Les propos de M. Accoyer, laissant entendre que la seule raison d'être de notre commission serait de rendre hommage aux institutions de la Cinquième République, m'ont quelque peu interpellée. Nous sommes tous conscients de la stabilité que la Constitution de 1958 a offerte à notre pays, mais nous avons en quelque sorte la chance de ne pas être réunis pour rédiger un nouveau texte. Que notre rapport dise comment il conviendrait d'aménager la Constitution ou qu'il appelle à entrer dans une Sixième République, nous pouvons faire preuve d'audace puisque c'est sous la plume d'une commission ultérieure que nos propositions fleuriront ou ne fleuriront pas.
J'appelle donc à l'audace : elle est indispensable pour trouver une réponse à la défiance à l'égard des politiques – dont le niveau a atteint un niveau extrêmement grave pour l'équilibre de notre pays – et des juges. À ce sujet, plusieurs d'entre nous pensent qu'il faut passer d'une autorité judiciaire à un pouvoir judiciaire auquel on donnerait les moyens nécessaires pour appliquer le droit dans des conditions normales – par ces mots, j'entends dire que faciliter l'accès au droit et aux droits fondamentaux est d'une importance capitale.
Il est tout aussi nécessaire, pour redonner confiance dans les institutions, que nous manifestions le respect que nous portons à la société civile et donc à ses relais, les associations et les organisations non gouvernementales (ONG), sans lesquelles aucune politique publique ne peut être appliquée. J'ai pris toute la mesure, en présidant la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), de ce que, sans les associations, petites et grandes, nationales et internationales, les politiques sont extrêmement dépourvus, qu'il s'agisse du droit des étrangers, du droit d'asile, de la situation des détenus, de la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, de la lutte contre la traite des êtres humains ou d'une autre protection de l'environnement. Or les associations sont dans une pauvreté presque égale à celle des personnes dont elles doivent s'occuper. La réduction des subventions qui leur est versée est dramatique. Il nous faudra dire qu'aussi bien pensées, rédigées et soutenues politiquement soient les politiques publiques, s'il n'y a pas d'acteurs pour les décliner, c'est comme si elles n'existaient pas. Je le constate dans quantité de domaines, et singulièrement en matière de droit d'asile, la question la plus sensible ces jours-ci.