La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures cinquante.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Monsieur le président, madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames, messieurs les députés, nous allons examiner un projet de loi visant à transposer des décisions-cadres et des directives de l’Union européenne. Il s’inscrit dans la construction de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, décidée lors du Conseil européen de Tampere en 1999 et qui vise à renforcer l’état de droit dans la totalité de l’espace européen, grâce à la consolidation des droits de la personne, des institutions publiques et de l’État de droit.
L’objectif des législateurs européens et nationaux est d’éviter que les auteurs d’infraction puissent profiter des différences entre les systèmes judiciaires des pays de l’Union européenne mais aussi de faire en sorte que chaque justiciable puisse accéder librement à la justice, donc aux tribunaux. À cet égard, les instruments déjà transposés dans notre droit interne facilitent, tant sur le plan des enquêtes que sur celui des décisions de justice, la reconnaissance mutuelle des décisions prises dans n’importe quel État membre de l’Union européenne. Ainsi, nous avons ensemble créé le mandat d’arrêt européen, établi la reconnaissance mutuelle du gel des biens, facilité l’accès aux casiers judiciaires et rendu possible, par exemple, le transfèrement à un autre État membre de l’exécution des décisions d’incarcération.
Le présent projet de loi, qui a déjà été examiné par le Sénat en première lecture, vise à transposer trois décisions-cadres – qui auraient d’ailleurs dû être transposées en 2011 et 2012 – et deux directives devant être transposées avant novembre 2015. Même en ayant anticipé cette échéance – nous avons en effet commencé à discuter de ce texte il y a presque un an –, nous ne serons donc que légèrement en avance.
L’une des trois décisions-cadres porte sur la prévention et la compétence des juridictions en cas de procédure pénale dans deux ou plusieurs États membre. Elle permet de respecter la règle du non bis in idem – selon laquelle des auteurs d’infractions ou des victimes ne peuvent être jugés, auditionnés ou interrogés par plusieurs juridictions pour les mêmes faits délictueux – et donc d’éviter que ne soient prises des décisions judiciaires différentes ou contradictoires. La décision-cadre prévoit donc une obligation de consultation et d’échange d’informations. Cependant, nous pouvons considérer que son ambition est modeste car elle n’a pas intégré les critères contraignants pouvant conduire à une décision d’attribution de la procédure à l’un des États membres. Par conséquent, faute de consensus sur la désignation de l’État membre compétent, aucun dessaisissement n’est possible. On suppose que les juridictions seront suffisamment raisonnables pour éviter les procédures parallèles mais aucune garantie n’est apportée. Telle a été la logique des discussions ayant conduit à l’adoption de cette décision-cadre.
Les deux autres décisions-cadres concernent la reconnaissance mutuelle, d’une part, des mesures de contrôle judiciaire, par exemple en alternative d’une détention provisoire, de l’autre, des décisions de probation, c’est-à-dire d’exécution d’une peine en milieu ouvert. Elles visent essentiellement à assurer l’égalité entre les citoyens européens, quel que soit leur État d’appartenance, de façon à ce que les décisions judiciaires puissent être appliquées de façon automatique dans l’État de résidence, s’il n’a pas pris la décision, ou dans un autre État, sous réserve de l’accomplissement d’une formalité préalable par l’équivalent de notre Parquet. Elles visent un objectif non seulement d’égalité, conformément à l’article 18 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, mais aussi d’effectivité : une décision judiciaire prise dans un État membre sera effectivement appliquée dans l’État de résidence ou dans un autre État. Enfin, elles visent à mieux réinsérer les personnes condamnées, car nous savons combien l’exécution d’une peine dans un environnement social familier contribue à une meilleure réinsertion sociale.
J’en viens aux deux directives également transposées par ce texte. L’une d’entre elles porte sur l’application, dans n’importe quel État, et donc dans l’État de résidence, d’une décision de protection des victimes. Par exemple, lorsque, pour protéger la victime, tout contact avec l’auteur des actes doit être évité, tout État est tenu de s’assurer de l’application de cette disposition.
L’autre directive porte sur les normes minimales de droit, de soutien et de protection pour les victimes. Elles figurent déjà, pour la plupart, dans notre droit pénal mais elles s’appliqueront désormais à l’ensemble des États européens. Pour celles qui ne figuraient pas dans notre droit pénal, nous les avons nous-mêmes appliquées puisque j’ai lancé dès janvier 2014, dans sept tribunaux de grande instance, une expérimentation visant à mettre en place, à partir d’évaluations très personnalisées des victimes, un accompagnement et un soutien très adapté et, surtout, à prévenir les risques de double victimisation.
Nous avons reçu le bilan de l’expérimentation : il est suffisamment positif pour rendre judicieuse la généralisation de telles mesures. Avec la transposition de la directive dans notre droit pénal, il sera donc possible d’apporter un accompagnement individualisé aux victimes. Bien entendu, cela suppose des moyens, que nous avons veillé à assurer en augmentant régulièrement le budget de l’aide aux victimes.
De même, nous avons créé un bureau d’aide aux victimes dans chacun des tribunaux de grande instance. Les éléments que l’expérimentation nous a permis de recueillir à l’échelle réelle montrent que la prévention, notamment, tire largement bénéfice d’un accompagnement individuel.
Pour les victimes d’infractions particulières telles que les violences conjugales, la généralisation du téléphone « grand danger » permet également ce suivi très personnalisé. Nous avons surtout prévu un suivi pluridisciplinaire – les associations de victimes le font très bien – ainsi que des consultations de juristes destinées à apporter les réponses les plus précises possibles aux attentes des victimes. Telles sont les principales dispositions du projet de loi en matière de transposition des textes européens.
Nous en avons profité pour vous proposer de modifier le régime du huis-clos dans les audiences pénales afin de protéger les témoins, notamment en cas d’infractions graves telles que les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, la criminalité ou la délinquance organisées.
En effet, dans ces procédures très fortement médiatisées, qui frappent directement les consciences et suscitent une vive émotion, les témoins sont souvent fortement exposés. Le procès pénal de l’année dernière relatif au génocide au Rwanda en offre d’ailleurs un exemple. Or, dans notre procédure pénale, le huis-clos a été pensé d’une part pour assurer la sérénité des débats, et d’autre part pour protéger les parties ; il n’a pas été conçu pour protéger les témoins ou leurs proches.
Ce projet de loi vous propose donc de concilier la nécessaire publicité du débat et la tout aussi nécessaire protection des témoins en réservant le huis clos à leur audition et, bien entendu, en évitant de communiquer leur identité, dans le contenu des décisions publiques aussi bien que lors des audiences.
Enfin, le Gouvernement a déposé un amendement sur lequel nous reviendrons ultérieurement à l’occasion de l’examen des articles. Il tire enseignement d’événements extrêmement douloureux que nous avons vécus il y a quelques mois, à Villefontaine et à Rennes, lorsque des enfants placés sous l’autorité d’enseignants, ont subi des agressions sexuelles.
Lorsque nous avons eu connaissance de ces événements tragiques, la ministre de l’éducation nationale et moi-même avons immédiatement diligenté une double inspection de nos administrations respectives. Nous avons également réuni les recteurs et les procureurs généraux au sein d’un groupe de travail placé sous l’autorité de la direction des affaires criminelles et des grâces. Nous avons, en outre, lancé l’élaboration d’un guide méthodologique à l’usage des personnels de l’éducation nationale, mais également des personnels d’autres administrations – notamment ceux du ministère en charge de la jeunesse et des sports – ainsi que, bien entendu, à l’usage des parquets.
Cet amendement – qui concerne la transmission d’informations de l’autorité judiciaire à l’autorité scolaire, mais également à toute administration exerçant une tutelle sur des personnels ayant des contacts habituels avec des mineurs – répond à la nécessité d’inscrire de nouvelles dispositions dans la loi.
L’objectif est de veiller à ce que les administrations de tutelle soient informées à temps, et avec la précision suffisante, pour prendre, dans un premier temps, les mesures conservatoires nécessaires, et dans un second temps, les sanctions qu’appellent une éventuelle décision de justice.
Nous avons déjà diffusé, auprès de parquets généraux et des parquets, des circulaires visant à leur demander d’effectuer ce travail de transmission, mais il s’est avéré que ces consignes – qui avaient bien entendu un caractère général – ont été inégalement appliquées.
À y regarder de plus près, il paraissait nécessaire d’introduire des modifications législatives pour donner plus de force juridique à la consigne donnée à l’autorité judiciaire d’informer les administrations. Deux normes essentielles, touchant à deux grands principes de notre droit, sont en effet en jeu : la première figure à l’article 11 du code procédure pénale et concerne le secret de l’enquête, de l’instruction et du délibéré ; la seconde figure au III de l’article préliminaire du même code et concerne la présomption d’innocence.
Nous vous proposerons donc un amendement tendant à modifier ces dispositions. Celui-ci répond à trois questions essentielles : à quel moment l’information doit-elle être communiquée aux administrations de tutelle ? Quelles sont les personnes concernées ? Quelle sera le champ infractionnel retenu, c’est-à-dire les infractions pour lesquelles il faut effectuer cette communication ?
Une procédure judiciaire se décompose en trois séquences ou étapes : l’enquête, la décision de poursuivre et le jugement – lequel comporte éventuellement une condamnation. Or des dispositions vous seront proposées, sous forme d’obligations ou de facultés, dont l’application concerne chacune de ces étapes.
Concernant le champ infractionnel, il est constitué, bien entendu, de toutes les violences sexuelles perpétrées à l’encontre de mineurs, mais aussi d’autres infractions dont ils peuvent être victimes : la liste vous en sera communiquée. Les parquets pourront, s’agissant d’autres infractions, apprécier les faits et estimer s’il y a également lieu d’effectuer une transmission.
Quant aux personnes concernées, il s’agit évidemment de celles qui, dans le cadre de leur profession ou de leurs activités, ont un contact habituel avec des mineurs. Nous introduisons – il s’agit d’un travail qui débuté il y a trois mois maintenant – dans le logiciel pénal de l’autorité judiciaire, Cassiopée, une alerte informatique qui permettra d’indiquer, en réduisant les risques d’erreurs humaines, les signalements à effectuer.
Tel est, pour l’essentiel, le contenu de ce projet de loi, même si d’autres amendements sont destinés à préciser certains termes et à renforcer la qualité de la transposition des décisions-cadres et des directives. Je sais, par ailleurs, que l’amendement extrêmement important dont je viens sommairement de présenter le contenu doit encore faire l’objet d’ajustements. Nous prendrons tout à l’heure le temps nécessaire pour rédiger le plus précisément possible, et dans le respect des principes fondamentaux de notre droit, les dispositions concernées. Nous le ferons dans le souci de protéger les enfants et de prendre toutes les précautions nécessaires afin de prévenir ou, si elles ont déjà été commises, de mettre un terme à ces agressions. Nous devons en effet aux enfants la première des sécurités : celle dont ils doivent bénéficier lorsque leurs parents nous les confie.
Applaudissements sur les sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, il n’est pas habituel, et certainement pas anodin, que la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche intervienne ainsi dans un débat relatif à la procédure pénale. Une telle circonstance est exceptionnelle, vous en conviendrez, et nous souhaitons tous qu’elle le demeure.
Mon intervention aujourd’hui, aux côtés de la garde des sceaux, est précisément justifiée par la gravité des faits qui ont été portés à notre connaissance à la fin du mois de mars dernier, lorsque nous avons appris avec effroi qu’un directeur d’école primaire, déjà condamné en 2006 pour des faits de prédation sexuelle, était soupçonné de plusieurs agissements sexuels commis dans une école de Villefontaine.
À ce jour, dans cette affaire, soixante-et-une victimes potentielles se sont fait connaître. Il n’est pas utile que je m’attarde sur les faits sur lesquels portent les accusations : imaginer un enfant abusé sexuellement, qui plus est au sein de ce qui ne devrait jamais cesser d’être un sanctuaire, l’école, est tout bonnement insoutenable.
Quelques jours plus tard, à Orgères, près de Rennes, alors que nous étions encore sonnés par l’affaire de Villefontaine, nous découvrions qu’un autre professeur, lui aussi condamné quelques années auparavant, continuait à enseigner alors même qu’il était visé par une procédure pour corruption de mineurs de moins de quinze ans.
Chacun s’est alors demandé : comment des personnels condamnés pour des délits de nature sexuelle ont-il pu continuer à enseigner ? Comment est-il possible que des condamnations intervenues par le passé à l’encontre de ces deux personnes n’aient pas été connues de leur employeur, le ministère de l’éducation nationale ? Dans le cas d’Orgères, comment un enseignant qui avait déjà été condamné mais qui était visé par une procédure en cours, a-t-il pu continuer à enseigner sans que nul n’en soit informé ?
La garde des sceaux l’a dit : dès que les faits ont été connus, à Villefontaine puis à Orgères, nos services ont eu une réaction que je crois à la hauteur des faits. Le jour même de l’interpellation du directeur d’école de Villefontaine, la décision de le suspendre à titre conservatoire a été prise. J’ai moi-même signé, quelques jours plus tard, au début du mois d’avril, sa révocation définitive.
Sur place, un plan d’accompagnement médico-psychologique – toujours appliqué aujourd’hui – a été déployé pour soutenir les enfants, les familles et les professionnels. Les frais de consultation psychologique ont été pris en charge par nos soins. Encore aujourd’hui, le rectorat de Grenoble, dont je veux saluer la réactivité exemplaire, accompagne les familles et les professionnels de l’école qui ont tous été terriblement affectés par ces faits.
Avec la garde des sceaux, nous avons pu constater sur place l’émotion puisque nous sommes allées à la rencontre de ces familles et de ces personnels. Mais nous n’avions pas le droit d’en rester au stade de l’émotion : il nous fallait comprendre et décrypter, dans le moindre détail, chacune de nos procédures respectives afin d’en analyser les failles et de connaître les dysfonctionnements ayant pu conduire à de telles situations.
Nous avons alors missionné conjointement l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche et l’inspection générale des services judiciaires, afin qu’elles analysent ensemble les circonstances dans lesquelles l’autorité judiciaire et l’éducation nationale avaient pu, pendant des années, ne pas suffisamment partager des informations aussi essentielles que ces condamnations et mettre en évidence les conséquences à tirer de ces affaires.
Sans attendre même les résultats de cette inspection, nous avons souhaité, le 8 avril dernier, et c’était une première, réunir l’ensemble des procureurs de la République et des recteurs afin de les faire travailler ensemble à l’élaboration de mesures visant à améliorer les transmissions et les modalités communes de travail.
Bien sûr, et je n’ai de cesse de le répéter, car il le faut, l’ignominie de quelques-uns ne doit pas jeter l’opprobre sur nos personnels en qui nous avons confiance et qui effectuent chaque jour auprès des élèves un travail essentiel.
Les cas dont nous parlons aujourd’hui sont fort heureusement rares, mais déjà trop nombreux pour ne pas appeler de notre part la plus énergique des réponses.
C’est l’objet des dispositions qui vous sont proposées. Il s’agira de modifier la loi pour imposer la transmission effective d’informations lorsqu’un agent est mis en cause pour des faits graves, mais, au-delà, de faire changer les pratiques et les procédures pour garantir la sécurité des enfants.
La nécessité de modifier la loi ressort clairement des conclusions provisoires de la mission d’inspection dont nous avons rendu publique la synthèse début mai. De simples circulaires, fussent-elles répétées, n’ont pas suffi à imposer ce principe de transmission systématique des informations graves de l’autorité judiciaire à l’employeur de l’agent condamné. Il y a eu des dysfonctionnements systémiques et organisationnels et il faut en passer par la loi pour fixer des règles claires et précises, qui peuvent se résumer ainsi : aucun adulte pouvant représenter un danger pour nos enfants ne doit pouvoir exercer auprès d’eux. Nous vous proposons donc d’adopter des mesures qui concerneront tous les agents publics et privés en contact avec des mineurs, quel que soit l’employeur, et quel que soit le cadre d’intervention : activités scolaires, périscolaires, activités d’accueil de très jeunes enfants.
Une partie des amendements que nous avons proposés permettent d’ailleurs de garantir la cohérence du cadre global et de réparer des omissions, parfois du législateur lui-même. Par exemple, aucune procédure d’interdiction d’exercice temporaire n’était prévue pour les chefs d’établissement du premier degré de l’enseignement privé condamnés alors qu’il y en avait une pour les autres catégories de personnels. Nous profitons de ce texte pour réparer cette omission.
Ce que nous ont appris les événements de Villefontaine, c’est la nécessité d’avoir une approche globale, qui faisait défaut, dans laquelle les règles sont connues de tous et transparentes.
Avec les amendements que nous déposons, nous souhaitons ainsi, pour une liste d’infractions définies, que l’autorité judiciaire soit obligée d’informer les autorités administratives d’un renvoi devant une juridiction, d’une mise en examen ou d’une condamnation lorsqu’une personne exerçant une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs est concernée. Ces mesures sont indispensables pour qu’en aval, les procédures administratives soient engagées, mesures conservatoires, bien sûr, mais aussi procédures disciplinaires.
Nous avons souhaité également que le contrôle des bulletins no 2 des casiers judiciaires puisse intervenir non plus uniquement lors du recrutement des fonctionnaires mais dans le cours de leur carrière. À ce jour, le contrôle n’était autorisé que pour le seul fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, le FIJAISV, il ne l’était pas pour les B2. La mission d’inspection, qui nous rendra ses conclusions définitives début juillet, nous dira comment organiser un tel contrôle sur les agents publics, dans quelles conditions et avec quelles garanties, mais il nous a semblé déjà nécessaire de lever le frein qui limitait notre capacité à pouvoir repérer d’éventuels cas d’agents publics qui auraient été condamnés ces dernières années sans avoir fait l’objet d’un signalement à leur administration.
Pour que les pratiques changent réellement, il faudra faire en sorte que, si vous en acceptez le principe, cette loi soit incarnée et appliquée au plus vite. Pour ce qui concerne mon ministère, je présenterai dès le 6 juillet aux recteurs le travail réalisé avec les services de la garde des sceaux, et nous arrêterons les modalités opérationnelles à mettre en place pour la rentrée. Ainsi, dès septembre 2015, dans chaque académie, un référent justice placé auprès de chaque recteur sera formé et assermenté pour pouvoir recevoir l’ensemble des informations que les services judiciaires lui transmettront. Ce référent travaillera en étroite collaboration avec les services compétents pour que, dans le respect du droit et de la présomption d’innocence – nous y sommes tous attachés –, les précautions indispensables soient prises en cas de suspicion, et que les mesures conservatoires ou sanctions disciplinaires soient appliquées en cas de mise en examen ou de condamnation.
Parce qu’il faut des procédures efficaces mais aussi connues de tous, nous envisageons, si vous adoptez ce projet de loi, qu’un guide complet sur les procédures d’échanges d’informations soit diffusé à nos services chargés de traiter ces situations.
J’ai toute confiance dans les équipes de l’éducation nationale car elles ont démontré ces dernières semaines leur réactivité et leur capacité à collaborer avec les services de l’intérieur et de la justice pour protéger les enfants. Elles ont su aussi, sur des affaires délicates où, malheureusement, certains ont pu instrumentaliser des accusations graves de nature sexuelle sur mineurs, soutenir les personnels injustement incriminés.
Il convient en effet, et c’est tout l’équilibre que nous avons voulu construire, de faire preuve d’un grand discernement sur ces affaires pour ne pas, comme cela a pu être le cas dans le passé lors de grands procès médiatiques, briser la vie de personnes innocentes par des accusations infondées. Ce discernement et cette fermeté conjugués sont indispensables pour que chacun soit protégé.
Depuis le début du mois de juin, quinze cas de suspicions d’agissements de nature sexuelle contre des élèves ont été portés à ma connaissance. Villefontaine a clairement levé un tabou, c’est une bonne chose, mais il y a parmi ces remontées des accusations infondées, qui peuvent mettre en danger nos personnels.
