Sur l'engagement de l'Algérie, je ne suis pas tout à fait d'accord avec Philippe Baumel : le ministre algérien Abdelkader Messahel, m'a certes paru préoccupé avant tout par les questions sécuritaires et est revenu sur l'intervention de 2011, mais il m'a aussi paru disponible pour une coopération sécuritaire avec un éventuel nouveau gouvernement libyen.
Comme l'observe Jacques Myard, la mise en place de forces permettant d'accompagner la reconstruction de l'État libyen est un enjeu déterminant. J'ai dit que j'étais optimiste, mais cela concerne surtout la capacité de Bernardino Leon à obtenir à court terme un accord politique pour mettre en place un gouvernement. Ensuite, il est clair que les vrais difficultés commenceront et il y aura une question très délicate, c'est celle dont la communauté internationale pourra aider ce gouvernement. J'ajouterai quand même que les équipes de Bernardino Leon travaillent sur toutes les questions, y compris celle -là.
À François Loncle, je répondrai que nous parlerons de l'intervention de 2011 en nous plaçant dans un esprit de consensus républicain. À gauche, certains étaient contre cette intervention, mais d‘autres y étaient favorables. Elle a eu au moins le mérite d'éviter le carnage à Benghazi, mais a clairement deux aspects négatifs : d'abord, le mandat de l'ONU a clairement été « tordu » ; ensuite, il n'y a pas eu de suivi politique et sécuritaire, alors qu'il aurait évidemment fallu un tel suivi. C'est dommage, car des plans de cette nature étaient en fait prêts, mais la communauté internationale n'a pas alors trouvé le moyen de les imposer aux Libyens, qui n'en voulaient pas.
S'agissant des flux migratoires, il faut souligner qu'il n'y a pas un seul Libyen parmi les migrants. La Libye est seulement un lieu de transit, vers lequel le trafic qui passait par exemple par Gibraltar s'est détourné, parce qu'il n'y a plus aucun contrôle. La Libye est devenue la terre de tous les trafics – pas seulement de celui des êtres humains –, avec une mafia qui exploite les migrants en les enfermant et les faisant travailler avant de les faire passer. D'après ce que l'on dit, il est bien possible que certaines mafias européennes participent aussi à ce trafic des êtres humains. Pour lutter contre lui, il faut absolument parvenir à reconstituer un Etat libyen car une autre option n'est pas possible : la seule chose qui unirait tous les Libyens contre elle, ce serait une éventuelle intervention étrangère ; cela nous est apparu clairement quand le sujet a été évoqué.