures, au regard notamment du principe de territorialité des poursuites.
Dès lors, le nouvel article 23 bis s’insère en toute logique au sein des stipulations de la convention bilatérale de 2008 relatives aux échanges d’informations. Il vient les compléter, notamment celles relatives à la dénonciation aux fins de poursuite et aux échanges spontanés d’informations.
Le protocole additionnel s’avère par ailleurs indispensable, tant le maintien d’un dialogue franco-marocain étroit et constant est capital dans plusieurs domaines.
Rappelons que des échéances communes nous lient, au premier rang desquelles l’organisation à Paris de la Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui sera suivie d’une autre réunion à Rabat en 2016. La présidence marocaine pourra ainsi consolider les acquis de la conférence sur le climat qui aura lieu à Paris fin 2015 ; elle sera chargée de veiller à la mise en oeuvre effective des engagements alors conclus.
Le Maroc constitue aussi un partenaire incontournable dans le contexte de multiplication des crises et des risques au Sahel, au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Il est et reste pour la France un allié précieux dans le règlement négocié des conflits qui agitent la région et auxquels notre pays ne saurait apporter une réponse unilatérale.
Ainsi, dans le dossier libyen, le Maroc joue un rôle constructif. C’est en effet la diplomatie marocaine qui a réuni les deux parties pour la première fois autour d’une même table, en mars dernier à Rabat, en vue de former un gouvernement d’union nationale.
Autre dossier majeur de notre dialogue stratégique avec le Maroc : la résolution de la crise malienne. Nos deux pays partagent pleinement le souhait d’un règlement durable de la situation. La France salue régulièrement les efforts du Maroc au Sahel, où ce dernier jouit d’une forte influence.
Enfin, dans un contexte marqué par la montée des menaces sécuritaires, le Maroc s’avère être un partenaire incontournable. La coopération sécuritaire franco-marocaine, qui a repris en février dernier, en se focalisant sur la lutte contre le terrorisme, notamment grâce aux échanges d’informations entre les services de renseignement, permettra de maintenir un lien étroit et nécessaire.
Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient ce projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel, car il tend à favoriser une coopération encore plus étroite, durable et efficace entre la France et le Maroc, dans le respect du droit interne et des engagements internationaux des deux États. Notre groupe restera néanmoins extrêmement vigilant quant au strict respect des droits et libertés fondamentales des ressortissants français mêlés à des affaires judiciaires impliquant les deux pays.