Intervention de Fleur Pellerin

Séance en hémicycle du 23 juin 2015 à 15h00
Deuxième dividende numérique et modernisation de la télévision numérique terrestre — Présentation

Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je ne peux commencer mon propos sans saluer d’emblée le travail du rapporteur Bloche ainsi que celui de Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.

L’examen de la proposition de loi en commission des affaires économiques, puis en commission des affaires culturelles, a permis d’enrichir substantiellement ce texte. Sur un plan plus politique, il a démontré que cette proposition de loi portée par le groupe « socialiste républicain et citoyen » faisait en réalité consensus.

Comme le Gouvernement, les parlementaires partagent l’ambition de donner aux Français le meilleur de ce que permettent les technologies actuelles. Le président Bloche avait raison de ce point de vue, lui qui rappelait en commission que ce texte était remarquable, notamment parce qu’il anticipait les futurs progrès technologiques plutôt que de chercher à s’en accommoder.

Au fond, ce texte, d’apparence très technique, est d’une grande portée politique. Nous poursuivons l’ambition initiée avec le premier dividende numérique, par une autre majorité, celle de hisser en permanence nos standards technologiques à la hauteur de la demande sociale, des besoins, des usages.

Cette proposition de loi acte et accompagne l’évolution spectaculaire des usages des technologies numériques : d’une part la révolution de l’internet en mobilité, notamment pour les services audiovisuels, ce qui requiert de nouvelles ressources en fréquences hertziennes pour les opérateurs de télécommunications ; d’autre part, la poursuite de la modernisation de la TNT avec la généralisation de la haute définition. Celle-ci permettra de répondre à l’évolution des équipements des téléspectateurs en écrans de plus en plus grands, dont certains déjà en ultra haute définition.

L’objet premier de ce texte est donc de permettre la réaffectation de la bande de fréquence « 700 » mégahertz aux services haut débit mobiles en 4G. Le trafic internet en mobilité croît au rythme de 60 % par an sur les dernières années. C’est une réalité à laquelle nous devons nous adapter.

Les Français font de plus en plus massivement le choix de la presse en ligne, de la vidéo à la demande, de la télévision de rattrapage, de la radio et de la musique en ligne. Il est donc nécessaire d’accompagner ces usages et de créer un cadre dans lequel les professionnels des médias pourront continuer à innover. Il y va de l’avenir de notre création et de la force de frappe de nos industries créatives.

Le deuxième grand objectif de ce texte est de permettre la modernisation de la télévision numérique terrestre, la TNT, premier moyen d’accès des foyers français à la télévision, plateforme de référence à laquelle les téléspectateurs sont attachés et qui reste le socle du financement de la création audiovisuelle et cinématographique en France. La TNT est aujourd’hui plébiscitée par nos concitoyens.

Je suis attachée à ce que le rôle social essentiel de cette « télévision pour tous » soit conservé au gré des évolutions des usages et des technologies. La TNT doit donc continuer de proposer des services toujours plus innovants afin de répondre aux attentes des acteurs économiques mais surtout de l’ensemble des téléspectateurs, notamment les plus fragiles. La progression de la réception de la télévision par l’ADSL et la fibre ne constitue pas un danger pour la TNT. C’est une concurrence fertile, qui rend l’innovation nécessaire.

L’augmentation continue de la taille des écrans de télévision, de leur qualité d’image, combinée avec les habitudes des téléspectateurs, rend inéluctable la généralisation du format de diffusion en haute définition sur la TNT, qui deviendra progressivement la qualité de référence. Afin d’accompagner ces avancées, et compte tenu de la rareté du spectre hertzien, les technologies de codage vidéo de la TNT doivent être modernisées.

La proposition de loi permet ainsi le remplacement pour toutes les chaînes, dès avril 2016, de la norme MPEG-2 – technologie utilisée depuis le lancement de la TNT il y a dix ans – par le MPEG-4, version plus récente et plus efficace. Cette nouvelle norme permettra à l’ensemble des téléspectateurs d’accéder à la totalité des chaînes gratuites en haute définition : c’est l’objet de l’appel à candidatures que vient de lancer le CSA.

Comme pour toutes les migrations technologiques, l’arrêt de la norme MPEG-2 ne doit cependant pas se faire au détriment du public.

Nous devons veiller à accompagner cette transition, en particulier auprès des Français les plus fragiles, parce que la télévision est l’un des ferments de notre lien social, qu’elle joue un rôle primordial dans la vie des Français. Cette transition doit donc faire l’objet d’un accompagnement précis. Les amendements du rapporteur, longuement discutés et adoptés en commission, viennent compléter très utilement le texte.

