Intervention de Benoît Hamon

Séance en hémicycle du 12 décembre 2012 à 15h00
Adaptation de la législation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Discussion générale

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation :

J'essaierai de répondre de la manière la plus concise, mais je tiens à répondre sur le fond aux questions posées au Gouvernement.

S'agissant, pour répondre à M. le rapporteur, de la question des chèques cadeaux des comités d'entreprise, la liste des titres dématérialisés sera fixée par un arrêté, qui est en discussion avec les professionnels, mais notre position est que les chèques cadeaux ont plutôt vocation à y figurer dès lors qu'ils sont destinés à l'acquisition d'un nombre limité de catégories de biens et de services déterminés. Ce sont là, en effet, les conditions fixées par le code monétaire et financier. Nous considérons donc aujourd'hui que les chèques cadeaux devraient être inscrits sur cette liste.

S'agissant de la supervision bancaire évoquée par Mme Auroi, je ne veux pas anticiper sur ce que seront les conclusions du conseil ECOFON mais les positions des uns et des autres sont assez connues. La France considère que la Banque centrale européenne doit pouvoir contrôler toutes les banques de la zone euro, ce qui n'est pas exactement la position initiale de nos partenaires allemands, qui souhaitaient voir les caisses d'épargne allemandes échapper à ce contrôle. Pour que rendre la supervision efficace et pour diminuer au maximum le risque, il ne faut aucun trou dans la raquette. Cela va jusqu'à doter la BCE des moyens de contrôler toutes les banques, avec des instruments efficaces, sans forcément renvoyer à une forme de contrôle dual, partagé entre les autorités de supervision nationales et la BCE. Celle-ci doit pouvoir adresser des instructions individuelles aux autorités de supervision et, le cas échéant, reprendre l'entièreté des compétences en la matière.

L'essentiel, pour nous, est d'obtenir un accord sur ce point ; il y a une discussion entre la Commission européenne, les Allemands et la France, qui ont chacun leur position. Pierre Moscovici, que je supplée présentement, assiste justement au conseil ECOFIN pour obtenir un accord en la matière. Notre souci est en tout cas qu'il n'y ait pas de trous dans la raquette en matière de risque systémique et que la BCE soit dotée d'instruments efficaces pour contrôler les banques. Nous craignons qu'un dispositif de supervision ou de contrôle dual ne soit insuffisamment efficace.

Je salue les interventions des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI en faveur de ce texte, et j'ai bien entendu, aussi, M. Blanc m'inviter à moins critiquer le bilan du précédent gouvernement.

Alors qu'une partie de l'UMP se réfère encore aux trente-cinq heures pour expliquer que tout va mal aujourd'hui, n'aurions-nous pas, nous qui sommes au pouvoir non pas depuis dix ans mais depuis sept mois seulement, quelque légitimité à trouver que ce qui a été fait auparavant a pu être mal fait, en tout cas dans le domaine de la transposition des directives européennes ? Dès lors que nous sommes confrontés à la possibilité d'une lourde amende, ce que personne, sur ces bancs, ne souhaite, de plusieurs millions d'euros du fait de la saisine de la Cour de justice de Luxembourg par la Commission européenne, ne peut-on vraiment pas considérer qu'il y a eu une faute en matière de transposition des textes ?

Cela dit, je me réjouis que l'UMP, comme le Rassemblement-UMP et l'UDI, aient souligné l'importance de la transposition de ces directives. Ce sont des textes importants – il aurait été mieux qu'ils fussent transposés plus tôt –, particulièrement pour ce qui touche à la monnaie électronique : je salue au passage la remarquable intervention de Malek Boutih sur les enjeux, en termes d'activité et d'innovation, liés à la monnaie électronique. Il a insisté sur la nécessité d'éviter que les innovations dans ce domaine se fassent au détriment des libertés fondamentales et des droits des consommateurs : ces points seront abordés prochainement dans le cadre du projet de loi sur la consommation. Nous avons besoin, pour ce qui est de la monnaie électronique, de créer un cadre juridique stabilisé de façon à ce que les opérateurs français de monnaie électronique disposent de ce que l'on appelle en anglais un level playing field, c'est-à-dire de règles de concurrence équitables par rapport à leurs concurrents européens : d'où l'importance de transposer assez rapidement ce texte.

