La Commission entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.
Lors d'une précédente audition, il y a un mois, M. Didier Migaud nous avait présenté les conclusions de la Cour sur l'exécution de l'exercice 2014, conclusions qui ne concernaient que les finances de l'État. Le rapport qui nous est présenté aujourd'hui concerne, lui, l'ensemble des finances publiques, ce qui inclut les comptes sociaux et les finances locales. Il est établi en application du 3° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF – et doit servir de base à nos prochains débats d'orientation des finances publiques tant en commission qu'en séance publique.
L'année dernière à pareille époque, vous aviez, monsieur le Premier président, attiré notre attention sur le fait que la prévision de déficit public consolidé pour 2014, d'abord établie à 3,6 points, puis révisée à 3,8 points, risquait malgré tout d'être dépassée. Et, en effet, le déficit, en fin d'année, s'établissait à 4 points de PIB. Vous nous aviez également fait part de vos inquiétudes concernant certaines rentrées fiscales, notamment l'impôt sur le revenu.
Pour 2015, l'objectif est de limiter le déficit public à 3,8 points, soit un recul de 0,2 point par rapport à 2014. C'est certes un objectif modeste mais, malgré cela, il sera sans doute difficile à atteindre. Vous mettez en particulier l'accent sur la fragilité de certaines prévisions de recettes ainsi que sur la difficulté que nous aurons à contenir la dépense publique.
Nous avons reçu hier les responsables des programmes Police nationale et Gendarmerie nationale pour qui la mise en réserve budgétaire, qui concerne 8 % de leurs crédits est problématique dans la mesure où elle concerne des crédits qui devront de toute façon être utilisés. On ne peut, de façon simpliste, penser que les économies demandées par la Commission européenne, auxquelles s'ajoutent les dépenses nouvelles, pour un montant de 4 à 5 milliards d'euros, annoncées depuis le début de l'année, seront compensées par les 8 milliards mis en réserve. Nous aimerions votre sentiment sur la question.
Quoi qu'il en soit, j'ai, pour ma part, trouvé votre rapport extrêmement intéressant. Il nourrira fort utilement notre prochain débat d'orientation des finances publiques.
Je suis comme toujours très heureux d'être auditionné par votre commission pour vous présenter le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, que la Cour des comptes rend public ce matin.
Ce rapport est établi chaque année en application de la LOLF, afin de nourrir le débat d'orientation des finances publiques qui aura lieu prochainement au Parlement. Il s'inscrit dans le prolongement et la continuité – j'insiste sur ces mots – des autres documents publiés au printemps par la Cour et les organismes qui y sont associés. Il prolonge notamment le rapport sur le budget de l'État en 2014, en s'intéressant cette fois à l'ensemble des administrations publiques, dont les dépenses représentent au total 57,5 points de PIB, à savoir l'État et ses opérateurs bien sûr, mais aussi la sécurité sociale et les administrations publiques locales. Il analyse la trajectoire d'évolution des finances publiques à l'horizon 2017, en cohérence avec les travaux du Haut Conseil des finances publiques, que j'ai également l'honneur de présider.
Ces différents exercices, auxquels j'ajoute l'acte de certification des comptes de l'État, portent sur des objets différents. Ils ne se contredisent évidemment pas ; au contraire, ils se complètent. Ils donnent de la gestion publique une vision multiple qu'expliquent et justifient les différences de périmètre et les différents types de comptabilité – comptabilité générale, comptabilité nationale, comptabilité budgétaire.
Avant de présenter les principaux constats relevés dans le rapport, je tiens à rappeler le rôle de la Cour, lorsqu'elle rend public son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Dans le respect du principe de séparation des pouvoirs, elle part des objectifs fixés souverainement par les pouvoirs publics, elle apprécie les résultats atteints au regard des moyens consacrés, puis elle identifie les risques pesant éventuellement sur le respect des engagements pris pour les années à venir par la France auprès de nos partenaires européens. Par une analyse des faits et des chiffres, elle s'efforce d'apporter un éclairage utile au débat public, c'est-à-dire aux décideurs et aux citoyens.
Pour vous présenter ce rapport, j'ai à mes côtés Raoul Briet, président de chambre, qui préside la formation interchambres chargée de sa préparation, Henri Paul, président de chambre et rapporteur général du comité du rapport public et des programmes, François Écalle, conseiller maître et rapporteur général de ce rapport, Éric Dubois, conseiller maître, et Vianney Bourquard, conseiller référendaire, rapporteurs devant cette formation collégiale, dont le contre-rapporteur était Christian Charpy, conseiller maître. Je suis également accompagné d'Adnène Trojette, conseiller référendaire, et de Ted Marx, directeur de la communication.
Dans son rapport, la Cour dresse plusieurs constats : premièrement, si la situation des finances publiques s'est très légèrement améliorée en 2014, elle reste néanmoins plus déséquilibrée en France que dans la moyenne des autres pays européens ; deuxièmement, des incertitudes subsistent quant au respect de la trajectoire des finances publiques pour les années à venir ; troisièmement, les décisions d'investissements publics peuvent encore gagner en rationalité.
Le premier message de la Cour est donc que la situation des finances publiques s'est très légèrement améliorée en 2014, constat auquel il convient néanmoins d'apporter quelques bémols, à savoir : une évolution différente de la situation selon la catégorie d'administrations publiques concernée ; un rythme ralenti de réduction du déficit des administrations publiques ; une situation plus déséquilibrée en France que dans la moyenne des autres pays européens ; l'existence, enfin, de marges de manoeuvre pour baisser certains postes de dépenses publiques.
La très légère réduction (– 0,1 %) du déficit des administrations publiques en 2014 recouvre des situations variables, selon la catégorie d'administrations observée.
En ce qui concerne l'État, comme l'a présenté la Cour dans son rapport publié fin mai, le déficit a de nouveau augmenté à hauteur de 5 milliards d'euros en comptabilité nationale. La croissance spontanée des recettes a été inférieure à la croissance de l'activité, qui a elle-même été inférieure à la prévision. Les normes d'évolution utilisées pour le pilotage de la dépense publique ont certes été respectées, mais la Cour a mis en évidence que cela s'était fait au prix d'opérations contestables, notamment des débudgétisations et des reports de charges sur 2015.
Le déficit de la sécurité sociale, soit 0,4 point de PIB, a été pratiquement stable, entre 2013 et 2014. Les objectifs de dépenses de l'assurance maladie et des régimes obligatoires ont globalement été tenus. Mais, comme pour l'État, les recettes de la sécurité sociale ont aussi été affectées par la faiblesse de la croissance. Cette stabilité du déficit ne saurait par ailleurs dissimuler l'anomalie que représente en elle-même la persistance d'un déficit, donc le financement par la dette de dépenses courantes de transfert.
Les administrations publiques locales ont, quant à elles, contribué à la réduction des déficits publics, à hauteur de 0,2 point de PIB. La baisse des investissements en apporte une explication : traditionnelle les années d'élections municipales, elle a été plus accentuée que d'habitude en 2014. Toutefois, les dépenses de fonctionnement des administrations locales ont continué d'augmenter. Et, même si cette évolution s'est infléchie par rapport à 2013, cela n'a pas suffi pour empêcher la dégradation de l'épargne brute.
Au total, le déficit, toutes administrations publiques confondues, s'est établi en 2014 à 4 % du PIB, alors que la loi de finances rectificative pour 2014 comme la loi de programmation des finances publiques prévoyaient 4,4 %.
