Intervention de Marylise Lebranchu

Séance en hémicycle du 30 juin 2015 à 15h00
Nouvelle organisation territoriale de la république — Article 3

Marylise Lebranchu, ministre :

Cela a été l’un des débats les plus longs et les plus complexes au Sénat. L’idée de la majorité – récente ! – des sénateurs est de confier une grande partie de la gestion de ce service public aux régions. Il s’agissait bien, dans leur esprit, de décentraliser Pôle emploi.

J’ai expliqué aux sénateurs qu’il fallait bien regarder la situation telle qu’elle se présentait aujourd’hui : il est vrai que la situation est difficile pour les chômeurs, pour les petites entreprises, mais cela ne fait que quelques années que Pôle emploi est né du rapprochement de deux opérateurs importants : l’ANPE, d’une part, qui dépendait de l’État et qui était chargée d’accompagner les chômeurs et de faire correspondre les offres d’emploi et les demandes ; les ASSEDIC, d’autre part, gérées paritairement et qui sont chargées de l’indemnisation, financée par la solidarité nationale, des chômeurs, quelle que soit leur situation.

On a donc « marié » – si vous me passez l’expression – ces deux administrations. Je serai très franche avec vous, monsieur Chassaigne : si cela n’avait pas été le cas, nous aurions pu travailler à améliorer la coordination entre les régions et l’ANPE. En effet, à côté de Pôle emploi, ont été créées les maisons de la formation professionnelle, les maisons de l’emploi, qui dépendent en tout ou partie de l’État, les missions locales, auxquelles les maires sont très attachés et qu’ils ne veulent pas voir remonter vers les régions – c’est en tout cas ce que disent ceux qui connaissent le mieux le dossier, comme M. Jean-Patrick Gille. L’ARF, l’Association des régions de France, n’a pas demandé qu’on révolutionne tout cela, mais qu’on ouvre la porte d’une coordination entre tous les acteurs de l’accompagnement des personnes en situation de chômage, d’une part, et les entrepreneurs qui cherchent des salariés d’autre part.

Il est vrai qu’un problème majeur se pose aujourd’hui. Il ne faut pas se le cacher : c’est un problème complexe. Face à la situation que j’ai essayé de décrire, la position défendue par le Gouvernement au Sénat a consisté à refuser la décentralisation – et non la déconcentration – de Pôle emploi. Au cours de l’examen de ce projet de loi en première lecture à l’Assemblée, en commission des lois puis en séance publique, pour tenir compte des messages portés par Mme Iborra, nous avons décidé de faire un pas vers une meilleure collaboration entre les régions, qui sont chargées des lycées, de l’enseignement supérieur et de la recherche et de la formation professionnelle et de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, et les autres acteurs dans ce domaine.

Nous avons accepté cette ouverture et c’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement. Cela pose du reste beaucoup de difficultés du côté de l’État – permettez-moi de développer ce point, sur lequel je ne reviendrai pas par la suite. En tant que ministre en charge de la fonction publique, j’ai mesuré combien les personnels avaient été déstabilisés par le mariage de l’ANPE et des ASSEDIC. Cela les a obligés à exercer des métiers différents, à changer de culture, parfois de lieu de travail, en tout cas à faire évoluer leur organisation. Ils ne se sentent pas la force – j’insiste sur ce mot – de subir une nouvelle réorganisation, alors que la dernière n’est toujours pas « digérée » – si vous me permettez cette expression familière.

Face à cette situation, nous avons fait un pas, peut-être pas très important, mais un pas tout de même, et je pense qu’il faut préserver cette avancée. Vos doutes sont légitimes, monsieur Chassaigne, mais il n’est pas possible d’éprouver en double aveugle les politiques publiques. Nous verrons si une meilleure collaboration nous permet d’avancer vers un meilleur accompagnement.

Je terminerai sur un point sur lequel beaucoup m’ont alerté. Il est vrai qu’en cas de grand sinistre par exemple, on recourt en plus à l’aide de consultants, de bureaux de conseil en reclassement, etc.

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