La concentration de l'offre de matières premières rend l'industrie et la société européennes de plus en plus dépendantes aux importations et de plus en plus vulnérables aux prix élevés, aux marchés volatils et aux aléas politiques dans les pays fournisseurs.
Dans le même temps, les ressources naturelles sont souvent utilisées de manière anarchique, provoquant des pressions supplémentaires sur les marchés, des dégradations environnementales et des menaces sur les écosystèmes. Cette tendance risque de croître avec le maintien de modèles de croissance économique dépassés et les évolutions démographiques mondiales.
Par ailleurs, les produits manufacturés contemporains ont une durée de vie moyenne de seulement quatre ans et leur obsolescence est parfois programmée scientifiquement pour encourager la consommation.
L'Union européenne a certes accompli des progrès dans la gestion des déchets mais le reliquat de déchets finaux reste conséquent : en 2010, sur un total de 2 520 millions de tonnes de déchets produits en Europe, seulement 36 % ont été recyclés, tandis que le reste était soit mis en décharge, pour 37 %, soit incinéré, pour 23 %. Il est estimé que, dans un système productif optimisé, près d'un tiers de ce volume – environ 500 millions de tonnes – aurait pu aisément être recyclé ou réutilisé.
Quant à la France, pour information, avec un volume total de 355 millions de tonnes, elle se situe au premier rang des pays européens producteurs de déchets. En ce qui concerne le recyclage, avec un taux de 36 %, elle se classe à un niveau médian, à la treizième place des États membres.
L'économie circulaire désigne un concept économique qui s'inscrit dans le cadre du développement durable. Son objectif est de produire des biens et des services plus compétitifs et à plus faible intensité de carbone, grâce à l'optimisation de la ressource, à travers la limitation de la consommation et du gaspillage des matières premières, de l'eau et des sources d'énergie dans la chaîne de production de valeur.
Il s'agit de déployer une nouvelle économie, fondée sur un principe simple : refermer le cycle de vie des produits, des services, des déchets, des matériaux, de l'eau et de l'énergie, par les pratiques de recyclage, de réparation ou de réutilisation. L'économie circulaire se démarque donc de l'économie traditionnelle, de nature linéaire, qui suit le modèle extraire-fabriquer-consommer-jeter.
Elle se caractérise aussi par une forte valeur ajoutée sociale, notamment en privilégiant l'usage des biens sur leur possession et en incluant les approches de partage de services. Elle est au demeurant très développée dans le secteur de l'économie sociale et solidaire, qui a été le premier à l'investir. Elle est donc à la croisée des enjeux environnementaux, sociaux et économiques.
Outre les importants avantages économiques qu'elle recèle de par son potentiel de relocalisations industrielles, de créations d'emplois sûrs et de génération de croissance durable, cette démarche est de nature à promouvoir la recherche et l'innovation, et ainsi à relever la qualité de vie des consommateurs, mais aussi à améliorer le niveau de protection sociale, sanitaire et environnementale.
Les chiffrages suivants sont avancés : 580 000 emplois créés, dont 180 000 emplois directs ; 600 millions d'euros d'économies réalisées chaque année pour les entreprises européennes ; 2 à 4 % d'émissions annuelles de gaz à effet de serre en moins.
Mais une transition réussie vers une économie circulaire exige une action à tous les stades de la chaîne de valeur. Le changement de paradigme doit de surcroît intervenir à tous les étages de la prise de décision économique, de Bruxelles à l'échelon local, et l'implication de tout le secteur public, collectivités locales incluses, est essentiel.
En juillet 2014, la Commission Barroso avait adopté un paquet « Économie circulaire », contenant une communication chapeau, trois communications sectorielles et une proposition législative modifiant la directive sur les déchets. Toutefois, sous prétexte de « mieux légiférer », la nouvelle équipe de la Commission européenne a retiré la proposition de directive en vue de la remplacer par un nouveau texte, plus ambitieux, avant la fin 2015.