La modération de l'évolution des dépenses, engagée depuis 2011, s'est poursuivie en 2014. S'il faut donner acte de cette modération, la Cour relève toutefois qu'elle a bénéficié de deux facteurs favorables, dont la pérennité n'est pas assurée : d'une part, la baisse de l'investissement public local ; d'autre part, la réduction de la charge des intérêts de la dette, en raison de la faiblesse des taux d'intérêt, et alors même que la dette progressait.
Par ailleurs, il s'agit d'une baisse de seulement 0,1 point par rapport à 2013. Cette amélioration du solde public est aussi inférieure à ce qui était inscrit dans la loi de finances initiale pour 2014, qui prévoyait de ramener le déficit à 3,6 %. En raison de la très faible croissance relevée en 2014, la réduction du déficit structurel (– 0,5 %) est supérieure cette année à celle du déficit effectif (– 0,1 %). Néanmoins, cette réduction du déficit structurel de - 0,5 point de PIB est à mettre en regard de l'amélioration annuelle moyenne de 0,9 point de PIB, observée entre 2011 et 2013.
Dès lors, la France n'est pas encore parvenue à stabiliser sa dette publique en 2014. Celle-ci a ainsi continué d'augmenter pour atteindre 95,6 points de PIB fin 2014, soit 3,3 points de plus que fin 2013.
Afin de remettre dans son contexte la situation des finances publiques de la France, la Cour a souhaité la comparer avec celles d'autres pays européens. Avec toutes les précautions méthodologiques qui s'imposent, plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces comparaisons européennes.
En premier lieu, alors qu'en 2014 le déficit structurel s'est réduit plus vite en France que dans la moyenne des pays de la zone euro ou de l'Union européenne, la baisse du déficit effectif n'est pas aussi rapide qu'elle ne l'est en moyenne chez nos voisins. Avec un déficit de 4 points, la France se situe aussi à un niveau nettement plus élevé que la moyenne – 2,4 points de PIB pour la zone euro ; 2,9 points de PIB pour l'Union européenne.
En 2014, le poids de la dette reste supérieur en France à celui de la moyenne des pays ayant adopté la monnaie unique – 95,6 % en France, contre 91,9 % dans la zone euro – et à la moyenne des États membres de l'UE – 86,8 %. Alors que la France et l'Allemagne avaient en 2010 des niveaux de dette publique très proches, en 2014, l'endettement de la France est de plus de 20 points de PIB supérieur à celui de l'Allemagne.
En second lieu, en ce qui concerne les dépenses publiques, l'effort structurel réalisé depuis 2010 apparaît moindre en France que dans la plupart des pays européens. Malgré le poids très élevé des dépenses publiques, la France a en effet privilégié jusqu'en 2013 une consolidation des finances publiques par la hausse des recettes.
Dans le même temps, d'autres pays ont choisi une répartition des efforts plus équilibrée entre recettes et dépenses. Concrètement, en France, le niveau des dépenses a continué d'augmenter en volume, même si cette croissance s'est ralentie. Dans de nombreux pays à l'inverse, il a baissé ; c'est notamment le cas de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de l'Espagne, de l'Italie et des Pays-Bas.
Au total, en dépit d'une très légère amélioration en 2014, la situation des finances publiques reste plus déséquilibrée en France qu'elle ne l'est en moyenne dans les autres pays de l'Union européenne.
Les travaux de la Cour, que j'ai régulièrement l'occasion de présenter au Parlement, le démontrent : des marges de manoeuvre existent pour une action publique plus efficace, plus efficiente, dans le cadre d'une dépense mieux maîtrisée. Ce sont les résultats atteints par une politique publique qui garantissent sa crédibilité, et non l'augmentation des moyens qui y sont consacrés. Nos concitoyens y sont de plus en plus attentifs ; ils savent que qualité du service public ne rime pas forcément avec quantité de dépense publique.
L'exemple de plusieurs de nos partenaires le montre, au sein de l'Union européenne comme au sein de l'OCDE, la baisse durable du poids des dépenses dans le PIB suppose que les réformes reposent sur des choix explicites. Elle suppose également que les efforts soient partagés entre l'ensemble des administrations publiques.
Dans le rapport rendu public ce matin, la Cour relève que des risques et incertitudes continuent de peser sur la trajectoire des finances publiques retenue par les pouvoirs publics, d'une part pour 2015 et, d'autre part, pour les années 2016 et 2017.
Dans la loi de programmation des finances publiques de décembre 2014, le déficit public prévu pour 2015 était de 4,1 % du PIB. Dans le dernier programme de stabilité transmis par le Gouvernement à la Commission européenne, cette prévision a été abaissée à 3,8 % du PIB. Le résultat budgétaire meilleur que prévu en 2014, la baisse de l'hypothèse d'inflation et les nouvelles mesures d'économies annoncées permettent ainsi d'envisager une situation financière un peu améliorée en 2015. Néanmoins, plusieurs risques, même s'ils sont plus limités que les années précédentes, pèsent sur la situation des finances publiques en 2015.
Comme l'a indiqué le Haut Conseil des finances publiques dans son avis d'avril dernier, le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement est prudent. Sous ces hypothèses, l'augmentation du produit des prélèvements obligatoires apparaît incertaine, notamment pour ce qui est de l'impôt sur le revenu. Le rendement de certaines mesures fiscales nouvelles pourrait également être plus faible que prévu. Ces risques sont toutefois limités à un montant de l'ordre de 0,1 point de PIB, qui pourrait être compensé si la croissance de l'activité dépasse de 0,2 point la prévision, ce qui est envisageable pour 2015. Les risques mis en évidence par la Cour au même stade ces trois dernières années étaient nettement plus importants.
Par ailleurs, la cession de fréquences hertziennes prévue pour 2015 pourrait n'avoir lieu qu'en 2016, reportant ainsi les ressources exceptionnelles associées.
Des tensions persistent en ce qui concerne l'évolution des dépenses de l'État. Ces tensions sont plus fortes en 2015 qu'en 2014, puisque les risques de dépassement des crédits votés en loi de finances initiale sont compris entre 1,8 et 4,3 milliards d'euros cette année, tandis que la fourchette se situait l'an dernier entre 1,1 et 3,2 milliards. Il est à noter que l'annulation, début juin, de 700 millions de crédits du budget général a porté sur certaines missions pour lesquelles des risques de dépassement ont été identifiés. Cela ne fera que renforcer ces tensions.
Dans le même temps, la nette modération des dépenses locales prévue pour 2015 dans le programme de stabilité – baisse supplémentaire des dépenses d'investissement de 8,4 % en 2015, après une diminution de 9,6 % en 2014 ; hausse limitée des dépenses de fonctionnement, qui augmentent de 1,8 % après 2,1 %, ce qui inclut la masse salariale qui croît de 2,6 % après 3,9 % en 2014 – n'est pas assurée.
Au total, à condition que le pilotage des dépenses publiques soit particulièrement strict, l'objectif visé n'est pas inaccessible. Le déficit public pourrait effectivement se situer autour de 3,8 % du PIB en 2015, comme le prévoit le Gouvernement.
Une telle réduction de 0,2 point de PIB n'en resterait pas moins faible, au regard de la situation économique, celle d'une certaine reprise de la croissance – 1 à 1,2 %, contre 0,2 % en 2014. Elle serait en tout cas bien insuffisante pour stabiliser la dette, qui pourrait atteindre 97 % du PIB.
Pour 2016 et 2017, le programme de stabilité a retenu des prévisions prudentes de croissance économique et d'évolution des recettes publiques. Il repose en revanche sur un objectif de stabilisation en volume (+ 1,1 %) des dépenses hors charges d'intérêt nettement plus ambitieux que pour 2015. Dès lors, le respect de la trajectoire des finances publiques repose tout entier sur la capacité à réaliser des efforts structurels sur la dépense publique.
