Pas toujours, mais écartons un instant la question des ratés, pour la clarté du raisonnement. Ce n’est déjà pas rien de subir une suspension, mais cette suspension est protectrice pour l’enseignant, il est affecté ailleurs, son salaire est maintenu pendant une certaine durée et, si jamais l’affaire débouche sur une décision de relaxe ou d’acquittement, ou un non-lieu à poursuivre, à ce moment-là, sa carrière est reconstituée.
Mais le texte a une portée beaucoup plus large que la simple fonction publique. Il vise l’ensemble des administrations, des associations, des institutions qui travaillent avec des mineurs. Cela inclut les associations d’éducation populaire, la fédération Léo Lagrange, la fédération des amicales laïques, les associations religieuses, le catéchisme pour les enfants. Toutes ces institutions sont visées. Lorsque nous aurons affaire à des institutions privées, la conséquence – il n’y en aura pas d’autre possible – sera que l’employeur privé licenciera l’intéressé au motif qu’il a reçu l’information qu’une plainte avait été déposée.
En l’état actuel du texte, familièrement parlant, le compte n’y est pas tout à fait, même si je comprends la préoccupation de protection – qui pourrait ne pas la partager ? Mais dans le même temps, il me semble que nous n’avons pas trouvé la ligne de crête satisfaisante, même avec l’articulation prévue par le texte entre communication possible et obligatoire.
J’ai rédigé l’amendement no 43 rectifié car j’ai pensé que le contrôle judiciaire qui est rendu possible – c’est, madame la garde des sceaux, une avancée formidable de votre texte que j’ai reprise dans mon amendement – peut, pendant une période et avant toute décision, interdire toute activité en contact avec des mineurs. Ce contrôle judiciaire est ouvert au procureur qui peut le demander au juge des libertés, et il est possible pour le juge d’instruction de le prononcer lui-même. Il apporte la garantie qu’un oeil se posera sur la plainte, sur l’enquête telle qu’elle est, au stade où elle est arrivée, et il s’agira de l’oeil d’un magistrat, qui permettra de déterminer s’il existe des indices suffisants pour penser que nous avons affaire à quelque chose de vraiment sérieux. J’ai pensé que cela offrait la protection nécessaire.
Je vois que nous sommes en opposition sur cette disposition et j’entends vos explications. Mais je dis tout net, car il faut dire les choses telles qu’elles sont, que, si je veux bien retirer mon amendement, il ne sera pas possible lors de la commission mixte paritaire de laisser des dispositions permettant une information dès l’enquête sans un minimum de garanties. Nous n’avons pas réussi complètement à trouver ces garanties, nous avons une semaine pour le faire. Si vous prenez l’engagement, madame la garde des sceaux, de participer à la recherche d’une écriture plus satisfaisante, je retire bien évidemment mon amendement.
Mais je pense qu’il ne faut pas que cette préoccupation nous sorte de l’esprit et que nous nous focalisions sur les questions d’éducation nationale. Car, à côté de l’éducation nationale, il y a un ensemble d’institutions privées dans lesquelles les conséquences de l’information seront très lourdes.
La situation est très compliquée, elle se prête en plus à une émotion, parce que ce qui s’est passé à Orgères et à Villefontaine soulève à juste titre une émotion terrible. Mais, dans le même temps, il ne faut pas se laisser trop emporter par l’émotion, parce que, demain, nous aurons des victimes d’un autre type : des gens qui auront été accusés à tort, qui auront perdu leur travail. Et si nous avons à déplorer des suicides, nous regretterons d’avoir été aussi peu précautionneux avec cette partie des travailleurs qui s’occupe des enfants mais qui n’est pas dans la fonction publique.
Voilà ce que je voulais dire, je voulais vous faire part de mes hésitations, de mes craintes, et je souhaite que le texte s’améliore. Je retire mon amendement si vous le souhaitez, j’adhérerai à votre texte, mais avec ces réserves qui ne sont pas proprio motu mais qui sont partagées par beaucoup de mes collègues de la commission des lois qui ont examiné cet amendement.