Je rappelle que le renseignement pénitentiaire a été fortement renforcé, puisque nous sommes passés d’un effectif de 72 officiers en 2012 à 159 en 2015 – plus du double – et qu’ils seront 185 l’année prochaine. Surtout, nous avons diversifié leurs compétences : une cellule pluridisciplinaire à compétence internationale a été installée, et le recrutement s’est élargi à de nouvelles professions telles que les analystes veilleurs, les traducteurs interprètes et les spécialistes informatiques pour le contrôle des logiciels.
La surveillance sera effectuée par des services de renseignement spécialisés, ce qui est une garantie d’efficacité, car il y aurait un risque réel de rupture et de déperdition d’informations si elle devait être confiée au renseignement pénitentiaire. Aux termes du décret de 2008, celui-ci a en effet pour mission d’assurer la sécurité des établissements. L’impliquer dans la mise en oeuvre des techniques sophistiquées de renseignement aurait donc supposé à la fois la dispense des formations nécessaires, le recrutement des effectifs indispensables – même s’ils ont plus que doublé, cela n’aurait pas été suffisant – et l’actionnement de toute la plateforme correspondante, en termes de base de données, de logistique et d’outils techniques… Tout cela pour qu’il puisse exercer une surveillance dans les mêmes conditions professionnelles d’efficacité que les services de renseignement.
Ensuite, nous savons bien que les détenus, dans les établissements, ne sont pas en rupture totale avec l’extérieur, puisqu’ils reçoivent des visites, qu’ils reçoivent de la correspondance, qu’ils reçoivent et passent des appels, et qu’ils finissent par sortir. Il y avait donc lieu de considérer les conditions d’efficacité dans lesquelles la surveillance des détenus particulièrement suivis, soit parce qu’ils appartiennent à la criminalité organisée, soit parce qu’ils appartiennent à des organisations terroristes ou qu’ils ont commis des actes terroristes, serait prise en charge par les services de renseignement spécialisés. C’est ce que nous avons souhaité faire.
Au fur et à mesure des discussions, toutes les dispositions concernant le renseignement pénitentiaire ont disparu. Nous allons très prochainement publier un décret qui précisera les modalités dans lesquelles ces interventions se feront, dans lesquelles le renseignement pénitentiaire va continuer à effectuer des signalements auprès des services de renseignement spécialisés et dans lesquelles va s’organiser la remontée d’information vers le renseignement pénitentiaire – c’est une des grandes difficultés.
Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit en première lecture concernant toutes les dispositions que nous avons prises en coopération avec le ministère de l’intérieur, notamment en intégrant un directeur des services pénitentiaire à l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, sans parler des procédures conjointes ou des protocoles signés – je passe sur ces points-là.
Je conclurai sur deux points qui appellent réserve, je me permets de le dire ici, à la tribune de l’Assemblée nationale.
D’une part, la commission mixte paritaire a souhaité extraire du texte la mention introduite pour rappeler aux services de renseignement qu’ils exercent leurs missions sous réserve des attributions du juge judiciaire en matière de crimes et délits. Cette disposition a donc été enlevée du texte. Inutile de rappeler que ce projet est sans préjudice des dispositions prévues à l’article 40 du code de procédure pénale, à savoir la nécessité de procéder à un signalement auprès d’un juge pénal si l’on a connaissance d’un délit ou d’un crime.
D’autre part, une disposition introduite par la commission mixte paritaire a été modifiée par un amendement du Gouvernement largement adopté au Sénat et qui concerne la dérogation à l’avis de la commission de contrôle pour les personnes de nationalité étrangère. Cet amendement vous sera présenté. Très probablement vous choisirez le même vote que le Sénat, puisque c’est en conscience que le Gouvernement vous présente cet amendement.
Voilà pour l’essentiel des dispositions qui relèvent du ministère de la justice. Il y a pour les professions protégées une distorsion entre le régime des écoutes et celui des autres techniques intrusives : je pense qu’il est bon que je le signale, pour avoir en charge certaines de ces professions protégées.
Ce texte fixe donc les conditions d’exercice de la surveillance nécessaire pour garantir la sécurité des Français et en même temps, ce qui est sans précédent, il prévoit un contrôle administratif, un contrôle juridictionnel et un contrôle parlementaire qui apportent aux citoyens ordinaires la garantie que le Gouvernement a le souci de protéger les libertés individuelles ainsi que les libertés publiques.