L'atteinte des objectifs prévus pour 2016 et 2017 impose la réalisation, chaque année, de 14,5 milliards d'euros d'économies. Ces économies sont calculées à partir de l'évolution tendancielle des dépenses, estimée de manière largement conventionnelle, comme la Cour l'a déjà souligné l'an dernier. Quant aux mesures censées permettre ces économies, elles sont à ce stade peu documentées. La prévision de déficit, ramenée à 3,3 % du PIB en 2016 et à 2,7 % en 2017, n'est donc pas acquise.
Elle sera a fortiori plus difficile à atteindre si l'inflation est plus faible ou les taux d'intérêt plus élevés que prévu. En effet, il faut garder à l'esprit qu'une baisse d'un point de l'inflation non anticipée peut entraîner 5 milliards d'euros de déficit supplémentaires. De même, selon l'Agence France Trésor, une hausse de 100 points de base de tous les taux d'intérêt – appliquée à toutes les maturités – entraînerait immédiatement 2,4 milliards d'euros de charge d'intérêts supplémentaire et 7,4 milliards en 2017. Encore ces chiffres ne concernent-ils que l'État, la Banque de France ayant évalué à 50 milliards d'euros sur cinq ans les conséquences d'une augmentation des taux d'intérêt de 100 points de base, toutes administrations publiques confondues.
Nous avons auditionné la semaine dernière le directeur de l'Agence France Trésor, qui nous a en effet communiqué ces éléments. Il nous a expliqué que si la progression de la charge pouvait paraître assez lente c'est que ce qui a été emprunté l'a été à des taux faibles et sur des maturités assez longues – de huit à dix ans en moyenne –, ce qui permet de conserver le bénéfice des taux faibles pendant un certain nombre d'années.
Pouvez-vous nous confirmer que le besoin de financement de la France s'élève bien à 180 milliards d'euros d'emprunts à long terme, auxquels s'ajoutent l'équivalent en bons du Trésor pour la gestion de la trésorerie à court terme ?
Les chiffres de progression de la charge peuvent vous paraître faibles mais ils sont néanmoins significatifs même si une augmentation de 100 points de base n'entraîne pas immédiatement l'effet massif qu'elle aurait si elle concernait l'ensemble de la dette.
En termes de déficit structurel, les pouvoirs publics se sont fixé, dans le programme de stabilité, un objectif de baisse de 0,5 point de PIB en 2016 et 2017. Cet objectif sera en fait un peu plus facile à atteindre qu'initialement envisagé : en effet, quatre mois seulement après le vote de la loi de programmation qui a déterminé la trajectoire de solde structurel de 2014 à 2019, le Gouvernement a modifié les modalités de calcul de la croissance potentielle, la révisant à la hausse de 0,2 point. Cette révision, regrettée par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis du 13 avril 2015 sur le programme de stabilité, allège l'effort nécessaire pour atteindre la cible.
Afin de permettre la réalisation des objectifs affichés, le Gouvernement compte beaucoup sur la maîtrise de la dépense via les normes budgétaires, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie – ONDAM –, le plafonnement des taxes affectées, ou encore la modération des concours financiers aux collectivités. Dans les faits, le programme de stabilité prévoit des efforts portant avant tout sur les dépenses les plus faciles à réduire sans réforme de fond, comme les investissements et des achats courants de biens et de services.
C'est pourtant bien la capacité des pouvoirs publics à faire des choix de réformes à la hauteur des enjeux qui fera la différence. Comme j'ai déjà pu le dire à plusieurs reprises, il ne s'agit pas d'une contrainte imposée, importée, mais bien d'une exigence nécessaire au maintien de notre souveraineté.
La Cour a souhaité, dans un chapitre de ce rapport, s'intéresser à la question des investissements publics. Cette question fait en effet l'objet de débats nourris, tant au niveau national qu'européen. Les investissements publics doivent être décidés avec le souci de l'efficacité et de l'efficience à moyen et long termes. C'est le troisième et dernier message de la juridiction.
En 2014, les investissements publics, qui représentent un cinquième de l'investissement total, ont atteint 96 milliards d'euros, soit 4,5 points de PIB. Ils sont portés en partie par les administrations publiques locales, en particulier à travers les équipements publics qu'elles construisent et entretiennent. Mais, et c'est un fait qui n'est pas toujours bien connu, les investissements publics sont, pour une part équivalente, pris en charge par l'État et ses opérateurs. Cette répartition, sensiblement différente de celle mise en avant les années précédentes, résulte du nouveau référentiel de comptabilité nationale : celui-ci intègre en effet au sein des investissements publics l'équipement militaire – 4 à 10 milliards d'euros par an – et la recherche et développement – 16 à 17 milliards d'euros –, principalement à la charge de l'État et de ses agences.
Les montants consacrés en Europe aux investissements publics sont en baisse depuis 2007. Cela n'a été le cas en France qu'en 2014, et à un rythme nettement moins élevé. En dépit de cette baisse, les dépenses publiques d'investissement en France restaient en 2014 plus élevées que partout ailleurs en Europe, sauf en Suède. Leur niveau est supérieur à ce qui est nécessaire pour maintenir et entretenir les infrastructures publiques existantes, dont la densité apparaît d'ailleurs satisfaisante.
Les travaux de la Cour le montrent : les investissements publics ne sont pas vertueux par nature, par essence. Les décisions d'investissement doivent être prises dans une perspective de long terme, en fonction de la capacité des projets à relever le potentiel de production de l'économie française ; en fonction de leur propension à améliorer les conditions de vie des ménages ou à générer des gains de productivité ; en fonction, enfin, des dépenses de fonctionnement qu'elles font peser durablement sur l'administration.
En somme, la Cour ne relève pas de signe d'insuffisance globale de l'investissement public en France mais elle pointe la qualité souvent contestable de la décision d'investir et de la conduite des projets d'investissement. Une meilleure connaissance et une évaluation plus systématique de ces projets permettraient de prendre des décisions plus rationnelles. Il s'agit moins pour les administrations publiques d'intervenir sur le niveau global de l'investissement public que de mieux investir. Les obligations d'évaluation socio-économique et de contre-expertises inscrites dans la loi de programmation des finances publiques constituent en la matière une avancée notable, mais des progrès restent à accomplir, notamment en définissant mieux ces obligations.
Je ne peux terminer mon propos sur la situation et les perspectives des finances publiques sans dresser un premier bilan des instruments de pilotage pluriannuel des finances publiques. Le vote en 2014 d'une nouvelle loi de programmation des finances publiques justifie en soi que le rapport y consacre un développement spécifique.
D'une part, la Cour a constaté une amélioration des lois successives de programmation des finances publiques. Elles distinguent de plus en plus clairement les objectifs et les règles budgétaires. Elles limitent les affectations de taxes à des opérateurs, comme le Conseil des prélèvements obligatoires l'a préconisé en 2013. Elles comportent désormais une règle d'évolution des crédits d'impôt. Y figure ainsi désormais un objectif d'évolution de la dépense publique totale en valeur, décliné par catégorie d'administrations.
Des progrès sont évidemment encore possibles. Je pense notamment au périmètre des normes de dépenses de l'État, qui pourrait évoluer pour éviter les contournements observés avec les programmes d'investissements d'avenir – PIA – en 2014. Je pense aussi à la mise en place de lois de financement des collectivités territoriales et de la protection sociale obligatoire, à la faveur d'un pilotage plus résolu encore de la dépense.
