Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, aujourd’hui nous étudions la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre. Cet intitulé sophistiqué fait en réalité référence au transfert des fréquences de la bande des 700 mégahertz vers les services de très haut débit mobile, ce qui n’est pas moins sophistiqué.
Permettez-moi tout d’abord de me féliciter que cette proposition de loi, qui émane du groupe socialiste, républicain et citoyen et dont les premiers signataires sont notre président de groupe Bruno Le Roux, le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation Patrick Bloche, et notre collègue des Côtes-d’Armor Corinne Erhel, ait retenu l’attention du Gouvernement.
Si la libéralisation des fréquences de la bande 700 mégahertz et le basculement de la TNT vers un nouveau mode de compression permettant une diffusion systématique en haute, voire très haute définition, est une préconisation européenne, à laquelle nos voisins se soumettront dans les mois à venir, c’est aussi une étape nouvelle dans le développement et la mise en oeuvre de normes nouvelles en matière de télévision qui s’inscrit totalement dans notre histoire puisque déjà le Général de Gaulle, en choisissant le SECAM face au PAL des pays anglo-saxons, faisait le choix pour notre pays de l’indépendance en matière de diffusion.
La TNT à accès gratuit et universel revêt une importance primordiale pour nos concitoyens. Elle s’inscrit en effet dans les objectifs d’intérêt général poursuivis depuis plusieurs années par la politique audiovisuelle française. Sa très large couverture, sa qualité d’image, son accès à faible coût font de la TNT l’offre de référence pour une grande partie de la population. Elle est aussi l’assurance d’une offre de programmes diversifiée pour l’ensemble des Français, quels que soient leurs moyens financiers.
Face à l’arrivée de services de médias audiovisuels, l’ancrage de la TNT dans le paysage audiovisuel français est pourtant menacé – TNT qui, rappelons-le, constitue aussi le socle de la création audiovisuelle et cinématographique qu’elle finance à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Il convient donc de l’accompagner dans sa modernisation.
Actuellement, la bande des 700 mégahertz est utilisée pour la diffusion des services de la TNT reçus via une antenne râteau.
Ce dont nous parlons aujourd’hui, avec l’adoption d’une nouvelle norme de compression, dite MPEG-4, c’est de la systématisation de la diffusion de ces chaînes en version haute définition et de l’abandon de leurs diffusion en définition standard sur des fréquences allouées.
Les performances supérieures de ce mode de compression, couplé à l’abandon de la diffusion des chaînes en qualité standard, permettra de regrouper l’ensemble des chaînes de la TNT sur six multiplex, au lieu de huit auparavant, libérant cette fameuse bande 700 mégahertz pour d’autres usages.
La généralisation de la norme MPEG-4 mettra fin à la double diffusion – standard définition et haute définition – de certaines chaînes historiques comme TF1, France Télévisions, Arte, M6...
Le second volet de la proposition de loi met les fréquences au service du développement croissant des opérateurs de téléphonie mobile. Depuis le lancement des services de l’internet mobile et l’arrivée des smartphones et tablettes, les volumes de données échangées sur les réseaux mobiles connaissent une croissance continue très importante. D’après l’observatoire de l’ARCEP, la France est en phase avec les tendances mondiales et connaît un taux de croissance du trafic supérieur à 60 % par an depuis plusieurs années. Au printemps 2013, une décision de principe a donc été prise par le Président de la République : transférer la bande de 700 mégahertz aux opérateurs de télécommunications au profit du développement des réseaux mobiles à très haut débit.
L’attribution des fréquences concernées aux opérateurs de télécommunications aura lieu en décembre 2015 et leur transfert effectif entre le 1er octobre et le 30 juin 2019, à l’exception de l’Île-de-France où les opérateurs pourront les utiliser dès le mois d’avril 2016. L’article 1er habilite donc le pouvoir réglementaire à modifier les normes de diffusion afin d’imposer la généralisation du MPEG-4 et de favoriser l’adaptation régulière du paysage audiovisuel aux nouvelles normes de diffusion et de compression, ce qui améliorera la qualité de l’image comme du son sans qu’il soit nécessaire d’en passer par la loi à chaque évolution.