Cette décision juridiquement contestable a suscité l'opposition du Parlement européen, de onze États membres ainsi que de nombreuses parties prenantes. Pour ma part, j'ai alors écrit à Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, pour m'alarmer de ce mauvais signal. Puis, dans mon rapport d'information relatif au programme de travail de la Commission européenne pour 2015, je me suis inquiété de « l'absence de garanties concrètes sur la future proposition qui viendrait remplacer » le paquet de juillet 2014.
Il apparaît finalement que la Commission européenne a bien pour projet de déposer une nouvelle proposition législative, visant à établir un cadre global favorable à l'épanouissement de l'économie circulaire.
Il est prévu que la nouvelle initiative comprenne deux documents : une proposition de révision de la directive-cadre actuelle sur les déchets ; une communication stratégique expliquant les motifs de l'action de la Commission européenne, assortie d'un plan d'action à moyen terme identifiant les mesures clés devant progressivement être prises par la suite, avec des échéances précises.
Plutôt que de ne cibler qu'une partie du cycle économique, l'initiative vise à porter la transition vers l'économie circulaire à travers une approche globale et cohérente, reflétant pleinement les interactions sur toute la chaîne de valeur des produits.
Le plan d'action se concentrera sur les mesures concrètes à valeur ajoutée manifeste pour l'Union européenne et s'inscrira dans des politiques plus larges de l'Union européenne comme l'Union de l'énergie, l'action pour le climat ou l'efficacité des ressources.
Il est en outre prévu que les projets participant à la démarche de l'économie circulaire puissent bénéficier d'aides émanant du nouveau Fonds européen d'investissements stratégiques (FEIS), au titre du Plan Juncker pour l'investissement.
Pour obtenir des changements concrets, il est nécessaire de définir des objectifs stratégiques clairs et d'adopter des outils politiques efficaces, conformément au projet d'ensemble « mieux légiférer » porté par M. Timmermans. Dans cette optique, la Commission européenne a lancé une consultation publique, qui court jusqu'au 20 août 2015. Celle-ci s'appuie sur une feuille de route d'avril 2015, qui explique les motivations et la démarche, et dessine les contours du projet d'acte législatif à venir.
Son objectif exact est d'aider la Commission européenne à identifier les principaux obstacles au développement d'une économie plus circulaire et les mesures susceptibles d'être adoptées à l'échelle européenne pour y remédier.
Deux consultations publiques relatives, d'une part, à la révision des objectifs de l'Union européenne en matière de déchets et, d'autre part, à la durabilité du système alimentaire se sont tenues en 2013 ; elles avaient servi de base à l'élaboration du paquet législatif de juillet 2014. La consultation publique dont il est question maintenant se concentre par conséquent sur les autres points en rapport avec la transition vers une économie circulaire, en élargissant la portée de l'enquête à d'autres phases du cycle économique, à savoir la production et la consommation, ainsi qu'au cadre économique général, notamment les dimensions innovation et investissement. Et une consultation publique distincte relative aux distorsions sur le marché des déchets sera lancée d'ici peu.
Ajoutons enfin que, le 25 juin 2015, la Commission européenne organisera une conférence des parties prenantes, dont les résultats alimenteront la consultation publique.
Comme elle le fait régulièrement depuis un an et demi, particulièrement sur les dossiers environnementaux, il est utile que la commission des Affaires européennes participe à cette consultation publique. Du fait du calendrier extrêmement contraint et de la publication du questionnaire en une seule langue, l'anglais – pratique de plus en plus courante mais regrettable –, il lui est matériellement impossible d'apporter une contribution approfondie en répondant point par point au questionnaire.
Votre rapporteure a néanmoins jugé intéressant d'apporter à ses membres ces quelques éléments d'information et de leur soumettre une proposition de conclusions de principe, sachant que, une fois la proposition législative présentée, un travail au fond devra être effectué.
Je vous propose par conséquent, mes chers collègues, de prendre acte de la volonté affichée par la Commission européenne de doter l'Union européenne d'un arsenal stratégique et législatif en faveur de l'économie circulaire – en commençant par une révision de la directive sur les déchets – et de la consultation publique qu'elle a ouverte à cet effet.