Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 13 décembre 2012 à 9h30
Principe de participation du public défini à l'article 7 de la charte de l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, madame la rapporteure, mes chers collègues, l'adoption de ce projet de loi par le Sénat la semaine dernière et, je l'espère, par l'Assemblée nationale ce matin, constitue une amélioration substantielle de notre démocratie. Car, plus qu'une meilleure prise en compte de l'environnement dans les décisions publiques qui peuvent l'affecter, ce texte introduit un principe fondamental : la participation des citoyens à la prise de décisions qui touchent directement à leur existence et à leur cadre de vie.

Le texte issu de la commission mixte paritaire est respectueux des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture, enrichies de nouvelles avancées sur les procédures électroniques qui, comme l'ont rappelé Mme la ministre et Mme la rapporteure, prennent en compte la fracture numérique et prévoient des délais rallongés de quinze jours à trois semaines, ce qui est capital.

Par conséquent, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, au nom duquel je m'exprime, y sont tout à fait favorables. Je me félicite du consensus qui s'est dégagé des différentes interventions et, si ce texte ne sera pas voté de façon unanime, il est tout de même bon de voir que nous savons parfois mettre de côté les attitudes partisanes et stériles. Vous pouvez, madame la ministre, être très satisfaite de voir ce texte porté de la sorte.

Huit ans après son adoption, la Charte de l'environnement, à laquelle la France a conféré en 2005 une valeur constitutionnelle, est dotée des moyens de son effectivité. Dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a considéré que l'article L.120-1 du code de l'environnement était contraire à la Constitution. Il est désolant que nos concitoyens n'aient pu bénéficier pleinement de leurs droits de valeur constitutionnelle pendant toutes ces années. Il aura fallu sept ans, un changement de majorité et la menace d'une censure par le Conseil constitutionnel pour modifier un texte aux défauts flagrants. C'est la preuve que les principes sous-jacents d'information et d'implication de nos concitoyens dans les décisions publiques sont encore trop souvent déconsidérés. Cela n'est pas à la hauteur des ambitions démocratiques de notre République.

Dès lors, ce texte constitue une première étape, dont on peut se réjouir, vers l'horizontalité des décisions entre l'administration et les citoyens. Le flou qui entoure ces décisions devrait être en partie dissipé et l'on peut espérer que celles-ci seront moins souvent assimilées à des choix technocratiques arbitraires.

Mais il ne faudrait pas que ce projet de loi soit la seule initiative de ce type au cours des prochaines années. En effet, ce texte, comme je l'ai indiqué depuis le début de son examen, comporte un défaut majeur : il n'apporte pas de réponses suffisamment concrètes aux interrogations tout à fait légitimes de nos concitoyens et des élus locaux. Au-delà des grands principes, nos concitoyens veulent savoir comment, en pratique, leur avis sera pris en compte. Ils veulent connaître l'incidence et la portée de leur participation. Ils veulent aussi comprendre, et la compréhension constitue bien souvent une grande part du chemin vers l'acceptation. Il faut donc mettre des informations claires à la disposition de nos concitoyens. Il faut leur permettre de bénéficier du soutien d'experts indépendants et pluridisciplinaires afin qu'ils puissent effectuer leurs propres évaluations.

Tant que le législateur ne répondra pas à ces questions, nous prenons le risque de ne pouvoir dissoudre certaines peurs, peurs qu'il est nécessaire de combattre non par la force mais bien par le dialogue et l'échange d'informations. Si nous continuons d'ignorer les interrogations de nos concitoyens, ils risquent de se détourner de ce qui fait la fierté de notre civilisation : le progrès technique. Celui-ci est source de craintes alors que l'on sait, depuis Condorcet, natif de l'Aisne, qu'il a souvent été une condition nécessaire au progrès de l'humanité. Pourquoi de telles craintes ? L'expérience nous a montré que le progrès technique, utilisé à mauvais escient, pouvait se retourner contre ses architectes. Nous ne pouvons plus accepter le déploiement de technologies qui viendraient à l'encontre du bien-être des personnes. Mais nous ne saurions accepter non plus que la société française puisse tendre à refuser tout progrès technique, toute nouveauté technologique. Ce serait la conduire au déclin.

Les protestations contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou la ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin sont bien la preuve, s'il en était besoin, de la nécessité d'une meilleure participation du public. Alors que le développement d'infrastructures de transport a été pendant longtemps une source de cohésion et de fierté nationales, nous ne pouvons croire que les protestations actuelles portent sur les choix technologiques plutôt que sur l'absence d'une prise en compte approfondie de l'avis des personnes concernées.

La participation du public et le respect des élus locaux, trop souvent bafoués et piétinés lors de l'élaboration de décisions aussi cruciales que la création de nouveaux couloirs aériens, la gestion des antennes de téléphonie mobile, la culture d'OGM ou encore l'exploitation du gaz de schiste, sont indispensables.

Nous n'ignorons pas les difficultés auxquelles une telle démarche fait face. Mais on ne peut constamment reporter la mise en oeuvre concrète de ce principe de participation. Les parlementaires ont réalisé un travail remarquable en précisant les modalités de ce principe et je tiens à les en féliciter. Je salue également les apports du Gouvernement en cours d'examen. Une fois la loi adoptée, madame la ministre, il serait souhaitable de procéder rapidement à sa promulgation et de prendre sans tarder par ordonnance les dispositions qui s'imposent.

Il faudra encore étendre le champ d'application du principe de participation. On le sait, les modalités traditionnelles de l'expression démocratique ne suffisent plus à assurer une participation satisfaisante des citoyens. Les remises en cause de la politique – et du politique – sont multiples et complexes. Elles découlent, pour partie, de l'inadaptation des modalités d'expression aux évolutions de notre temps et de l'insuffisante prise en compte de l'avis des citoyens.

Les consultations locales enregistrent des taux de participation élevés. Le succès des primaires citoyennes dans le cadre de l'élection présidentielle a montré une forte demande de consultations élargies et novatrices. Il y a quelque temps, dans l'arrondissement de Château-Thierry, qui fait partie de ma circonscription, une votation citoyenne a rassemblé plus de 15 000 personnes, et il y avait des files d'attente devant les bureaux de vote !

Il est grand temps de revoir tous les outils disponibles dans le domaine de la consultation des publics, de simplifier les procédures et les accès, tout en rappelant les règles du jeu et les responsabilités de chacun, institutions comme citoyens.

Le respect des opinions de nos concitoyens passe aussi par le respect de leurs représentants, notamment des parlementaires. Je ne veux pas faire de polémique, madame la ministre, mais je le dis avec force : il est inadmissible que dans un débat aussi crucial que celui de la transition énergétique, une frange du Parlement soit ignorée. Les députés du groupe RRDP tiennent à réaffirmer qu'il est anormal que leur sensibilité politique ne soit pas représentée au sein du Conseil national de la transition écologique.

Par ce projet de loi, le Gouvernement et le Parlement auront affirmé leur volonté de mieux prendre en considération la participation de tous aux décisions publiques. Mais cette participation doit intervenir en complément du strict respect de la représentation nationale.

N'oublions pas, comme l'écrivait Jean de la Fontaine dans la fable « Le Chat et le Renard », que « Le trop d'expédients peut gâter une affaire : On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire. N'en ayons qu'un, mais qu'il soit bon. » Ensemble, faisons le bon choix, celui d'une gouvernance respectueuse des élus et des citoyens, afin de raviver notre démocratie et notre République. Cela est bien nécessaire !

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