Avant de donner un pouvoir sans contrepartie aux services de renseignement, avant de mettre la police antiterroriste à l’abri de tout contrôle et de tout recours, il n’est pas mauvais d’écouter ce que ces professionnels disent de leur métier. Alain Chouet, qui dirigea le service de renseignement de sécurité de la DGSE, écrit ainsi : « C’est ne rien comprendre que d’accuser les services secrets de faire dans l’illégalité. Bien sûr, qu’ils font dans l’illégalité. Ils ne font même que cela. C’est leur vocation et leur raison d’être. Le renseignement se recueille en violant ou en faisant violer la loi des autres. […] Considérant cette fin, il va de soi que les moyens mis en oeuvre seront en rapport : manipulation, séduction, corruption, violence, menace, chantage, au terme d’un processus qui aura mis à nu toutes les facettes de l’objectif visé, pénétré son intimité, exploité toutes ses vulnérabilités. » Voilà où nous en sommes, chacun pourra juger.
Les lois toujours plus féroces que le Gouvernement multiplie depuis les attentats de janvier témoignent d’une offensive tous azimuts. On en appelle à l’union nationale pour faire ses coups en douce, si possible en procédure accélérée ou à coups de 49 alinéa 3. Projet de loi Macron, projet de loi Rebsamen, pacte de compétitivité, pacte de responsabilité, plan PME, nouvelle organisation territoriale de la République : autant de fronts ouverts simultanément, dans une sorte de guerre-éclair contre tout ce qui fait la France !
C’est ce que Naomi Klein appelle « la stratégie du choc ». Dans ce cadre, la loi sur le renseignement fonctionne comme un verrou contre les révoltes logiques. Et ce sera la DGSI qui sera en charge de gérer les mouvements naissants, les dissidences potentielles et les futures interdictions de manifester.
Bien entendu, nous voterons contre ce projet de loi, d’autant qu’un amendement de dernière minute prévoit de vider de sa substance le mécanisme de protection des lanceurs d’alerte, déjà précaire, prévu par le texte.
Je profiterai de ma conclusion pour dénoncer le scandale de l’espionnage de la NSA en France.
En avril nous apprenions que la France, ses entreprises et ses ressortissants figuraient parmi les principales victimes d’un espionnage américano-allemand. On savait que la NSA avait espionné ALCATEL ou encore EADS. Cela devrait mettre fin à toute négociation sur le traité transatlantique.
Depuis, nous avons appris que la NSA a espionné les présidents français. C’est inacceptable. Une réaction ferme doit avoir lieu. Les autorités doivent protester avec force. Une commission d’enquête parlementaire sur l’espionnage dont la France est victime de la part de pseudo-partenaires et alliés serait utile. Nous pourrions cosigner de manière transpartisane la demande d’une telle commission d’enquête. L’appel est lancé.