Pour chacune de ces situations, les personnels compétents ont réfléchi à une solution individualisée pour protéger les enfants quand cela était nécessaire ou pour protéger l’agent, que nous ne pouvons laisser seul face à la vindicte populaire alors même que les services de police ou de gendarmerie ou encore le procureur nous ont alertés en soulignant la fantaisie des faits reprochés.
J’ai toute confiance dans les personnels compétents et aguerris de l’éducation nationale, appuyés par nos services en centrale, pour prendre les mesures adaptées à chaque situation. Nous parlons de mesures conservatoires, notamment de suspension, pour protéger les enfants, protéger les agents et éviter des troubles à l’ordre public. Nous parlons aussi des sanctions disciplinaires, encadrées, proportionnelles, prises de façon collective avec toutes les conditions pour que l’agent incriminé puisse disposer de tous ses droits et bénéficier des procédures contradictoires en vigueur. Être informé au plus tôt permettra d’agir de la façon la plus adaptée à chaque situation, qui est différente et dont personne ne doit oublier la dimension profondément humaine.
En parallèle, j’ai également engagé le travail de révision de notre procédure de remontée des faits graves au sein de l’éducation nationale. On doit, je l’ai souligné, réfléchir de manière globale : à côté des faits odieux dont nous parlons aujourd’hui, il y a d’autres faits, d’autres violences, entre élèves parfois, pour lesquels notre réponse doit avoir la même efficacité, qu’il s’agisse de protéger les victimes ou de prendre les mesures adéquates, comme le signalement auprès du procureur, en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale.
Je veux le rappeler parce qu’on a parfois tendance à l’oublier, depuis quelques années, nos personnels ont fait de gros efforts sur la prise en charge des victimes et le suivi des équipes en difficulté, en mettant en place des interventions adaptées en cas de crise grave et en améliorant l’articulation avec les services des ministères de l’intérieur et de la justice mais aussi avec les collectivités locales dans le cadre de la protection de l’enfance en danger. Vous-mêmes, dans la proposition de loi relative à la protection de l’enfance, vous avez apporté des améliorations utiles pour le travail des services sur le terrain, et je vous en remercie.
Cela dit, l’ensemble des dispositions que nous soumettrons à votre vote seraient bien imparfaites si nous ne nous préoccupions pas de prévenir le plus possible les violences. C’est tout le travail effectué autour du plan de prévention des violences déployé dans les établissements depuis quelques années, que nous enrichissons progressivement avec des formations pour mieux gérer les conflits et répondre aux violences qui peuvent exister.
Cela passe aussi par le repérage de ce qu’on pourrait appeler les signaux faibles. J’ai donné comme instruction à nos cadres en académie de travailler avec les chefs d’établissement et leurs équipes là où un climat dégradé et donc à risque s’est installé ou peine à être contenu.
C’est bien une prévention globale et systémique à laquelle je pense, prévention qui doit se faire non pas de façon isolée dans les rectorats, mais en partenariat avec les autres ministères, les collectivités et les associations pour que, avec des mots adaptés, on alerte les enfants sur les maltraitances qu’ils peuvent subir, on les informe sur leurs droits, le respect de leur intégrité, les ressources qu’ils peuvent trouver pour sortir de situations de violences, qui, vous le savez bien, dans leur très grande majorité, sont commises dans l’entourage proche de l’enfant.
Notre rôle de repérage de ces souffrances et de ces maltraitances est essentiel. Chaque enfant doit savoir qu’aucun adulte et aucun de ses camarades ne peut lui faire du mal, le blesser, le violenter ou l’agresser sexuellement.
Les amendements que nous vous proposerons d’adopter sont inspirés par cette philosophie équilibrée, cette approche globale que j’ai essayé de vous présenter, qui associe la fermeté dans la réponse, la systématisation dans les procédures et le discernement dont on a déjà fait preuve sur le terrain.
Ces mesures, nous les devons aux enfants, aux parents et aux professionnels, inquiets après cette série de révélations. Il faut assurer la sérénité de tous, notamment au sein de l’école. Je vous remercie par avance de les adopter et je remercie au passage Mme la garde des sceaux pour le travail excellent que nous avons réalisé main dans la main.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le texte que j’ai l’honneur de rapporter devant vous est un texte pénal qui a de nombreux aspects.
Il s’agit d’abord, vous l’avez rappelé, madame la ministre de la justice, de la transposition de trois directives pénales – une directive de 2008 sur la probation, une directive de 2009 sur le contrôle judiciaire, une directive de 2009 sur les conflits de compétences – et de textes sur les protections des victimes. Ces textes sont désormais transposés et ils représentent la plus grande partie de ce projet. Ils ont une grande importance symbolique. Ils traduisent l’effort permanent de l’Union européenne pour constituer un droit pénal européen. Ils sont le pendant du mandat d’arrêt européen.
Cet effort permanent pour constituer un droit pénal européen, un droit de procédure pénale européen, ce qui est extrêmement difficile, se traduit dans les textes par la difficulté même de la langue. Si je voulais caricaturer, je vous dirais qu’ils sont écrits en européen et non pas tout à fait en français, avec une lourdeur particulière du style et des périphrases, de façon que chaque terme, chaque membre de phrase puisse être compris dans les différentes langues de l’Union européenne, dans ses différentes institutions et ses différentes procédures. Pour autant, ces textes, d’une grande importance symbolique, nous devons les adopter pour adapter le droit à la réalité européenne.
À cette grande importance symbolique répondra vraisemblablement une faible importance numérique. Ces textes seront d’application assez peu fréquente statistiquement parlant, à l’instar du mandat européen – autour de mille mandats reçus et émis par an.
Au-delà de ce premier volet, le texte que nous vous présentons a aussi pour objet de mettre à jour certains aspects de notre procédure pénale. C’est ainsi qu’ont été adoptées par la commission des recommandations issues de la Cour de cassation visant essentiellement à régler des questions de délai et de point de départ de délais.
Troisièmement, notre commission a adopté des dispositions visant à parfaire nos dispositifs de lutte contre la surpopulation carcérale, à faciliter au procureur de la République le placement sous contrôle judiciaire, à faciliter l’aménagement des peines pour le juge d’application des peines et à étendre les pouvoirs du procureur de la République de citer à un peu plus de distance, pour éviter l’incarcération et faciliter le placement sous contrôle judiciaire.
Quatrièmement, ce texte témoigne d’un souci particulier porté aux victimes, par le biais d’une disposition appelée la « suramende ». Elle est une possibilité pour le juge de prononcer un complément d’amende, allant de 1 à 10 % du montant de l’amende principale, au profit des associations d’aide aux victimes, lesquelles ont bénéficié d’un soutien tout particulier de la chancellerie puisque leurs subventions ont été augmentées, tout comme le nombre de bureaux d’aide aux victimes, qu’elles contribuent très souvent à faire fonctionner. Aujourd’hui, nous sommes très près de couvrir l’ensemble des tribunaux de grande instance. Cela représente un effort très important, quand la situation des victimes doit faire l’objet de toute notre attention.
Cette disposition, qui me paraît nécessaire, avait été adoptée dans la réforme pénale du 15 août 2014, avant d’être annulée par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’une atteinte au principe d’individualisation des peines, étant donné que le taux de la suramende était fixe. La rédaction que nous allons vous proposer permet de répondre à cette critique et met le texte à l’abri d’un tel reproche.
Le texte comporte des dispositions d’adaptation relativement à des questions qui se sont posées notamment à l’occasion de l’annulation par le Conseil constitutionnel de la possibilité de prononcer une garde à vue de quatre-vingt-seize heures, dès l’instant où l’on avait affaire à de la criminalité organisée qui ne concerne que des atteintes aux biens. Un certain nombre de possibilités sont rétablies, dans le respect de la décision du Conseil constitutionnel. Il contient également des dispositions diverses, pour que le droit s’applique de la façon la plus semblable possible sur l’ensemble du territoire français. Une proposition d’amendement vise notamment à créer un service pénitentiaire d’insertion et de probation – SPIP – à Saint-Pierre et Miquelon.
Enfin, le dernier volet du texte, qui n’est pas le moindre, est celui dont nous ont parlé Mmes la garde des sceaux et la ministre de l’éducation nationale : la répression des agressions sexuelles à l’encontre de mineurs, qu’elles soient commises au sein de l’Éducation nationale ou dans les institutions, associations ou clubs où l’on s’occupe de mineurs.
Le dispositif vous a été explicité par Mme la ministre. Elle vous en a dit toute la nécessité et combien nous sommes responsables de la protection de ces enfants. Dans les lieux où l’on dispense l’éducation, qu’elle soit nationale, sportive, religieuse ou laïque, dans tous ces endroits, les enfants doivent être en sécurité et à l’abri de prédateurs.
Notre système actuel a fait la démonstration de ses failles contre lesquelles nous devons résolument lutter, tout en nous tenant sur cette ligne de crête si ardue, entre le respect des principes d’une part et d’autre part le souci de ne pas porter gravement atteinte à des personnes qui ne sont pas encore définitivement condamnées et dont une petite fraction pourrait se trouver innocentée au terme de la procédure. Je pense que nos débats nous permettront de trouver cette ligne de crête si difficile à suivre.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour l’examen du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne. Le texte, déjà examiné par nos collègues sénateurs, vise à transposer trois décisions-cadres et deux directives européennes, chacune relative à la procédure pénale à l’échelon européen. Il s’inscrit donc tout à fait dans le cadre de la thématique européenne qui est la nôtre aujourd’hui.
Ce projet de loi contient trois grands objectifs. Le premier correspond à la décision-cadre du 30 novembre 2009. Cette décision permettrait d’éviter que des poursuites parallèles soient menées dans des États membres au sujet des mêmes faits et des mêmes personnes. Cet objectif s’inscrit dans le respect du principe juridique « non bis in idem » qui veut que nul ne soit jugé deux fois pour les mêmes crimes. On retrouve notamment ce principe à l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux. Pour prévenir ces doublons juridiques, le projet de loi prévoit dans son article 1er des mesures d’échange d’informations entre les autorités poursuivantes des différents États.
Le deuxième objectif correspond aux décisions-cadres du 27 novembre 2008 et du 23 octobre 2009. L’idée est d’appliquer en France et dans les autres pays membres le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions de contrôle judiciaire, ainsi que des mesures probatoires prononcées dans un pays donné, mais exécutées dans un autre pays. C’est-à-dire que les décisions prises à l’encontre d’un citoyen de l’Union européenne, dans un pays qui n’est pas son lieu de résidence, pourraient être exécutées dans son pays d’origine, en restant conformes au droit du pays donné et sans aller à l’encontre de la volonté de la personne condamnée. Le projet de loi transpose dans son article 2 la décision-cadre relative aux décisions de contrôle judiciaire et dans son article 3 la décision-cadre relative aux mesures probatoires.
Enfin, le troisième objectif correspond aux directives du 13 décembre 2011 et du 25 novembre 2013. Le but recherché ici est de mettre en place une reconnaissance mutuelle des décisions de protection européenne des victimes. Cette mesure particulière permettrait aux victimes de certaines violences de pouvoir bénéficier des mesures de protection mises en place par leur pays, y compris lors de leurs déplacements. Des normes minimales relatives au respect du droit des victimes en matière de procédure pénale seraient également mises en oeuvre. Ainsi, l’article 4 bis transpose la directive relative aux décisions de protection européenne et l’article 4 ter transpose la directive établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes.
Afin d’assurer le financement d’une telle protection des victimes, notre commission des lois a adopté un nouvel article 4 quater qui vise à reprendre la loi du 15 août 2014, en instaurant une amende au profit des associations de victimes. Le taux de cette contribution est fixé à 10 % des sanctions pécuniaires prononcées. Toutefois, au nom du principe de l’individualisation des peines, le juge reste libre de modifier cette amende au cas par cas ou, le cas échéant, d’y déroger.
Nous sommes conscients de la double nécessité d’adopter ce projet de loi. Tout d’abord, il est urgent que nous transposions dans notre droit national l’ensemble des décisions européennes dont il est question ici. En effet, les trois décisions-cadres visées auraient dû être respectivement transposées avant le 6 décembre 2011, le 15 juin 2012 et le 1erdécembre 2012. Nous avons également dépassé le délai pour l’une des directives qui aurait dû être transposée au plus tard le 21 décembre 2013. Remédier à ce problème doit donc être l’une de nos priorités, sans quoi notre pays pourrait faire l’objet d’une condamnation de la part de la Cour de justice de l’Union européenne, en application de l’article 258 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Je regrette d’autant plus ce retard que, sous le gouvernement actuel, la France a accompli de notables progrès en matière de transposition. En effet, nous avons su passer de cinquante-six directives non transposées en 2002 à seulement sept en octobre 2014. Nous sommes satisfaits de constater que plus aucune directive n’est transposée avec un retard de plus de deux ans. Pour cette raison, nous nous devons d’adopter ce projet de loi dans les plus brefs délais.
Toutefois, il n’y a pas que nos engagements internationaux qui me poussent à voter ce texte. En effet, ce projet de loi présente une portée symbolique importante, comme l’a rappelé le rapporteur en commission des lois. Il apporte des éléments de réponse à des problèmes de fond comme la sécurité, la protection de nos concitoyens et le respect des droits de chacun. L’Union européenne, notamment lors du programme de La Haye, a affirmé la volonté de créer un espace de sécurité, de liberté et de justice. Dès lors, il est indispensable qu’il y ait de la part des États membres une compréhension identique, du moins dans ses éléments essentiels, des notions de liberté, de sécurité et de justice. Il faut que cette compréhension repose sur des valeurs qui sont les nôtres, c’est-à-dire les principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit. Le projet de loi dont il est question aujourd’hui procède de cet objectif puisque son principal but est le maintien et le développement d’un véritable espace pénal européen.
Bien sûr, ce ne sont pas les premières démarches visant à créer cet espace pénal européen. Par exemple, dès 1998, le principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale avait été évoqué lors du Conseil européen de Cardiff. Ce principe avait ensuite été repris dans les conclusions du traité de Tampere en 1999. En matière de lutte contre les actes criminels, avait été créé, par une décision de 2002, l’organe institutionnel Eurojust qui siège à La Haye et dont la mission est de faciliter la coopération judiciaire en vue de prévenir les crimes les plus graves comme le trafic d’êtres humains, de drogues, le blanchiment d’argent ou le terrorisme.
Toutefois, c’est pour la première fois lors de la signature du traité de Lisbonne que cet espace pénal européen a réellement vu le jour. Ce traité a été ratifié en 2007 et est entré en vigueur en 2009 : il est plus que temps de renforcer les dispositions et dispositifs que cet espace comporte. De plus, la coopération policière et pénale européenne, qui résultera de l’application des dispositions du projet de loi, assurera à nos concitoyens un maximum de sécurité. Je pense que, dans le climat actuel, cela est loin d’être négligeable. En ce qui concerne le sort des victimes de violences, le programme de Stockholm invitait les États membres à créer un espace de sûreté pour l’ensemble des citoyens européens.
Le principe de reconnaissance mutuelle ne doit pas s’appliquer seulement aux peines et aux décisions de sanction, mais également aux mesures de protection et d’aide qui peuvent, et qui doivent être apportées aux victimes. Je pense, par exemple, aux femmes victimes de violences. L’Union européenne avait, en 2009, enjoint les États membres à renforcer leur législation en matière de lutte contre toutes les violences faites aux femmes et à mener des actions pour s’attaquer à la cause de ces violences. Harmoniser ces législations et ces politiques pour la défense des droits de chacun et pour la protection des victimes est donc l’une des pierres angulaires d’un espace de sécurité et de justice commun.
Comme vous le savez, les radicaux de gauche ont toujours été profondément attachés à l’Union européenne et à la mise en place de dispositions communes entre les États membres. Rappeler notre attachement à l’Europe et à la solidarité entre ses États n’est pas superfétatoire ces temps-ci.
Nous avons par ailleurs présenté un amendement relatif au personnel pénitentiaire d’insertion et de probation et à l’extension pour Saint-Pierre et Miquelon des dispositions applicables à l’ensemble du territoire français.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe des radicaux, républicains, démocrates et progressistes que je représente aujourd’hui votera en faveur de ce texte.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi qui vise à transposer dans notre droit des décisions-cadres et des directives européennes est nécessaire et urgent. Urgent, parce que le retard pris dans la transposition de ces textes place la France sous la menace d’actions en manquement engagées devant la Cour de justice de l’Union européenne par la Commission européenne. Nécessaire, puisqu’il renforce l’application effective de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice, pierre angulaire du rapprochement des législations pénales en vue d’une meilleure efficacité. L’objectif d’harmonisation minimale des législations pénales au niveau européen passe nécessairement par la diminution des contradictions entre législations nationales.
Les dispositifs transposés améliorent la coordination entre les magistrats des différents États membres et étendent le champ des décisions de procédures pénales susceptibles d’être exécutées dans un autre État que celui qui les a prononcées. Le projet de loi organise ainsi la reconnaissance mutuelle des décisions de probation, afin de les rendre exécutoires et applicables dans n’importe quel pays européen.
En outre, il prévoit des mesures de contrôle judiciaire en tant qu’alternatives à la détention provisoire. Là aussi, il s’agit de faire appliquer le principe de reconnaissance mutuelle, en permettant que les mesures de placement sous contrôle judiciaire et d’astreintes décidées par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention soient reconnues dans les autres pays de l’Union européenne. Le texte renforce par ailleurs l’effectivité du principe « non bis in idem », aux termes duquel nul ne peut être condamné deux fois pour les mêmes actes, en prévoyant des dispositions relatives à la prévention et au règlement des conflits, lorsqu’un État menant une procédure pénale a des raisons de penser que la même procédure peut être ouverte dans un autre État.
Depuis le début de son examen au Sénat, le projet de loi a été enrichi de manière significative. Nous soutenons les différents articles insérés à l’initiative de notre rapporteur, Dominique Raimbourg, car ils tendent à assurer la mise en oeuvre de l’encellulement individuel, à favoriser les alternatives à l’emprisonnement ou encore la personnalisation des peines. Le texte prévoit notamment la conversion des peines d’emprisonnement de six mois au plus en sursis avec mise à l’épreuve ou en contrainte pénale, et la prise en compte de la surpopulation carcérale, par le juge de l’application des peines, dans l’octroi des réductions supplémentaires de peines.
De même, nous soutenons les différentes dispositions renforçant les droits des victimes et, plus largement, l’aide aux victimes, et notons des avancées notables : reconnaissance mutuelle, au sein de l’Union européenne, des décisions de protection en leur faveur ; création d’une infraction visant à punir le non-respect de plusieurs obligations imposées par un juge des libertés et de la détention en application d’une mesure de protection européenne ; généralisation du droit pour la victime à être accompagnée à tous les stades de l’enquête ; évaluation personnalisée de la victime, destinée à déterminer si elle a besoin, au cours de la procédure, de mesures spécifiques de protection. Nous soutenons également le principe d’une majoration des amendes au profit de l’aide aux victimes – il s’agit de la réécriture d’une disposition de la réforme pénale de 2014, censurée par le Conseil constitutionnel en raison de son caractère automatique.
Enfin, comme tous les groupes de notre Assemblée, nous sommes favorables au renforcement de la protection des enfants et à l’interdiction pour les auteurs d’agression sexuelle d’exercer une profession en lien avec des mineurs. Comme cela a été souligné lors de l’examen du texte en commission, chacun reconnaît que la protection des enfants vis-à-vis des prédateurs sexuels a un champ très large, qui va de la détention d’images pédopornographiques jusqu’au viol. Les personnels de l’éducation nationale ne sont pas les seuls concernés : toutes les personnes qui, dans l’exercice de leur profession, dans un cadre associatif, sportif ou autre, sont en lien avec des mineurs le sont aussi.
À l’occasion d’événements particulièrement douloureux qui ont été rappelés tout à l’heure, de très graves dysfonctionnements dans l’échange d’informations entre l’autorité judiciaire et l’institution scolaire ont été mis en lumière ces derniers mois, et vous imposent aujourd’hui, mesdames les ministres, de prendre de nouvelles dispositions visant à garantir une obligation de transmission d’informations par l’autorité judiciaire aux administrations de tutelle. C’est pourquoi, comme l’a dit notre rapporteur à la fin de son intervention, il importe de trouver à cet égard, lors de la discussion des amendements, la meilleure rédaction possible, dans le respect de nos principes fondamentaux, en particulier de la présomption d’innocence.
Toutes ces raisons amèneront les députés du Front de gauche à voter ce projet de loi.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, ce texte porte « adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne ». Nous avons eu déjà l’occasion d’examiner diverses dispositions d’adaptation. Dans le domaine de la justice, je pense à une loi du 5 août 2013, ainsi qu’à une loi du 27 mai 2014 relative à l’information dans le cadre des procédures pénales.
Il s’agit aujourd’hui de la même démarche. Nous avons mis du temps, mais ce n’est pas notre faute si le retard est conséquent. Nous nous y attaquons ce soir, et c’est là l’essentiel. Pas à pas, nous construisons l’espace pénal européen, mettant à la fois notre législation en conformité avec nos engagements européens tout en écrivant une procédure pénale beaucoup conforme aux standards européens. À cet effet, nous transcrivons dans le code de procédure pénale trois décisions-cadres et une directive du 13 décembre 2011 qui concerne les normes relatives aux conditions applicables aux ressortissants des pays tiers ou aux apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale.
Cent vingt et un articles du code de procédure seront modifiés au terme du vote de ce projet de loi. Nous en constaterons très vite les apports pour les ressortissants de l’Union européenne, particulièrement pour ceux des zones frontalières, pour qui plusieurs dispositions nouvelles seront extrêmement utiles : ils pourront dorénavant, par exemple, voir exécuter des mesures de protection judiciaire dans leur pays, alors que l’impossibilité d’une telle pratique conduisait jusqu’alors à une incarcération.
C’est un texte urgent, nous l’avons tous rappelé. Mais je tiens à redire que nous avons rattrapé notre retard en termes de transposition : il est inférieur à six mois en France, soit deux mois de moins que la moyenne dans l’Union européenne. Quand il y a une bonne nouvelle, il ne faut pas omettre de la signaler. Je félicite à ce sujet le rapporteur, M. Dominique Raimbourg, qui, comme à son habitude, a méticuleusement veillé à ce que les transpositions soient fidèles…
…mais sans surtransposer.
Pas à pas, nous construisons ainsi le droit pénal européen. Il est difficile à mettre en place du fait de législations nationales différentes, parfois même contradictoires, et qui n’ont pas toujours les mêmes fondements juridiques. Nous avons vérifié, à l’occasion de l’examen de plusieurs espèces, qu’il y a des fragilités liées au fait que le droit pénal européen n’a été traité ces dernières années que par petites touches, sans cohérence. C’est le cas, par exemple, du mandat d’arrêt européen : il repose exclusivement sur la confiance entre les États, et son application peut réellement être mise à mal du fait de législations beaucoup trop différentes dans leurs fondements. Sa mise à exécution peut, dans certains cas, avoir des conséquences dramatiques car les autorités judiciaires françaises n’ont aucun pouvoir de contrôle sur son application.
Mais nous franchissons cette fois-ci un pas important puisque nous étendons à notre législation pénale nationale de véritables principes en matière d’aide judiciaire et de reconnaissance mutuelle des décisions de justice. Sur ce dernier point, nous consacrons sur le plan européen le respect du principe Non bis in idem, c’est-à-dire qu’aucun individu ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits. Nous consacrons aussi la possibilité d’exécuter les mesures de contrôle judiciaire et les condamnations et décisions probatoires dans un autre pays de l’Union, avec toutes les adaptations nécessaires, notamment pour les mineurs, ainsi que le recours au suivi par la visio-conférence.
En première lecture, le Sénat a reconnu que ce projet de loi était nécessaire et utile. Le groupe SRC, dont je me fais la porte-parole, estime qu’il va contribuer à l’efficacité de nos politiques pénales et surtout qu’il s’inscrit par toutes ses dispositions, à la fois dans la forme et dans l’esprit, dans la lignée de la grande réforme pénale du 17 août 2014, à savoir la promotion de toutes les mesures efficaces pour lutter contre l’emprisonnement, c’est-à-dire de toutes les mesures qui permettent de lutter contre la récidive. Nous sommes satisfaits que le souci d’une peine personnalisée, c’est-à-dire d’une peine utile, soit aussi partagé au plan européen.
La commission des lois, réunie le 13 mai 2015, a enrichi le texte.
J’évoquerai en premier lieu un amendement très intéressant de M. Paul Molac, qui vise à préciser que la réparation du préjudice pourrait se faire par l’indemnisation mais aussi par tout autre moyen adapté, y compris par une mesure de justice restaurative. Cette disposition complétera utilement l’article 18 de la loi du 17 août 2014 qui a instauré dans notre droit, pour la première fois en France, la justice restaurative, une mesure très directement inspirée du droit canadien. Il s’agit d’une conception nouvelle, une conception participative de la justice associant la personne condamnée et la victime dans un processus social de réparation, voire de conciliation, afin de rétablir la paix sociale. Nous ne touchons pas avec ce mécanisme à la sanction, dont l’une des finalités est bien sûr toujours de remettre en place, autant que faire se peut, l’équilibre des valeurs qui a été rompu par la commission de l’infraction, mais créons une nouvelle forme de justice qui permettra tant à l’auteur qu’à la victime de participer à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, je pense notamment à la réparation des préjudices.
Nous avons aussi réintroduit la contribution destinée à améliorer l’aide aux victimes. Je salue d’ailleurs le travail de Nathalie Nieson à ce sujet. Pour tenir compte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel, nous voterons un amendement complétif qui tient compte du principe de l’individualisation de la peine en laissant au juge le soin de fixer le quantum de l’amende et de la suramende en fonction de la nature et de la gravité des faits ainsi que de la personnalité de l’auteur. Le dispositif sera donc totalement conforme à la décision du Conseil constitutionnel.
Dans un souci constant de simplification et d’efficacité, la commission des lois a également ouvert la possibilité de prononcer une peine d’accomplissement de stage de citoyenneté, une peine de travail d’intérêt général ou encore de sursis de travail d’intérêt général sans présence du prévenu à l’audience, mais à la condition d’un accord écrit et de sa représentation par un avocat. De même, nous avons limité à deux mois les délais d’appel d’examen des pourvois en cassation, et les délais d’appel à l’encontre des ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel à trois mois. J’ajoute que notre rapporteur a fait voter un amendement visant à faire obligation désormais à la chambre de l’instruction de mentionner l’ensemble des éléments, à charge et à décharge, lorsqu’elle ordonne le renvoi d’une personne devant la cour d’assises. Un amendement de ce type participe au rééquilibrage entre l’accusation et la défense. Toujours dans l’esprit de la loi d’août 2014, notre rapporteur a fait aussi voter un amendement prévoyant que le juge d’application des peines devra prendre en compte la surpopulation carcérale dans ses décisions d’octroi de réduction supplémentaire de peine.
Nous examinerons avec beaucoup de bienveillance la plupart des amendements déposés par le Gouvernement car ils visent à une meilleure prise en compte des victimes et à une amélioration du suivi des personnes prises en charge par les SPIP. S’agissant de l’amendement visant à renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités ou une profession qui implique un contact avec les mineurs, nous partageons à 100 % son analyse sur la nécessité bien sûr de mieux les protéger. Nous pensons que cette mesure de protection pourrait être étendue aux incapables majeurs. Nous devons en tout cas veiller, même si la loi ne peut pas tout, à mieux faire circuler les informations afin d’éviter les drames qui ont été évoqués ce soir par Mme Najat Vallaud-Belkacem. C’est bien à cette fin, en ayant pris le temps des constats et des analyses nécessaires au préalable, que nous partageons avec le Gouvernement la nécessité de revisiter nos textes, plus particulièrement le titre Ier du Livre Ier du code de procédure pénale, portant sur la conduite de la politique pénale, de l’action publique et de l’instruction, en donnant désormais de nouveaux pouvoirs au procureur de la République.
Le moment de l’information, vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, est important, mais la manière d’informer l’est également pour assurer un suivi effectif.
Pour le groupe SRC, la protection des mineurs, c’est-à-dire la protection des plus fragiles, doit irriguer toutes les politiques publiques. C’est indiscutablement une absolue priorité. Pour autant, nous savons qu’il ne faut pas faire des lois de circonstances, des lois d’opportunité, qu’il ne faut pas céder aux émotions ; le temps nécessaire a donc été pris pour trouver une réponse en la matière. Nombre d’entre nous sont bien placés pour savoir quelles peuvent être les limites, les excès et les dérives du fait de légiférer dans l’urgence. Nous devons écrire des textes destinés à durer, dont certains pour protéger les plus fragiles, il ne faut pas jamais l’oublier, et toujours dans le respect des principes fondateurs et cardinaux de notre droit pénal.
C’est donc dans un état d’esprit à la fois constructif, collaboratif et responsable que le groupe SRC votera ce texte.
Applaudissements sur les sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après son examen au Sénat, puis en commission, et compte tenu des ajouts qui lui seront probablement apportés au cours de cette séance, il manque à ce projet de loi quelques éléments susceptibles d’en accorder le titre à son contenu.
À cet égard, qu’il me soit permis d’inviter le Gouvernement et la majorité à aller jusqu’au bout de leur logique car ce texte ne porte pas exclusivement sur l’ « adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne ». C’était certes le projet initial, et nous n’aurions pas alors éprouvé de grandes difficultés à l’adopter, d’autant plus, je dois le souligner, que les dispositions proposées par notre rapporteur auraient permis à ces transpositions de s’effectuer dans des conditions tout à fait convenables.
Mais vous avez pris l’initiative d’ajouter un certain nombre de dispositions, certaines pouvant paraître intéressantes, d’autres plus surprenantes, voire – passez-moi l’expression – baroques. Comme l’a souligné la précédente oratrice, vous utilisez ce véhicule législatif pour traiter des questions importantes, sur lesquelles – en particulier celle concernant la protection de nos enfants – nous sommes bien évidemment d’accord. Néanmoins, tout cela a été fait de telle manière qu’à l’arrivée, le texte s’avère très éloigné de votre ambition initiale et le moins que l’on puisse dire, c’est que la procédure accélérée que vous avez décidée a été appliquée de manière surprenante.
Procédure accélérée signifie en effet une seule lecture devant chaque assemblée. Or, la première lecture ayant eu lieu au Sénat le 5 novembre de l’année dernière, il nous aura fallu attendre sept mois et demi avant de pouvoir traiter une question réputée urgente !
Mais nous voilà aujourd’hui enfin réunis pour discuter de cela – et de bien d’autres choses.
Le projet de loi visait initialement à transposer des décisions-cadres et des directives de l’Union européenne. En la matière, nous sommes tous d’accord, nous sommes en retard, même si des efforts ont été faits – qui ne datent pas d’hier : une accélération avait été tentée et partiellement réussie au cours de la précédente législature. Nous n’allons pas nous rejeter éternellement la responsabilité de ce retard, mais si des textes datant de 2008 et 2009 n’avaient pas été transposés en 2011 et 2012, comme ils auraient dû l’être, pourquoi avoir attendu trois années supplémentaires pour le faire ? Je pense – et certains collègues sont eux aussi intervenus en ce sens – qu’il faudra que nous, aussi bien Parlement que Gouvernement, fassions collectivement preuve de plus de volonté si nous ne voulons pas prendre trop de retard en la matière.
D’autant que la question dont il s’agit est importante, et tient au coeur de nombreux parlementaires, sur tous les bancs. La dynamique engagée lors du Conseil européen de Tampere en 1999 répondait à une belle idée : celle d’instituer un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein de l’Union européenne. Comme nombre de mes collègues, j’ai été particulièrement attentif aux premières étapes : la création d’Eurojust, puis les dispositions tendant à rendre plus cohérentes, plus efficaces et mieux structurées les actions menées par Europol et Eurojust. L’ambition finale, dont nous attendons toujours la concrétisation, est de créer un parquet européen travaillant le plus efficacement possible en vue de lutter contre toute forme de criminalité à l’intérieur des frontières de l’Union, mais aussi d’assurer la protection des données personnelles, civiles et commerciales. Tous ces sujets sont importants. Nous avançons : raison de plus pour ne pas prendre du retard.
Je ne reviendrai pas sur le contenu des trois décisions-cadres qui devaient, initialement, être l’objet exclusif du projet de loi. Je dirai simplement quelques mots sur le troisième texte, relatif à la prévention et au règlement des conflits, qui vise à favoriser – sans pour autant résoudre tous les problèmes – l’application du principe « non bis in idem » : en l’absence de contrainte conduisant au dessaisissement automatique d’un État au profit d’un autre, la procédure qui aboutira la première sur une condamnation définitive sera prise en compte par l’État ayant ouvert une procédure parallèle.
Le Sénat a accepté d’introduire dans le texte des dispositions figurant dans deux autres directives européennes, qui auraient dû être transposées au plus tard fin 2015. Nous sommes donc dans les clous, et nous ne pouvons que vous en donner acte.
Jusque-là, tout va bien : il y a un sujet, des textes à transposer, et cela est plutôt bien fait. On aurait pu s’arrêter là.
Mais il y eut aussi quelques bizarreries. La première concernait les modifications que vous souhaitiez apporter au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Que cela venait-il faire dans ce texte ? Il s’agissait d’une directive communautaire qui aurait dû être transposée au mois de décembre 2013. La commission des lois s’est montrée fort sage – et j’en remercie son président et le rapporteur –, puisqu’elle a opportunément estimé qu’il fallait supprimer ces dispositions, qui n’avaient pas leur place dans le texte.
Et puis, il y a ce que vous avez fait au Sénat, et qui n’était pas anodin. Vous avez en effet voulu introduire deux dispositions par voie d’amendements – lesquels, fort heureusement, n’ont pas été adoptés. Le premier amendement visait à soumettre aux garanties de l’audition libre les auditions conduites par des fonctionnaires dotés de prérogatives d’officiers de police judiciaire. Quant au second, il ne concernait rien de moins que le statut du juge des libertés et de la détention. Heureusement que tout cela n’a pas abouti !
Il y eut aussi, monsieur le rapporteur, – vous en êtes à moitié pardonné puisque vous l’avez reconnu en commission – ce que vous avez vous-même appelé votre « petit forfait » : vous avez pris l’initiative d’inclure dans le texte des modifications de la procédure pénale au regard, non pas du droit européen, mais de certaines réalités.
C’est ainsi que, bien que le Sénat ait déjà délibéré, quatorze articles additionnels ont été adoptés en commission – excusez du peu ! Il eût été plus pertinent de faire autrement, notamment de ne pas utiliser une procédure dont on a vu qu’elle n’était pas si accélérée que cela. Tout cela n’est pas très sérieux.
Si certaines des dispositions qui ont été ajoutées nous paraissent bonnes, ce n’est pas le cas de deux nouveaux articles : l’article 5 octies, qui permet la conversion des peines d’emprisonnement de six mois au plus en sursis avec mise à l’épreuve ou en contrainte pénale, et l’article 5 quaterdecies, qui prévoit la prise en compte de la surpopulation carcérale par le juge de l’application des peines dans l’octroi des réductions supplémentaires de peines. Nous sommes clairement en désaccord sur ce point ; vous l’assumez, et nous aussi. Il est regrettable que ce véhicule législatif serve de cheval de Troie pour introduire de telles dispositions.
Le présent texte ne posait pas de difficulté particulière dans sa version initiale, mais cela a changé au fur et à mesure des ajouts que vous avez faits. Dans l’attente de l’examen des amendements, et des nôtres en particulier, nous resterons par conséquent sur une position prudente, voire un peu réticente, qui pourrait se concrétiser par une abstention non violente,
Sourires
mais une abstention malgré tout, qui exprimerait le regret que nous ressentons face à l’évolution de ce texte.
Pour conclure – il est dommage que le président de la commission des lois ne soit pas là pour l’entendre, mais le vice-président et rapporteur le lui transmettra probablement –,…
…il convient que nous prenions garde à ne pas recourir trop fréquemment à de tels détournements de procédure : accumulation de dispositions n’ayant pas grand-chose à voir avec le texte initial, utilisation de la procédure accélérée dans des conditions surprenantes. J’en parlais hier, dans un autre cadre, avec le rapporteur du texte au Sénat, M. François Zocchetto : du fait de ce qui s’est passé, nos collègues sénateurs découvriront en commission mixte paritaire plus de trois quarts de dispositions nouvelles dans le texte par rapport à la version qu’ils avaient adoptée. Voilà qui pose problème ! Et ce serait la même chose si la première lecture avait eu lieu à l’Assemblée.
Nous regrettons donc ce qui s’est passé et les ajouts auxquels vous avez procédé. Nous restons toutefois à l’écoute et attendons de connaître la position du Gouvernement sur les amendements que nous avons déposés ; l’un d’entre eux a d’ailleurs eu l’heur de plaire au rapporteur.
Nous nous prononcerons donc à la fin de l’examen du texte, avec l’espoir que nos alertes et nos souhaits n’auront pas été ignorés.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes invités, pour la troisième fois au cours de cette législature, à examiner un projet de loi visant à transposer des textes européens dans notre législation pénale.
Comme l’a indiqué notre collègue sénateur et rapporteur François Zocchetto, on ne peut que regretter l’inscription tardive de ce texte à l’ordre du jour, alors même qu’il avait été déposé au Sénat dès le mois d’avril 2014. Cette situation nous oblige, une fois encore, à examiner un projet de loi de transposition dans une certaine précipitation.
Nous sommes en effet sous la menace d’actions en manquement engagées devant la Cour de justice de l’Union européenne par la Commission européenne. Ces textes européens auraient dû être transposés depuis longtemps dans notre droit, avant 2011 pour certains, avant 2012 pour d’autres, et avant décembre 2013 s’agissant de la directive.
Souvenons-nous qu’il y a un an, lors de l’examen du projet de loi relatif au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, cette même urgence nous avait contraints à légiférer dans la précipitation.
Malgré une amélioration dans la transposition des textes européens, le nombre de procédures d’infractions qui touchent la France demeure élevé. En la matière, des progrès sont encore à faire.
Quoi qu’il en soit, en transposant en droit interne trois décisions-cadres et une directive, le présent projet de loi constitue une étape indispensable si l’on veut construire un véritable espace européen et mettre notre législation pénale en conformité avec nos engagements européens. En faisant en sorte que les mêmes règles de procédure s’appliquent aux nationaux des différents États de l’Union, il contribuera à construire un espace juridique pénal européen et donnera une consistance à la construction européenne.
Les dispositifs que transpose le projet de loi visent à donner corps à l’espace judiciaire européen en améliorant la coordination entre les magistrats des différents États membres et en étendant le champ des décisions des procédures pénales susceptibles d’être exécutées dans un autre État que dans celui qui les a prononcées. Ces objectifs sont tout à fait louables. Cependant, l’enjeu d’un tel texte est aussi de procéder à une transposition suffisamment fidèle au droit européen, tout en l’adaptant à notre droit national et sans céder à la tentation de la « surtransposition ». Si le Sénat y était parvenu, nous regrettons que notre commission des lois ait apporté, sur proposition du rapporteur, des modifications substantielles. Prenons garde à ne pas, sous prétexte de transposition, introduire dans le texte des dispositions sans rapport avec le sujet.
L’article 1er transpose une décision-cadre dont l’objectif est de limiter les situations dans lesquelles deux procédures pénales parallèles, portant sur les mêmes faits et mettant en cause les mêmes personnes, seraient conduites indépendamment dans deux États différents. Une telle disposition paraît nécessaire car il n’existe pas, au sein de l’Union européenne, de mécanismes de dessaisissement d’une autorité judiciaire d’un État membre au profit de celle d’un autre État membre. Certaines affaires ont ainsi révélé qu’il pouvait y avoir des confusions lorsque deux juridictions dans deux pays s’intéressaient au même dossier. Il s’agit donc d’apporter une réponse, à l’échelle européenne, à une question qui est résolue, dans notre système judiciaire national, par le mécanisme du dessaisissement d’un juge au profit d’un autre. Le ressort de la procédure proposée est l’échange d’informations, dont on espère qu’il conduira l’un des magistrats enquêteurs à suspendre ses investigations dans l’attente des conclusions de son homologue européen.
Alors que le Gouvernement avait fait le choix d’une transposition a minima, le Sénat a enrichi ces dispositions, d’une part en distinguant mieux les deux phases de la procédure, d’autre part en prévoyant une obligation d’informer les parties de la décision de suspendre les investigations.
Les articles 2 et 3 renforcent la coordination entre les magistrats des différents États membres de l’Union. Ils étendent ainsi le champ des décisions pénales susceptibles d’être exécutées dans un autre État que celui qui les a initialement prononcées.
Le Gouvernement a fait adopter au Sénat deux articles supplémentaires, les articles 4 bis et 4 ter, afin de procéder à la transposition de deux autres directives dont le délai de transposition arrivait à échéance en 2015. La première définit la procédure de reconnaissance, au sein de l’Union européenne, de la décision de protection européenne dont peut bénéficier une victime. La seconde a pour objet d’établir des normes minimales, dans le droit de chaque État membre, pour la protection des victimes d’infractions pénales. Ajouter ainsi deux dispositions supplémentaires nous semble, sur la forme, contestable ; toutefois, il est vrai qu’il s’agit d’améliorer le droit des victimes.
Le Sénat a également introduit les articles 5 bis et 5 ter afin de garantir une sécurité maximale aux procédures judiciaires en cours. Il s’agit d’apporter quelques corrections à deux dispositions du code de procédure pénale rendues nécessaires, l’une par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, rendant impossible le recours à la garde à vue de quatre-vingt-seize heures en matière d’escroquerie en bande organisée et, l’autre, par le nouveau dispositif de la contrainte pénale.
S’agissant de l’article 6 qui allongeait la durée de titre de séjour délivré aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et à étendre aux parents des mineurs non mariés bénéficiaires de cette protection le droit à la délivrance d’un titre de séjour, il ne présentait aucun lien avec les autres dispositions du projet de loi.
En effet, il transposait la directive du 13 décembre 2011 sur l’asile. Notre commission des lois a opportunément supprimé cet article dont les dispositions figurent désormais dans le projet de loi relatif à la réforme de l’asile, en cours d’examen.
Enfin, pas moins de douze nouveaux articles ont été introduits en commission des lois, à l’initiative de M. le rapporteur. Certains portent sur des sujets aussi divers que l’accomplissement d’un stage de citoyenneté, la conversion des peines d’emprisonnement en sursis avec mise à l’épreuve ou en contrainte pénale ou encore l’allongement du délai d’examen des requêtes en dessaisissement d’un parquet.
Monsieur le rapporteur, vous avez d’ailleurs vous-même reconnu en commission utiliser ce véhicule législatif pour introduire des réformes qui dépassent de loin la simple transposition des directives qui sont l’objet de nos débats d’aujourd’hui. Au groupe de l’Union des démocrates et indépendants, nous regrettons un tel procédé.
Même s’il s’agit d’un texte nécessaire au regard de nos engagements européens et utile pour renforcer l’entraide judiciaire européenne, compte tenu des articles ajoutés ainsi par la commission, notre groupe choisira de s’abstenir.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au départ, ce texte est un texte d’adaptation au droit européen. Il vise en effet à transposer plusieurs directives sur la reconnaissance mutuelle entre les pays européens concernant des mesures de justice.
La première directive porte sur l’échange d’information entre pays européens pour savoir quel est le pays responsable. La deuxième vise à permettre d’exécuter une alternative à la détention provisoire dans un autre pays. La troisième a pour objectif de permettre l’exécution d’une alternative à la prison dans un pays tiers.
Ces directives permettront ainsi à un Français d’être sous bracelet électronique sur notre territoire, alors qu’il a été condamné dans un autre pays.
Au Sénat, en commission des lois, ont également été introduites diverses dispositions pour corriger des erreurs dans notre droit. Ainsi, l’article 5 bis modifie les règles de garde à vue pour l’escroquerie en bande organisée et le travail dissimulé, suite à une censure du Conseil constitutionnel.
D’autres améliorations concernent la gestion des scellés, les délais d’examen des appels et pourvois en cassation et le fait que la chambre de l’instruction devra mentionner les éléments à charge et à décharge lors de la mise en accusation.
La correction de ces erreurs, si elle est indispensable, doit nous interroger sur la rapidité avec laquelle nous légiférons. Il semble illusoire de faire la loi à la fois vite et bien, d’accumuler des normes tout en voulant un droit plus simple.
Nous nous félicitons de l’adoption au Sénat de l’article 4 bis, lui aussi fruit de la transposition d’une directive européenne, et qui permettra une meilleure reconnaissance de la protection des victimes. De même, l’article 4 ter transpose une directive sur le droit des victimes, ce qu’il faut ici saluer, même si, les nouveaux droits accordés sont limités, la France étant souvent en avance sur la majorité des pays européens dans le domaine.
Ce n’est pas toujours le cas, mais il semble que nous rattrapions certains retards, n’est-ce pas, monsieur le président de la commission des lois ? Nous pourrions même nous mettre aux standards européens pour ce qui concerne les langues régionales, pardonnez-moi cet aparté.
Sourires.
Il faut se féliciter de l’action du Gouvernement qui, depuis 2012, a une action volontariste en faveur des victimes. En témoigne par exemple la centaine de bureaux d’aide ouverts aux victimes. En témoigne également l’augmentation régulière du budget de l’aide aux victimes depuis trois ans, alors qu’il avait souffert une baisse de 7,2 % entre 2009 et 2012. La réforme pénale de 2014 a également permis une reconnaissance de la justice restaurative, qui permet une meilleure satisfaction des victimes. De son côté, notre commission a adopté une suramende pour garantir le financement des associations d’aide aux victimes.
Dans la continuité de cette politique, je présenterai des amendements pour étendre encore le droit des victimes. Les amendements nos 23 et 24 visent ainsi à permettre la domiciliation d’une personne déposant plainte chez son avocat, un tiers ou une association. On sait en effet que certaines personnes hésitent à déposer plainte de peur de révéler leur adresse à la personne mise en cause. Des dispositifs existaient, mais ne couvraient pas toutes les situations. Nous répondons ainsi à une revendication légitime.
Nous regrettons toutefois que le président de la commission des finances ait jugé irrecevable l’amendement permettant à une victime, dans le cas où le condamné demeurerait introuvable, de saisir le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.
D’autres dispositions visent, dans le droit fil de la réforme pénale, à favoriser l’aménagement des peines. Nous ne pouvons à cet égard que saluer l’action du rapporteur pour lever les verrous absurdes qui limitaient un tel aménagement.
Ainsi l’article 5 ter améliore la contrainte pénale sur un détail procédural. Nous présenterons deux autres amendements visant à favoriser le prononcé de cette nouvelle peine.
L’amendement no 28 vise prévoit que la contrainte pénale soit exécutoire au moment de sa notification, afin d’éviter qu’elle ne le soit à un moment où le condamné n’est pas informé et n’est pas en mesure de se soumettre aux obligations. Nous souhaiterions également que la durée d’exécution de la contrainte pénale soit suspendue pendant la durée d’incarcération du condamné, comme c’est le cas pour la peine de travail d’intérêt général ou les sursis avec mise à l’épreuve.
Sur la question des aménagements, nous aimerions que soit levée l’interdiction de prononcer, selon les cas, un second ou un troisième sursis de mise à l’épreuve. Il s’agit de conforter le rôle du juge et de garantir l’individualisation des peines en supprimant ce caractère automatique.
Enfin, j’évoquerai la question de l’amendement du rapporteur qui, en fin de texte, vient corriger les lois de financement public des partis politiques. Dans les lois sur la transparence, plusieurs dispositions sur les dons aux partis politiques ont été réécrites : plafonnement des dons par individu, publicité des rattachements, interdiction des rattachements de complaisance, interdiction d’utilisation de l’indemnité représentative de frais de mandat pour financer des campagnes électorales, publicité de la réserve parlementaire ont constitué autant d’avancées en matière de contrôle et la transparence des financements des partis.
Toutefois, suite à une mauvaise réécriture de l’article 11-5 de la loi de 1988, le financement illégal des partis n’est plus pénalisé. J’ai déjà souligné combien les conditions d’élaboration de la loi rendent de telles erreurs inévitables.
Cette erreur regrettable a permis au Front national d’échapper à une mise en examen pour financement illégal, malgré des moyens de financement qui relèvent davantage de l’escroquerie en bande organisée que du financement de la vie démocratique.
Ainsi Jeanne, le microparti de Marine Le Pen, est-il plus riche que le Front national. Ce micro-parti a imposé aux candidats FN-Rassemblement bleu Marine d’emprunter de l’argent à des taux prohibitifs, tout en leur fournissant des prestations parfois fantaisistes via une société amie, Riwal. Aux dernières municipales à Lille, le candidat FN a acheté deux sites Internet, l’un à un prestataire du Nord pour 8 250 euros, l’autre à Jeanne pour 9 000 euros, dont personne n’a trouvé la trace, en dépit des sommes conséquentes dépenser. J’espère que la justice pourra résoudre ce mystère.
Cette affaire, tout comme l’affaire Bygmalion, a révélé des failles importantes dans notre droit, qui vont bien au-delà du simple bug législatif que nous devons bien sûr corriger. Le secret professionnel des commissaires aux comptes ne doit ainsi pas pouvoir être opposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Les commissaires devraient également être soumis, au bout d’un certain nombre d’années, à une rotation obligatoire.
La transparence pourrait également être renforcée : les instances dirigeantes des partis, les flux financiers entre partis ou listes des principaux prestataires devraient ainsi être publiés dans un rapport annuel. La répartition du financement public des partis et les règles des dépenses électorales devraient enfin être revues.
J’espère que nous aurons prochainement à légiférer sur le sujet. Dans cette attente, je présenterai un amendement afin que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques puisse procéder à des contrôles sur place, comme peuvent le faire d’autres autorités administratives indépendantes.
Le Gouvernement nous proposera des amendements visant à protéger les enfants en améliorant la transmission des informations susceptibles d’empêcher les prédateurs sexuels de nuire. Les récentes affaires que vous avez fort bien décrites, madame la ministre, nous obligent en effet à agir. L’éducation nationale est, certes, en première ligne, mais il semble primordial d’étendre ces mesures aux associations et institutions où des adultes ont en charge des enfants.
Récemment, dans ma circonscription, un président d’association a été condamné pour défaut d’information, un des animateurs bénévoles s’étant révélé être un pédophile. Le président de l’association n’avait pas pu le vérifier, mais le juge a estimé qu’il en avait les moyens, puisqu’il l’a condamné.
Nous devons donc proposer des procédures susceptibles, bien sûr, de protéger les enfants, mais également les présidents d’association, lesquels ne sont pas toujours en mesure de vérifier certaines allégations. Comment faire ? Pour l’heure, je n’ai pas de réponse. Mais il est indéniable qu’il y a une faille dans le système, et qu’il en résulte, outre de la détresse pour les familles, une lourde charge sur les épaules des dirigeants d’association.
Nous devons donc étendre au monde associatif le dispositif prévu pour l’éducation nationale, afin que les personnels en cause soient écartés des fonctions qu’ils exercent au sein des associations.
Parce que l’ensemble des dispositions de ce texte permet d’améliorer le fonctionnement de notre justice et de rendre service à nos concitoyens, le groupe écologiste le soutiendra et votera en sa faveur.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner un texte visant à adapter la procédure pénale française au droit de l’Union européenne.
Aujourd’hui, la transposition dans le droit français de ces décisions-cadres souligne et réaffirme la volonté du Gouvernement de promouvoir un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein de l’Union européenne. L’intégration de ces directives permettra ainsi d’éviter qu’une personne ne soit condamnée deux fois dans deux États différents pour les mêmes faits. Elle permettra également d’appliquer le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice.
Le projet de loi répond aussi à une autre préoccupation majeure – je veux parler des deux directives relatives au droit, au soutien et à la protection des victimes.
Madame la garde des sceaux, vous le savez, c’est un sujet sur lequel je me suis particulièrement investie depuis le début de mon mandat. Je vous ai d’ailleurs rendu en juillet 2013 un rapport sur le financement des associations d’aide aux victimes.
Je peux aussi témoigner de votre engagement sur ce sujet. En effet, vous n’avez cessé d’améliorer la politique d’aide aux victimes depuis que vous êtes ministre de la justice. Les exemples ne manquent pas : la généralisation des bureaux d’aide aux victimes, le renforcement des droits des victimes lors de la réforme pénale, la pérennisation de la plate-forme téléphonique « 08VICTIMES », le téléphone grand danger et, enfin, l’effort budgétaire sans précédent dédié au programme 101 : plus 26 % en 2013, plus 7 % en 2014 et plus 22 % en 2015.
Cet effort financier arrive après plusieurs années consécutives de diminution budgétaire décidée par le gouvernement alors de droite au détriment des victimes.
C’est pourquoi, le réseau INAVEM – Institut national d’aide aux victimes et de médiation – qui comprend 132 associations et touche plus de 300 000 victimes par an, reste dans une situation financière précaire.
C’est avec cette préoccupation que l’an dernier, dans le cadre du projet de loi relatif à l’individualisation des peines, j’avais déposé un amendement destiné à pérenniser le financement de la politique d’aide aux victimes. J’avais alors proposé une « contribution victimes » pour les amendes pénales, douanières et les sanctions pécuniaires.
Cette disposition avait été votée à l’unanimité. Cependant, le 7 août dernier, le Conseil constitutionnel l’a censurée, considérant qu’elle était contraire au principe d’individualisation des peines. Je vous l’avoue, ce fut une très mauvaise nouvelle pour ceux qui fondaient beaucoup d’espoir dans l’utilisation de cette manne financière.
C’est pour cette raison que j’ai souhaité, avec mes collègues, présenter un nouvel amendement qui garde le principe de la « contribution victimes », mais qui prend en compte l’individualisation des peines. Ce dernier laisse la possibilité au juge de moduler le montant de la suramende en fonction des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.
Cette évolution de l’aide aux victimes va dans le sens d’une nouvelle justice, qui ne se contente pas de sanctionner et de favoriser la reconstruction et la réinsertion des auteurs de délits, mais aussi de « restaurer ». Ce mot renvoie à la « justice restaurative », née outre-Atlantique et encore mal connue en France, qui offre une autre approche que la justice punitive, car elle prend en considération les auteurs et les victimes.
La contribution victime va dans ce sens. En effet, en prenant part directement au financement des associations d’aide aux victimes, l’auteur prend conscience de sa participation nécessaire à l’engagement collectif de la société pour le soutien et la reconstruction des victimes.
Je salue la qualité du travail mené par le rapporteur, Dominique Raimbourg. Son soutien sans faille et son action dans cette bataille ont été décisifs. J’adresse également mes remerciements au Gouvernement, et plus particulièrement à la garde des sceaux, qui a toujours su faire preuve d’une grande qualité d’écoute et qui, par son engagement et sa détermination, a su démontrer que l’aide aux victimes était une vraie préoccupation.
Pour finir, je rends hommage à tous les bénévoles et à tous les permanents qui oeuvrent dans les associations d’aide aux victimes. Ils font un travail difficile et remarquable. Je peux vous assurer que cette nouvelle disposition est attendue avec grande impatience et qu’elle leur sera d’une aide précieuse.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous examinons ce soir le troisième texte soumis aux parlementaires, dans le cadre de la présente législature, en vue d’adapter la procédure pénale au droit de l’Union européenne. Le premier, dont Mme Karamanli était rapporteure au nom de cette même commission des lois, portait diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice. Le deuxième transposait une directive du Parlement et du Conseil du 22 mai 2012, relative au droit de l’information dans le cadre des procédures pénales. Le présent projet de loi s’inscrit dans cette démarche indispensable tendant à construire un véritable espace pénal européen.
Je salue l’important et fastidieux travail de transposition des trois décisions-cadres mené, au service de ce projet de loi, par le rapporteur Dominique Raimbourg, Je salue aussi mes collègues Jean-Yves Le Bouillonnec et Colette Capdevielle. Dans le même esprit, je citerai également M. Guy Geoffroy.
Ces textes auraient dû être transposés depuis de nombreuses années et avant les dates ultimes de décembre 2011, juin 2012 et décembre 2013. Il s’agit donc d’une action législative urgente, afin de satisfaire à l’obligation faite à la France de respecter ses engagements et d’éviter une procédure d’infraction coûteuse qu’engagerait la Commission européenne.
La procédure pénale est ainsi révisée régulièrement, au rythme des transpositions des directives. Il s’agit de la construction de l’Europe pénale que facilite le traité de Lisbonne.
La transposition ou l’adaptation, aussi exhaustive que fidèle, laisse toujours aux États membres le choix des moyens et nous voyons ici que le Gouvernement et les rapporteurs, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, ne sont pas contentés d’être des moines copistes, mais qu’ils ont enrichi le texte en conservant l’objectif d’une procédure partagée, lisible et efficace au regard de l’exigence de protection des droits et libertés de chacun.
Rappelons aussi, cependant, avant d’en venir aux mérites de ce projet de loi, que cette méthode de révision de notre procédure pénale au rythme des transpositions des différentes directives européennes, si elle ne fait que commencer, est déjà critiquée par de nombreux interlocuteurs que j’avais rencontrés dans le cadre de la précédente transposition relative à la garde à vue, lesquels réclament tous une réforme d’ensemble de la procédure pénale, que permettraient les excellents rapports produits sur ce sujet depuis des années. L’harmonisation minimale à laquelle nous nous livrons lors de ces exercices de transposition suppose que l’on soit capable de redonner du sens et de la cohérence à ces réformes au niveau national.
Ce sont là les propos que je tenais en qualité de rapporteure du précédent texte et que je considère utile de rappeler ici. Nous attendons tous une réforme d’ensemble, mais nous savons aussi que celle-ci nécessite de trouver un consensus politique.
Le présent texte, tel qu’il résulte des apports de la commission des lois, en particulier des amendements du rapporteur, renforce la coordination entre les magistrats des différents États membres de l’Union européenne et permet l’exécution de mesures judiciaires dans un autre État que celui qui les a initialement prononcées. Cette entraide judiciaire européenne renforcée sert l’objectif d’une plus grande efficacité de nos politiques pénales.
Je ne reviendrai pas sur les dispositions du texte, abondamment citées par les précédents orateurs.
Ainsi qu’il en avait été convenu lors de l’examen en commission des lois, en accord avec M. Guy Geoffroy, le Gouvernement a déposé un amendement ayant pour objet la grave et difficile question de la protection des enfants, en particulier contre les prédateurs sexuels.
La présente séance nous permettra de nous exprimer sur ce projet de texte. S’il importe très certainement de légiférer sur ce point, il importe tout autant de considérer que la loi n’est pas un remède instantané et que des mesures appropriées relevant du règlement des administrations, des collectivités ou organismes concernés par cette protection due aux mineurs ne doivent pas être oubliées. Des protocoles à revisiter et une déontologie à promouvoir, afin que la communauté concernée soit en mesure d’apporter une réponse collective, cohérente et concrète, sont autant d’éléments qui ne doivent pas être négligés. Sans eux, cette loi résonnera dans le vide.
En 1979, le doyen Carbonnier s’exprimait ainsi : « À peine apercevons-nous le mal que nous exigeons le remède. Qu’un scandale éclate, qu’un accident survienne, la faute en est aux lacunes de la législation. »
En 2012, nous avons décidé de ne pas soumettre le temps législatif au temps médiatique. Aujourd’hui encore, nous ne cédons pas à une satisfaction de papier et devons légiférer en ce domaine, sans excès et dans la recherche d’un équilibre entre la nécessaire protection des personnes fragiles – en l’espèce, des mineurs, mais il existe d’autres personnes fragiles, comme les majeurs protégés – et les principes fondamentaux de notre droit pénal. Nous le faisons dans une approche globale, après un diagnostic de défaillances anciennes et récurrentes.
Pour conclure, je considère que ce projet de loi comporte des avancées indéniables, en particulier, bien sûr, celles qui ont fait l’objet d’une concertation avec les États membres de l’Union européenne. En conséquence, je voterai ce texte et vous invite à faire de même.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance de dix minutes.
La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
L’article 1er est adopté.
L’article 2 est adopté.
L’article 3 est adopté.
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 29 rectifié , visant à insérer un article additionnel après l’article 3.
Cet amendement répond à un besoin organisationnel sur le terrain, en tirant les conséquences de la nomination, par arrêté du 4 octobre 2014, d’un agent d’insertion et de probation au centre pénitentiaire de Saint-Pierre-et-Miquelon – j’en profite pour remercier Mme la garde des sceaux pour son soutien.
Il convient ainsi de supprimer le régime dérogatoire au droit commun, instauré il y a quelques années pour pallier l’absence de conseiller. Cela lèvera un certain nombre de difficultés organisationnelles et permettra au service pénitentiaire d’insertion et de probation – SPIP – de Saint-Pierre-et-Miquelon de fonctionner – au moins sur le plan législatif – selon le droit commun.
La problématique législative étant résolue, reste à clarifier la situation administrative. Je me permets de relayer la demande de l’ensemble des acteurs de la justice dans notre archipel, au premier rang desquels les magistrats du siège et du parquet, afin que le poste d’agent d’insertion et de probation au centre pénitentiaire de Saint-Pierre-et-Miquelon puisse être administrativement confirmé comme pérenne. Comment pourrait-il en être autrement, alors que nous amendons aujourd’hui la loi pour tirer les conséquences de sa nomination ?
Reste aussi à résoudre la problématique administrative du fonctionnement du SPIP de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il s’agirait de confirmer qu’il s’agit d’une entité administrative propre à l’archipel ou de la rattacher à une autre entité de métropole ou d’outre-mer, à l’instar de ce qui existe pour les services de la protection judiciaire de la jeunesse.
Un travail de qualité, de même ordre que celui qui a abouti à la rédaction de cet amendement, permettra de résoudre les problématiques d’ordre administratif. En effet, celles-ci perdureront, même après que cet amendement aura résolu les problématiques d’ordre législatif.
Monsieur Claireaux, le travail de coopération a été effectivement de grande qualité ; je vous remercie d’avoir rappelé que nous avons nommé un conseiller d’insertion et de probation, sortant ainsi d’une situation où le président du tribunal exerçait ces missions.
Quant au rattachement du SPIP, l’entité la plus proche est celle de Saint-Denis de la Réunion. Encore faut-il examiner la pertinence d’une telle proximité, de 2 000 kilomètres tout de même !
Avis favorable.
L’amendement no 29 rectifié est adopté.
L’article 4 est adopté.
Article 4
Il s’agit de substituer au mot « interdictions » celui de « mesures », car les mesures prévues ne sont pas toutes des interdictions.
Dans cette portion du texte, les mesures qui sont prévues sont toutes des interdictions. Nous préférons la rédaction actuelle. Avis défavorable.
L’amendement no 17 est retiré.
Le texte ne prévoit pas de donner au juge des libertés et de la détention qui serait saisi d’une demande de reconnaissance de protection européenne les pouvoirs d’investigation qu’il donne au procureur. Cela pourrait être préjudiciable, car, en cas en doute, le juge des libertés et de la détention ne pourra que refuser la mesure, sans pouvoir demander des vérifications, même très limitées.
Cet amendement prévoit donc que le juge des libertés et de la détention peut procéder ou faire procéder à tout complément d’enquête qu’il estime utile.
Son statut ne permet pas au juge des libertés et de la détention de demander aux officiers de police judiciaire des compléments d’enquête. S’il veut une pièce complémentaire, il peut toujours s’adresser aux parties qui l’ont saisi, mais il n’a pas la possibilité de se livrer à un complément d’enquête, au sens exact du terme. Avis défavorable.
Le juge des libertés et de la détention a une décision à prendre ; il n’a donc pas les mêmes prérogatives que le procureur. Il peut toujours, afin de prendre cette décision, demander que le nécessaire soit fait, mais le parallélisme avec le procureur et ses pouvoirs d’investigation ne peut être établi. Je vous propose de retirer cet amendement, monsieur Molac.
L’amendement no 18 est retiré.
L’article 4 bis est adopté.
Article 4
Si vous le permettez, je défendrai également l’amendement no 24 , que nous examinerons dans un instant. Tous deux visent à permettre à la victime de se domicilier à l’adresse d’un tiers au moment du dépôt de la plainte. Le code de procédure pénale permet déjà à un témoin de déclarer comme adresse le commissariat ou la brigade de gendarmerie, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction. L’article 89 de ce même code permet à la partie civile au cours de l’information judiciaire de se domicilier chez un tiers.
Mais rien n’est prévu dans le cas d’une enquête préliminaire ne donnant pas lieu à une information judiciaire. De nombreuses personnes hésitent à dénoncer des faits dont elles sont victimes, de peur de devoir révéler leur adresse personnelle, à laquelle l’accusé pourrait avoir accès lors de la phase du jugement de l’affaire.
Nous proposons que l’adresse soit celle d’un tiers, d’une association ou de l’avocat, avec leur accord bien sûr. Cela améliorerait concrètement la situation de certaines victimes. Il s’agit d’ailleurs d’une proposition formulée par l’INAVEM – Institut national d’aide aux victimes et de médiation – dans son excellent rapport sur le droit des victimes.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur, pour donner l’avis de la commission et soutenir le sous-amendement no 34 .
Ce sous-amendement vise à préciser que la déclaration de l’adresse d’un tiers ne peut être effectuée qu’avec l’accord exprès de l’intéressé. Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, avis favorable à l’amendement no 23 .
Avis favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement du rapporteur. Il s’agit d’un alignement bienvenu, puisque la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, qui vient d’être examinée en deuxième lecture, permet aux victimes de proxénétisme de procéder ainsi. Il est souhaitable que cette possibilité soit généralisée à l’ensemble des victimes.
J’ai précisé, lors de la défense de mon amendement, que l’accord de l’intéressé était nécessaire : je suis évidemment favorable au sous-amendement.
Le sous-amendement no 34 est adopté.
L’amendement no 23 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 2 .
L’amendement no 2 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 39 .
Cet amendement vise à rédiger l’alinéa 19 comme suit : « L’autorité qui procède à l’audition de la victime recueille les premiers éléments permettant cette évaluation. Au vu de ces éléments, l’évaluation peut être approfondie, avec l’accord de l’autorité judiciaire compétente. »
L’amendement no 39 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 3 .
L’amendement no 3 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 24 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L’article 4 ter, amendé, est adopté.
Je suis saisi d’un amendement no 25 portant article additionnel après l’article 4 ter. La parole est à M. Paul Molac pour le soutenir.
Cet amendement vise, en continuité de l’article 4 ter, à améliorer la situation des victimes. Actuellement, la possibilité de saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions doit être notifiée à la victime, faute de quoi le délai pour la saisir ne court pas. Ce n’est pas le cas pour le service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions, géré par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.
Cet amendement harmonise la notification de ces deux possibilités.
L’amendement no 25 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Monsieur le président, vous avez fait oeuvre utile cet après-midi en recevant, au nom du président de l’Assemblée nationale, une délégation de maires.
Je faisais partie des députés présents et je dois dire qu’ils avaient mal vécu l’annonce qu’ils seraient reçus par un chef de cabinet ou un directeur de cabinet. Pour six cents maires de France, ce n’était pas bien. Je voulais donc vous dire, au nom de tous ici je pense, que ce fut un bon moment.
Deuxièmement, comme ce texte ne semble pas susciter d’états d’âme exceptionnels dans cette assemblée, je ne vais pas m’étendre, si ce n’est pour souligner qu’il est différent du texte examiné cet après-midi : je parle du texte sur nos services secrets, beaucoup plus lourd de conséquences, qui va être soumis au Conseil constitutionnel.
Murmures sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ce n’est pas vous, monsieur le président, qui pourrez régler le problème, ni Mme la ministre, malgré les efforts salutaires qu’elle fait en tous sens et que je tiens à saluer de manière respectueuse et amicale, mais nous avançons vers cette harmonisation européenne, en partant d’un avis du peuple français qui était négatif et que nous avons transformé en avis positif. Il me semble qu’un jour ou un autre, il faudra éclaircir cette situation. Je voulais profiter de ce texte qui n’a pas d’enjeu pour rappeler un problème qui soulève beaucoup de questions, dans notre pays comme dans d’autres.
La parole est à Mme Nathalie Nieson, pour soutenir l’amendement no 31 .
Il porte sur la fameuse contribution en faveur des victimes dont j’ai parlé tout à l’heure. Il s’agit de majorer les amendes pénales pour financer l’aide aux victimes, dans la limite de 10 %, en fonction des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.
Nous sommes dans une démarche de justice restaurative, associant les auteurs d’infractions à la prise de conscience de l’aide aux victimes et à la réparation du préjudice subi par celles-ci.
Avis favorable également, en remerciant Mme la députée Nieson pour sa fidélité et sa constance sur ce sujet.
Nous avions eu une déconvenue au moment d’adopter la réforme pénale, c’est-à-dire la loi d’individualisation de la peine et de renforcement de l’efficacité des sanctions pénales. Je me souviens d’avoir alerté l’Assemblée sur une disposition qui présentait des risques constitutionnels.
Nous avons tous le souci de disposer de cette ressource nouvelle, de la consolider, de la sécuriser, de la pérenniser. Ce que nous avions adopté à l’issue de la lecture au Sénat a été modifié par vos soins au sein de la commission. Cet amendement neutralise le risque introduit par un mécanisme potentiellement automatique. Cette subtilité qui consiste à considérer que les 10 % constituent un plafond, ce qui laisse une marge de décision aux magistrats, me paraît de nature à rassurer.
Cela dit, cette disposition introduit un risque nouveau, à savoir que la décision ne soit pas suffisamment fréquente. J’envisage donc une circulaire de sensibilisation des parquets, afin qu’ils perçoivent bien l’intérêt de l’instrument, l’usage qui peut en être fait et l’abondement apporté au budget de l’aide aux victimes. Les associations d’aide aux victimes qui font un travail considérable, en particulier à travers le réseau de l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, disposeront de cette ressource supplémentaire, qui leur permettra de prendre en charge davantage de victimes.
Malgré les efforts que nous faisons, il faut aller vers des victimes qui ne viennent pas vers les associations ni vers les bureaux d’aide aux victimes. Il faut des ressources supplémentaires pour permettre à ces associations de toucher encore plus de victimes.
Je le disais tout à l’heure, nous travaillons sur une base pluridisciplinaire, c’est-à-dire que nous travaillons à faire prendre en charge la victime dans les dimensions diverses du préjudice qu’elle a subi. Par ailleurs, il est intéressant de noter que nous avons anticipé cette ressource nouvelle et obtenu ainsi une dotation budgétaire de 5 à 10 millions d’euros qui nous permettra de commencer à engager un certain nombre d’actions, par exemple d’aider les associations à améliorer leurs ressources humaines, qu’il s’agisse des effectifs ou de la formation. Nous les aiderons aussi à créer un réseau de référents qui stabilise la relation avec les victimes.
J’émets donc un avis favorable, en saluant la qualité du travail fourni.
L’amendement no 31 est adopté.
L’article 4 quater, amendé, est adopté.
Il vise, comme je l’ai annoncé tout à l’heure, à protéger les témoins dans un certain nombre de procédures médiatisées qui les exposent. Notre souci est de faire en sorte que des personnes ne soient pas dissuadées d’enrichir les procédures de leur témoignage, compte tenu du risque qui pèserait sur elles-mêmes ou sur leurs proches.
En protégeant ces personnes, on s’assure de l’efficacité et de la solidité des témoignages, qui seront recueillis dans des conditions conformes à nos règles de procédure, mais nous demandons que ces auditions puissent être effectuées à huis clos et que l’identité de ces témoins ne puisse pas apparaître dans les décisions publiques.
Mon sous-amendement no 44 vise à adapter la disposition pénalisant la révélation de l’identité d’un témoin, prévue au dernier alinéa de l’article, par deux moyens.
D’une part, il prévoit que ce délit soit inscrit dans la loi de 1881 en son paragraphe sur les publications interdites et les immunités de la défense, comme les autres délits portant sur la révélation des faits de justice. Il me semble important que l’ensemble des délits liant presse et justice soient inscrits dans cette loi.
D’autre part, il prévoit une exception quand le témoin accepté de révéler lui-même son identité. Une telle disposition est prévue par le délit inscrit à l’article 39 quinquies de la loi de 1881.
Mon sous-amendement nos 45 a un objet similaire.
Avis favorable à l’amendement du Gouvernement. Je donnerai un avis personnel sur les deux sous-amendements, qui n’ont pas été soumis à la commission. Que des sous-amendements non examinés en commission viennent modifier la loi de 1881 me semble hasardeux : il s’agit d’un monument auquel on ne peut pas toucher aussi facilement. Vous connaissez toutes les métaphores sur la « main tremblante »… Avis défavorable à titre personnel.
Je me demande ce que donne la main tremblante sur les claviers, car il y a de plus en plus de personnes, dans les deux générations qui ont suivi la mienne, qui ne savent plus comment on tient un stylo.
Sourires.
Mon avis sur les deux sous-amendements est défavorable, parce que je n’ai pas bien compris les raisons pour lesquelles vous tenez à inscrire ces dispositions dans la loi sur la presse. Est-ce parce que vous pensez que seuls des journalistes pourraient révéler l’identité des témoins ? Ou est-ce que vous voulez des garanties procédurales particulières protégeant ce délit ?
Mon idée est de compléter la loi de 1881 de façon à ce qu’il n’y ait pas de régime dérogatoire, dans une logique de simplification.
Dans ce cas, l’avis du Gouvernement est bien défavorable. Je suis désolée et ne veux pas être désagréable, mais ce serait plutôt une complication qu’une simplification.
L’amendement no 35 est adopté.
L’article 5 bis est adopté.
Article 5
Il vise à supprimer le troisième alinéa de cet article, issu d’un amendement du Gouvernement adopté en commission des lois.
Cet alinéa introduit – et ce n’est pas rien – un délai d’examen de l’appel du condamné à une mesure d’exécution provisoire.
Prenons un exemple qui marque une différence entre nous, monsieur le rapporteur : l’appel du condamné contre la décision ordonnant la mise à exécution de l’emprisonnement. Nous sommes là dans un cas de violation des obligations auxquelles il est soumis au titre de la contrainte pénale. Son appel, d’après le troisième alinéa, doit être examiné dans les deux mois : à défaut, le condamné est remis en liberté s’il n’est pas détenu pour une autre cause.
Vous conviendrez, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, qu’une disposition aussi lourde de sens mériterait un débat un petit peu plus approfondi que celui que nous avons eu en commission, d’autant que nos collègues sénateurs vont découvrir ces dispositions en commission mixte paritaire – ce qui serait non seulement inélégant mais problématique s’agissant de points aussi importants d’une législation dont nous avons débattu il n’y a pas si longtemps que cela et qui ne semble pas faire consensus dans l’opinion publique.
Tout cela est précité et manque de sérieux.
Avis défavorable. La règle qui veut que l’appel d’un détenu soit jugé rapidement doit être respectée. Nous fixons un délai de deux mois, ce qui est raisonnable. On ne peut pas laisser le temps courir et la mesure d’incarcération se terminer sans que l’appel ait été jugé. Il faut nécessairement des dates-butoir sur des questions de détention provisoire.
Même avis, monsieur le député Geoffroy. Ce sont des dispositions qui figurent déjà dans le code de procédure pénale. Cette précision est absolument nécessaire et d’ailleurs elle complète une disposition adoptée par le Sénat.
L’amendement no 21 n’est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 5 .
L’amendement no 5 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 5 ter, amendé, est adopté.
Ces deux amendements, comme l’article 5 ter, reviennent sur des difficultés posées par la contrainte pénale, qui avaient été soulevés l’an dernier par mon collègue Sergio Coronado lors de l’examen du projet de loi.
Le caractère exécutoire de la contrainte pénale, s’il est légitime, pose un certain nombre de problèmes quand la personne condamnée est absente à l’audience. La contrainte pénale est donc exécutoire pour des personnes qui ne savent pas qu’elles sont condamnées.
C’est pourquoi mon amendement no 28 vise à ce que cette peine ne démarre qu’à compter de sa notification.
Quant à l’amendement no 30 , il vise à suspendre l’exécution de la contrainte pénale en cas d’incarcération. Une telle disposition est prévue dans le code pénal pour le sursis avec mise à l’épreuve et la peine de travail d’intérêt général.
Mêmes avis.
Avis favorable à l’adoption de l’amendement no 28 car il est logique que la contrainte pénale ne devienne exécutoire qu’à partir du moment où la personne condamnée en a connaissance.
Avis défavorable à l’adoption de l’amendement no 30 car, en fait, ce n’est pas la contrainte pénale en elle-même qui serait suspendue mais son délai d’exécution – il me semble donc que cela relève d’un malentendu.
Si cette explication éclaire la question que vous vous posiez, je vous propose de bien vouloir retirer cet amendement.
L’amendement no 30 est retiré.
L’amendement no 28 est adopté.
Les articles 5 quater, 5 quinquies et 5 sexies sont successivement adoptés.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 5 sexies. La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 6 .
Cet amendement vise à indiquer la durée maximale du stage auquel un certain nombre de condamnés sont condamnés, précisément, ainsi que le coût maximal.
Il s’agit d’une précision utile car la peine doit être effectivement expliquée, détaillée et prévue, ce que permet cet amendement.
L’amendement no 6 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Le troisième alinéa de l’article 132-19 du code pénal prévoit que lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine d’emprisonnement sans sursis « ou » ne faisant pas l’objet d’une des mesures d’aménagement, il doit spécialement motiver sa décision.
Ce « ou » nous paraît problématique, le terme « et » semblant plus cohérent : il s’agit en effet de devoir motiver les peines sans sursis « et » sans aménagement.
C’est en effet une précision qui clarifie les choses. Avis favorable.
L’amendement no 27 est adopté.
Le troisième alinéa de l’article 132-41 du code pénal interdit de prononcer, selon les cas, un second ou un troisième sursis avec mise à l’épreuve pour les personnes en état de récidive légale.
Il s’agit de garantir le rôle du juge et l’individualisation des peines en supprimant cet automatisme qui ne nous semble pas justifié, d’autant moins d’ailleurs que la contrainte pénale et d’autres peines alternatives ne sont pas soumises aux mêmes limitations.
Avis favorable. Nous avons choisi à la fois de privilégier l’individualisation des peines et de faire confiance aux magistrats pour décider de la sanction adéquate. Les automatismes limitatifs vont à l’encontre de la politique pénale que nous essayons d’appliquer.
L’amendement no 32 est adopté.
L’article 5 septies est adopté.
La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement no 19 visant à supprimer cet article.
J’ai évoqué tout à l’heure à la tribune le travail de notre rapporteur qui, en commission, a créé pas moins de quatorze nouveaux articles. En voici un.
Deux séries de raisons font que la sagesse impliquerait de le supprimer.
Sur la forme, tout d’abord. Introduire des dispositions pénales importantes et substantielles dans un projet de loi de transposition de directive, je l’ai dit et je le répète, ce n’est pas convenable.
Il faudrait que nous nous mettions d’accord tous ensemble sur une forme d’éthique de fabrication de la loi…
…dont en l’occurrence nous nous écartons – peut-être d’ailleurs cela fut-il aussi le cas dans le passé et peut-être serons-nous tentés de le faire à l’avenir mais il n’en reste pas moins que nous devons adopter des règles strictes en la matière, sinon, la loi dérivera et plus personne ne s’y retrouvera.
Sur le fond, nous sommes grandement en désaccord. Plus que jamais, nous restons persuadés que le juge d’application des peines ne devrait pas pouvoir convertir des peines d’emprisonnement en sursis avec mise à l’épreuve ou en contrainte pénale – je sais bien que c’est là votre petit bijou et que vous y tenez beaucoup, comme le montre cet article, quand bien même j’entendrais la remarque que vous ne manqueriez pas de faire selon quoi le principe de conversion de la peine – quoique pas de n’importe quelle manière – a été initié dans la loi pénitentiaire de 2009.
Avis défavorable.
Sur la forme, il ne semblait pas impossible d’ajouter des dispositions pénales dans un texte de transposition de dispositions pénales.
Sur le fond, le dispositif que nous proposons fait suite aux auditions de l’Association nationale des juges d’application des peines selon laquelle il n’est pas toujours possible à tous les condamnés de travailler, certains étant parfois handicapés.
Dans ces conditions, a-t-elle estimé, la conversion en un autre dispositif que celui du travail d’intérêt général peut être utile plutôt que d’envoyer des gens en prison au motif qu’une conversion serait impossible. C’est pourquoi cet article a été introduit dans le texte.
Avis également défavorable, monsieur le député Guy Geoffroy.
Je vous rappelle qu’une telle conversion en travail d’intérêt général ou en jour-amende est déjà possible.
C’est donc une possibilité qui demeure dans la logique de la loi actuelle.
Nous n’étendons rien du tout, monsieur Lellouche ! Peut-être faudrait-il relire la loi pénitentiaire de 2009…
…de même que les conditions d’aménagement des peines. Peut-être même conviendrait-il de remonter jusqu’à 2004 et à la loi concernant les réductions de peines !
Le droit de l’exécution de la peine s’est en effet enrichi pendant ces dix dernières années, de manière d’ailleurs un peu graduée, tout d’abord en 2004 puis, ensuite, en 2009, probablement parce qu’entre ces deux dates, la multiplication inconsidérée, irréfléchie et incohérente de dispositions répressives a conduit la même majorité à adopter la loi pénitentiaire. Ces dispositions existent donc déjà et sont en vigueur.
J’ai entendu une saillie un peu ironique, monsieur le député Guy Geoffroy…
Sourires
…sur la contrainte pénale. Les magistrats la prononcent, elle est appliquée, les conseillers d’insertion et de probation font leur travail d’une manière efficace.
Il n’y a pas eu de scandale, ce qui ne veut d’ailleurs pas dire qu’il n’y en aura jamais parce que tout simplement tel est le lot de l’humanité.
La facilité qui consiste à culpabiliser les magistrats et, exceptionnellement, le garde des sceaux lorsque c’est la gauche qui est au pouvoir, ne me paraît pas expliquer rationnellement ce qui peut survenir dans la vie d’une société, ni garantir que cela ne surviendra pas dans d’autres circonstances.
Il importe de rappeler que ce texte est adopté et qu’il a été débattu ici même. Il aurait d’ailleurs pu l’être plus intensément : pour avoir entendu pendant deux ans et demi pis que pendre sur la politique pénale, j’espérais en effet un débat plus dense et plus soutenu. Las… J’en ai été frustrée !
Il se trouve qu’aujourd’hui la loi est telle, que ces dispositions figurent dans le code pénal et qu’elles sont appliquées par les juridictions. Il faut en prendre notre parti.
Aujourd’hui, nous introduisons une cohérence supplémentaire dans le code de procédure pénale.
Madame la garde des sceaux, je ne veux pas prolonger nos débats mais nous discutons d’un point important.
Mme la ministre de l’éducation nationale, tout à l’heure, a utilisé à plusieurs reprises un mot qui m’est cher : discernement.
Dès lors que nous admettons le principe de conversion, il faut veiller à ce qu’il ne se transforme pas en un principe de translation systématique.
Je vous demande d’entendre ce que je vous dis pour que, le jour venu, nous puissions en parler de manière approfondie : nos concitoyens, de plus en plus, ont le sentiment que les juges d’application des peines outrepassent leur fonction au point de prononcer la peine alors que, finalement, les juges du siège prononcent une peine sans être certains qu’elle sera exécutée.
Il est très important de faire preuve tant dans les principes que dans leur application d’un indispensable discernement pour que la loi ne tape pas à côté de la cible qu’elle prétend atteindre.
Dans ce domaine, je vous invite vraiment à réfléchir parce qu’à vouloir trop élargir l’application de certains principes – par ailleurs fort heureux – on risque de déplacer le centre de gravité de la justice telle qu’elle est prononcée.
Il ne faut plus que nos concitoyens aient le sentiment que c’est le juge d’application des peines qui fixe ces dernières : ce n’est pas lui ; lui est chargé de les appliquer.
Au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, je tiens à rassurer M. Geoffroy : le « bijou » qu’est la contrainte pénale constitue une véritable innovation dans notre droit et s’installe doucement dans nos juridictions.
Un article paru hier dans Le Monde révélait que 610 mesures de contrainte pénale ont été prononcées…
Il y en a eu 767.
…ce qui signifie que l’on progresse de jour en jour et que le suivi renforcé implique un travail très important d’accompagnement puisqu’il s’agit d’un sursis avec mise à l’épreuve renforcée.
Les services pénitentiaires d’insertion et de probation s’adaptent tranquillement. Une montée en puissance est nécessaire, qui est d’ailleurs prévue. Finalement, le dispositif fonctionne.
Nous voterons bien entendu contre l’amendement présenté par la droite parce que nous, membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, ne comprenons toujours pas pourquoi elle fait preuve d’une telle défiance à l’endroit du juge au lieu de lui faire confiance.
Pourquoi ne pas faire tout simplement confiance à un magistrat qui suit la personne condamnée, donc l’exécution de la peine ? C’est lui qui, au cas par cas, sait quelle est la bonne mesure à appliquer.
Il n’est pas question de systématiser les conversions mais, parfois, celles-ci sont absolument indispensables afin de favoriser une meilleure réinsertion et un meilleur traitement pénal à travers l’accompagnement de la personne condamnée.
Nous regrettons votre point de vue mais ce n’est pas faute d’avoir été pédagogues avec vous ! Vous finirez par y venir vous aussi, vous verrez…
…et constaterez que cela fonctionne bien, comme les statistiques en témoignent.
Rapidement, monsieur Geoffroy : la contrainte pénale n’est pas un bijou ; c’est une bijouterie !
Outre la contrainte pénale, elle compte la suppression automatique de la révocation et du sursis simple, la libération sous contrainte. Tout un ensemble de dispositions a été voté qui, me semble-t-il, fait progresser notre procédure pénale.
Où vous avez raison, c’est que l’encombrement des juridictions est tel – c’est une vraie difficulté – que, finalement, nous sommes confrontés à un déport de l’application de la peine qui, pour nos concitoyens, rend la situation moins lisible. Cela est une vraie difficulté, je le répète, car il n’y a pas de vraie justice sans que le peuple y adhère.
Nous travaillons à résoudre ce problème. Nous allons essayer de lutter contre cet encombrement pour faire en sorte aussi que des aménagements soient prononcés à l’audience et qu’ils soient compréhensibles – peut-être une publicité sera-t-elle également réservée aux décisions du juge d’application des peines.
Ce n’est pas toutefois forcément en bloquant une mesure de conversion rendue possible au profit de condamnés qui ont la malchance d’être handicapés que la situation s’améliorera.
Je crois qu’il ne faut pas revenir sur cette question à cette occasion-là.
Pardonnez-moi de prolonger un peu le débat, mais je voudrais rebondir sur une remarque du rapporteur que vous avez bruyamment approuvée, monsieur le député Geoffroy, à savoir qu’il n’y a pas de justice sans adhésion de la société aux dispositions de justice.
L’adhésion de la société ne peut se faire qu’avec discernement – puisque vous êtes très attaché à ce mot…
…mais le discernement a besoin d’être nourri de l’information la plus précise possible. Or l’idée, que vous faites circuler collectivement depuis plusieurs mois, selon laquelle le juge d’application des peines deviendrait le juge de la décision, est absolument fausse. C’est absolument faux !
Si on installe cette idée…
…on détruit la lucidité, la clairvoyance, donc le discernement. Le juge d’application des peines applique la peine et décide de l’aménager dans les limites fixées par le code de procédure pénale. Il ne fait pas ce qu’il veut, et c’est bien le juge correctionnel qui prend la décision. Cela ne prête pas à confusion.
La contrainte pénale, ensuite, est une peine qui s’exécute en milieu ouvert, avec un encadrement plus adapté et modulable, et une évaluation obligatoire. Elle est beaucoup plus stricte que ce qui se fait actuellement – je pense notamment aux alternatives à l’incarcération. Ce que nous en attendons, c’est de l’efficacité.
Et vous savez, pour travailler sur ces questions depuis de très nombreuses années, que la lutte contre la récidive est plus efficace lorsque les peines sont exécutées en milieu ouvert et que la sortie de détention fait l’objet d’un accompagnement – c’est le sens et la portée de la libération sous contrainte. Lorsqu’on procède, comme c’était le cas jusqu’à présent, à des sorties sèches, sans accompagnement, sans encadrement ni préparation à la sortie, c’est alors qu’on crée un vrai risque de récidive. Vous le savez parfaitement. Avec ces dispositions, nous entendons lutter contre la récidive et faire en sorte que l’exécution de la peine soit réelle.
Quant aux délais d’exécution de la peine, ils ne sont pas scandaleux. En moyenne, la moitié des peines sont exécutées dans les six mois qui suivent le prononcé de la peine, et 98 % dans un délai de dix-huit mois. Un raisonnement simpliste consiste à ne prendre en compte que le nombre des peines non exécutées et à en déplorer le grand nombre. Mais il s’agit là du flux des peines prononcées chaque jour par les juridictions. L’exécution des peines, je le répète, se fait de manière satisfaisante dans ce pays, mais il se trouve que, tous les jours, les juridictions prononcent des peines. Il existe un flux de peines, dont le volume peut être mesuré, mais il ne s’agit pas là de peines non exécutées : ce sont des peines qui, dans 29 % des cas, sont exécutées dans les deux semaines qui suivent la décision, quand ce n’est pas de façon immédiate, en cas d’un mandat de dépôt, par exemple. Les autres peines sont exécutées au fur et à mesure : la moitié au bout de six mois et la quasi-totalité au bout de dix-huit.
Telle est la réalité, et c’est à partir de cela que l’opinion publique peut se prononcer sur une politique pénale. Elle peut la contester, mais à bon droit, en toute clairvoyance, à partir d’éléments objectifs et non de raisonnements simplistes.
L’amendement no 19 n’est pas adopté.
L’article 5 octies est adopté.
Les articles 5 nonies, 5 decies, 5 undecies, 5 duodecies, 5 terdecies sont successivement adoptés.
La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement no 20 , qui vise à supprimer l’’article.
L’échange que nous avons eu sur les articles précédents et sur mon précédent amendement confirme ce que je soulignais lors de mon intervention à la tribune, à savoir que nous nous sommes aujourd’hui, du fait des décisions prises par la commission des lois à l’initiative du rapporteur, très éloignés du texte initial. Nos débats sont intéressants, et ils mériteraient probablement d’être plus approfondis. On voit bien qu’un travail à la hâte et par raccroc sur le texte initial conduit à ce qu’un certain nombre de questions continuent d’évoluer sans qu’on ait pris le temps, et c’est très regrettable, de les avoir étudiées au fond.
Avec l’article 5 quaterdecies, que cet amendement tend à supprimer, nous sommes encore plus fondés à dire que ce texte n’est pas sérieux ! Nous sommes en désaccord sur le fond sur ce que vous estimez être le meilleur moyen de diminuer la surpopulation carcérale. Je ne vais pas caricaturer les choses : il n’y a pas, d’un côté, ceux qui seraient pour le tout carcéral et qui voudraient construire des dizaines de milliers de places de prison et, de l’autre, ceux qui ne voudraient pas du tout entendre parler de la prison et qui se satisferaient qu’il n’y en ait pas du tout. Il est bien évident que la position des uns et des autres se trouve à une certaine distance de ces deux extrêmes.
Malgré tout, d’une manière générale, vous avez la volonté de privilégier tout ce qui n’est pas enfermement, par rapport à ce qui est enfermement. Pour notre part, nous ne sommes pas favorables a priori à tout ce qui est enfermement par rapport à ce qui n’est pas enfermement. Comme beaucoup, j’étais favorable, en 2002, à la création des centres éducatifs fermés, et je me souviens que tout le monde n’était pas d’accord avec nous sur les bancs socialistes, même si tout le monde l’est à présent, à commencer par Mme la garde des sceaux. Vous voyez donc bien que nous sommes loin de l’idée du tout carcéral.
Mais là, vous allez beaucoup trop loin ! En effet, grâce à cet article, un condamné pourra, du simple fait de la surpopulation de l’établissement dans lequel le hasard l’aura placé, bénéficier de l’octroi de réductions supplémentaires de peine.
Ce n’est vraiment pas sérieux. Il ne faut pas accepter que cette disposition figure dans le texte. C’est pourquoi je vous invite à voter l’amendement no 20 .
Monsieur Geoffroy, il ne me paraît pas anormal que les conditions d’incarcération soient prises en compte au moment de l’examen d’un aménagement de peine. Nos voisins italiens ont prévu un système qui accorde un certain nombre de jours supplémentaires de réduction de peine en fonction de la surpopulation carcérale, et je dois dire que j’ai été tenté d’introduire ce dispositif dans le texte. Cela montre bien que l’idée n’est pas absolument aberrante.
Notre outil carcéral est en état de surpopulation chronique depuis de nombreuses années. Nous avons une surpopulation permanente de l’ordre de 135 %, et elle frôle les 160 % dans la région parisienne. Je suis voisin d’un département, la Vendée, qui compte deux maisons d’arrêt dépassant les 200 % de surpopulation carcérale. Accepter une telle surpopulation, ce n’est pas seulement porter atteinte à la dignité des gens qui sont détenus ; c’est aussi se priver de cet outil qu’est la prison. On retire tout rôle de réinsertion à la prison, en y détenant les gens dans de telles conditions, puisqu’il est impossible d’y effectuer un travail de préparation à la sortie. Lorsque Mme la garde des sceaux a commencé son travail à la suite de la conférence de consensus, il a été rappelé que 80 % des gens qui sortent de prison le font sans aucun suivi et que, pour les courtes peines, inférieures à six mois, ce taux atteint 98 %. Il importe donc de trouver des solutions.
N’opposons pas ces solutions à la construction de places de prison. Nous en construisons, mais je vous rappelle que chacune d’entre elle coûte entre 130 000 et 250 000 euros, et parfois même davantage, en fonction de la taille de l’établissement. Nous en construisons, à la hauteur des moyens dont nous disposons. Le dispositif que nous proposons est un moyen parmi d’autres de lutter contre la surpopulation carcérale, et il semble assez raisonnable. Du reste, ici encore, il ne s’agit nullement d’une mesure automatique : cette décision est, elle aussi, soumise à l’appréciation du juge d’application des peines.
Avis défavorable.
L’amendement no 20 n’est pas adopté.
L’article 5 quaterdecies est adopté.
Article 5
L’article 5 quindecies est adopté.
Article 5
L’article 5 sexdecies est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 5 sexdecies.
Les amendements, nos 42 et 43 rectifié , peuvent être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 42 .
Nous avons déjà évoqué cet amendement et Mme la ministre de l’éducation nationale en a très largement exposé l’historique, le contexte et les dispositions pratiques prises dans l’immédiat, ainsi que les raisons pour lesquelles il nous faut prendre des dispositions pérennes. Et nous avons dit, au titre du ministère de la justice, combien il est nécessaire de légiférer sur cette question.
Tout le monde aura compris que je parle de l’amendement qui donne aux parquets la consigne de communiquer les informations relatives aux personnes mises en cause pour agression sexuelle et qui exercent leur activité auprès de mineurs. Notre code oblige déjà les juges d’instruction à transmettre de telles informations, dans le cadre de dispositions parfaitement précisées, mais cette obligation ne s’applique pas aux parquets. C’est bien pour cela que des circulaires ont demandé à ces derniers d’informer les administrations exerçant une tutelle sur des personnes intervenant auprès de mineurs d’éventuelles poursuites ou condamnations les concernant.
J’ai dit très rapidement tout à l’heure que la procédure judiciaire compte trois étapes : celle de l’enquête ; celle de la poursuite ; celle, enfin, du jugement et de la condamnation. La question est de savoir comment se fait la communication des informations au cours de ces différentes étapes. Au stade de la condamnation, elle se fait sans la moindre difficulté, cela va de soi. Au stade de la poursuite, elle présente assez peu de difficultés. Mais, au stade de l’enquête, des interrogations incontestables se posent.
En effet, le stade de l’enquête, qui se situe en amont, impose de tenir compte de la présomption d’innocence. Toute la difficulté, c’est qu’il nous faut respecter cette présomption d’innocence, inscrite dans notre droit et dans notre code, mais aussi prendre toutes les mesures conservatoires nécessaires, toutes les précautions utiles et faire preuve de toute la prudence qu’appelle la responsabilité de protéger les enfants, de façon à ce que cette information soit communiquée.
Le rapporteur parlait de ligne de crête, et il est vrai que la difficulté consiste à concilier ces deux principes. Si, par précaution, une information est donnée peut-être un peu trop tôt – et il vaut mieux un peu trop tôt que trop tard – il faut veiller à ce que les personnes qui en sont destinataires soient tenues par des contraintes qui protègent la personne sur qui on a donné cette information, peut-être un peu trop tôt. En veillant à ce que les personnes destinataires de cette information soient soumises à de telles contraintes, on pourra protéger les enfants, on permettra aux administrations de tutelle de prendre les éventuelles dispositions conservatoires qu’elles doivent prendre, et on permettra que, en toute sérénité, la justice poursuive la procédure judiciaire.
À vrai dire, objectivement, tant que nous travaillons avec des administrations, les choses peuvent être contenues. Des questions demeurent, s’agissant des personnes qui interviennent dans un cadre privé et dont l’activité concerne des mineurs.
Il faut savoir qu’il peut y avoir, y compris à la périphérie des administrations, des personnes qui travaillent dans un cadre privé. On peut tout simplement imaginer le cas d’associations en partenariat avec l’éducation nationale ou de collectivités qui, dans le cadre des activités périscolaires, emploient du personnel avec des contrats de droit privé pour intervenir auprès des enfants. Il est évident qu’en l’occurrence, l’autorité de tutelle ne dispose pas de la même marge qu’une administration pour prendre des mesures conservatoires qui ne seraient pas démesurées par rapport au niveau d’information communiqué par l’autorité judiciaire.
Nous entendons donc toutes ces inquiétudes. Néanmoins, le Gouvernement a considéré qu’il était important de rédiger cet amendement de telle façon qu’au niveau de l’enquête, la possibilité soit donnée au procureur de décider, avec discernement, à quel moment il communique une information.
Au moment de la poursuite, dès lors qu’il y a un renvoi devant le tribunal, ou mise en examen, l’information sera communiquée à l’administration de tutelle. Et bien entendu, les choses sont faciles au stade du jugement et de la condamnation, cela va de soi.
Nous avons bien entendu les interrogations des parlementaires, il est normal que les législateurs aient la préoccupation d’appliquer le plus rigoureusement possible les principes sur lesquels repose notre droit. Parmi ces principes, je le rappelle, figurent le secret de l’enquête, le secret de l’instruction, le secret du délibéré et, bien entendu, la présomption d’innocence.
