Intervention de Denis Baranger

Réunion du 26 juin 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Denis Baranger :

Dans l'intérêt même de l'institution sénatoriale, une évolution doit avoir lieu : il est dommage d'avoir une seconde chambre qui ne joue pas le rôle qu'elle pourrait jouer dans le débat public, et affirmer qu'elle souffre d'une crise de représentation n'est pas faire offense à ses membres – c'est tout le contraire dans mon esprit.

Le CESE doit évoluer, lui aussi : le fait qu'il ne soit pas entendu dans la discussion publique est vraiment dommage.

Doit-on réunir ces deux assemblées ? Ce serait peut-être souhaitable. Le Sénat l'acceptera-t-il ? C'est plus incertain. J'avais estimé nécessaire, pour ma part, de politiser la discussion au CESE – dans le sens où existe une politique non partisane : des écologistes peuvent ne pas provenir de l'écologie politique, d'autres membres peuvent être issus de la « société civile »… Nous avons ainsi reçu le représentant d'une grande association intervenant dans l'écologie et qui a tenu des propos plus choquants, brutaux que n'importe quel élu politique. Le CESE doit être le lieu de ce genre d'expression.

M. Mélin-Soucramanien a entièrement raison de considérer qu'il ne faut pas de troisième chambre. Il me paraît néanmoins urgent qu'il se passe quelque chose au sein du CESE. Nous devons l'affirmer même si nous n'avons pas de proposition à faire valoir qui soit recevable par tous les courants d'opinion.

Il convient par ailleurs de mettre en avant ce qui va mieux – je pense au point de vue de Marie-Anne Cohendet sur le Président de la République. Je renverserai, par goût de la provocation, certaines idées en vogue : j'affirme être satisfait de ce que le Président de la République soit aujourd'hui moins fort que ne l'étaient le général de Gaulle et Georges Pompidou. Depuis une dizaine d'années, en effet, le chef de l'État dispose d'une moindre marge de manoeuvre, influence moins la vie politique. Or ce n'est pas un amendement à la Constitution qui en est la cause mais une tendance lourde ; et les tendances lourdes, on ne peut que les constater ou les regretter quand on trouve qu'elles sont nuisibles – être un organe de constatation ne me paraît du reste pas négligeable. Certains mécanismes de réajustement ont fonctionné : ainsi de certaines dispositions positives de la réforme de 2008 – encore faut-il, j'y insiste, le souligner.

Malgré tout, il y a urgence à intervenir.

Ainsi, il faut absolument changer l'article 64, voire le supprimer ! Le Président de la République ne doit plus « veiller à l'indépendance de l'autorité judiciaire » : ce n'est simplement plus possible. Il faut un pouvoir judiciaire. J'ai été, sur ce point, très sensible aux propos de Pierre Joxe.

Il faut aussi faire évoluer le Conseil constitutionnel. À mes yeux, la Constitution n'est pas vivante dans notre pays comme elle peut l'être en Allemagne ou aux États-Unis. J'ai le plus grand respect pour le Conseil constitutionnel, qui a su porter l'idée d'État de droit dans notre pays ; mais je n'arrive pas à me réconcilier avec l'idée d'un juge qui motive aussi peu ses décisions. Une décision sur une loi organique peut-elle tenir en deux lignes ? Encore une fois, je le dis avec respect, mais je ne peux pas l'accepter. Il nous faut des opinions dissidentes, il nous faut un juge constitutionnel qui soit un organe de la longue durée – ce que n'est pas aujourd'hui notre Conseil constitutionnel. Celui-ci est très bien intégré à la mécanique institutionnelle de gestion du processus normatif ; on sait ce qu'il pense, et on le sait vite : un commentaire des Cahiers du Conseil constitutionnel indiquait que telle décision avait été rendue en une heure et demie ! Je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Il faut de la lenteur, et les QPC posent de ce point de vue, je crois, un énorme problème. La motivation des décisions, je le dis sans aucune volonté de provocation, est très insuffisante, et notre justice constitutionnelle doit évoluer sur ce point. Nous sommes peu à le dire mais cela ne doit pas nous empêcher d'être entendus.

J'aimerais qu'il soit question de la parité, qui n'a pas assez évolué.

La transformation des grands partis en séries de micro-partis me semble poser un problème sérieux : il faut interdire, ou encadrer, ces derniers. On m'a fait remarquer qu'être opposé aux micro-partis revenait en quelque sorte à s'opposer aux primaires, les premiers servant d'instruments de préparation des secondes. Il faut y réfléchir, mais un encadrement législatif des micro-partis me semble indispensable.

Il faut enfin verrouiller la question du contrôle du financement. Nous avons ainsi auditionné le fondateur d'une start-up dont le but est d'accompagner la transformation des partis politiques et des campagnes électorales. C'était très intéressant, mais tout cela va coûter cher… Soyons prudents : plus les élections seront onéreuses, plus le financement privé sera nécessaire. Or c'est – comme le montre ce qui se passe aujourd'hui aux États-Unis – une pente dangereuse pour la démocratie. Il faut prendre garde à ne pas nous y engager.

S'agissant enfin de l'éthique publique, il faut, je crois, externaliser le contrôle : notre administration se contrôle assez bien, mais elle se contrôle elle-même, ce qui pose problème. Pourquoi le CESE ne pourrait-il pas devenir une instance de contrôle ? Je ne néglige pas le travail de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Mais il faut nous engager dans un mouvement de séparation organique du contrôleur et du contrôlé.

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