Intervention de Marie-Anne Cohendet

Réunion du 26 juin 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Marie-Anne Cohendet :

Je tiens à remercier à nouveau très chaleureusement les personnes qui ont conçu le questionnaire et nous assistent dans nos travaux, dont je salue la très grande qualité. Aujourd'hui, nous avons surtout entendu s'exprimer la diversité des points de vue, mais les réponses au questionnaire permettront de souligner leur unité car il me semble qu'ont émergé, au fil de nos débats, un certain nombre de points de convergence.

En ce qui concerne le diagnostic, nous étions tous d'accord pour souligner l'existence d'un schisme entre la classe politique et la société civile, la délégitimation des institutions et le sentiment d'exclusion de bon nombre de citoyens. N'oublions pas, à ce propos, qu'en démocratie, ce n'est ni de la population ni du public qu'il est question, mais bien du Peuple. Le Peuple, qu'il s'agit de replacer, dans sa diversité, au centre de nos institutions, grâce à des mécanismes qui seront nécessairement variés. En tout état de cause, la solution consistant à ne rien faire ne me paraît guère raisonnable. Lorsque le navire sombre, l'orchestre peut continuer à jouer, mais il est préférable de se préoccuper de colmater les brèches apparues dans la coque ou de gagner les canots de sauvetage.

Le rejet des institutions a des causes nombreuses, que nous avons identifiées. Certes, celles-ci ne tiennent pas toutes aux institutions – Tocqueville soulignait déjà le rôle des associations dans la société politique. On a évoqué, par exemple, le fonctionnement des services publics : les citoyens « ressentent » l'État lorsqu'à la poste ils ont le sentiment de se trouver face à une machine et non face à un individu. Mais l'ensemble de ces questions sont liées, me semble-t-il, à celle de la représentation du peuple dans sa diversité au sein des différentes institutions, en particulier à l'Assemblée nationale. Les députés, parce qu'ils ne retirent pas forcément eux-mêmes leurs paquets à la poste, n'ont pas toujours suffisamment conscience des problèmes rencontrés par leurs concitoyens.

Faut-il instaurer des quotas ? Privilégier le scrutin de liste ? Plusieurs options se dessinent. Le scrutin de liste peut être un moyen d'inciter les partis politiques, qui ne le font pas, à tenir compte de la diversité ; l'application, au moins à titre provisoire, de quotas permettrait de favoriser la représentation des jeunes, qui ont des compétences que nous n'avons pas. Quoi qu'il en soit, il faut absolument que, par des procédures complémentaires, on fasse entrer le peuple dans les institutions, dont il se sent actuellement complètement exclu.

M. Accoyer a brandi l'épouvantail des Troisième et Quatrième République. On sait que le diagnostic était faux et qu'en conséquence, les remèdes proposés étaient inadéquats. En ce qui concerne la prétendue stabilité de la Cinquième République, je rappelle que la durée de vie moyenne de nos gouvernements, qui est de dix-huit mois, est bien moindre que celle des gouvernements suédois ou luxembourgeois, et que cette stabilité est toute relative lorsqu'un député a une chance sur trois de voir son mandat abrégé car tel est le bon plaisir du Président de la République.

Nous nous accordons sur le fait que l'image du Président de la République est importante en France et qu'il n'est pas question de le jeter aux orties. Il faut, au contraire, lui rendre sa majesté. Or, celle-ci tient davantage à la représentation de l'unité du peuple qu'au fait de courir derrière l'opinion publique au fil des événements. Dans la plupart des démocraties, le pouvoir est, certes, personnifié, mais il est contrôlable et responsable. Tel est le sens des propositions que j'ai faites. Le Président de la République doit redevenir un arbitre placé au centre des institutions, la diversité et l'alternance politiques devant s'incarner dans la figure du Premier ministre, qui est en quelque sorte élu par le peuple dans la mesure où il est issu de la majorité parlementaire.

S'agissant du principe de précaution, il me semble que la majorité d'entre nous considèrent qu'il est fort mal compris mais qu'il ne faut pas y toucher, car il est absolument essentiel. Au demeurant, si nous l'écartions, il s'imposerait à nous par d'autres voies plus sévères, notamment celle du droit international.

En ce qui concerne nos méthodes de travail, il me semble que le questionnaire qui nous a été adressé sera très utile. Cependant, il est important que chacun d'entre nous puisse exprimer, sur une ou deux pages, son point de vue personnel de façon à ce que l'on puisse, dans le rapport général, faire ressortir quelques tendances majeures, qu'il s'agisse du diagnostic ou des remèdes proposés.

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