Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 17 juin 2015 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Je voudrais tout d'abord remercier mes collègues de l'opposition comme de la majorité qui m'ont soutenu lorsque j'ai soulevé les points qui étaient préoccupants. Cela a permis que le ministère reconsidère la négociation et obtienne une nouvelle rédaction. Au-delà de nos différences, nous nous rejoignons sur l'essentiel : notre République n'a rien de commun avec la bande de criminels qui constituait le soi-disant gouvernement de Vichy que le gouvernement américain avait d'ailleurs reconnu. Il était fondamental de ne pas mettre les deux sur le même plan. La première réaction du Quai d'Orsay n'a pas été des plus sympathique, comme en témoignent les échanges de lettres que j'ai eus ces derniers jours avec le ministère, qui a mis du temps à comprendre où était le problème.

L'article 79 de la Convention de Vienne permet la rectification des erreurs matérielles, pour proposer la modification qui est apportée, qui ne change rien à l'économie générale du texte. La version définitive qui sera publiée au Journal officiel ne sera pas celle discutée en séance publique. C'est une solution satisfaisante.

Différentes questions demeurent, qui pourront justifier certaines abstentions parmi nous, car des points de principe sont en cause, en dehors du principe de l'indemnisation que nous ne remettons pas en cause.

En premier lieu, il aurait sans doute été plus simple d'ouvrir le décret de 2000 aux ayants-droits des déportés vivant à l'étranger. On n'a pas choisi cette solution, de sorte que nous avons aujourd'hui un accord entre la France et les Etats-Unis qu'on peut mettre en parallèle avec l'accord entre les Etats-Unis et l'Allemagne pour la réparation des dommages du travail obligatoire. Quels que soient les arguments du rapporteur, un parallélisme de forme troublant est ainsi fait entre notre pays - qui a été occupé, s'est battu, qui avait un gouvernement à Londres, la Résistance - et l'Allemagne nazie. C'est problématique.

S'agissant des arguments de droit, quiconque connaît un peu le système américain sait parfaitement que la séparation des pouvoirs n'empêchera aucunement le harcèlement judiciaire de continuer. Ce n'est pas non plus ce texte qui arrêtera le législateur américain. Ce qui est en cause ici, c'est le respect du principe d'immunité de juridiction. L'argument du veto présidentiel est également douteux et cela n'est pas satisfaisant ; on peut en tout cas douter de cet engagement.

Surtout, est mis ici en évidence le fait que nous sommes de plus en plus - comme c'est par ailleurs le cas avec la convention fiscale franco-américaine, où il n'y a pas de réciprocité et transmission automatique de données de notre part, comme c'est le cas avec les pénalités contre la BNP, sanctionnée pour violation d'un embargo que la France ne reconnaissait pas parce que ses transactions étaient libellées en dollars - face à la question de l'imperium juridique américain. S'il y a un aspect moral et de justice dans cette question, il y a aussi en toile de fond le harcèlement sur la SNCF, sur la Caisse des dépôts, sur lequel on ne fait rien, sauf proposer un texte comme celui-ci qui ne résoudra strictement rien. Nous négocions le TAFCA, et des normes unilatérales nous sont imposées sans que l'on dise quoi que ce soit. Nous nous devons de réagir.

Ce sont là trois questions qui posent problème et qui restent sur la table. Je tiens à le dire de façon solennelle ici, même s'il y a eu une certaine évolution. Je ne comprends pas comment le ministère a pu laisser passer un tel texte, aussi scandaleux, et c'est l'honneur du parlement d'avoir soulevé cette question. Je remercie encore mes collègues de leur soutien dans cette affaire.

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