D'autre part, la publication de ce rapport est aussi l'occasion de faire un point sur le mécanisme de correction prévu par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. En mai 2014, le Haut Conseil des finances publiques avait constaté un écart entre la programmation pluriannuelle et les résultats. Plutôt que de présenter des mesures correctives, le Gouvernement a préféré proposer une nouvelle loi de programmation, revoyant à la baisse la trajectoire des finances publiques. En pratique, le mécanisme de correction est donc demeuré sans effet.
Je veux conclure en rappelant que la Cour ne méconnaît pas les efforts réalisés ces dernières années par les pouvoirs publics pour procéder au nécessaire redressement des finances publiques. Elle n'ignore pas davantage le contexte nouveau dans lequel évoluent nos finances publiques : la trajectoire de consolidation budgétaire a été renégociée avec la Commission européenne, repoussant à 2017 le retour aux 3 % et à 2019 l'équilibre structurel. La Cour intègre aussi dans son raisonnement l'amélioration du climat économique aujourd'hui perceptible.
Les travaux de la juridiction montrent cependant que la prudence doit rester de mise et que l'effort structurel ne doit pas être relâché. Les fondamentaux de l'économie demeurent fragiles : d'une part, la croissance de l'activité et l'inflation sont encore faibles ; d'autre part, le bas niveau des taux d'intérêt ne doit pas dissimuler le risque d'un endettement trop élevé, ni anesthésier les efforts de réforme. Or, nous constatons que la réduction des déficits publics s'est ralentie entre 2013 et 2015.
Un effort beaucoup plus important est prévu en dépense pour les années à venir. L'atteinte des objectifs que les pouvoirs publics se sont assignés repose sur la réalisation de cet effort. Dès lors, le retour à un climat économique plus porteur ne doit pas altérer le degré de vigilance collective sur la situation et les perspectives des finances publiques.
L'amélioration structurelle des comptes publics reste nécessaire, et les administrations publiques doivent persévérer dans cette voie. Cette amélioration est possible, les recommandations mises sur la table par les juridictions financières le montrent. Par leurs travaux, la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes continueront d'apporter régulièrement des pistes d'amélioration de l'action publique. C'est la mission que leur confient la Constitution et les lois organiques, au service des décideurs et des citoyens.
Vos propos semblent confirmer que la maîtrise des dépenses de l'État restera problématique en 2015, puisque vous évaluez entre 1,8 et 4,3 milliards d'euros les risques de dépassement des crédits votés en loi de finances initiale. Pouvez-vous nous confirmer que n'est pas incluse dans cette fourchette l'éventuelle compensation budgétaire des 2 milliards de recettes exceptionnelles censées abonder le budget de la défense, au cas où elles ne seraient pas au rendez-vous ?
Si la dépense de l'État a été contenue l'an dernier, c'est d'abord grâce aux 5 milliards d'économies réalisées sur les intérêts de la dette, mais également grâce à une révision à la baisse du prélèvement européen et à la débudgétisation de certaines dépenses qualifiées d'exceptionnelles – je pense en particulier au PIA – ainsi qu'à la reconstitution de la dette de l'État envers la sécurité sociale, dont j'aimerais savoir comment vous la mesurez aujourd'hui.
Eu égard aux différentes annonces de dépenses nouvelles faites en début d'année, vous paraît-il possible de respecter en 2015 la norme « 0 valeur », c'est-à-dire la stabilité en valeur des dépenses de l'État, hors charge de la dette et pensions, en gageant, dans le cadre de la régulation budgétaire infra-annuelle, les 4,3 milliards de dépassement que vous anticipez sur les crédits mis en réserve ? Par ailleurs, cette pratique consistant à recourir systématiquement à la réserve de précaution, déterminée chaque année à proportion du budget, ne date pas d'hier mais ne pensez-vous pas qu'elle comporte des risques pour le fonctionnement de l'État dans ses missions régaliennes ? Les responsables de la gendarmerie et de la police que nous avons entendus hier nous ont longuement entretenus de problèmes aussi concrets que le remplacement de leurs véhicules. Que pense la Cour des comptes de la régulation budgétaire, dès lors qu'il s'agit de milliards de dépenses nouvelles à financer ?
Quoi qu'il en soit, je me réjouis que vous estimiez plutôt faible le risque pesant sur les recettes.
Je vous remercie d'avoir signalé, même sans y avoir mis un enthousiasme débordant, l'effort fait en faveur de la maîtrise de la dépense publique.
Vous avez évoqué la composante structurelle du déficit, notion qui fait souvent débat au sein de notre commission, et vous êtes appuyé sur des comparaisons européennes. Quelles hypothèses de croissance potentielle avez-vous retenues pour chacun de nos voisins, sachant que l'effort accompli se mesure par rapport à ces hypothèses de départ et qu'il n'est pas certain que nous soyons tous d'accord sur ces dernières ?
Vous avez ensuite abordé la question de l'investissement public, en reprécisant les changements de méthodologie ayant affecté sa définition. J'aurai ici une légère divergence de vue par rapport à votre analyse. Ce qui compte, en effet, c'est l'investissement total dans l'économie et, selon les pays, un investissement peut, ou non, être qualifié d'investissement public, en raison de systèmes de comptabilité différents. Ainsi, l'investissement public peut apparaître plus faible en Allemagne mais les montants injectés dans l'économie plus importants. Vous êtes-vous intéressés aux montants globaux investis dans les économies européennes, et comment la France se situe-t-elle, selon cette approche, par rapport à ses partenaires ?
En ce qui concerne les risques de dépassement des crédits votés en loi de finances initiale, notamment au sein de la mission Défense, la récente révision de la loi de programmation militaire est-elle de nature à apaiser vos craintes ?
Comment par ailleurs interprétez-vous la sous-exécution des plafonds d'emplois, et quelles recommandations pourriez-vous formuler sur ce point ?
S'agissant enfin des collectivités locales, vous avez annoncé pour 2015 une nouvelle baisse des investissements de 8,4 % ? Confirmez-vous ce chiffre ou faut-il le revoir à la hausse ?
Je salue à mon tour le travail, fort utile à nos débats, accompli par la Cour des comptes. Cette dernière est en effet davantage dans son rôle en mettant l'accent sur le chemin qui reste à parcourir plutôt que sur celui déjà parcouru, eu égard notamment aux errements de ce pays depuis quarante ans et au cours des deux derniers quinquennats.
Je souscris sans réserves aux dernières lignes de votre rapport, selon lesquelles il est important de soutenir la croissance, qui est un levier de redressement des finances publiques, ce qui implique impérativement, en toutes circonstances et notamment en période de reprise, de continuer à faire un effort d'amélioration du solde structurel. Partant, le choix du Gouvernement et de la majorité parlementaire d'étaler dans le temps l'ajustement des finances publiques afin de soutenir la croissance suppose en contrepartie de maintenir l'effort dans la durée.
Les comparaisons européennes auxquelles vous avez procédé permettent de répondre à ceux qui, à gauche comme à droite, nous accusent de mener une politique d'austérité alors que ce n'est en réalité pas le cas – et vous auriez d'ailleurs pu insister davantage sur le caractère extrêmement dégradé, notamment depuis 2012, de la situation de notre économie.
Quoi qu'il en soit, et votre rapport, sans le trancher, a le mérite de poser le débat ; l'ampleur et la dureté des ajustements budgétaires auxquels ont procédé un certain nombre de pays ont non seulement eu des conséquences économiques et sociales lourdes au plan national, mais leur impact sur la croissance de la zone euro a été indéniable. Dans ces conditions, les réformes structurelles que vous qualifiez de « réformes vigoureuses » et qui consistent en réalité en une baisse des effectifs des fonctionnaires, un gel ou une baisse de leurs traitements, une baisse des prestations familiales et une diminution de l'investissement public constituent un modèle qui, à tout le moins, mérite débat.
