Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, la discussion en nouvelle lecture du projet de loi portant réforme du droit d’asile intervient dans un contexte qui, s’il n’est pas nouveau, témoigne malgré tout d’une prise de conscience, à savoir que l’immense majorité des migrants qui franchissent aujourd’hui la Méditerranée au péril de leur vie relèvent de la protection internationale. La prise de conscience, c’est aussi que la logique « dublinienne », selon laquelle c’est le pays d’arrivée qui doit instruire les demandes d’asile, conduit à l’explosion du système et à des conditions d’accueil indignes de l’Europe, comme on a pu le voir en Grèce et comme nous sommes proches de le vivre en Italie.
Le Plan Junker, même s’il fait débat en France, y compris au sein de notre majorité, a au moins le mérite de donner enfin corps à l’idée, maintes fois répétée sur l’ensemble de nos bancs, que la question de l’asile mérite d’être traitée au niveau européen. Il repose d’ailleurs sur la même philosophie que celle qui guide le texte dont nous discutons aujourd’hui : l’affectation directive des demandeurs d’asile comme condition de leur accueil digne et adapté aux besoins. Nous saluons la volonté du Gouvernement d’y prendre toute sa part avec l’annonce, le 17 juin dernier, de la construction de 11 000 places supplémentaires pour les demandeurs, mais aussi pour les réfugiés. C’est, nous le savons tous, une condition de la réussite de cette réforme du droit d’asile.
Dans ce contexte, et alors que l’Europe dans son ensemble doit faire face à un afflux de demandes en provenance de Syrie, d’Irak, de Libye ou d’Erythrée, l’obsession de la droite à agiter une confusion permanente entre asile et immigration économique, à considérer, comme M. Ciotti dans son tweet, que « l’asile est une procédure légale pour l’immigration illégale », n’est pas, pour le dire poliment mais avec gravité, à la hauteur de l’histoire. Nous sommes face à l’un de ces moments où, comme nous avons su le faire pour les républicains espagnols, pour les réfugiés vietnamiens et cambodgiens, pour les Européens de l’Est qui franchissaient le rideau de fer, la tradition française de l’asile doit engager l’ensemble des républicains, y compris ceux qui se croient fondés à en privatiser le nom.
Le groupe socialiste considère, pour sa part, que l’adoption de ce texte en est un préalable urgent, et nous n’avons d’ailleurs déposé aucun amendement supplémentaire, considérant que les équilibres que nous avions obtenus en première lecture, ainsi que les quelques précisions utiles du Sénat concernant notamment la question de l’asile en rétention, nous permettent aujourd’hui d’avancer pour remplir les objectifs que nous nous sommes fixés.
C’est accueillir le maximum de demandeurs d’asile en CADA et assurer l’accompagnement social et juridique de tous les autres, en prenant en compte leurs vulnérabilités particulières dans les propositions d’affectation qui leur seront faites.
C’est améliorer la qualité de décision de l’OFPRA, avec une clarification des règles de l’entretien, la présence d’un conseil et une sensibilisation aux situations particulières que représentent, par exemple, les violences faites aux femmes, particulièrement pour les jeunes filles menacées d’excision.
C’est affirmer aussi l’indépendance fonctionnelle de l’OFPRA, avec un conseil d’administration diversifié pour fixer de façon plus objective la liste des pays d’origine sûrs et une liberté d’appréciation de chaque situation pour fixer des critères de priorité ou pour mettre en oeuvre des procédures accélérées.
C’est également confirmer la CNDA dans son rôle de juge de l’asile, un juge spécialisé et qui fait, avec cette réforme, un pas de plus vers sa professionnalisation.
Notre objectif est clair. C’est mieux accueillir et offrir à tout demandeur d’asile les meilleures conditions pour faire valoir son droit à la protection internationale, pour protéger plus vite, réduire le taux de recours contre les décisions de l’OFPRA, mais aussi, lorsque les décisions définitives sont négatives, éviter une installation durable sur le sol français qui entame la crédibilité de notre système.
Nous assumons pour cela un texte qui parle de l’asile et uniquement de l’asile, qui réforme en profondeur l’ensemble des droits et procédures qui sont mis en oeuvre, du dépôt de la demande d’asile à la délivrance ou au refus d’un statut de réfugié, mais qui ne fait pas la confusion entre débouté de l’asile et débouté du séjour, parce que nous ne considérons pas, pour notre part, que l’asile soit un sous-produit de la politique migratoire.
C’est un droit fondamental, un droit constitutionnel, qui mériterait que l’opposition aussi s’y attarde quelques instants plutôt que de fuir un débat qui contrarie ses ambitions électorales pour lui préférer celui de l’immigration, qu’elle juge certainement plus porteur mais sur lequel nous assumerons nos responsabilités dans quelques semaines.