Nous vous proposons d’adopter l’amendement du Gouvernement, puisque par ma voix, il souhaite vous faire savoir que nous entendons ces préoccupations – qui nous ont travaillées nous-mêmes. C’est bien pour cela que nous avons envisagé la possibilité de la communication, le moment de la communication et l’obligation de cette communication à partir du moment où des actes de poursuites nominatifs sont décidés, et au moment de la condamnation.
Je vous propose donc d’adopter l’amendement du Gouvernement, sachant que vos préoccupations ont été entendues, notamment vos observations consistant à chercher une écriture plus fine, plus précise, particulièrement à l’étape de l’enquête, lorsque la présomption d’innocence doit se concevoir plus largement. Nous aurons quelques jours pour effectuer ce travail ensemble et, bien entendu, au stade de la commission mixte paritaire, c’est à vous qu’il reviendra de prendre la décision définitive. Je demande donc à l’Assemblée de bien vouloir accepter cet amendement du Gouvernement.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 43 rectifié et donner l’avis de la commission sur l’amendement no 42 du Gouvernement.
J’ai parlé tout à l’heure de la nécessité de trouver la ligne de crête qui permette de protéger le plus efficacement possible les enfants sans déboucher sur des mises en causes injustifiées.
La difficulté de ce texte est qu’il prévoit une possibilité de transmission de l’information au moment de l’enquête, sans qu’il y ait aucune appréciation du sérieux de la plainte. Une enquête commence simplement par le dépôt d’une plainte, et nous savons que, parfois, notamment à l’occasion des procédures de divorce, des plaintes sont déposées qui s’avèrent peu fondées, ou au moins qui ne permettent pas de déboucher sur une condamnation.
Vous avez raison, madame la garde des sceaux, de dire que lorsque nous avons affaire à une administration telle que l’éducation nationale, la conséquence est la suspension de l’enseignant – ce qui n’est d’ailleurs pas rien !
Pas toujours, mais écartons un instant la question des ratés, pour la clarté du raisonnement. Ce n’est déjà pas rien de subir une suspension, mais cette suspension est protectrice pour l’enseignant, il est affecté ailleurs, son salaire est maintenu pendant une certaine durée et, si jamais l’affaire débouche sur une décision de relaxe ou d’acquittement, ou un non-lieu à poursuivre, à ce moment-là, sa carrière est reconstituée.
Mais le texte a une portée beaucoup plus large que la simple fonction publique. Il vise l’ensemble des administrations, des associations, des institutions qui travaillent avec des mineurs. Cela inclut les associations d’éducation populaire, la fédération Léo Lagrange, la fédération des amicales laïques, les associations religieuses, le catéchisme pour les enfants. Toutes ces institutions sont visées. Lorsque nous aurons affaire à des institutions privées, la conséquence – il n’y en aura pas d’autre possible – sera que l’employeur privé licenciera l’intéressé au motif qu’il a reçu l’information qu’une plainte avait été déposée.
En l’état actuel du texte, familièrement parlant, le compte n’y est pas tout à fait, même si je comprends la préoccupation de protection – qui pourrait ne pas la partager ? Mais dans le même temps, il me semble que nous n’avons pas trouvé la ligne de crête satisfaisante, même avec l’articulation prévue par le texte entre communication possible et obligatoire.
J’ai rédigé l’amendement no 43 rectifié car j’ai pensé que le contrôle judiciaire qui est rendu possible – c’est, madame la garde des sceaux, une avancée formidable de votre texte que j’ai reprise dans mon amendement – peut, pendant une période et avant toute décision, interdire toute activité en contact avec des mineurs. Ce contrôle judiciaire est ouvert au procureur qui peut le demander au juge des libertés, et il est possible pour le juge d’instruction de le prononcer lui-même. Il apporte la garantie qu’un oeil se posera sur la plainte, sur l’enquête telle qu’elle est, au stade où elle est arrivée, et il s’agira de l’oeil d’un magistrat, qui permettra de déterminer s’il existe des indices suffisants pour penser que nous avons affaire à quelque chose de vraiment sérieux. J’ai pensé que cela offrait la protection nécessaire.
Je vois que nous sommes en opposition sur cette disposition et j’entends vos explications. Mais je dis tout net, car il faut dire les choses telles qu’elles sont, que, si je veux bien retirer mon amendement, il ne sera pas possible lors de la commission mixte paritaire de laisser des dispositions permettant une information dès l’enquête sans un minimum de garanties. Nous n’avons pas réussi complètement à trouver ces garanties, nous avons une semaine pour le faire. Si vous prenez l’engagement, madame la garde des sceaux, de participer à la recherche d’une écriture plus satisfaisante, je retire bien évidemment mon amendement.
Mais je pense qu’il ne faut pas que cette préoccupation nous sorte de l’esprit et que nous nous focalisions sur les questions d’éducation nationale. Car, à côté de l’éducation nationale, il y a un ensemble d’institutions privées dans lesquelles les conséquences de l’information seront très lourdes.
La situation est très compliquée, elle se prête en plus à une émotion, parce que ce qui s’est passé à Orgères et à Villefontaine soulève à juste titre une émotion terrible. Mais, dans le même temps, il ne faut pas se laisser trop emporter par l’émotion, parce que, demain, nous aurons des victimes d’un autre type : des gens qui auront été accusés à tort, qui auront perdu leur travail. Et si nous avons à déplorer des suicides, nous regretterons d’avoir été aussi peu précautionneux avec cette partie des travailleurs qui s’occupe des enfants mais qui n’est pas dans la fonction publique.
Voilà ce que je voulais dire, je voulais vous faire part de mes hésitations, de mes craintes, et je souhaite que le texte s’améliore. Je retire mon amendement si vous le souhaitez, j’adhérerai à votre texte, mais avec ces réserves qui ne sont pas proprio motu mais qui sont partagées par beaucoup de mes collègues de la commission des lois qui ont examiné cet amendement.
L’amendement no 43 rectifié est retiré.
En qualité de responsable pour le groupe SRC, je tiens à exprimer des réserves sérieuses sur cet amendement. Nous en comprenons parfaitement la philosophie et l’esprit, et il est évident qu’il convient de protéger les enfants. Mais il convient aussi de faire attention, d’être précautionneux. Souvent, à vouloir trop, on peut causer des dégâts irréversibles. Nous souhaiterions effectivement avoir la possibilité de retravailler, avec le Gouvernement, certaines dispositions bien spécifiques de cet amendement.
Nous sommes ici en matière pénale. Le droit pénal est d’interprétation stricte, je le rappelle. Il repose sur des grands principes, et le principe de précaution n’est pas un des principes fondateurs du droit pénal. Le principe de précaution est un élément nouveau, mais il n’a pas complètement sa place dans le droit pénal. Pourquoi ? Parce que le droit pénal est d’interprétation stricte, ce qui est une garantie pour tout le monde, pour les victimes, pour les auteurs, mais aussi pour la société.
Le droit pénal repose sur la présomption d’innocence, permettez-moi de relire tout simplement l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme qui prévoit : « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. » C’est un principe fondamental, ainsi que le secret de l’instruction.
Nos réserves portent sur la diffusion de l’information pendant l’enquête. Tout à l’heure, Mme la garde des sceaux parlait du risque de donner l’information trop tôt, je dis : attention ! Et attention de ne pas donner l’intervention trop tard également. L’enquête a pour objet de rechercher la vérité, d’accumuler des preuves. Cela veut dire que si l’information est révélée trop tôt, cela peut avoir des effets absolument catastrophiques. Passer du tout au rien, c’est aussi catastrophique.
Ensuite, très clairement, nous craignons que dans la mesure où l’on donne la possibilité au procureur de la République de diffuser l’information, il ouvre en grand le parapluie dès le stade de l’enquête, alors que ce sont souvent des affaires difficiles, douloureuses et complexes.
C’est important, je n’ai pas pris beaucoup la parole, mais je souhaite le faire sur cette question. Un fonctionnaire qui ferait l’objet d’une suspension peut voir sa vie brisée, même s’il fait ensuite l’objet d’une réhabilitation. Pour les personnels du secteur privé, cela peut être absolument catastrophique en cas de décision de relaxe, de non-lieu ou d’acquittement, et ce sont des décisions qui surviennent. Faire des signalements dès l’enquête peut être particulièrement spécieux.
Je voulais dire pour terminer que nous sommes très attentifs à ce qu’a déclaré le Gouvernement, nous suivrons également les suites données aux propos du rapporteur, et nous souhaitons réellement avoir la possibilité de reprendre un tel amendement – nous le disons ici très officiellement – qui est très attendu et qui aura beaucoup d’importance pour de nombreuses personnes, parce que cela concerne des milliers de gens.
Je sais que j’ai abusé de votre permission, monsieur le président, j’en suis désolée.
Sourires.
Je voulais simplement appuyer les propos tenus par M. le rapporteur et Mme Capdevielle en disant que la procédure pénale, c’est la protection de l’innocence, qu’elle se trouve du côté des victimes ou des personnes injustement soupçonnées. Il nous faut trouver une voie juste et efficace, c’est difficile, afin de nous permettre d’agir au bénéfice des victimes dès lors que les faits sont suffisamment avérés, avant une condamnation définitive qui, hélas, peut prendre plusieurs années, nous le savons et c’est notre préoccupation.
Alors, soyons concrets. Nous ne devons pas faire un texte trop étroit qui ne réponde qu’à une seule affaire, celle que tout le monde a en tête. N’ouvrons pas non plus le texte à n’importe quelle plainte injustifiée, aux ragots, aux rumeurs de village ou de quartiers concernant des faits prêtés à des personnes salariées ou bénévoles qui ont la tâche majeure et difficile de prendre en charge nos enfants.
Je rejoins la préoccupation qui a été exprimée, je me rallie bien évidemment, avec la responsable du groupe, aux propos du rapporteur, en sachant que nous avons cette préoccupation au stade de l’enquête, parce que tant que l’enquête n’est pas faite, la certitude n’est pas là. Or, sans certitude, peut-on engager des mesures qui peuvent être extrêmement préjudiciables pour les intéressés ?
En ces matières, nul ne peut prétendre détenir la vérité. Toutes ces questions sont extraordinairement sensibles, difficiles. À chaque fois qu’une affaire de ce genre se produit, elle suscite une émotion considérable. Nous sommes ici des responsables politiques et, au fil de notre expérience d’élus, nous avons tous eu à connaître d’événements de ce genre, très difficiles à contrôler. Si vous me le permettez, je ferai plusieurs remarques.
Ce débat est très important, très attendu dans notre pays depuis les événements du mois de mars dernier qui ont secoué la France. Quiconque a des enfants connaît et craint les dommages irréversibles que leur causent les violences sexuelles, pendant toute leur vie. Je reçois des lettres de personnes de plus de 60 ans qui me parlent, bien après que les infractions sont prescrites, des violences qu’elles ont subies. Je regrette donc qu’un débat sur un sujet aussi grave se déroule à une heure du matin, dans un hémicycle à peu près vide, à l’occasion de la transcription de textes européens. Honnêtement, ce débat méritait mieux !
Vous me connaissez, madame Taubira : comme vous, je suis un tout petit peu tenace.
Sourires.
Depuis le mois de mars, j’ai essayé d’ouvrir ce débat. Je vous ai interpellée à plusieurs reprises, très gentiment d’ailleurs. Le 12 mai dernier, Mme Rossignol m’a renvoyé au texte suivant : nous y sommes, et il est une heure du matin… Sur tous les bancs, chacun sent bien que le débat est très compliqué et qu’il n’est pas mûr, pour dire les choses un peu crûment.
La parole de l’enfant vaut ce qu’elle vaut : elle est à la fois sacrée et très aléatoire, suivant les cas.
Or le fait de dénoncer des choses aussi graves, souvent sur la simple parole de l’enfant, dans un environnement souvent très tendu, peut avoir des conséquences gravissimes, sur les petits comme sur les grands. Les juges ne sont pas des dieux : ils peuvent aussi se tromper.
Je vous l’ai dit à plusieurs reprises, madame la garde des sceaux, je ne pense pas que votre approche soit la bonne. Je ne pense pas qu’il faille que l’information soit transmise au moment de l’enquête. Ce genre d’affaires est très difficile à gérer : il est très compliqué de déterminer à quel moment l’information doit être transmise, qui doit le faire et à partir de quand les informations sont suffisamment crédibles.
Aussi, après avoir beaucoup réfléchi, je vous ai proposé une autre approche, qui a été retoquée – j’espère qu’elle ne le sera pas cette nuit et que nous aurons au moins l’occasion d’y réfléchir ensemble. Dans des affaires aussi graves, je pense que le bon moment pour intervenir est après la condamnation,…
…quand il est clair pour tout le monde que la personne concernée est vraiment dangereuse, qu’elle a commis un crime contre des enfants. Il faut alors que l’interdiction d’exercer soit immédiate et automatique : il ne doit plus être question d’information, mais d’interdiction d’exercer. Je vous propose donc d’agir un peu plus tard, madame la garde des sceaux, non pas que je sois particulièrement tendre à l’égard des prédateurs, mais je ne sais pas où se situe la ligne jaune. C’est très compliqué. En d’autres termes, je vous propose de réunir les preuves et d’attendre la condamnation : dès que cette dernière aura été prononcée, il conviendra de bloquer irrémédiablement tout contact ultérieur du prédateur avec la communauté éducative et les enfants.
Voilà le sens des amendements que j’ai déposés. Je ne sais pas si je détiens la vérité, mais je pense qu’ils sont plus respectueux des libertés de tous que l’approche que vous proposez. Je respecte ce que vous essayez de faire, parce que je sais que votre action est mue par l’intérêt de l’enfant, mais je pense que votre proposition est risquée et que le débat n’est pas mûr, en tout cas pas ce soir.
J’ai laissé du temps aux uns et aux autres, ce qui est normal sur un sujet aussi important. Je ferai de même avec M. Molac, qui sera le dernier orateur sur l’amendement du Gouvernement. Mais je souhaiterais que pour les amendements suivants – y compris les vôtres, monsieur Lellouche –, nous puissions respecter les temps de parole fixés par le règlement.
La parole est à M. Paul Molac.
J’essaierai d’être bref, monsieur le président, car j’ai déjà évoqué ce sujet lors de la discussion générale.
Je me félicite que l’on commence à vouloir mettre un terme et à trouver une solution à tous ces problèmes. Nous savons très bien que la pédophilie ne date pas d’aujourd’hui : nous nous sommes fait rattraper par un certain nombre d’affaires, parce que nous ne disposions pas de l’arsenal juridique permettant de traiter le problème.
Aujourd’hui, je vois bien que la situation n’est pas tout à fait mûre. L’accouchement ne se fera peut-être pas au forceps, mais il sera difficile. Pour autant, je voterai l’amendement du Gouvernement, parce qu’il faut absolument régler le problème sur le fond. Nous le ferons peut-être d’une manière maladroite, mais la commission mixte paritaire permettra d’y revenir – en tout cas, j’ai bien entendu la garde des sceaux nous assurer qu’elle travaillerait à une réécriture des dispositions relatives au moment auquel il faut intervenir. J’entends bien les arguments de notre collègue Lellouche, mais la condamnation est parfois trop lointaine. Même après la condamnation, il y a eu des trous dans la raquette : certains individus ont été condamnés sans que personne n’en ait été informé.
Après la condamnation, la transmission de l’information paraît évidemment absolument nécessaire. Avant la condamnation, il faut en juger. Si la procédure dure très longtemps, on risque tout simplement de laisser un prédateur travailler auprès de mineurs : il faut bien le juger !
Je vais donc voter l’amendement du Gouvernement, sous la réserve exprimée par notre rapporteur.
J’ai un peu de scrupules à prolonger les débats, mais je souhaite revenir sur certaines observations formulées par les uns et les autres.
Monsieur Lellouche, vous déplorez le manque de députés présents dans l’hémicycle, mais nous n’étions guère plus nombreux cet après-midi.
Je connais la vie des parlementaires, et je sais que cela n’exclut pas que de nombreux députés suivent les débats depuis leur bureau.
Oui, nous avons fait le choix d’inclure ces dispositions dans le présent projet de loi. Il n’y a rien de choquant. Vous savez bien que ce n’est pas un cavalier parlementaire : nous introduisons des dispositions pénales dans un texte pénal. Il se trouve que ce véhicule avait déjà commencé son parcours parlementaire.
M. Geoffroy regrettait la longueur du temps entre la première lecture de ce texte au Sénat et notre débat aujourd’hui dans votre assemblée, malgré l’engagement de la procédure accélérée. Or cette dernière avait justement été motivée par la nécessité de transposer en urgence une décision cadre, depuis lors transférée dans le projet de loi relatif à la réforme de l’asile. Puisque les dispositions en question ont été sorties du présent projet de loi, l’urgence est moindre, car les directives restantes peuvent être transposées jusqu’à la fin de cette année 2015. Voilà pourquoi ce projet de loi arrive aujourd’hui devant votre assemblée.
Compte tenu des événements dont nous avons eu connaissance et qui nous ont nous aussi frappés et émus au mois de mars, nous avons estimé qu’il était opportun d’introduire les dispositions de l’amendement no 42 à ce stade de l’examen du projet de loi. Pour nous, ce n’est pas trop tôt.
Nous le savons, et vous l’avez tous dit, il est difficile de trouver le bon moment et de concilier la protection des enfants avec le respect de la présomption d’innocence. Celle-ci n’est pas seulement un principe : elle touche à la réalité de vies humaines, de personnes qui peuvent être fragilisées psychologiquement, déstabilisées dans leur vie personnelle ou professionnelle, et qui peuvent avoir beaucoup de mal à supporter des mesures conservatoires qui ne sont pas forcément très pénalisantes mais qui, en termes de statut social, peuvent être vécues de façon très difficile. Nous savons tout cela.
Lorsque je disais tout à l’heure qu’il valait mieux transmettre l’information un peu trop tôt, je ne parlais pas d’un concept subjectif, mais je me situais par rapport au cours de la procédure. Tout en veillant à la préservation du principe de présomption d’innocence, il faut faire preuve de prudence en faisant le signalement qui pourra entraîner une décision qui éloignera la personne suspecte des enfants.
J’en viens à un autre point extrêmement important. Quelqu’un a parlé de la « parole sacrée » des enfants. Par le passé, on a connu des périodes très longues pendant lesquelles on n’a tenu aucun compte de la parole des enfants, puis une période relativement courte où on a peut-être porté un crédit exagéré à la parole de ces mêmes enfants. Ce n’est jamais de la faute des enfants : les enfants sont des enfants, et la répétition des auditions peut les amener à dire en toute sincérité des choses qui ne sont pas absolument vraies.
Le danger, après cela, c’est qu’on décrédibilise généralement la parole des enfants. Voulons-nous prendre le risque d’ouvrir une nouvelle longue période de méfiance à l’égard de la parole des enfants ?
Il faut effectivement trouver la bonne mesure. Si nous sommes trop prudents, si nous sommes excessivement précautionneux, il pourra y avoir un dégât collatéral, un retour de manivelle : on pensera que les enfants racontent n’importe quoi. Dans l’intérêt des enfants, il faut vraiment faire en sorte de trouver le bon moment et les bonnes conditions pour faire le signalement. C’est pourquoi j’évoquais tout à l’heure les contraintes qu’il faudra faire peser sur les destinataires de cette information.
Monsieur le ministre Lellouche, vous proposez de prévoir des dispositions plus sévères en aval, au moment de la condamnation. Mais ces mesures interviendraient tard ! Par ailleurs, elles ne s’opposent pas à la nécessité d’intervenir avant.
La condamnation arrive tard ! On peut concevoir un durcissement des mesures au niveau de la condamnation, mais cela n’enlève rien à la nécessité de prendre des précautions conservatoires.