L’article 2 a pour objet une nouveauté très importante pour les opérateurs audiovisuels car elle leur assure un plan de développement pérenne et serein. Il s’agit de sanctuariser par la loi l’attribution de la bande UHF au CSA pour la diffusion de la TNT jusqu’au 31 décembre 2030. Dans le cadre de la cession aux opérateurs de télécommunications mobiles de la bande de fréquence de 700 mégahertz, il a semblé opportun de sanctuariser l’affectation de la bande UHF afin qu’elle reste attribuée à la TNT, conformément aux recommandations du rapport de M. Pascal Lamy. Le MPEG-4 étant moins exigeant en débit que le MPEG-2, l’arrêt de celui-ci libérera des ressources pour les huit multiplex existants.
L’arrêt du MPEG-2 et l’optimisation du codage MPEG-4 sur les chaînes réparties dans les multiplex créeront des espaces libres. Il en résultera une recomposition des chaînes au sein des multiplex qui ne seront finalement plus que six. Deux multiplex seront complètement vidés, ce qui est une condition indispensable de la libéralisation de la bande de 700 mégahertz. Bien entendu, selon leur mode de réception, tous les téléspectateurs ne seront pas concernés à l’identique par la migration des normes de diffusion. Ceux qui reçoivent la télévision par antenne râteau, soit la majorité des Français, doivent d’ores et déjà vérifier que leur équipement est compatible HD. Le 5 avril 2016, date du basculement, ils devront procéder à une recherche et une mémorisation des chaînes afin de récupérer l’ensemble des chaînes de la TNT si leur équipement est compatible. À titre d’information, rappelons que 6 % des foyers, soit 1,7 million, reçoivent la télévision uniquement par ce biais.
Les téléspectateurs recevant la télévision par ADSL ou fibre optique ne sont pas concernés par l’opération du 5 avril car les décodeurs ADSL et fibre optique sont déjà compatibles HD, donc MPEG-4. Enfin, et c’est un point important au regard de l’aménagement du territoire, les téléspectateurs recevant la télévision par satellite ou par câble doivent vérifier si leur décodeur ou adaptateur est compatible HD. Il s’agit d’un point très important pour les zones rurales et les zones de montagne où la diffusion a lieu uniquement par satellite. Plus de 80 % des foyers sont équipés d’un téléviseur compatible et n’auront donc pas besoin d’adapter leur matériel. Un test simple est d’ores et déjà possible. Il suffit de se positionner sur la chaîne Arte et de vérifier que le logo « ARTE HD » apparaît à l’écran, ce qui signifie que le poste est adapté et comporte un décodeur MPEG-4. Dans le cas contraire, il suffira d’équiper son poste d’un adaptateur TNT HD externe, comme on le faisait à l’apparition de la TNT, pour un coût d’environ vingt-cinq euros.
Face au grand bouleversement annoncé, il est primordial de rappeler ces détails techniques et de relayer ces informations dans nos territoires, car ils concernent directement la vie quotidienne de nos concitoyens et leur éviteront le désagrément de l’écran noir dans la nuit du 4 au 5 avril 2016. On se croirait revenu au temps du bug de l’an 2000 !
Il faudra porter une attention particulière aux zones blanches en termes de diffusion car la TNT est aussi un élément important de l’aménagement de nos territoires. À ce sujet, des amendements déposés conjointement en commission par M. le rapporteur et par le Gouvernement prévoient le lancement, à destination de tous les téléspectateurs, d’un plan d’accompagnement semblable à celui que nous avons déjà mis en oeuvre et dont nous avons constaté l’efficacité lors de la suppression de la diffusion analogique. Il comporte deux volets, une campagne nationale de communication et des aides financières et de proximité. Il sera lancé à partir de novembre 2015 et s’inspirera des recettes utilisées lors de l’extinction de la diffusion analogique.
Des aides financières seront alors accordées sous certaines conditions. L’aide à l’équipement pour l’acquisition d’un adaptateur TNT sera versée sous conditions de ressources et concernera les téléspectateurs dégrevés de la contribution à l’audiovisuel public. L’aide à la réception ne sera soumise à aucune condition de ressources et assurera la continuité de la réception des foyers affectés lors des réaménagements de fréquences. Enfin, une assistance de proximité sera dispensée gratuitement au domicile des personnes âgées ou handicapées afin de les aider à régler et mettre en service leurs appareils.
Je rappelle pour conclure que les nouveaux créneaux seront mis en vente aux enchères et qu’on estime que le transfert de la bande de 700 mégahertz rapportera plus de deux milliards d’euros au budget de l’État. Il permettra également d’accompagner le développement du très haut débit mobile tout en garantissant la modernisation de la plateforme TNT en la préparant à la très haute définition et aux nouveaux modes de diffusion à venir. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste républicain et citoyen se prononcera à l’unanimité en faveur de la proposition de loi.