J’ai entendu en commission des affaires culturelles l’attente des parlementaires sur ce plan d’accompagnement. Cette attente traduit naturellement une préoccupation commune ; il faut anticiper ce saut technologique, sans que celui-ci ne se traduise par une perte de signal ou des difficultés de réception pour les Français.

L’examen par la commission des affaires culturelles a bien démontré combien nous avions pris en compte ces attentes, en préparant un plan d’accompagnement précis et adapté à l’ampleur de cette transition.

J’ai tenu à rappeler en commission dans le détail les montants prévus. Je veux le redire ici : des aides financières conséquentes seront mobilisées pour permettre aux foyers les plus modestes, encore équipés de récepteurs seulement compatibles avec la norme MPEG-2, de renouveler leur équipement.

L’ensemble des dispositifs d’aides prévus pour le passage au tout numérique, et qui ont montré leur efficacité pour mener à bien cette transition, seront repris pour ce deuxième dividende numérique.

Le rapporteur Bloche a déposé en commission des amendements ayant permis, je crois, de bien compléter le dispositif. Aucun foyer ne souffrira d’un écran noir à l’occasion de cette mutation. Aucun foyer ne perdra l’accès au signal hertzien sans qu’une solution technique lui soit proposée.

Les grandes mutations technologiques peuvent faire peur. Je pense aux personnes isolées, aux personnes âgées, pour qui la télévision est parfois le dernier rempart contre la solitude, un média qui permet d’appartenir à la société.

Le rôle du Gouvernement et du législateur est de prévoir un plan d’information et de communication massif, et de s’assurer de sa diffusion sur tous les territoires de France.

Une large campagne de communication, à la fois nationale et locale, sera donc lancée pour que chacun soit parfaitement informé des événements à venir, et puisse s’assurer de son équipement.

Enfin, il est nécessaire, comme vous le proposez, que la bande de fréquences affectée à l’audiovisuel, en dessous de la bande des 700, reste allouée à ce secteur au minimum jusqu’en 2030. Elle constitue un signal fort à destination des éditeurs de services de télévision et du secteur audiovisuel, en leur apportant une visibilité suffisante pour sécuriser leur prochain cycle d’investissements et accompagner la modernisation de cette plateforme de référence.

C’est aussi pour accompagner les éditeurs de services de télévision que cette proposition de loi prévoit que les coûts de réaménagement nécessaires à la libération des fréquences ne soient pas placés à leur charge, mais à celle des premiers bénéficiaires de cette opération, c’est-à-dire les opérateurs mobiles qui se verront attribuer ces fréquences.

Je sais que d’autres professionnels sont inquiets de l’impact de cette transition. Je pense notamment aux prestataires techniques de diffusion, qui devront interrompre la diffusion de deux multiplex pour libérer des fréquences. C’est un sujet très important sur lequel je vous propose de ne pas avancer à ce stade sans évaluation précise.

Le Gouvernement a décidé de lancer une mission d’expertise destinée à évaluer plus précisément l’impact sur les acteurs de la diffusion de l’arrêt du MPEG-2 et de la fin de la diffusion de deux multiplex pour libérer la bande 700.

De la même manière, je suis aussi soucieuse des conséquences qu’emportera la réaffectation de la bande 700 pour les producteurs de spectacle vivant, d’émissions d’actualité ou d’événements sportifs, qui sont des acteurs fondamentaux de l’activité et de la création culturelles en France. En effet, ces professionnels, qui utilisent actuellement gratuitement les fréquences laissées libres localement par la diffusion de la TNT, verront leurs ressources spectrales diminuer et seront conduits à renouveler une part de leurs équipements du fait de la réallocation de la bande 700.

C’est pourquoi le Gouvernement vous propose un amendement permettant d’accompagner cette transition pour les structures les plus fragiles, afin que l’organisation de ces événements, qui contribuent au vivre ensemble, à la solidarité entre nos concitoyens, ne soit pas perturbée.

Ce texte de loi est indispensable pour réussir la cession de bande de fréquences de la bande des 700 mégahertz. C’est, pour l’État, l’ambition de valoriser au mieux les intérêts patrimoniaux des Français. C’est aussi, et cette perspective doit autant nous réjouir que nous réunir, l’ambition d’offrir à tous les Français la meilleure offre numérique et télévisuelle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion