Nous avons déjà évoqué cet amendement et Mme la ministre de l’éducation nationale en a très largement exposé l’historique, le contexte et les dispositions pratiques prises dans l’immédiat, ainsi que les raisons pour lesquelles il nous faut prendre des dispositions pérennes. Et nous avons dit, au titre du ministère de la justice, combien il est nécessaire de légiférer sur cette question.
Tout le monde aura compris que je parle de l’amendement qui donne aux parquets la consigne de communiquer les informations relatives aux personnes mises en cause pour agression sexuelle et qui exercent leur activité auprès de mineurs. Notre code oblige déjà les juges d’instruction à transmettre de telles informations, dans le cadre de dispositions parfaitement précisées, mais cette obligation ne s’applique pas aux parquets. C’est bien pour cela que des circulaires ont demandé à ces derniers d’informer les administrations exerçant une tutelle sur des personnes intervenant auprès de mineurs d’éventuelles poursuites ou condamnations les concernant.
J’ai dit très rapidement tout à l’heure que la procédure judiciaire compte trois étapes : celle de l’enquête ; celle de la poursuite ; celle, enfin, du jugement et de la condamnation. La question est de savoir comment se fait la communication des informations au cours de ces différentes étapes. Au stade de la condamnation, elle se fait sans la moindre difficulté, cela va de soi. Au stade de la poursuite, elle présente assez peu de difficultés. Mais, au stade de l’enquête, des interrogations incontestables se posent.
En effet, le stade de l’enquête, qui se situe en amont, impose de tenir compte de la présomption d’innocence. Toute la difficulté, c’est qu’il nous faut respecter cette présomption d’innocence, inscrite dans notre droit et dans notre code, mais aussi prendre toutes les mesures conservatoires nécessaires, toutes les précautions utiles et faire preuve de toute la prudence qu’appelle la responsabilité de protéger les enfants, de façon à ce que cette information soit communiquée.
Le rapporteur parlait de ligne de crête, et il est vrai que la difficulté consiste à concilier ces deux principes. Si, par précaution, une information est donnée peut-être un peu trop tôt – et il vaut mieux un peu trop tôt que trop tard – il faut veiller à ce que les personnes qui en sont destinataires soient tenues par des contraintes qui protègent la personne sur qui on a donné cette information, peut-être un peu trop tôt. En veillant à ce que les personnes destinataires de cette information soient soumises à de telles contraintes, on pourra protéger les enfants, on permettra aux administrations de tutelle de prendre les éventuelles dispositions conservatoires qu’elles doivent prendre, et on permettra que, en toute sérénité, la justice poursuive la procédure judiciaire.
À vrai dire, objectivement, tant que nous travaillons avec des administrations, les choses peuvent être contenues. Des questions demeurent, s’agissant des personnes qui interviennent dans un cadre privé et dont l’activité concerne des mineurs.
Il faut savoir qu’il peut y avoir, y compris à la périphérie des administrations, des personnes qui travaillent dans un cadre privé. On peut tout simplement imaginer le cas d’associations en partenariat avec l’éducation nationale ou de collectivités qui, dans le cadre des activités périscolaires, emploient du personnel avec des contrats de droit privé pour intervenir auprès des enfants. Il est évident qu’en l’occurrence, l’autorité de tutelle ne dispose pas de la même marge qu’une administration pour prendre des mesures conservatoires qui ne seraient pas démesurées par rapport au niveau d’information communiqué par l’autorité judiciaire.
Nous entendons donc toutes ces inquiétudes. Néanmoins, le Gouvernement a considéré qu’il était important de rédiger cet amendement de telle façon qu’au niveau de l’enquête, la possibilité soit donnée au procureur de décider, avec discernement, à quel moment il communique une information.
Au moment de la poursuite, dès lors qu’il y a un renvoi devant le tribunal, ou mise en examen, l’information sera communiquée à l’administration de tutelle. Et bien entendu, les choses sont faciles au stade du jugement et de la condamnation, cela va de soi.
Nous avons bien entendu les interrogations des parlementaires, il est normal que les législateurs aient la préoccupation d’appliquer le plus rigoureusement possible les principes sur lesquels repose notre droit. Parmi ces principes, je le rappelle, figurent le secret de l’enquête, le secret de l’instruction, le secret du délibéré et, bien entendu, la présomption d’innocence.
Nous vous proposons d’adopter l’amendement du Gouvernement, puisque par ma voix, il souhaite vous faire savoir que nous entendons ces préoccupations – qui nous ont travaillées nous-mêmes. C’est bien pour cela que nous avons envisagé la possibilité de la communication, le moment de la communication et l’obligation de cette communication à partir du moment où des actes de poursuites nominatifs sont décidés, et au moment de la condamnation.
Je vous propose donc d’adopter l’amendement du Gouvernement, sachant que vos préoccupations ont été entendues, notamment vos observations consistant à chercher une écriture plus fine, plus précise, particulièrement à l’étape de l’enquête, lorsque la présomption d’innocence doit se concevoir plus largement. Nous aurons quelques jours pour effectuer ce travail ensemble et, bien entendu, au stade de la commission mixte paritaire, c’est à vous qu’il reviendra de prendre la décision définitive. Je demande donc à l’Assemblée de bien vouloir accepter cet amendement du Gouvernement.