Je salue à mon tour le travail, fort utile à nos débats, accompli par la Cour des comptes. Cette dernière est en effet davantage dans son rôle en mettant l'accent sur le chemin qui reste à parcourir plutôt que sur celui déjà parcouru, eu égard notamment aux errements de ce pays depuis quarante ans et au cours des deux derniers quinquennats.
Je souscris sans réserves aux dernières lignes de votre rapport, selon lesquelles il est important de soutenir la croissance, qui est un levier de redressement des finances publiques, ce qui implique impérativement, en toutes circonstances et notamment en période de reprise, de continuer à faire un effort d'amélioration du solde structurel. Partant, le choix du Gouvernement et de la majorité parlementaire d'étaler dans le temps l'ajustement des finances publiques afin de soutenir la croissance suppose en contrepartie de maintenir l'effort dans la durée.
Les comparaisons européennes auxquelles vous avez procédé permettent de répondre à ceux qui, à gauche comme à droite, nous accusent de mener une politique d'austérité alors que ce n'est en réalité pas le cas – et vous auriez d'ailleurs pu insister davantage sur le caractère extrêmement dégradé, notamment depuis 2012, de la situation de notre économie.
Quoi qu'il en soit, et votre rapport, sans le trancher, a le mérite de poser le débat ; l'ampleur et la dureté des ajustements budgétaires auxquels ont procédé un certain nombre de pays ont non seulement eu des conséquences économiques et sociales lourdes au plan national, mais leur impact sur la croissance de la zone euro a été indéniable. Dans ces conditions, les réformes structurelles que vous qualifiez de « réformes vigoureuses » et qui consistent en réalité en une baisse des effectifs des fonctionnaires, un gel ou une baisse de leurs traitements, une baisse des prestations familiales et une diminution de l'investissement public constituent un modèle qui, à tout le moins, mérite débat.
Je ne comprends pas par ailleurs pourquoi est à ce point minoré l'effort de maîtrise de la dépense publique engagé depuis le début de ce quinquennat. En deux ans et demi, nous avons divisé par quatre le rythme tendanciel d'évolution de la dépense publique, passé de 3,6 % en moyenne à 0,9 % ; le déficit structurel a été divisé par deux et ramené de 4,4 % en 2011 à 2,1 % aujourd'hui. J'irai jusqu'à dire que nous avons, sur un demi-quinquennat, effacé les effets des deux quinquennats précédents où l'opposition était aux commandes, puisque le déficit structurel s'établissait en 2002 à 4,2 % et à 4,4 % en 2012, alors que la moyenne d'évolution du PIB en valeur sur cette période a été supérieure à 3 %, contre à peine plus de 1 % depuis 2012. Il conviendrait donc de mieux prendre en compte la faiblesse de la conjoncture pour mesurer nos efforts structurels, contraints par la nécessité de préserver la croissance et d'empêcher la récession qu'ont connue d'autres pays européens, à moins que vous ne choisissiez de qualifier de justes et efficaces les politiques d'ajustement conduites en Grèce, en Espagne ou en Italie. On ne peut imputer la totalité de la baisse de la dépense publique à la baisse des taux d'intérêt et au cycle électoral et minorer comme vous le faites des efforts d'autant plus notables qu'en période de ralentissement de l'activité, les mécanismes stabilisateurs augmentent en général la dépense publique.
Il faudrait ensuite clarifier ce que l'on entend par réforme structurelle – ou vigoureuse – et s'accorder sur le fait de savoir si une mesure d'économie ciblée et reconduite d'année en année constitue ou non une économie structurelle.
En tout état de cause, il ne saurait être question de remettre en cause brutalement des choix politiques qui entendent – précisément par le biais des stabilisateurs économiques – préserver notre modèle social et permettent à nos concitoyens de traverser la crise de manière moins douloureuse et plus porteuse d'avenir que chez certains de nos voisins européens. Cela étant, je partage avec vous l'idée qu'il est indispensable de poursuivre dans la voie d'un ajustement modéré, en nous gardant de repartir, comme en 1990 ou en 1999, dans un nouveau cycle de dépenses au moment où semble s'amorcer une reprise.