Comme nous nous y sommes engagés, nous allons travailler ensemble sur cette question. Il faudra étudier l’opportunité de permettre un signalement au stade de l’enquête – c’est parce que nous avons conscience de la nécessité de protéger les enfants que nous avions prévu cette possibilité. Je rappelle simplement que le signalement n’interviendrait pas de façon fantaisiste, mais dès lors qu’un certain nombre d’indices graves et concordants seraient réunis et démontreraient la nécessité de prendre quelques précautions. Mais j’entends bien qu’au stade de l’enquête, bien en amont de l’établissement formel de la culpabilité, donc du prononcé du jugement, il faille prendre toutes les précautions nécessaires.
Je renouvelle mon appel à voter l’amendement no 42 , avec l’engagement du Gouvernement de travailler avec les parlementaires.
Je ne répéterai pas ce que vient de dire la garde des sceaux. Je veux simplement vous assurer – vous en particulier, monsieur le rapporteur – que nous sommes bien évidemment à l’écoute et que nous ne souhaitons qu’une chose : trouver le juste équilibre d’un texte qui, par définition, n’a pas été simple à élaborer.
Nous pouvons déjà nous réjouir d’avoir tranché certains points. Visiblement, personne ne conteste ici le fait d’inscrire dans la loi l’obligation faite au juge de transmettre aux employeurs – à l’éducation nationale, pour ce qui me concerne – les condamnations une fois qu’elles ont été prononcées. De même, nous sommes tous d’accord pour que cette information se fasse également au stade des poursuites. Nous pouvons déjà nous réjouir d’avoir trouvé un accord sur ce sujet.
Il reste à trancher la question de la transmission de l’information au stade de l’enquête. Sur ce sujet, je suis tout à fait disposée à ce que nous échangions entre nous au cours de la semaine prochaine, afin de mieux préciser les conditions dans lesquelles cette transmission d’information pourra s’effectuer.
Là encore, Christiane Taubira l’a dit, nous avons bien distingué le stade des poursuites et de la condamnation, où la transmission de l’information est obligatoire, et le stade de l’enquête, où cette transmission est une possibilité laissée à l’appréciation du procureur, au discernement duquel nous nous remettons.
Il faut aussi repartir de la situation actuelle. Jusqu’à présent, lorsque le juge voulait transmettre cette information au stade de l’enquête, il ne pouvait pas le faire : il s’y prenait donc de façon extrêmement détournée, d’autant que les textes l’auraient plutôt découragé à prendre cette initiative. Or il y a des situations où, lorsqu’une enquête est ouverte, lorsqu’un certain nombre de faits suffisamment graves sont établis, il est bon que cette information soit transmise, en particulier à notre ministère.
Nous ne prétendons pas, nous non plus, être omniscients sur ce sujet. Là encore, nous cherchons un équilibre qui est fragile : j’accepte que nous y travaillions ensemble.
Je vous remercie pour votre soutien à l’amendement du Gouvernement qui, malgré tout, est très attendu et permettra d’inscrire dans la loi un principe qui n’était jusqu’à présent prévu que dans le cadre d’une circulaire – autrement dit, de le rendre juridiquement plus solide. Pour les principaux concernés, cela veut dire beaucoup de choses !
M. le rapporteur ayant retiré son amendement no 43 rectifié , je vais maintenant mettre aux voix le seul amendement no 42 présenté par Mme la garde des sceaux. Chacun a bien compris que M. le rapporteur adhérait à la proposition, qui lui a été faite par Mme la garde des sceaux, d’un travail en commun avant l’examen du projet de loi par une commission mixte paritaire.
L’amendement no 42 est adopté.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 38 .
C’est un amendement équivalent. Il procède de la nécessité de transposer dans le code du sport les mêmes dispositions que dans le code de procédure pénale.
L’amendement no 38 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour soutenir l’amendement n° 41 .
Il s’agit simplement, j’en ai parlé tout à l’heure lors de la présentation du texte, de réparer une omission. Figurez-vous que les chefs d’établissement du premier degré de l’enseignement privé n’étaient pas concernés, jusqu’à présent, par cette règle du code de l’éducation en vertu de laquelle une personne condamnée peut être l’objet d’une interdiction d’exercer sa profession. Désormais, les chefs d’établissement de l’enseignement privé du premier degré qui seraient condamnés pour l’une des infractions dont nous discutions tout à l’heure pourraient faire l’objet d’une procédure disciplinaire conduisant à l’interdiction d’exercer auprès des mineurs, ce qui n’était pas prévu jusqu’à présent.
L’amendement no 41 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement no 1 rectifié .
Portant sur le même sujet, cet amendement concerne, pour sa part, le code de l’action sociale et des familles. Je tiens à dire qu’il n’est nullement contradictoire, bien au contraire, avec la série d’amendements que mon collègue Pierre Lellouche présentera ensuite, qui concernent un autre code – c’est un ensemble de dispositions qui me semblent tout à fait nécessaires.
Cet amendement a comme objectif de réparer une faille très importante de notre code de l’action sociale et des familles. À l’heure actuelle, celui-ci prévoit que l’interdiction faite à une personne condamnée d’exploiter, de diriger ou d’exercer une fonction dans les lieux d’accueil de mineurs n’est automatique que lorsqu’elle a été condamnée pour un crime, ou à une peine d’emprisonnement d’au moins deux mois sans sursis pour un délit. Ainsi, des individus reconnus coupables de délits sexuels envers des mineurs et qui n’ont été condamnés qu’à des peines de prison avec sursis ne sont pas systématiquement évincés des emplois impliquant une responsabilité envers des enfants. Il faut réparer cette difficulté, il faut combler cette faille, et, comme mes collègues cosignataires de cet amendement, je suis tout à fait reconnaissant au rapporteur de l’avis qu’il a formulé ce matin en commission des lois, lorsque nous étions réunis au titre de l’article 88 de notre règlement. Je forme le voeu que le Gouvernement aura la sagesse de suivre cet avis favorable.
Je vais prendre le temps d’une phrase, puisque je suis interpellée par M. le député Geoffroy. Indépendamment de l’avis du rapporteur, monsieur le député, le Gouvernement est favorable à cet amendement, compte tenu de l’intention dont il procède, compte tenu de son contenu, compte tenu des motifs pour lesquels vous l’avez présenté. J’émets donc un avis favorable sans réserve. Les précautions que vous proposez de prendre vis-à-vis des enfants relèvent de l’éthique et aussi de la bonne gestion de ces établissements.
L’amendement no 1 rectifié est adopté.
Permettez-moi d’abord de remercier le Gouvernement d’avoir soutenu l’amendement de mon collègue de Ganay, défendu il y a un instant par mon ami Guy Geoffroy. Je crois que c’est un progrès, qui montre qu’il n’y a pas de problème idéologique ou politique entre nous sur cette question clé qui est la protection des enfants contre les prédateurs sexuels dans les lieux où ces enfants sont éduqués, que ce soit l’éducation nationale ou ailleurs. Aujourd’hui, ils sont exposés, ne serait-ce que par le changement des rythmes scolaires, à toutes sortes d’éducateurs dont on sait qu’il est parfois compliqué de les recruter, surtout dans les grandes villes.
Si vous m’autorisez un mot sur la discussion précédente, c’est-à-dire sur l’information avant la condamnation, je pense, madame la garde des sceaux, parce qu’il y a des principes fondamentaux qui concernent les droits de l’homme et donc les droits de la défense, que tout ce qui concerne l’information pendant la phase d’enquête et même, madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, pendant la phase de poursuite ne tiendra pas en termes de constitutionnalité. Il y a, tout simplement, des droits fondamentaux, qui sont les droits de la défense, et, quand vous faites une enquête ou même quand vous déclenchez des poursuites, vous n’êtes pas sûr que la personne soit coupable. Instaurer une sanction grave, consistant à l’écarter de sa profession, pose un problème de constitutionnalité, j’en prends devant vous le pari.
J’en viens très rapidement à l’approche que je vous ai proposée, qui consiste à taper non pas avant mais après la condamnation, et à le faire non pas sous l’angle de la transmission de l’information mais sous celui de l’interdiction d’exercer. La vraie faille, dans notre système, ce n’est pas la circulaire de 2001, mesdames les ministres, ce n’est pas le fait que les circulaires ne sont pas appliquées, c’est que la sanction principale, dans ce genre d’affaires de prédateurs sexuels à l’école, doit être de sortir ceux-ci du milieu scolaire, ce doit être l’interdiction d’exercer. C’est là qu’il faut taper.
L’information, c’est une chose, mais ce qu’il faut c’est cette peine d’interdiction d’exercer. Prévue par le code pénal aujourd’hui, elle n’est que facultative et peut n’être que temporaire. Cela me paraît totalement décalé par rapport à ce que nous avons vécu, y compris, par exemple, au mois de mars dernier – un chef d’établissement condamné a pu continuer à être un prédateur bien des années après !
Cela veut dire que, dès lors qu’une personne est condamnée – il s’agit non pas d’une suspicion mais d’une condamnation –, le juge doit prononcer en même temps l’interdiction définitive d’exercer dans le milieu scolaire, avec les enfants, parce qu’un prédateur sexuel recommence toujours, toutes les enquêtes le montrent. Le problème n’est plus un problème d’information, c’est un problème de sanction pénale immédiate.
Et, le principe d’individualisation de la peine étant maintenu, si le juge décide de ne pas appliquer cette peine complémentaire, alors il doit expliquer pourquoi à ses yeux la personne condamnée ne représente plus un danger pour les enfants. Voilà ce que, pour ma part, je vous ai proposé modestement. J’aurais souhaité y travailler davantage avec votre cabinet, madame la garde des sceaux, parce que je crois que c’est probablement là l’un des plus efficaces leviers dont nous disposions pour résoudre ce problème tragique auquel sont confrontées beaucoup de familles dans notre pays.
L’amendement no 11 prévoit un dispositif particulier, mais il est satisfait par la loi.
J’ai fait une présentation groupée de tous mes amendements, monsieur le rapporteur !
En effet, M. Lellouche a défendu l’ensemble de ses amendements. C’est pour cela que je lui ai laissé le double du temps normalement imparti. Je vous propose donc, monsieur le rapporteur, de vous prononcer sur tous ses amendements.
Je sollicite donc le retrait de l’amendement no 11 parce que les articles D. 412-4 et D. 421-20 du code de l’action sociale et des familles satisfont la demande formulée. Je ne vais pas entrer dans les détails techniques mais le renouvellement de l’agrément est soumis aux mêmes conditions que l’agrément initial, c’est-à-dire qu’il y a aussi une enquête auprès des proches. La disposition que tend à introduire cet amendement serait donc superflue ou superfétatoire.
En ce qui concerne les autres amendements, nous avons du mal à entrer dans ces logiques d’automatisme. Pour l’instant, nous préférons faire confiance au juge, qui peut prononcer l’interdiction, quitte à ce que des instructions soient données au parquet pour que soit rappelée la possibilité de prononcer cette interdiction. J’émets donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Je crois que le rapporteur a raison lorsqu’il évoque la redondance de la disposition que tend à introduire l’amendement no 11 . Le Gouvernement était disposé, en fait, à donner un avis favorable, mais il a été démontré que ce serait redondant.
Pour vous être agréable, monsieur Lellouche, j’aurais donné un avis favorable, sauf que je connais votre exigence et votre rigueur en matière de légistique. Vous ne voulez pas qu’on abîme l’écriture de la loi avec une disposition qui ne serait pas indispensable.
Sourires.
Pour ces raisons, le Gouvernement s’aligne sur l’avis du rapporteur.
Quant aux autres dispositions, monsieur le député, vous venez de m’interpeller une deuxième fois, sur le fait que vous auriez souhaité travailler avec nous. Nous avons eu un échange un peu informel, effectivement, il y a quelques semaines, sur votre proposition de loi et sur votre désir que nous fassions les choses ensemble. Et puis, cet après-midi, nous en avons reparlé. Je vous ai dit – et je le redis ici à haute voix – que je regrette de n’avoir pas su que vous souhaitiez me rencontrer très directement : je l’aurais fait très volontiers.
Simplement, comme vous venez de dire que vous auriez aimé travailler avec mon cabinet, je vous rappelle simplement qu’il y a bien eu une séance travail avec mon cabinet, sur votre proposition de loi et celle de Mme Troendlé, du Sénat. Je crois que vous y étiez représenté par votre assistant.
Cette séance a donc eu lieu, et vous n’avez pas été snobé.
Et, si vous avez souhaité me voir, vous savez le respect que j’ai pour les parlementaires : le respect dû par l’exécutif aux parlementaires m’aurait conduite à vous recevoir si j’avais su que vous souhaitiez me voir, moi. Cela étant, il y a bien eu une séance de travail avec mon cabinet.
Pour le reste, nous sommes défavorables aux dispositions que vous proposez, parce que ce que vous souhaitez est déjà possible, à l’appréciation de la juridiction. Vous souhaitez rendre obligatoire cette peine complémentaire ; vous en avez le droit. Nous avons le droit d’être attachés au principe d’individualisation de la peine et le code pénal offre déjà à la juridiction la possibilité de prononcer cette peine complémentaire, à titre définitif, ou pour une durée limitée mais qui peut aller jusqu’à dix ans.
Vous conviendrez qu’il y a des degrés de gravité dans les actes.
Il y a des degrés de gravité, et c’est selon le degré de gravité que les magistrats peuvent choisir de prononcer une peine d’interdiction définitive.
Vous évoquiez les risques de non-conformité à la Constitution.
Peut-être le faisiez-vous à juste titre, et c’est bien pour cela que nous prenons mille précautions. Nous l’avons bien dit : nous savons que nous aménageons, d’une certaine façon, un principe essentiel, celui de la présomption d’innocence. Nous prenons donc, à juste titre, des précautions, et à juste titre, vous posez la question de savoir s’il n’y a pas un risque de non-conformité à la Constitution. Nous l’entendons parfaitement, mais le risque nous paraît encore plus grand pour la peine d’interdiction définitive obligatoire. En tout état de cause, c’est un avis défavorable que nous émettons, sur l’ensemble des amendements.
Je voudrais très simplement dire au Gouvernement et au rapporteur que nous ne mettons pas du tout en doute leur volonté profonde et sincère d’apporter une réponse à nos concitoyens, bouleversés par des faits qui ne doivent pas se reproduire.
Mais ce que vous avez dit à propos de l’amendement no 42 du Gouvernement, et ce que vous dites à présent que nous examinons ces amendements de Pierre Lellouche, est bien paradoxal.
Vous êtes prêts à laisser condamner par l’opinion, par mégarde – car ce n’est pas votre intention –, quelqu’un qui n’aurait rien fait. Dans le même temps, vous voulez laisser au juge le soin d’apprécier si une personne condamnée pour des agissements sexuels à l’encontre de mineurs doit ou non être privée pour un temps indéterminé de la capacité d’exercer auprès des mineurs.
Après l’avis que vous venez de donner, votre message perd de la puissance. Puisque vous êtes tout à fait décidés – et nous vous faisons confiance sur ce point – à continuer le travail de réflexion avant la commission mixte paritaire, acceptez donc que ce travail de réflexion porte aussi sur les dispositions que propose Pierre Lellouche ! Il ne faut pas abîmer votre intention, ni votre détermination, parce que ce sont également les nôtres.
Si cela peut faire plaisir à Mme la garde des sceaux : je lui donne toujours ma préférence.
Sentez-vous libre, monsieur Lellouche, ce n’est pas moi qui ai demandé le retrait de cet amendement.
L’amendement no 11 est retiré.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 36 .
Cet amendement vise à permettre aux services pénitentiaires d’insertion et de probation d’avoir accès directement au bulletin no 1 du casier judiciaire des condamnés. Il faut savoir que les conseillers d’insertion et de probation ont, dans l’état actuel du droit, accès à ces bulletins, mais pas directement : ils doivent en faire la demande aux magistrats ou aux greffiers des établissements pénitentiaires.
Simplement, cela prend du temps – comme toute procédure, toute formalité : nous le savons bien. Or les conseillers d’insertion et de probation disposent de toute façon de ces données ; s’ils en disposent un peu plus tôt, ils pourront effectuer leur travail d’encadrement et d’accompagnement, et de préparation de dossiers à présenter au juge d’application des peines, de façon plus efficace. Pour ces raisons, étant donné que de toute façon ils ont accès à ces données, nous vous proposons qu’ils puissent en faire la demande plus directement. Les informations contenues dans ce bulletin peuvent concerner des tiers, détenus ou condamnés.
En contrepartie, les mêmes obligations qui pèsent sur les magistrats et les greffiers des établissements pénitentiaires – qui peuvent, eux, demander directement ces bulletins – pèseront sur les conseillers d’insertion et de probation qui pourront demander directement ces bulletins.
L’amendement no 36 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 5 septdecies est adopté.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 22 , qui vise à insérer un article additionnel après l’article 6.
Cet amendement vise à combler une lacune de la loi. La législation interdit en effet les dons de personnes morales en matière de financement de la vie publique mais, à cause d’une erreur, elle n’interdit pas aux partis de recevoir de tels dons. De ce fait, le donateur est puni, mais pas le donataire.
C’est un oubli pur et simple, qui a résulté involontairement d’une manipulation très compliquée, et qui est donc absolument contraire à la volonté du législateur. Il découle d’un amendement du Sénat : c’est une erreur sénatoriale. Je pense qu’il faut rattraper cette erreur !
L’amendement no 22 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
C’est un amendement de coordination, afin d’appliquer ce texte outre-mer.
L’amendement no 7 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 7, amendé, est adopté.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 37 , qui vise à insérer un article additionnel après l’article 7.
Cet amendement vise à différer l’entrée en vigueur des dispositions qui ont été prévues dans le cadre de la transposition de la directive sur les victimes.
L’amendement no 37 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 8 est adopté.
La parole est à M. Guy Geoffroy, pour une explication de vote au nom du groupe Les Républicains.
Je donnerai brièvement connaissance au Gouvernement et à M. le rapporteur du vote du groupe que je représente. Dans mon intervention à la tribune, tout à l’heure, j’exprimais un certain nombre d’interrogations, de critiques. Je faisais savoir que notre groupe, qui aurait pu voter ce texte s’il n’avait pas été aussi profondément modifié et dévié, s’apprêtait à adopter une attitude d’abstention chagrine.
Ce soir, nos débats ont été sereins, utiles, aussi approfondis que possible. Ils nous ont permis d’améliorer certaines dispositions du texte, notamment celles qui relèvent du droit pénal, et qui n’étaient pas prévues dans le texte d’origine. Peu importe : il faut encore faire progresser certaines choses.
Des éléments ont été ajoutés à ce texte : je remercie la commission et le Gouvernement d’avoir accepté, en particulier, l’amendement que j’ai cosigné. Nous devons faire évoluer encore ce texte. Je pense donc que le Gouvernement et le rapporteur ne seront pas opposés à cette suggestion : tout faire pour que la CMP n’échoue pas.
Le texte du Sénat est bien différent de celui que nous avons adopté ce soir. J’ai connu, encore récemment, des cas où en partant de deux textes assez différents, avec des philosophies parfois éloignées, il y avait une volonté explicite de ne pas faire aboutir la CMP. Cela serait dommage.
Je serai probablement l’un des membres de cette commission mixte paritaire, pour le groupe que je représente ce soir. Je forme le voeu que ce texte soit encore amélioré sur la base des échanges féconds, intéressants et riches que nous avons eus, et que la CMP aboutisse. Dans ce cas, notre groupe pourrait décider de voter différemment en lecture définitive. Je passe donc de l’abstention chagrine à une abstention ouverte, en espérant mieux si jamais les circonstances le permettent.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :
Sept accords internationaux en procédure d’examen simplifiée,
Deux accords d’association entre l’Union européenne, Euratom et l’Ukraine, d’une part, et la Géorgie, d’autre part,
Projet de loi relatif à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon,
Nouvelle lecture du projet de loi relatif à l’asile,
Proposition de loi relative à la manutention dans les ports maritimes.
La séance est levée.
La séance est levée à une heure quarante.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly