Intervention de Bernard Accoyer

Réunion du 26 juin 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer :

Avant que l'on en arrive, dans un avenir plus ou moins lointain, à définir des quotas en fonction des génomes, je souhaite apaiser les craintes de M. Tusseau en rappelant qu'aux termes de l'article 4 de la Constitution les partis politiques organisent la vie démocratique et la représentation du peuple dans sa diversité. N'inscrivons pas dans la Constitution des dispositions qui transformeraient la République en un système communautariste.

La professionnalisation de la vie politique pose un problème majeur, méconnu par ceux qui en sont l'incarnation. Parfois, au contraire, elle est revendiquée : « La politique est un métier » disent certains acteurs politiques, et non des moindres, qui creusent ainsi le fossé entre les élus nationaux et le peuple. Non, monsieur Winock, le scrutin majoritaire n'est pas l'un des moteurs de la professionnalisation de la vie politique ; c'est l'inverse. Certes, le scrutin majoritaire requiert l'intervention d'un parti politique quand il y a investiture, mais dans le cas du scrutin uninominal, on peut se présenter à l'élection sans avoir été investi et les candidatures spontanées de personnes sans étiquette sont nombreuses ; il faut cependant reconnaître qu'elles aboutissent rarement à l'élection des parlementaires – sauf au Sénat. Au contraire, dans le cas d'un scrutin proportionnel, c'est le parti politique qui décide qui sera nommé, puisqu'est certain d'être élu qui est placé en tête de liste. Ce mode de scrutin favorise effectivement la professionnalisation de la vie politique, car dans un parti, communauté humaine comme une autre, on a plutôt tendance à accompagner dans la progression de leur parcours politique des collègues et des collaborateurs, parce que l'on sait ce qu'ils pensent et ce qu'ils vont faire – et parce que l'on croit qu'ils vous seront fidèles… En réalité, la question qui peut se poser pour le scrutin majoritaire est celle de l'impact du non-cumul des mandats ; c'est pourquoi, minoritaire en cela dans ma famille politique, je considère que le terme qui sera mis au cumul d'un mandat exécutif dans une collectivité locale et d'un mandat parlementaire va dans le bon sens.

Je ne veux en effet rien changer du coeur de nos institutions, de ce qui fait leur solidité. En revanche, je pense qu'il faut évaluer les pratiques gouvernementales, celles des parlementaires et celles des collectivités locales, mesurer les effets de nos spécificités constitutionnelles avant de les remettre en cause, et évaluer aussi les réformes constitutionnelles – au premier rang desquelles le principe de précaution, qui n'a jamais été véritablement évalué alors qu'il a été instauré de manière inconséquente, sans qu'une loi organique en ait fixé le cadre, avec les conséquences que l'on sait.

Nous devons également envisager de réformer notre mécanisme d'élaboration de la loi et de fixation de l'ordre du jour du Parlement. Moins légiférer est une priorité ; contrôler davantage et stabiliser les normes est impératif. Je considère aussi qu'il faut revoir le dispositif des études d'impact : il est anormal qu'elles ne soient exigées ni pour les propositions de loi, ni pour les amendements parlementaires et ni pour ceux du Gouvernement. À ce sujet, depuis que les textes examinés en séance publique sont ceux qui sont issus des commissions, le Gouvernement dépose des amendements de deux sortes : les amendements « normaux » par lesquels il tente de rétablir son texte, et des amendements manoeuvriers de trois pages glissés à l'entrée en séance. Ce dernier procédé, exécrable, ne permet pas un travail législatif sérieux ; nous devons évidemment revoir ce dispositif.

Le nombre de parlementaires pose des problèmes croissants, que la fin du cumul des mandats rendra plus évidents encore ; un consensus se dessine à ce sujet. Le pays souffre de la prolifération et de l'instabilité des normes. La place du Comité d'évaluation et de contrôle (CEC) de l'Assemblée nationale créé par la réforme de 2008 mérite d'être amplifiée ; j'avais contribué à la prise en compte des avis des citoyens exprimés par le biais de l'Internet et je me félicite que le président Bartolone se penche actuellement sur la question – c'est une nécessité. Enfin, la réglementation communautaire encadre et limite notre capacité à légiférer sur le plan national et les citoyens ne comprennent pas cette situation ; le Parlement doit aussi travailler à combler le fossé qui s'est creusé entre de nombreux citoyens et l'Union européenne.

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