Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, le transfert de la bande 700 mégahertz aux opérateurs télécoms a été décidé par l’exécutif en octobre 2014. La décision revient en effet au Gouvernement, mais il doit malgré tout passer par la loi pour ce qui concerne les modalités de cette attribution. Voilà pourquoi nous sommes réunis ici, huit mois après la décision de principe. Que la modification du tableau de fréquences relève du pouvoir réglementaire n’a rien de scandaleux, c’est même tout à fait normal : rappelons en effet que les fréquences sont considérées comme des ressources stratégiques. Ceci dit, le Gouvernement s’est engagé à associer le Parlement, quitte à le faire de façon « factice » – j’emploie des guillemets –, puisque tout le monde comprend bien qu’il a téléguidé cette proposition de loi.
Sans méconnaître le travail toujours méticuleux accompli par le président Bloche, il est regrettable, comme l’ont dit plusieurs de nos collègues, que nous n’ayons pas pu disposer d’étude d’impact. Cela devient une habitude. L’absence d’étude d’impact nous empêche, par exemple, d’avoir une estimation du coût que devront supporter les opérateurs bénéficiaires – qui devront, par exemple, assurer le respect d’accords transfrontaliers – ou encore une estimation des gains attendus par l’État lors des enchères, bloc par bloc. Voilà pour la forme ; j’y reviendrai tout à l’heure.
Sur le fond et sur le coeur du texte, à savoir le transfert de la bande 700, il faudrait être aveugle pour ne pas admettre que les opérateurs télécoms ont besoin de davantage de bande passante afin, notamment, de remplir leurs obligations de couverture, qui répondent à de réels besoins sur le territoire. Il reste encore du chemin à faire en ce sens.
À partir du moment où la décision du Gouvernement a été prise, l’ensemble des articles de cette proposition de loi ne font que confirmer cette décision et ont donc leur logique. Ainsi, les articles 8 et 9 concernent le coût des réaménagements, qui seront supportés par les opérateurs, et l’extension de la taxe afférente. Ces obligations financières ayant déjà été prévues pour la bande 800, il est donc parfaitement logique que ces règles soient aussi valables pour la bande 700. Quant au traitement des réclamations des téléspectateurs par les opérateurs, voilà qui devrait répondre aux risques réels de brouillage de la TNT, évoqués notamment par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et les chaînes de télévision.
Les aides financières que vous avez introduites en commission pour le basculement vers la norme MPEG-4 sont, là aussi, les bienvenues pour éviter l’écran noir. Toutefois, je m’interroge sur trois points. Premièrement, qu’en est-il des foyers équipés en réception satellite, notamment en zone de montagne, qui vont connaître les mêmes problèmes et ne semblent pas visés par l’actuelle rédaction ? On ne peut pas priver ces téléspectateurs du passage au MPEG-4, ni demander aux diffuseurs de mettre en place une double diffusion. Madame la ministre, le rapporteur vous a plus ou moins invitée à y réfléchir, et mes collègues Riester et Kert vous y invitent également : il serait injuste que les foyers satellites soient exclus, d’autant qu’une telle extension ne coûterait que 3 % du budget déjà prévu.
Deuxièmement, j’ai l’impression que l’on fait preuve ici d’une certaine précipitation. Comment faire pour anticiper davantage les futurs basculements ? En effet, il y en aura d’autres et, d’ailleurs, assez rapidement, puisque le problème va se reposer dès les années 2020, avec un nouveau basculement prévu, semble-t-il, vers la norme High Efficiency Video Coding – HEVC.
Troisièmement, madame la ministre, pouvez-vous nous assurer, comme vous l’avez fait, me semble-t-il, en commission, que l’Agence nationale des fréquences disposera d’un budget suffisant pour l’accomplissement de cette nouvelle mission, certes temporaire, mais qui va demander beaucoup de moyens sur un temps restreint ?
S’agissant toujours des modalités, je souhaite m’arrêter sur le calendrier. On peut en effet s’interroger sur l’agenda retenu et sur la vision de long terme qui semble manquer au Gouvernement. Je crains que, pour l’exécutif, la réaffectation de la bande 700 soit vue uniquement comme un moyen de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État et ce, le plus vite possible : il y en a bien besoin ! Comment percevoir autrement le fait que les plus de deux milliards d’euros attendus aient déjà été comptabilisés dans le budget de la défense pour 2015 ? Je serais ravi d’être démenti et d’entendre la vision stratégique du Gouvernement sur les fréquences, ce qui démontrerait qu’il n’y a aucune précipitation dans le calendrier.
De surcroît, 2015 est visiblement une année-clé dans l’évolution du paysage français des opérateurs télécoms. D’ailleurs, madame la ministre, j’en profite pour vous poser une dernière question, en lien avec l’actualité la plus récente : sur la bande 700, comment cela va-t-il se passer si SFR-Numericable finit par racheter Bouygues Télécom ?
Quoi qu’il en soit, vous l’avez compris, je pense que ce transfert est salutaire ; nous sommes à peu près tous d’accord sur ce point. Le principe de la réaffectation a été bien cadré, et ses objectifs suffisamment précisés. Cela n’empêche pas, comme vous le voyez, de nombreuses interrogations, auxquelles le Parlement attend des réponses.