Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du 13 décembre 2012 à 9h30
Principe de participation du public défini à l'article 7 de la charte de l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, quelques jours après la conférence de Doha sur le climat, théâtre mondial de l'incapacité des grandes puissances à s'entendre sur des objectifs de réduction d'émission de gaz à effet de serre pourtant essentiels à la survie de l'humanité, il est plus que nécessaire que la révolution écologique vienne d'en bas, de la société civile. Pour ce faire, les citoyens doivent être informés. Ils doivent connaître les décisions qui sont prises dans le domaine de l'environnement, car rien ne les concerne plus que l'avenir de leurs enfants. Surtout, ils doivent être associés aux décisions qui sont prises. C'est une chance pour nous, législateurs, décideurs, mais c'est aussi une responsabilité importante compte tenu de l'exigence légitime de nos compatriotes.

Cette exigence est aujourd'hui un droit sur lequel personne ne pourra jamais revenir : notre pays fait face à un défi démocratique qu'il n'a sans doute jamais connu dans le cadre de nos sociétés profondément et définitivement transformées par l'avènement d'internet, formidable vecteur d'information, par la formation de l'ensemble de nos concitoyens et leurs réactions à tous les cataclysmes, notamment sanitaires.

Ce phénomène dont nous commençons tout juste à saisir l'ampleur à une conséquence : jamais nos concitoyens n'ont été aussi inquiets et n'ont remis autant de décisions en cause, en particulier celles touchant à la santé et à l'environnement. Nous, responsables politiques, sommes donc tenus de décider et de gouverner autrement : c'est un grand défi démocratique pour les pays occidentaux en général et pour le nôtre en particulier, dont la tradition jacobine a conduit à une extrême centralisation.

Tenant compte de cette nouvelle réalité, le législateur doit désormais être à l'écoute des attentes de nos concitoyens : plus aucun passage en force, plus aucune décision prise en catimini ne saurait espérer s'exonérer des foudres citoyennes.

C'est dans cet esprit que l'ancienne majorité a introduit la Charte de l'environnement dans le bloc de constitutionnalité. C'est une première avancée fondamentale. Cette charte reprend le principe n° 10 de la déclaration de Rio de 1992 puis ceux de la convention d'Aarhus : participation de tous à la prise de décision en matière environnementale, droit à l'information, à la protection et à la défense juridique. Il est désormais possible de saisir le Conseil constitutionnel sur la conformité des projets et propositions de loi aux dispositions de la Charte.

Combiné avec l'émergence de la question prioritaire de constitutionnalité, également mise en place par la précédente majorité, le citoyen est dorénavant placé à égalité avec le législateur.

Ces dispositions ont d'ailleurs permis aux grandes organisations environnementales de contester l'article 244 de la loi « Grenelle 2 », dont le régime des consultations n'était pas parfait.

Le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement, qui termine aujourd'hui son parcours législatif, précipité par l'engagement de la procédure accélérée, tire les conséquences de quatre décisions du Conseil constitutionnel. La participation du public pose problème en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement – ICPE –, mais aussi pour ce qui est de la mise en place par les autorités administratives de zones de protection des aires d'alimentation des captages d'eau potable et des zones d'érosion, ainsi que dans le cas des décisions individuelles.

Ces différentes censures prendront effet, pour certaines, au 1er janvier 2013, pour d'autres au 1er septembre 2013. Telles sont les considérations qui ont conduit le Gouvernement à engager la procédure accélérée sur ce projet de loi. Pour une fois, nous ne contestons donc pas la procédure d'urgence que votre gouvernement utilise trop souvent dans beaucoup d'autres domaines qui ne le justifient pas.

Aujourd'hui, nous travaillons à élargir le champ d'application de l'article 7 de la charte de l'environnement, en étendant les possibilités de consultation aux décisions réglementaires. Ce texte ne sera évidemment pas la grande loi sur la gouvernance environnementale que nous attendons, cette loi d'envergure que nous espérons voir inscrite très prochainement à l'ordre du jour de nos travaux.

Dorénavant, nous devons nous attacher à mettre en place une expertise généralisée, ouverte et pluridisciplinaire : la question des organismes d'expertise dans notre pays, notamment, doit être traitée. Le problème de l'open data et de la transparence de l'information, particulièrement crucial dans le domaine de l'environnement, doit être résolu à travers la question suivante : quelle information devrions-nous systématiquement rendre publique ?

La question du recours systématique à des études d'impact réalisées par des organismes indépendants est également posée. Les débats publics doivent être généralisés, à la lumière des expériences menées et des pratiques adoptées depuis longtemps dans les pays d'Europe du nord et les pays anglo-saxons. Il est également nécessaire de reconnaître le rôle des lanceurs d'alerte. Enfin, un financement pérenne doit être consenti aux grandes organisations environnementales. J'espère que de beaux débats auront lieu à l'avenir sur ces sujets ; vous pouvez être assurée, madame la ministre, que le groupe UDI y prendra toute sa part.

Bien que parcellaire, ce projet de loi est important et comporte des avancées intéressantes, c'est pourquoi nous le soutiendrons. Nous sommes satisfaits que les débats au Parlement aient permis d'enrichir le texte initial. Je pense notamment au délai de transmission des observations, passé de quinze jours à trois semaines, ainsi qu'aux synthèses des consultations du public, qui doivent à présent comporter les observations dont il a été tenu compte pour les établir – de cette manière, les consultations seront beaucoup plus claires. Je me félicite de l'adoption de mon amendement qui visait à ce que le Gouvernement informe le public par voie électronique, au moins trois mois à l'avance, de l'organisation des consultations. C'est un grand progrès : ainsi, le public, notamment les parties prenantes, pourra préparer à l'avance, donc plus efficacement, leur participation.

Autre avancée : l'article 1er bis A introduit par le Gouvernement, qui vise à expérimenter, au fur et à mesure de leur réception, les observations du public formulées par voie électronique. Je me félicite également que la commission mixte paritaire ait étendu cette expérimentation aux projets d'arrêtés préfectoraux, même si cela va être un peu compliqué à mettre en oeuvre. Enfin, le groupe UDI approuve la réintroduction de l'article 1er bis, introduit au Sénat avant d'être supprimé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, et qui prévoit de soumettre les permis exclusifs de recherche de gaz de schiste à la procédure de participation du public, dans l'attente de la refonte du code minier.

Ce texte présente néanmoins certaines imperfections. Je suis notamment très frustré de constater que les projets et les propositions de loi relevant du domaine de l'environnement ne sont pas soumis à consultation par le biais du Conseil national de la transition écologique, comme je l'avais proposé. Comment allons-nous faire comprendre à nos concitoyens que nous pouvons ouvrir la participation et le dialogue sur des textes réglementaires émanant de notre administration ou des textes des collectivités, alors que nous privons les projets, voire les propositions de loi, de la participation du public ? Je ne pense pas, contrairement à ce que j'ai entendu au moment de la défense de mon amendement, qu'il s'agisse là d'un dessaisissement de nos prérogatives de législateur, bien au contraire : une consultation de ce type pourrait offrir une légitimité supplémentaire à nos travaux et renforcer ainsi le poids du Parlement.

Enfin, nous resterons particulièrement vigilants quant à la rédaction de l'ordonnance prévue à l'article 7 de ce projet de loi, même si nous avons bien noté votre volonté d'y associer le Parlement. Comme il l'a fait en première lecture, le groupe UDI soutiendra évidemment ce texte, qui renforce la participation des citoyens aux décisions qui impactent directement l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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