Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 24 juin 2015 à 21h50
Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne — Article 5 octies

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

…on détruit la lucidité, la clairvoyance, donc le discernement. Le juge d’application des peines applique la peine et décide de l’aménager dans les limites fixées par le code de procédure pénale. Il ne fait pas ce qu’il veut, et c’est bien le juge correctionnel qui prend la décision. Cela ne prête pas à confusion.

La contrainte pénale, ensuite, est une peine qui s’exécute en milieu ouvert, avec un encadrement plus adapté et modulable, et une évaluation obligatoire. Elle est beaucoup plus stricte que ce qui se fait actuellement – je pense notamment aux alternatives à l’incarcération. Ce que nous en attendons, c’est de l’efficacité.

Et vous savez, pour travailler sur ces questions depuis de très nombreuses années, que la lutte contre la récidive est plus efficace lorsque les peines sont exécutées en milieu ouvert et que la sortie de détention fait l’objet d’un accompagnement – c’est le sens et la portée de la libération sous contrainte. Lorsqu’on procède, comme c’était le cas jusqu’à présent, à des sorties sèches, sans accompagnement, sans encadrement ni préparation à la sortie, c’est alors qu’on crée un vrai risque de récidive. Vous le savez parfaitement. Avec ces dispositions, nous entendons lutter contre la récidive et faire en sorte que l’exécution de la peine soit réelle.

Quant aux délais d’exécution de la peine, ils ne sont pas scandaleux. En moyenne, la moitié des peines sont exécutées dans les six mois qui suivent le prononcé de la peine, et 98 % dans un délai de dix-huit mois. Un raisonnement simpliste consiste à ne prendre en compte que le nombre des peines non exécutées et à en déplorer le grand nombre. Mais il s’agit là du flux des peines prononcées chaque jour par les juridictions. L’exécution des peines, je le répète, se fait de manière satisfaisante dans ce pays, mais il se trouve que, tous les jours, les juridictions prononcent des peines. Il existe un flux de peines, dont le volume peut être mesuré, mais il ne s’agit pas là de peines non exécutées : ce sont des peines qui, dans 29 % des cas, sont exécutées dans les deux semaines qui suivent la décision, quand ce n’est pas de façon immédiate, en cas d’un mandat de dépôt, par exemple. Les autres peines sont exécutées au fur et à mesure : la moitié au bout de six mois et la quasi-totalité au bout de dix-huit.

Telle est la réalité, et c’est à partir de cela que l’opinion publique peut se prononcer sur une politique pénale. Elle peut la contester, mais à bon droit, en toute clairvoyance, à partir d’éléments objectifs et non de raisonnements simplistes.

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