Je ne comprends pas par ailleurs pourquoi est à ce point minoré l'effort de maîtrise de la dépense publique engagé depuis le début de ce quinquennat. En deux ans et demi, nous avons divisé par quatre le rythme tendanciel d'évolution de la dépense publique, passé de 3,6 % en moyenne à 0,9 % ; le déficit structurel a été divisé par deux et ramené de 4,4 % en 2011 à 2,1 % aujourd'hui. J'irai jusqu'à dire que nous avons, sur un demi-quinquennat, effacé les effets des deux quinquennats précédents où l'opposition était aux commandes, puisque le déficit structurel s'établissait en 2002 à 4,2 % et à 4,4 % en 2012, alors que la moyenne d'évolution du PIB en valeur sur cette période a été supérieure à 3 %, contre à peine plus de 1 % depuis 2012. Il conviendrait donc de mieux prendre en compte la faiblesse de la conjoncture pour mesurer nos efforts structurels, contraints par la nécessité de préserver la croissance et d'empêcher la récession qu'ont connue d'autres pays européens, à moins que vous ne choisissiez de qualifier de justes et efficaces les politiques d'ajustement conduites en Grèce, en Espagne ou en Italie. On ne peut imputer la totalité de la baisse de la dépense publique à la baisse des taux d'intérêt et au cycle électoral et minorer comme vous le faites des efforts d'autant plus notables qu'en période de ralentissement de l'activité, les mécanismes stabilisateurs augmentent en général la dépense publique.
Il faudrait ensuite clarifier ce que l'on entend par réforme structurelle – ou vigoureuse – et s'accorder sur le fait de savoir si une mesure d'économie ciblée et reconduite d'année en année constitue ou non une économie structurelle.
En tout état de cause, il ne saurait être question de remettre en cause brutalement des choix politiques qui entendent – précisément par le biais des stabilisateurs économiques – préserver notre modèle social et permettent à nos concitoyens de traverser la crise de manière moins douloureuse et plus porteuse d'avenir que chez certains de nos voisins européens. Cela étant, je partage avec vous l'idée qu'il est indispensable de poursuivre dans la voie d'un ajustement modéré, en nous gardant de repartir, comme en 1990 ou en 1999, dans un nouveau cycle de dépenses au moment où semble s'amorcer une reprise.
Personne ne conteste l'effort structurel accompli par le Gouvernement. Le problème est qu'il s'agit d'un effort structurel portant sur la fiscalité.
La Cour des comptes considère-t-elle que l'investissement public est excessif ? La question se pose au regard de ce qui se pratique dans les autres pays de l'Union européenne et compte tenu de ce que sont nos moyens, nos choix budgétaires et la trajectoire dans laquelle nous nous inscrivons. Contrairement à la tonalité dominante du discours ambiant, le Premier président a rappelé qu'un investissement n'était pas nécessairement vertueux par définition. Dans ces conditions une part de notre effort de réduction de la dépense ne doit-il pas porter sur les investissements ?
Contrairement à l'idée reçue selon laquelle les collectivités locales jouent un rôle majeur dans l'investissement public, votre rapport fait apparaître la part légèrement supérieure prise par l'État et ses opérateurs dans cet investissement. Est-ce lié aux nouvelles règles comptables que vous avez évoquées, et cela reflète-t-il la réalité ?
Je n'ai pour ma part aucune raison de penser que la Cour minore les efforts accomplis au plan structurel mais, comme vient de le rappeler Gilles Carrez, cet effort porte essentiellement sur les recettes et beaucoup plus marginalement sur les dépenses. Au regard de ce qui se pratique chez nos partenaires européens, qui n'ont pas tous opté pour des formes drastiques d'austérité, la Cour peut-elle évaluer ce que serait une trajectoire raisonnable et soutenable d'efforts structurels en matière de dépenses publiques ?
Au risque de perturber certains esprits conservateurs, je persiste à penser que la distinction entre déficit structurel et déficit conjoncturel est devenue obsolète. En effet lorsqu'on regarde les résultats et les prévisions pour la période 2011 à 2017, on constate que le déficit conjoncturel rapporté au PIB ne cesse d'augmenter : – 0,7 en 2011, – 1,2 en 2012, – 1,5 en 2013, – 1,9 en 2014, – 2 pour 2015, – 2,2 pour 2016 et – 2,1 pour 2017. Cette hausse continue du déficit conjoncturel est théoriquement impossible car, selon la théorie des cycles, le déficit conjoncturel est censé s'accroître pendant une période de cinq à sept ans, pour diminuer lorsque le cycle atteint son sommet. Il convient donc de s'interroger sur la validité des outils que nous utilisons, et j'aimerais avoir votre sentiment sur la pertinence de cette distinction entre déficit structurel et déficit conjoncturel établie par les traités européens.
À deux reprises, vous remettez en cause dans votre rapport les 50 milliards d'économies annoncées par le Gouvernement sur la période 2015-2017. Si le compte n'y est pas, n'est-ce pas précisément parce qu'ils ont été calculés sur la base d'évolutions tendancielles, dont certaines remontent à huit ou neuf ans ?
En ce qui concerne les investissements publics, vous battez en brèche l'idée selon laquelle les collectivités locales assureraient 70 % de l'investissement public. Selon vos chiffres en effet, l'État et ses opérateurs contribuent pour 47 % à cet investissement, dont 22 % sous forme de subventions.
Une lecture superficielle de votre rapport pourrait laisser penser qu'une réduction des investissements publics ne serait pas si grave puisqu'il n'y a guère que la Suède qui fasse en la matière un effort supérieur au nôtre et qu'avec un investissement public équivalent à 4,5 points de PIB nous sommes au-delà de la moyenne européenne, qui se situe à 3,3 points, ce qui nous laisse donc 1,5 point de marge. Je déduis néanmoins de vos études antérieures que ces écarts doivent s'analyser autrement, puisque vous avez vous-mêmes établi, par exemple, que les investissements publics ne permettaient plus de moderniser ni d'entretenir le réseau routier. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous considérez néanmoins que l'investissement public demeure dans notre pays supérieur à ce qui est nécessaire pour provisionner les dotations aux amortissements ? Est-ce d'ailleurs vrai pour les investissements de l'État ?
Je regrette qu'à côté des efforts entrepris pour réduire la dépense publique, on ne travaille pas davantage à améliorer la recette publique, notamment en renforçant la lutte contre la fraude. Il y a là un gisement de recettes énormes, comme en témoignent les 2 milliards d'euros supplémentaires recouvrés en 2014.
Ces deux dernières années, les recettes fiscales ont été moindres qu'attendues, avec un manque à gagner de 16,4 milliards d'euros en 2013, soit 0,5 point de moins qu'anticipé, et de 9,6 milliards d'euros en 2014, soit 0,7 point de moins. Pourriez-vous nous indiquer ce qui, dans cette perte de recettes, est imputable à une croissance plus faible que prévu ?
En ce qui concerne les dépenses, notre pays a certes bénéficié de la faiblesse des taux d'intérêt mais cet avantage est compensé par sa contrepartie, à savoir une moindre croissance.
La baisse des impôts a également pesé sur le budget, même s'il s'agit d'un point positif pour les agents économiques. Les ménages ont ainsi économisé 2 milliards d'euros en 2014 et les entreprises 6,7 milliards d'euros, grâce au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Ce sont donc plus de 8 milliards d'euros restitués aux ménages et aux entreprises, ce qui correspond peu ou prou à la différence entre les 3,6 % de déficit prévus et les 4 % constatés in fine.
Je regrette par ailleurs que nous ne disposions d'aucune évaluation en termes de croissance et d'emplois de l'évolution de nos recettes et de nos dépenses.
Je rejoins enfin Charles de Courson : on ne peut raisonner par rapport à un référentiel qui date désormais et ne pas prendre en compte le fait que la perspective de croissance à long terme tourne autour de 1 %. La distinction entre déficit structurel et déficit conjoncturel ne me paraît plus opérante dans ces conditions, car le déficit conjoncturel est en train de se transformer en déficit structurel.
Je confirme que nous n'identifions pas de risques importants sur les recettes en 2015. Pour quelques impôts, nous signalons une possible surestimation des recettes attendues qui pourrait toutefois être compensée par une croissance plus soutenue. Ce risque, évalué à 0,1 point de PIB, pourrait être neutralisé si la croissance est supérieure à 1 %, comme le prévoient un certain nombre d'organismes et d'économistes. La confirmation apportée par l'INSEE sur la croissance au premier trimestre semble conforter ce scénario.
En revanche, nous identifions un risque sur la dépense plus important qu'en 2014.
L'année 2014 a bénéficié en effet de conditions favorables que le rapport rappelle : une moindre charge de la dette et un prélèvement européen moins élevé que prévu ainsi que la baisse des investissements locaux.
L'exercice 2015 s'annonce plus risqué quant à la capacité à respecter les engagements pris compte tenu de certains mouvements, en particulier le report de charges de 2014 sur 2015. L'estimation du risque de dépassement des crédits, entre 1,8 et 4,3 milliards d'euros, est supérieure à celle de l'année dernière, compte non tenu des 2 milliards d'euros de recettes exceptionnelles que vous avez mentionnés pour le budget de la défense.
En 2014, nous avons noté une augmentation de la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale.
Il est vrai que le niveau de réserve est important. Chaque année, les montants annulés ne correspondent pas aux montants mis en réserve. Ils se situent souvent autour de 3 milliards d'euros. Nous savons déjà que certaines dépenses devront être dégelées pour assumer le paiement d'autres dépenses.
Les politiques de réduction forfaitaire ne sont pas indiquées pour maîtriser structurellement la dépense publique. Elles peuvent même avoir des effets pervers sur la capacité de l'État à continuer à exercer ses missions régaliennes, nous avons eu l'occasion de le noter.
S'agissant de la distinction entre composante structurelle et composante conjoncturelle du déficit, le Haut Conseil des finances publiques l'a dit, ces notions sont intéressantes mais fragiles, surtout en période de faible croissance. Elles peuvent avoir leur intérêt si la croissance repart. Malgré leur fragilité, ces concepts ont été adoptés au niveau européen et vous les avez votés. Il faut cependant les relativiser d'autant que le déficit structurel dépend beaucoup de la croissance potentielle qu'il est possible de modifier. Cela doit conduire à s'interroger sur un certain nombre de raisonnements qui sont tenus.
S'agissant des collectivités territoriales, nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la présentation du rapport sur les finances locales. Nous enregistrons une baisse de l'investissement local en 2014 plus forte que lors des autres années électorales.
Pour 2015, le Gouvernement anticipe une nouvelle baisse – après 9 % en 2014, les prévisions sont de 8 % pour 2015 – qui peut contribuer au respect des prévisions sur la dépense publique.
Quant à la trajectoire des finances publiques, au niveau de l'investissement public ou au modèle social français, il n'appartient pas à la Cour d'en décider, je le répète. C'est à vous que reviennent les choix. En pointant un niveau d'investissement public à 4,5 % du PIB, la Cour dresse un constat, elle ne porte pas de jugement de valeur. La Cour n'a pas à proposer de modèle. Elle raisonne par rapport aux trajectoires et aux objectifs que vous fixez.
En matière de maîtrise de la dépense, les objectifs du Gouvernement sont plus ambitieux pour 2016 et 2017 que pour les années passées, au cours desquelles l'essentiel du redressement des comptes publics a reposé sur les prélèvements obligatoires. 2014 est l'année qui amorce le changement : la maîtrise de la dépense commence à être prise en compte dans la réduction du déficit structurel. Il est prévu que l'effort se porte en 2016 et 2017 presque exclusivement sur les dépenses. C'est la raison pour laquelle nous disons que la trajectoire ne sera respectée que si l'effort de maîtrise de la dépense se concrétise. Nous sommes dans notre rôle en identifiant les risques de dépassement en la matière. Nous ne minorons absolument pas l'effort tout en observant que la baisse du déficit structurel ces dernières années est essentiellement due à l'augmentation des prélèvements obligatoires.
S'agissant des investissements publics, il me semble plutôt pertinent de considérer les dépenses de recherche et développement comme des dépenses d'investissement. Ces changements, qui paraissent plutôt bienvenus, ont pour conséquence d'augmenter la part de l'État et des opérateurs dans les investissements publics.
Le même constat s'impose pour les dépenses et pour les investissements : la rationalité des décisions peut être améliorée. Nous avons ainsi eu l'occasion de montrer que la grande vitesse ferroviaire n'est pas obligatoirement la solution universelle pour toute ligne de chemin de fer ; que l'implantation de deux gares de TGV à quelques kilomètres de distance n'est pas nécessairement vertueuse, pas plus que l'installation de deux stations d'épuration distantes de quelques mètres. Nous attirons votre attention sur le fait qu'un investissement n'est pas par nature vertueux.
Nous ne proposons pas la réduction de la dépense publique qu'ont connue un certain nombre de pays. Nous raisonnons par rapport aux objectifs que vous fixez. Nous faisons le constat que le Gouvernement est plus ambitieux mais cette ambition doit être documentée et concrétisée. Nous identifions les risques qui peuvent empêcher la dépense d'être maîtrisée.
Ainsi, pour les dépenses de personnel, l'objectif est de limiter la hausse à 200 millions d'euros. Or, le rythme annuel de ces dépenses, compte tenu des décisions que vous avez prises, entraîne mécaniquement une hausse de 700 millions d'euros. Si rien n'est fait pour effacer cette différence, les dépenses dépasseront l'objectif affiché.
Ce qui importe, c'est d'être en mesure de respecter les objectifs que vous vous êtes assignés si vous voulez suivre la trajectoire des finances publiques, qui est moins ambitieuse qu'elle ne pouvait l'être hier. Là encore, il s'agit d'un constat.
Quant à la critique de M. Alauzet sur les recettes, plusieurs rapports de la Cour montrent des marges en matière de lutte contre la fraude et de maîtrise de la dépense fiscale. Si cette dernière était plus maîtrisée, les recettes seraient plus importantes. Plusieurs rapports de la Cour soulignent que certaines dépenses fiscales ne répondent pas aux objectifs qui leur ont été assignés.
Il faut continuer à lutter contre la fraude. Le chiffre de 2 milliards d'euros que vous citez n'est pas le bon, il correspond en réalité aux résultats de la cellule de régularisation mise en place. Pour la période 2013-2014, le surplus de recettes s'élève à 300 millions d'euros. Les sommes recouvrées au titre de la fraude fiscale traditionnelle sont plutôt inférieures aux années précédentes.
Les chiffres montrent donc un progrès global qu'il faut toutefois regarder dans le détail.
Les estimations de risque de dépassement des crédits pour 2015 sont données dans le périmètre de la norme en valeur. Cela n'inclut pas le compte d'affectation spéciale relatif aux produits des cessions des fréquences hertziennes. Les 2 milliards d'euros de recettes exceptionnelles attendues pour le budget de la défense viennent ainsi s'ajouter à ces estimations. Mais, techniquement, il s'agit d'un risque en recettes. Autrement dit, les 2 milliards seront-ils au rendez-vous pour financer les crédits de la défense ?