M. Tardy m'a m'interrogé à propos du rapport de Georges Pauget et Emmanuel Constans sur l'avenir des moyens de paiement, et plus précisément sur la réduction de l'utilisation des chèques et des frais perçus en cas d'incident bancaire. Je le renvoie à cet égard à la fois à ce qui vient d'être décidé et annoncé par M. le Premier ministre dans le cadre de la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion bancaire, et à un certain nombre de mesures qui pourraient être adoptées dans le cadre du projet de loi bancaire et du projet de loi sur la consommation. Le rapport de François Soulage sur l'inclusion bancaire et la lutte contre le surendettement appelle à adapter les pratiques bancaires aux publics concernés, aussi bien pour ce qui touche aux pénalités qu'au plafonnement des commissions d'interventions, et à ce que l'on appelle la gamme des paiements alternatifs. Ces paiements alternatifs constituent l'une des voies que nous voulons développer, de façon à ce qu'à l'avenir, les frais bancaires soient adaptés, voire, le cas échéant, plafonnés, en fonction des populations concernées, particulièrement lorsqu'il s'agit des plus vulnérables.

Cela dit, nous sommes favorables à un remplacement progressif des chèques par des moyens de paiement plus sûrs. L'action du Gouvernement va dans ce sens. À propos de l'assimilation des paiements en monnaie électronique à des paiements en numéraire, la question a été évoquée de la traçabilité. Les informations dont nous disposons concernant les risques de blanchiment d'argent sont communiquées par les organismes qui suivent les pratiques potentiellement délictueuses liées à l'usage de certaines cartes prépayées, notamment en monnaie électronique. Une partie de ces cartes sont anonymes : des moyens de contrôle sont prévus, notamment l'obligation d'identification du client à partir d'un seuil de dépenses de 250 euros quand la carte n'est pas rechargeable, et de 2 500 euros quand elle l'est. Il est également prévu, lorsqu'une conversion en numéraire est effectuée pour un montant de plus de 2 500 euros, une obligation pour l'établissement de signaler l'identité du demandeur. C'est là encore un moyen de rendre la lutte contre le blanchiment plus efficace : je crois que cette préoccupation est partagée sur tous les bancs de cet hémicycle. Quoi qu'il en soit, je remercie M. Tardy, comme Mme Grosskost, d'avoir apporté leur soutien à ce projet de loi DADUE – ce n'est pas le nom d'un conte pour enfants, mais bien celui du texte qui vous est soumis, portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne,

Il fallait remédier à ces retards : cela a été évoqué par MM. de Rugy et Tourret, ainsi que par Mme Grosskost. C'est ce que nous avons voulu faire, afin de convaincre la Commission européenne de ne pas saisir la Cour de Justice de l'Union européenne pour nous infliger une sanction pécuniaire de plusieurs millions d'euros. Je le redis : il est plus démocratique de procéder ainsi que par ordonnances. Il est utile que ces textes soient débattus : à l'aune de plusieurs interventions sur ces bancs, le débat qui a eu lieu était de qualité, même s'il était trop court. Cela me permet de dire à M. Bompard que nous sommes assez éloignés de la question des traités. J'ai bien compris le sens de son intervention ; je sais quelle est sa vision de la construction européenne. Mais en l'occurrence, au-delà même de ces considérations, les dispositions des trois directives européennes dont le présent projet de loi assure la transposition sont utiles. Ce projet de loi permettra ainsi de mieux encadrer les conditions d'émission et de distribution de monnaie électronique. Il précise également les conditions dans lesquelles on émettra de la monnaie électronique et on en contrôlera l'usage ; la deuxième directive porte sur la supervision bancaire, et vise à diminuer le risque systémique qui pèse aujourd'hui ; la troisième enfin contribuera à éviter aux PME de connaître des problèmes de trésorerie liés à des retards de paiement : je ne vois comment on pourrait ne pas s'en féliciter. Dans tous ces domaines, ces textes européens nous permettront d'améliorer les choses ; je ne vois pas en quoi ils nous poseraient un problème de vassalité avec je ne sais qui ou je ne sais quoi… La transposition de ces directives est une réponse concrète aux besoins de nos entreprises, ainsi qu'aux enjeux importants de la régulation financière et de la supervision bancaire.

J'ai essayé de répondre le plus rapidement possible à vos interrogations. Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, je me réjouis que, à l'exception de M. Bompard, la plupart d'entre vous aient décidé de soutenir ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion