Intervention de Jean-Luc Bleunven

Séance en hémicycle du 23 juin 2015 à 15h00
Approbation du protocole additionnel à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du royaume du maroc — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Bleunven :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis vise à autoriser l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire du 18 avril 2008, signé le 6 février 2015 entre la France et le Maroc. La concrétisation de cet accord marque la reprise d’une coopération indispensable pour nos deux pays tant en matière pénale que civile. Elle intervient après une période de onze mois de crise bilatérale qui a vu le gel de notre coopération judiciaire et policière.

Ce texte dont les garanties juridiques sont assises sur le respect du principe de compétence universelle permettra le rétablissement d’une coopération d’exception entre nos deux pays. Notre droit n’est donc aucunement sacrifié pour raison d’État, vous nous l’avez démontré, madame la rapporteure, lors de l’examen du projet de loi en commission.

Cette nouvelle relation porte le sceau de la confiance et de l’égalité. La signature du présent protocole doit se concevoir comme un acte de confiance dans la capacité des institutions judiciaires de nos deux pays à coopérer en bonne intelligence pour une meilleure administration de la justice.

L’amitié entre nos deux pays repose sur des relations bilatérales étroites dans de nombreux domaines : la culture, l’éducation ou encore l’économie. Le gel de nos relations en matière judiciaire, s’il a affecté cette amitié, n’a fort heureusement pas eu d’impact sur ces échanges.

Par ailleurs, le couple France-Maroc est aujourd’hui soumis à des enjeux diplomatiques majeurs. D’une part, le Maroc se positionne comme un acteur central en Afrique et dans la région et d’autre part, il constitue un partenaire de premier plan pour ce qui concerne la lutte contre le terrorisme et la montée du fondamentalisme religieux.

La communauté française au Maroc compte près de 50 000 personnes, près de 20 000 y résident une partie de l’année. De son côté, la communauté marocaine en France représente 1,5 million de personnes. Notre coopération s’appuie sur des liens forts et anciens, et la crise que nous avons subie n’a pas altéré ces relations.

Aujourd’hui, en France, on dénombre près de 35 000 étudiants marocains. Cet effectif représente le premier contingent d’étudiants étrangers dans notre pays, il faut le rappeler. La coopération en matière éducative et universitaire s’appuie sur un réseau très important : l’Institut français du Maroc compte ainsi douze sites, abrite trois espaces Campus France et entretient un partenariat étroit avec l’Alliance française de Safi.

Le réseau d’enseignement du français au Maroc est quant à lui le plus grand réseau d’enseignement à l’étranger : plus de 31 500 élèves sont répartis sur quatre réseaux implantés sur le territoire. Le lancement de divers projets permettra de fortifier un peu plus ce réseau qui témoigne de la volonté de maintenir nos partenariats en la matière.

Le Maroc a recensé près de 8,1 millions de touristes sur son exercice 2014. Plus de 2 millions d’entre eux étaient français, preuve de l’attrait du Maroc pour nos concitoyens.

Nos échanges s’appuient également sur de solides liens économiques. La France est en effet le premier partenaire commercial du Maroc, son premier client et son deuxième fournisseur après l’Espagne. Les exportations de la France vers le Maroc représentent 2,5 milliards d’euros, les importations françaises depuis le Maroc s’élèvent quant à elles à 2 milliards d’euros.

Il convient de noter par ailleurs que la France est à la fois le premier investisseur étranger au Maroc et le premier bailleur de fonds bilatéral du royaume : 750 filiales françaises employant plus de 120 000 personnes y sont en effet installées.

À ces échanges viennent s’ajouter de nouveaux axes permettant le renforcement de notre partenariat économique. Je pense aux énergies renouvelables, au coeur de la stratégie marocaine, et qui devraient constituer un axe majeur de notre coopération économique.

Par ailleurs, le lancement de nouveaux projets économiques communs tournés vers l’Afrique devrait être l’un des axes majeurs de notre coopération.

En matière culturelle et audiovisuelle, enfin, les échanges sont également très riches. La saison culturelle France-Maroc 2015, par exemple, prévoit plus de 300 événements culturels tout au long de l’année au Maroc. Les tensions que nous avons connues dans nos relations en matière judiciaire n’ont fort heureusement pas eu d’impact sur nos partenariats, preuve de la force du lien qu’ont noué nos deux États.

La France et le Maroc disposent donc de partenariats privilégiés dans de nombreux domaines d’activité et ont des habitudes de coopération qui leur permettent d’appréhender les enjeux diplomatiques majeurs auxquels ils sont aujourd’hui confrontés. Le Maroc se positionne en effet comme un acteur central en Afrique et dans la région.

Dans le dossier libyen, par exemple, Rabat joue un rôle particulièrement constructif : la diplomatie marocaine est à l’initiative d’une rencontre, en mars dernier, en vue de former un gouvernement d’union nationale ; elle est également présente dans le processus de formation d’un gouvernement d’union nationale sous l’égide de la Mission d’appui des Nations unies en Libye.

La résolution de la crise malienne est également un dossier important de notre stratégie diplomatique avec le Maroc et, à l’échelle européenne, nos deux pays ont un rôle stratégique à jouer dans la relance d’une politique de voisinage plus ambitieuse. Le Maroc constitue naturellement un allié incontournable dans la promotion d’une politique méditerranéenne ambitieuse, qui doit permettre de répondre aux défis nombreux de cette zone. La coopération militaire, également très dense, est appelée à se poursuivre et à s’intensifier.

Pour ce qui est de la lutte contre la radicalisation, l’Institut Mohammed VI de formation des imams assure une formation religieuse qui fait du Maroc un partenaire utile qui contribuera, pour une part, à la formation des imams de France.

Le dialogue franco-marocain est donc étroit et équilibré.

Madame la rapporteure l’a dit, le texte sur lequel nous allons nous prononcer contient des ambiguïtés et des zones d’ombre. Nous avons été interpellés par plusieurs organisations au sujet de ce protocole et il conviendra de veiller à l’indépendance du juge dans le cadre des échanges qui interviendront. Comme l’a rappelé notre commission, il faudra désormais faire vivre ce partenariat.

Je salue donc, madame la rapporteure, le travail que vous avez mené et qui a été réalisé dans un esprit de transparence et de franchise particulièrement utile à nos débats. Nos deux pays doivent poursuivre le renforcement de leurs relations, car ils sont des acteurs majeurs de la construction de la politique de l’espace méditerranéen.

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