L'augmentation de la dette de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale est un point d'attention nouveau. La hausse reste modeste – de 130 à 150 millions d'euros entre fin 2013 et fin 2014 – mais elle vient interrompre un mouvement de résorption abouti. Il s'agit d'un sujet de préoccupation pour l'avenir plus que d'une inquiétude immédiate.
Il faut s'entendre sur la présentation des chiffres relatifs à la lutte contre la fraude fiscale. Il convient de distinguer le rendement des contrôles fiscaux – entre 8 et 8,5 milliards d'euros – et les résultats de l'activité de la cellule de régularisation – 2 milliards.
Le chiffre de 19 milliards d'euros, abondamment repris par les médias, correspond aux émissions de redressement et aux pénalités. Or, chacun sait que ce qui compte, ce sont les recouvrements effectifs.
L'écart entre les redressements notifiés et les sommes encaissées est en effet traditionnellement de 40 %.
Quant à la composante structurelle, nous utilisons les chiffres de croissance potentielle et de solde structurel de la Commission européenne qui sont les plus harmonisés possible. Le Gouvernement, à l'automne 2014, a lui-même repris les prévisions de croissance potentielle de la Commission.
S'agissant de la sous-consommation du plafond d'emplois, je rappelle qu'un plafond d'emplois reste un maximum à ne pas dépasser. La contrainte pesant sur les gestionnaires aujourd'hui ne tient pas aux emplois mais aux crédits de rémunération. Nous évaluons à 500 millions d'euros le risque de dépassement sur la masse salariale des administrations.
Les comparaisons sur de longues périodes pour l'appréciation des dépenses n'ont de sens que si elles s'appuient sur les chiffres en volume et non en valeur, car l'inflation sur la période récente est beaucoup plus faible. Le vrai juge de paix est l'évolution de la dépense en volume ou de la dépense réelle, hors inflation. À grands traits, de 2000 à 2010, la hausse est de 2 % ; entre 2011 et 2014, elle s'établit à 1 % ; en 2014, la progression est de 1 % et de 0,5 % si l'on considère que le crédit d'impôt n'est pas une dépense publique.
L'effort structurel de 0,5 point de PIB prévu pour 2016 et 2017 porte intégralement sur la dépense. Il suppose une stabilité en volume des dépenses hors charge d'intérêt, c'est-à-dire une évolution des dépenses beaucoup plus stricte que celle constatée en 2014 et même que celle visée en 2015.
En matière d'investissement, une note méthodologique précise les limites des comparaisons qui sont faites. Il n'existe pas de comparaison internationale intégrant les entreprises publiques. Afin de comparer des choses comparables, nous n'avons pas d'autre choix que d'utiliser la comptabilité nationale. Sont pris en compte les subventions à l'investissement, et avec le changement de base de la comptabilité nationale, les dépenses de recherche et développement, ainsi que les équipements militaires.
Enfin, grâce aux données disponibles, nous savons qu'à la différence de nombreux autres pays européens, le capital existant est globalement renouvelé. En revanche, nous ne disposons pas d'éléments nous permettant de distinguer les modalités d'amortissement du capital selon le type d'investissement.
Ma première question porte sur la distinction entre la dette au titre de Maastricht et la dette qu'on appelle hors bilan. Je m'interroge sur les garanties de prêt bancaire aujourd'hui données par l'État – je pense aux prêts consentis à l'Unedic ou à Dexia.
Seconde question : le montant des engagements de la France en matière de pensions civiles et militaires a été évalué à 1 500 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 128 milliards pour les agents de La Poste. Comment voyez-vous l'évolution sur les vingt ou trente prochaines années ? Ces dettes sont-elles caractérisées au titre de Maastricht ?
Le Premier président nous a adressé un courrier listant les différents engagements hors bilan de l'État. Ce document, très intéressant, qui a été distribué à tous les commissaires, appelle un certain nombre de questions. Ainsi, s'agissant de la garantie au titre du Fonds européen de stabilité financière, que se passe-t-il si une partie de la dette grecque est restructurée ?
Il nous est très difficile de faire le lien entre les mises en jeu de garanties et leur impact budgétaire réel. Les clefs de passage sont très difficiles à établir. Je vous propose de consacrer une réunion à ces questions très importantes.
Les engagements hors bilan de l'État s'élèvent à 3 200 milliards d'euros.
Aux termes de votre brillant exposé, il apparaît que les autres pays européens ont réalisé des efforts structurels équilibrés entre recettes et dépenses, à la différence de la France qui a fait porter ses efforts de réduction de son déficit uniquement sur les recettes. Vous l'avez dit, le pilotage des dépenses publiques doit être strict.
Qu'attend-on de la modernisation de l'action publique ? Comment se traduit-elle dans les comptes publics ?
J'ai appris, à l'occasion d'une réunion consacrée à la fusion des régions, qu'une nouvelle direction serait créée au sein des préfectures des grandes régions. Alors que l'État peine à réduire ses effectifs et son train de vie au niveau national, je m'inquiète des conséquences pour l'exercice 2016 de cette augmentation des dépenses de l'État en région qui risquent d'être incompatibles avec l'effort de baisse des dépenses programmé.
Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec Marie-Christine Dalloz. La France – donc tous les gouvernements qui se sont succédé – a privilégié l'action sur les recettes plutôt que sur les dépenses pour réduire le déficit structurel jusqu'en 2013. Cela figure à la page 12 de la synthèse du rapport de la Cour. J'en déduis que la Cour considère que, depuis 2014, priorité est donnée à la réduction des dépenses.
Je souhaite revenir sur la notion de réforme structurelle. À partir de la page 54 de votre rapport, figurent les réformes structurelles qu'ont engagées les autres pays européens : les licenciements dans les administrations, la baisse des salaires des fonctionnaires, la réduction du réseau diplomatique, le déremboursement de certains actes de soins et médicaments et la diminution de la durée de versement des allocations de chômage. La nature de ces réformes doit nous conduire à relativiser notre jugement sur la politique menée dans notre pays aujourd'hui.
Je veux le dire à mes collègues de l'opposition : parmi ces réformes structurelles, que vous appelez tous de vos voeux, la Cour reconnaît qu'une réforme a bien été accomplie par la France, la baisse des dotations aux collectivités locales, celle-là même qui, semble-t-il, vous pose problème aujourd'hui.
Je souhaite consacrer mon intervention à la philosophie générale de votre rapport. Votre rapport s'inscrit, même si vous avez fait valoir qu'il répond à une commande, dans une doxa ultralibérale qui vous fait regretter la logique de demi-mesure qui caractérise les réformes entreprises en France et l'insuffisance des efforts consentis. Cette même doxa vous porte à considérer que les bons efforts sont ceux qui se traduisent par les politiques d'austérité et de régression sociale menées en Europe. Les exemples que vous donnez dans le rapport sont à cet égard caractéristiques.
Vous réfutez tout jugement de valeur. Mais, votre orientation est un jugement de valeur.
Page 59, il est écrit : « à titre de comparaison, l'Espagne qui avait en 2010 un déficit structurel de près d'un point de PIB supérieur à celui de la France, a réalisé un effort structurel de trois à quatre points de PIB supérieur à celui de la France ». Vous notez là un fait objectif, je vous l'accorde. Dans la circonscription dont je suis l'élu, caractéristique de la ruralité profonde, l'hôpital public de Saint-Amand-Montrond, qui a fusionné avec une clinique, a accueilli quatre médecins espagnols licenciés par l'hôpital public de Madrid. Pour continuer à vivre, ils abandonnent leurs patients espagnols et viennent s'installer en pleine campagne française. C'est cela la réalité de la politique que vous mettez en exergue. Quand on écrit ce genre de choses, il faut aussi être conscient de la réalité de ce que vivent les gens en France et en Espagne.
