Intervention de Chantal Guittet

Séance en hémicycle du 23 juin 2015 à 15h00
Approbation du protocole additionnel à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du royaume du maroc — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Guittet :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, ce protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc justifiait-il nos échanges de cet après-midi ? Je crois que oui et j’en veux pour preuve les nombreuses interrogations tout à fait légitimes qu’il a soulevées, parmi les membres de la société civile comme dans notre Assemblée. L’explication était donc nécessaire – explication de texte, mais aussi de contexte.

Les circonstances particulières de sa négociation et de son écriture doivent être rappelées. Mme Élisabeth Guigou nous a proposé une lecture du texte qui répond de façon exhaustive à toutes les préoccupations signalées. Elle nous a convaincus – je parle ici, au moins, au nom des députés socialistes, républicains et citoyens – et nous voterons ce texte.

Compte tenu des enjeux juridiques et diplomatiques qui ont accompagné la mise en oeuvre de ce traité, il est important que chacun d’entre nous puisse donner son point de vue et que, madame la secrétaire d’État, vous puissiez confirmer qu’il s’agit bien là, comme cela a été dit à la rapporteure, d’une convention visant à fluidifier les rapports entre la justice de deux pays amis – ni plus, ni moins.

Pour en revenir au contexte particulier de son élaboration, ce texte est directement issu d’une mésentente bilatérale, qu’il s’efforce de corriger. Les faits sont connus : le 20 février 2014, M. Abdellatif Hammouchi est venu à Paris pour participer à une réunion consacrée à la lutte contre le terrorisme. Vous connaissez la suite, que plusieurs d’entre nous ont rappelée : l’intervention d’un groupe de policiers français à l’ambassade du Maroc pour demander à ce responsable de l’antiterrorisme de se rendre dans le bureau d’un magistrat a eu de lourdes conséquences. Le 27 février, le Maroc annonçait la suspension unilatérale de toute forme de coopération judiciaire pénale avec la France.

Conséquences lourdes, en effet : des dossiers de transferts de prisonniers, de gardes d’enfants et de divorces ont été gelés pour une durée indéfinie ; la coopération antiterroriste a été suspendue, ainsi que les visites ministérielles. La suspension de l’entraide policière et judiciaire a entraîné des préjudices considérables pour nos deux pays et il devenait urgent de mettre à plat les différents éléments du problème et de chercher ensemble une feuille de route pour la sortie de crise, combinant le respect du droit et celui des règles de bon voisinage – exercice complexe, mais qui relève du quotidien habituel de tous les gouvernements.

Au terme de plusieurs mois de contacts et d’échanges, le protocole additionnel à la convention bilatérale a été signé par les autorités des deux pays et arrive aujourd’hui dans notre hémicycle.

La convention vise à instituer une information mutuelle automatique dès lors qu’un ressortissant de l’un des deux pays fait l’objet de procédures pour des faits commis sur le territoire de l’autre partie. Ce dispositif, plusieurs l’ont rappelé, n’enlève aucune prérogative au juge en charge de l’instruire, dont l’indépendance reste entière. Il contribue en revanche, en créant une obligation d’information mutuelle, à mieux fonder les suites à donner et la prise de décision.

L’information communiquée par les autorités marocaines sera-t-elle de qualité ? Il reviendra aux magistrats français de l’apprécier au cas par cas – la justice a ses qualités et ses défauts sous tous les horizons, en France comme au Maroc.

Le constat qui s’impose toutefois aujourd’hui, en 2015, est celui d’une évolution très nette de la justice et du droit marocains. Le Maroc a signé la convention internationale contre la torture et s’est doté d’une commission de défense des droits de l’homme, qui a présenté ses premières recommandations en 2014.

Nous devons certes rester vigilants, mais ce texte le permet. Il prend acte d’un malentendu et propose, de façon pragmatique, de tourner la page, dans le respect des valeurs de justice auxquelles nous sommes tous attachés. Principe de compétence universelle, indépendance du juge et secret de l’instruction : tous les principes majeurs qui garantissent notre droit sont respectés. Il respecte, enfin, un pays ami, un peuple historiquement humilié et qui entend légitimement être traité sur un pied d’égalité par les autres nations, en particulier par l’ancienne puissance coloniale.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion