Certes, mais la date d’avril 2016 est-elle la bonne ? Un grand nombre d’acteurs du secteur, cher Marcel Rogemont, craignent comme nous que cette date soit prématurée car tout n’a pas été pensé pour garantir que personne ne soit laissé à l’écart. Une étude d’impact permettrait aussi de savoir si les implications auxquelles sont exposées les chaînes de télévision ne sont pas plus fortes que prévu. Il est vrai que le texte suit les recommandations du rapport Lamy et qu’un travail important a été réalisé par nos deux rapporteurs dans leurs commissions respectives. Mais la bande des fréquences comprises entre 470 et 694 mégahertz restera-t-elle affectée à la TNT jusqu’en 2030 ?
Il est en effet essentiel que les chaînes disposent toujours d’une place suffisante sur le spectre hertzien afin de poursuivre leur développement technologique, en particulier en matière de très haute définition, d’autant plus que l’accès gratuit à certaines fréquences dont elles bénéficient a pour contrepartie leur participation au financement de la création. Nous ne pourrons contester ce principe sans exposer le monde de la création à des conséquences dévastatrices. En outre, une étude d’impact permettrait également d’identifier les meilleures conditions dans lesquelles mener à bien la transition en termes de calendrier et de coût pour l’État et nos concitoyens.
Le calendrier retenu par la majorité pour transférer la bande de fréquence de 700 mégahertz de la TNT à la téléphonie mobile est en effet particulièrement défavorable. Le Président de la République a prévu le lancement de la procédure d’attribution de cette bande à la fin de l’année 2015 mais cette mise aux enchères survient bien trop tôt pour les opérateurs mobiles. Les dernières fréquences ont été attribuées il y a trois ans à peine et la 4G, qui n’est pas encore totalement déployée, a coûté 3,6 milliards d’euros aux opérateurs qui sont donc fragiles financièrement et n’ont pas immédiatement besoin de ces fréquences. Nous avons constaté par ailleurs que les Allemands viennent juste de mettre aux enchères leur spectre et ont valorisé la bande de 700 mégahertz à hauteur de 450 millions d’euros. On se demande vraiment, mais peut-être nous donnerez-vous quelques informations à ce sujet, madame la ministre, comment le Gouvernement peut évaluer à 2,1 milliards d’euros la fréquence de 700 mégahertz alors même que les Allemands l’ont évaluée et réalisée à un montant quatre fois inférieur ! On ne voudrait pas que vous bradiez un patrimoine si important de l’État !
D’autre part, madame Pompili a rappelé tout à l’heure qu’il importe de faire contribuer d’autres intervenants de la diffusion des biens culturels au financement de la création. Je vous rappelle, madame la ministre, même si vous n’en êtes peut-être pas seule responsable, que le rendement de la « taxe telco » de 0,9 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications, qui a vocation à alimenter le financement de l’audiovisuel public, ne sera affecté à l’audiovisuel public que pour moitié en 2015 et que le Gouvernement prévoit qu’il ne sera plus du tout fléché vers l’audiovisuel public dans le budget 2017. Ne pas l’affecter à l’audiovisuel public comme l’avait prévu la précédente majorité, n’est-ce pas un rendez-vous manqué qui en outre laisse intactes les préoccupations de Mme Pompili ? Pour en revenir au passage au MPEG-4 et au second dividende numérique, je rappelle que la transition de l’analogique vers le numérique menée entre 2009 et 2011 a été un succès. Le précédent gouvernement et la majorité qui le soutenait ont beaucoup investi et se sont énormément mobilisés dans l’affaire, notamment par la création d’un groupement d’intérêt public « France Télé Numérique » pour l’opération et par la budgétisation de plus de cent millions d’euros afin de financer les modalités d’accompagnement.
Bref, beaucoup de temps, de moyens, d’implication et de communication, un peu à l’opposé du calendrier si étroit que vous nous proposez aujourd’hui.
Ma question est simple, madame la ministre : cet engagement de l’État est-il suffisant ? Êtes-vous certaine que tous les investissements dont vous nous parlez ont été budgétés ? À quelle hauteur et sur quelle ligne budgétaire ? Nous devons être sûrs que tous les accompagnements évoqués oralement par vous-même et M. le rapporteur seront bien versés, le moment venu, à nos compatriotes. Je ne voudrais pas que les engagements qu’a pris le rapporteur – qui ne figurent pas dans le texte – ne soient pas tenus, et que vous mettiez le Parlement dans l’embarras, voire la difficulté vis-à-vis de nos compatriotes, alors qu’il souhaite voter ce texte à la plus large majorité possible.
Au nom du groupe Les Républicains, je vous demande donc de nous dire comment vous comptez formaliser concrètement les engagements que vous avez pris devant la commission et que vous prenez aujourd’hui devant la représentation nationale, afin que nous puissions être sûrs que les Français et les différents acteurs de ce passage bénéficieront bien de tous les moyens que vous avez rappelés.
Nous espérons que vous pourrez nous répondre à l’occasion des amendements que défendront les députés de notre groupe, ainsi que nous donner des précisions sur la manière dont vous comptez formaliser ces engagements. Si nous obtenons ces réponses, nous voterons ce texte, qui constitue une avancée importante pour davantage de télévision haute définition et davantage de couverture internet mobile dans notre pays.