Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, les événements de ces derniers mois le confirment : il y a urgence à réformer en profondeur notre système d’asile. Depuis le début de l’année, plus de 100 000 personnes sont entrées dans l’espace Schengen. Certaines, originaires de pays ravagés par les conflits et la pauvreté, n’hésitent pas à traverser la mer sur des embarcations de fortune, parfois au péril de leur vie. D’autres s’entassent dans des campements précaires présentant des risques sanitaires et sécuritaires élevés. L’Union européenne doit faire face à une crise humanitaire historique, qui nécessite une refondation de notre politique migratoire et de notre droit d’asile, à l’échelle française et européenne. Le projet de loi relatif à la réforme de l’asile que nous nous apprêtons à examiner en seconde lecture revêt, dans ce contexte, une dimension capitale. Nous n’avons plus le droit à l’erreur. La préservation de notre tradition en matière d’asile et la dignité de dizaines de milliers de personnes en dépendent.
À travers ce projet de loi, nous devons apporter des solutions à trois dysfonctionnements majeurs qui affaiblissent notre système : la lenteur de l’examen des demandes d’asile, un système d’hébergement inefficace et inéquitable, des droits trop souvent bafoués pour les demandeurs d’asile.
En ce qui concerne la procédure d’examen des demandes, tous s’accordent sur le fait que les délais d’examen doivent être réduits. Certains sont animés par l’ambition utopique de réduire ces délais à trois mois. Ce n’est pas tenable. En revanche, comme Valérie Létard et moi-même l’avions préconisé dans notre rapport sur le droit d’asile, faire en sorte que la durée totale de l’examen de la demande passe de deux ans à neuf mois en moyenne me semble un objectif atteignable. Dans cette perspective, nous devons agir à toutes les étapes du processus : de l’enregistrement des demandes par les préfectures aux délais d’examen devant l’OFPRA et la CNDA. C’est ce à quoi tend ce projet de loi, et je m’en réjouis.
La lutte contre la lenteur de notre système est la condition indispensable pour une amélioration de la situation des demandeurs d’asile, comme des déboutés. Comment exiger un retour des déboutés dans leur pays d’origine lorsqu’ils vivent dans notre pays depuis plusieurs années ? Lorsque nous aurons réduit la durée de la procédure, alors nous serons en capacité de mettre en oeuvre une politique d’éloignement plus efficace. Le Gouvernement prend le problème à bras-le-corps comme le prouve son plan d’amélioration de la prise en charge des migrants, qui prévoit une vague de recrutements à l’OFPRA, à l’OFII et en préfecture pour atteindre l’objectif de diminution des délais d’instruction.
Agir dans l’intérêt des demandeurs d’asile, c’est aussi leur offrir à tous des conditions d’hébergement dignes. L’amélioration de celles-ci passe par une généralisation progressive de l’hébergement en CADA et une marginalisation des nuitées d’hôtel, mais, sans augmentation de la capacité de ces centres, rien n’est possible. C’est pourquoi je salue encore une fois l’action du Gouvernement qui, la semaine dernière encore, a annoncé la création de 4 000 places supplémentaires, en plus des 4 200 qui sont déjà en cours de réalisation. Pour être plus efficace, notre système d’hébergement doit également être plus directif. Actuellement, les demandeurs d’asile sont essentiellement concentrés dans les régions parisienne et lyonnaise. Leur meilleure répartition sur le territoire permettra une prise en charge plus équitable et plus immédiate. De plus, cela leur permettra, en cas de réponse positive, d’avoir plus de chances de s’insérer au mieux dans notre société.
Enfin, ce projet de loi renforce les droits des demandeurs d’asile. C’est une bonne chose. En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, je suis particulièrement heureux des dispositions adoptées en première lecture relatives à la vulnérabilité des demandeurs. Comme chacun le sait, la détection de la vulnérabilité est une opération délicate. Félicitons-nous du fait que le projet de loi prévoit une adaptation de la procédure en fonction des besoins spécifiques des personnes les plus fragiles, comme les mineurs isolés ou encore les femmes victimes de violences.
Ce projet de loi représente une réelle avancée. Il accorde de nouvelles garanties aux demandeurs d’asile, notamment dans le déroulement de la procédure devant l’OFPRA, au cours de laquelle ils seront accompagnés et assistés par une personne-ressource. Des délais d’instruction plus brefs permettront aux réfugiés de s’organiser pour leur nouvelle vie, notamment en ayant la possibilité d’accéder à un emploi au bout de neuf mois. La durée d’hébergement en CADA sera aussi plus courte, ce qui permettra de satisfaire davantage de demandeurs.
Cette réforme de l’asile est ambitieuse. Néanmoins, elle ne saurait se suffire à elle-même. Pour répondre à l’urgence humanitaire, nous avons besoin d’une véritable politique européenne et d’une action volontariste des pouvoirs publics. Le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé plusieurs décisions allant dans le sens d’une meilleure gestion des flux migratoires et d’une amélioration de la prise en charge des demandeurs d’asile et des réfugiés : capacités d’hébergement supplémentaires, recrutement de personnel supplémentaire à l’OFII, à l’OFPRA et en préfecture, abondement des aides au retour pour les déboutés en sont des exemples. Devant cette mobilisation importante de l’État pour relever les défis posés par ces mouvements migratoires exceptionnels, nous sommes désormais dans l’attente d’une réponse européenne. L’Union européenne pourra accueillir dignement les opprimés lorsqu’elle se sera dotée des moyens nécessaires à la mise en oeuvre d’une politique migratoire globale.