Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du 23 juin 2015 à 15h00
Approbation du protocole additionnel à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du royaume du maroc — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, la France et le Maroc entretiennent traditionnellement des relations bilatérales que, malgré a prudence de sa terminologie, la diplomatie n’hésite pas à qualifier « d’excellentes ». La qualité de cette relation s’est notamment incarnée aux yeux des Français et des Marocains depuis le milieu des années 1990 par la relation intime qui a uni les présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy et leurs majestés Hassan II et Mohammed VI.

Cette relation bilatérale est fondamentale pour notre pays sur bien des plans. En termes économiques d’abord, la France est le premier investisseur étranger au Maroc, ainsi que son deuxième fournisseur. Ensuite, en termes de coopération politique régionale, de lutte contre le terrorisme et de sécurité, l’amitié franco-marocaine permet un partenariat dont la stabilité revêt une importance particulière en Afrique du nord.

La qualité de ces relations bilatérales est également importante pour le quotidien de nos compatriotes français installés aux Maroc ou pour les près de 700 000 franco-marocains vivant en France.

Mais plusieurs incidents diplomatiques survenus au début de l’année 2014 sont venus mettre en péril cette relation privilégiée et exceptionnelle. Peu relayés en France, ils ont en revanche profondément blessé nos amis marocains. Ces derniers se sont sentis trahis, comme en témoignent le déchaînement médiatique que ces incidents ont entraîné au Maroc, et le sentiment de défiance vis-à-vis de la France qu’ils ont provoqué, pour aboutir à l’arrêt brutal de tout échange judiciaire.

On peut d’ailleurs les comprendre ! Comment aurions-nous réagi si un haut responsable de la lutte antiterroriste avait ainsi été menacé d’arrestation, au sein même de la résidence de notre ambassadeur ? Comment aurions-nous réagi devant une telle entorse faite à notre souveraineté ?

Après une année de rupture, la signature, le 6 février dernier, par notre ambassadeur au Maroc et le ministre marocain de la justice et des libertés, du protocole que nous examinons aujourd’hui, a marqué le rétablissement de notre coopération judiciaire. Aujourd’hui, il s’agit donc d’acter définitivement la fin de la crise et la reprise de cette coopération.

L’enjeu est avant tout celui de la coopération judiciaire, dont il faut rappeler qu’en volume, elle est la plus importante que la France entretient avec un pays étranger.

En matière d’entraide judiciaire pénale par exemple, l’arrêt de cette coopération a été particulièrement préjudiciable, en particulier pour la France, notre pays étant, depuis 1998, à l’origine de 952 demandes, contre 103 par le Maroc.

Nous pensons tous à la lutte antiterroriste, pour laquelle les conséquences d’un tel arrêt auraient pu être dramatiques. Mais d’autres domaines sont également en jeu, celui de la coopération familiale par exemple, qui touche directement des familles françaises.

Mme la rapporteure a rappelé lors de l’examen du texte en commission que pendant la suspension de notre coopération, aucune médiation n’avait pu être réalisée dans les nombreux dossiers relatifs à des conflits impliquant les enfants – procédures alimentaires, droits de visite –, et qu’aucun signalement de déplacement illicite d’enfants n’avait été effectué. C’est très grave, et on peut imaginer le désarroi que cela a dû engendrer pour de nombreuses familles.

Mais au-delà du domaine judiciaire, l’enjeu est aussi bien plus large : cette brouille diplomatique aurait pu mettre en péril notre relation dans d’autres domaines avec un partenaire privilégié, qui fait figure de « maillon fort » dans sa région.

Il est urgent de rétablir auprès de ce pays ami, de ce partenaire privilégié, la confiance que nous avons écornée. Cela passe par une adoption très large de ce protocole par l’Assemblée nationale.

Ce texte a suscité des incompréhensions et interrogations, en très grande partie en raison de difficultés d’interprétation de son contenu. Mais Mme la rapporteure en a expliqué très précisément la portée juridique et a levé les inquiétudes – légitimes au demeurant – que certains pouvaient avoir.

Il ne s’agit en aucun cas de bouleverser le système préexistant à « la crise ». Il s’agit simplement de faciliter l’échange d’informations entre nos deux justices et de permettre ainsi une meilleure administration de la justice.

Après les différentes maladresses qui ont tant blessé, il s’agit donc aujourd’hui d’envoyer à nos amis marocains un message clair de respect et de confiance en adoptant ce texte à la plus large majorité possible.

Puisse aussi cet épisode, madame la secrétaire d’État, madame la présidente, nous inspirer plus de circonspection et permettre d’éviter toute initiative hasardeuse : je pense notamment au groupe d’études sur le Sahara occidental dont l’Assemblée nationale aurait été probablement mieux inspirée en n’en décidant pas la création.

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