Nos collègues ont bien résumé ce que nous avons vécu et ressenti pendant ces deux missions successives.
J'ai d'abord été troublé par l'extraordinaire inculture politique de la Libye, faute de transition démocratique depuis la décolonisation. Les représentants de ce pays ne comprennent pas toujours les termes des accords qui leur sont proposés, ce qui explique certaines réactions abruptes et une partie des difficultés à avancer.
On constate aussi que les affaires continuent même si la situation générale se dégrade. Le trafic d'armes se poursuit, en particulier vers le Sahel, de même que le trafic d'êtres humains, dont nous avons eu des échos parfois très étranges. Certains parlementaires libyens justifient totalement ce trafic au motif qu'il s'agit d'une tradition ancestrale et que ce serait finalement assez relatif et anodin. Il y a pourtant presque autant de morts dans les naufrages en Méditerranée que dans les déserts à la périphérie de la Libye. Les trafiquants n'hésitent pas à abandonner ceux qui ne leur rapporteront pas assez d'argent à l'occasion des reventes successives qui se déroulent.
Nous ne devons pas rester, en Occident, de simples observateurs. Nous devons aussi jouer un rôle d'accompagnement de la solution politique en Libye.
En ce qui concerne les « parrains » évoqués par Jean Glavany et Nicole Ameline, j'ai surtout été étonné par l'extrême fragilité de la Tunisie. Nous avons rencontré des officiels tunisiens qui ont insisté, à mots couverts, sur l'urgence d'un soutien fort, en particulier de l'Union européenne. La Tunisie est en contact direct avec ce trou noir qu'est devenue la Libye sur la carte de l'Afrique. S'il n'y a pas très vite un redémarrage économique dont les effets soient perceptibles, notamment en termes d'emploi pour la jeunesse, les difficultés vont se propager.
En ce qui concerne l'Algérie, je n'ai pas senti, lors de l'entretien que nous avons eu avec le ministre des affaires étrangères de ce pays, une extrême volonté d'agir et d'accompagner un accord international, mais plutôt une attitude défensive consistant en des mouvements de troupes aux frontières et une politique d'endiguement. Est-ce une impression trompeuse ou une réalité ? Nous pourrons le vérifier dans les prochaines semaines. La question est d'importance car rien ne se passera d'utile sans une forte participation de l'Algérie. L'Egypte, en revanche, est dynamique.