Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 26 juin 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Duflot :

Je ne dis pas que vous l'ayez dit de cette manière, mais c'est en gros ce que vous avez dit – et d'ailleurs, vous n'avez pas tort ! Le caractère des individus les conduit, en effet, à occuper les responsabilités de façon différente. Considérons la façon dont l'article 49, alinéa 3, a été utilisé tout récemment. Certains, peut-être parce qu'ils ont été parlementaires pendant de longues années, n'auraient pas pu regarder les députés dans les yeux en expliquant qu'il n'y aurait pas de débat, que même ni le rapporteur ni le président de la commission spéciale ne pourraient s'exprimer, et hop, emballez c'est pesé ! Le caractère de certains, voire leurs convictions, les empêcheraient d'agir de la sorte ; d'autres pas. Vous avez donc raison sur ce point.

Mais c'est précisément pour cela que nous avons des institutions, qui prévoient des garde-fous, qui empêchent que certaines capacités politiques de certains individus ne soient mises en oeuvre. Le rôle des institutions est bien d'établir des contentions démocratiques.

Refuser de les faire évoluer en renvoyant tout au caractère et à la manière d'exercer les responsabilités me paraît une erreur profonde. Nous devons, je l'ai déjà dit, cesser de nous mentir sur l'usure de nos institutions : si nous croyons qu'il suffit de changer les hommes, nous allons au-devant de graves problèmes. Cela a été dit tout à l'heure : une explosion peut venir beaucoup plus vite que prévu. On pousse le système jusqu'à l'extrême, et on se dit que ça tient – vous parliez de la solidité de la Cinquième République, monsieur Accoyer. Eh bien, oui, mais un chêne est solide jusqu'à ce qu'il casse…

Nous avons atteint, je crois, les limites de nos institutions ; n'attendons pas que notre système politique se brise, car nous ne savons pas ce qui pourrait alors se passer. Il y a dix ans à peine, lors des émeutes de 2005, nous avons vu utiliser des dispositions certes constitutionnelles, mais qui se situent aux limites de la démocratie : il n'est en rien impossible qu'une telle situation se reproduise. On parlera alors de causes sociales et de toutes sortes de choses ; mais nul n'osera dire que nous avons poussé nos institutions, et l'absence de représentation d'une authentique diversité sociale qu'elles organisent, jusqu'à leur terme.

Sur les failles de notre représentation, sur la monarchie républicaine qui serait une sorte de manifestation de fidélité à une histoire de France, sur une forme d'aristocratie, ou de caste si l'on veut employer un mot plus violent… nos débats ont été vraiment intéressants. J'ai notamment été très sensible à la phrase de Mme Viviane Reding citée par Mme Antoni : « Je n'aime pas les quotas, mais j'aime ce qu'ils font. » Il faut au moins en retenir qu'il existe aujourd'hui une rupture profonde entre ceux qui ont le sentiment d'exercer légitimement les responsabilités et ceux qui ont le sentiment d'en être définitivement exclus.

J'espère que notre rapport ne sera pas un rendez-vous manqué : si nous ne posons pas ces questions ouvertement, elles risquent de l'être par d'autres, et autrement plus brutalement.

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