Intervention de Claude Bartolone

Réunion du 26 juin 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Bartolone, président :

Je dois vous dire, en conclusion de cette avant-dernière réunion, que nos travaux ont fait évoluer ma réflexion. Peut-être est-ce dû en partie au fait que je partage la présidence de notre groupe de travail avec Michel Winock, car je suis de plus en plus convaincu de la nécessité de compléter notre approche des institutions par une analyse historique. Tout à l'heure, je vous faisais remarquer que nous parlions encore de la Constitution de 1958, alors qu'elle n'est plus tout à fait la même qu'à l'époque où elle a été adoptée. Je pourrais ajouter que le choix du scrutin uninominal à deux tours s'est fait dans un contexte politique marqué par la bipolarité : il y avait le Mur, les « rouges » et les « bleus », si je peux résumer ainsi la situation. Depuis, nous avons assisté à l'émergence de pays-continents, du risque environnemental. De fait, nombre de préoccupations n'ont pas été prises en compte dans la Constitution, car elles n'existaient pas.

Du point de vue de nos institutions, il me semble que le mandat du président Chirac, qui représente le sursaut face à la menace de l'extrême-droite, marque une césure entre deux époques : les présidents qui l'ont précédé étaient patinés par l'histoire, ceux qui lui ont succédé sont, selon moi, des enfants de la télé, représentatifs du peuple plutôt que représentants d'un courant historique.

Si ma réflexion a beaucoup évolué – je pense notamment à la question du scrutin uninominal à deux tours –, c'est parce que nul ne sait avec certitude ce que sera le développement humain. C'est également sous cet angle que nous devons nous interroger sur l'évolution de nos institutions. Certes, elles ne permettront pas, à elles seules, de rétablir la confiance, mais au moins ne doivent-elles pas être exclusives. Pour ma part, je ne crois pas du tout à la représentation miroir. Non pas parce qu'elle est complexe, mais parce qu'elle conduirait à un fonctionnement « en silo ». Imaginez en effet la situation dans laquelle nous nous trouverions si le parti écologiste devait être le seul à se préoccuper d'environnement. Il me semble que si des partis devaient se constituer sur une base uniquement religieuse, de sorte que les revendications de nos compatriotes musulmans pratiquants, par exemple, seraient défendues par un seul parti dont ce serait la mission, la démocratie en serait appauvrie.

Nous devons néanmoins répondre à cette question comme à celle, par exemple, du blocage que représente la reproduction des élites, questions qui ne se sont pas posées aux pères fondateurs de la Cinquième République, mais qui bouleversent aujourd'hui les modalités de la représentation et de l'incarnation d'un projet commun. Car tel est peut-être notre Graal : le mécanisme ou le texte qui permettrait de renforcer notre appartenance commune. C'est en tout cas l'objectif du questionnaire que nous vous avons adressé.

Ce questionnaire nous permettra de réaliser, à partir de chacune de vos réponses, une photographie qui servira de point de départ à notre prochaine réunion, qui sera donc plus complexe que celle d'aujourd'hui, dans la mesure où il nous faudra convertir nos particularités en un projet commun.

J'ai remis, il y a quelque temps, au Président de la République un rapport sur l'appartenance citoyenne, et chacun a pu constater que la proposition de rendre le vote obligatoire a éclipsé toutes les autres. Ce risque existe, mais peut-être l'éviterons-nous en insistant sur le récit républicain et institutionnel de ce que nous avons essayé de rechercher ensemble. Sans un tel préambule, il sera en effet difficile de comprendre les hésitations des uns et des autres sur chacune des propositions que contiendra le rapport.

Je vous remercie tous pour votre participation.

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