Je comprends la logique de commande à laquelle vous devez répondre. Mais j'attire votre attention sur les conséquences de vos propos et des solutions que vous suggérez. Vous avez raison, vous dressez un constat mais celui-ci sous-tend des solutions qui me semblent orientées et qui ont des conséquences concrètes.
Second point, j'ai eu l'occasion de saluer votre travail sur la fraude et l'évasion fiscales. J'eusse aimé que vous fassiez preuve de la même rigueur intellectuelle pour les recettes que celle dont vous faites preuve pour les dépenses. Nous nous heurtons encore à un plafond de verre. La fraude à la TVA en France est évaluée par la Commission européenne à 20 milliards d'euros. Selon les chiffres de la Cour et les informations que je tiens de Bercy, elle serait plutôt de l'ordre de 10 milliards par an. Parlons des dépenses mais concentrons-nous aussi sur les pertes de recettes et sur l'absence de volonté politique collective pour y remédier, en nous appuyant sur vos excellents travaux sur la fraude et l'évasion fiscales.
Vous notez régulièrement dans vos publications qu'il serait souhaitable de revenir sur les majorations accordées aux agents travaillant outre-mer selon le différentiel effectif du coût de la vie.
Les territoires et les populations d'outre-mer connaissent d'importants handicaps structurels. Le coût de la vie y est plus élevé, c'est un fait incontestable. La loi votée à l'initiative de notre collègue Victorin Lurel a permis de limiter les abus de certains opérateurs économiques.
Toutefois, le phénomène de la vie chère reste durement ressenti par les familles outre-mer. Ce phénomène, qui freine l'égalité réelle à laquelle les populations françaises peuvent légitimement aspirer, est ancien. Ces difficultés sont à l'origine des différents dispositifs visant à majorer le traitement des agents publics outre-mer qui ont été instaurés.
Ne nous y trompons, ces majorations ne sont pas la cause de la vie chère mais la conséquence. Considérées comme un acquis social par les agents publics, elles permettent de garantir un niveau de vie satisfaisant et une capacité de consommation dont dépendent beaucoup d'acteurs économiques locaux.
La révision à la baisse des traitements des agents publics peut répondre à l'objectif de maîtrise des finances publiques mais il ne faut pas négliger ses conséquences désastreuses sur notre économie que nul n'est aujourd'hui en capacité d'évaluer.
En outre, il n'existe pas d'outils incontestables permettant d'affirmer que ces majorations sont injustifiées ou en inadéquation avec le différentiel effectif du coût de la vie. Ces éléments doivent donc nous conduire à aborder ce dossier de manière exhaustive, précise et raisonnée. On ne peut pas envisager une remise en cause du niveau de traitement des agents publics sans une appréhension globale de ses conséquences. Pouvez-vous nous indiquer les éléments qui permettent à la Cour des comptes de justifier une évolution du dispositif de sur-rémunération et le cas échéant les modifications que vous imaginez ?
Monsieur Terrasse, je suis prêt à venir devant vous pour commenter la réponse que nous avons fournie sur les engagements hors bilan. En outre, nous travaillons sur Dexia et le suivi du travail réalisé il y a deux ans. Enfin, nous avons présenté récemment un rapport d'observations définitives sur les mécanismes d'assistance financière aux États de la zone euro que nous sommes prêts à vous transmettre.
Madame Dalloz, je le redis, le redressement des comptes publics s'est dans un premier temps – jusqu'en 2013 – appuyé sur les recettes et les prélèvements obligatoires. Les engagements pris en faveur d'une plus grande maîtrise de la dépense commencent à se concrétiser en 2014 mais avec les risques identifiés pour 2015 de ne pas les respecter entièrement. Le scénario de finances publiques repose sur la maîtrise des dépenses publiques. C'est vous qui l'avez voté ; la Cour ne l'a pas inventé.
Messieurs Colas et Galut, contrairement à ce que vous dites, la Cour n'a aucune doxa ultralibérale, aucun a priori, aucun dogmatisme. Elle constate.
Nous comparons les situations dans un certain nombre de pays en souhaitant que jamais la France ne connaisse le sort de la Grèce, du Portugal ou de l'Espagne, d'où la nécessité pour elle de maîtriser l'évolution de sa dette.
Je vous poserai une autre question, monsieur Galut. La Cour des comptes a la faiblesse de penser que des marges de manoeuvre existent sur les dépenses publiques. Cela ne tient absolument pas à une quelconque doxa libérale mais à un constat : la France connaît un haut niveau de dépenses publiques, qu'il ne nous appartient pas nécessairement d'apprécier, mais les résultats ne sont absolument pas à la hauteur de ces dépenses.
Vous pouvez continuer à être totalement indifférents à l'absence de résultats. Mais, dans ce cas, il ne faut pas vous étonner que la dépense publique ne soit pas maîtrisée et que les besoins ne soient pas couverts. Pour couvrir les besoins, il ne suffit pas d'augmenter les crédits, il faut aussi s'interroger sur l'organisation, le fonctionnement et la répartition des moyens sur l'ensemble du territoire. Ce sont les questions que nous posons. Si le lien entre le niveau de dépenses publiques et la croissance était avéré, nous serions champions du monde !
Il faut peut-être changer de logiciel et s'interroger sur l'absence de résultats. Ceux qui croient à l'action publique devraient être encore plus attentifs que d'autres à l'efficience de la dépense publique.
Voilà ce que nous disons, tout simplement. Mais les décisions vous appartiennent. C'est vous qui pouvez décider d'augmenter les crédits de l'éducation nationale alors même que nous savons qu'il n'y a pas toujours de lien entre les crédits et les résultats.
Autre exemple, ce sont les personnes les plus éloignées de l'emploi qui bénéficient le moins de la formation professionnelle, malgré l'importance des crédits qui lui sont dédiés. Ce constat inspire-t-il des réformes pour autant ?
Dans le domaine du logement, il y a un décalage, un fossé, entre les dizaines de milliards qui y sont consacrés et le résultat.
Nous sommes sur le podium pour la dépense publique. Nous n'y sommes que rarement pour les résultats de nos politiques publiques. Permettez-nous de poser la question. Je ne pense pas que ce soit être dogmatique et libéral que de penser cela.
En réponse à Patrick Lebreton, les sur-rémunérations en outre-mer sont-elles à la hauteur des objectifs qu'on leur assigne ?
Non. Nous ne nions pas la nécessité de compenser la différence de niveau de vie. Toutefois, nous considérons que les traitements doivent être remis sur la table, non pas dans l'idée de réduire le soutien de la métropole à l'outre-mer mais de rendre celui-ci plus efficace. Nous sommes prêts à prolonger les échanges avec vous sur ce sujet.
Je vous remercie pour cette audition et pour votre mise au point finale. Sachez que chaque rapporteur spécial est très attentif à l'efficacité des crédits dont il a la charge.
Membres présents ou excusés
Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 24 juin 2015 à 9 heures
Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Jean-Marie Beffara, M. Étienne Blanc, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Henri Emmanuelli, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Yann Galut, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. David Habib, M. Yves Jégo, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Patrick Lebreton, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, Mme Valérie Pécresse, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Pascal Terrasse, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Dominique Baert, M. Xavier Bertrand, M. Christian Estrosi, M. Jean-Claude Fruteau, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Thierry Robert, M. Philippe Vigier
Assistait également à la réunion. - M. Christophe Premat