Intervention de Dominique Aribert

Réunion du 1er juillet 2015 à 8h30
Commission des affaires européennes

Dominique Aribert, directrice du pôle Conservation de la nature de la LPO :

Pour répondre à votre question au sujet du milan royal et du rat taupier dont il se nourrit, je dirai que si les agriculteurs utilisent la bromadiolone, c'est que la réglementation européenne l'autorise. Certes, il ne suffit pas d'interdire une substance pour régler tous les problèmes car, comme on le sait, l'interdiction d'un produit a souvent pour conséquence son remplacement par un autre, aux effets méconnus – qui peuvent se révéler encore plus nocifs que ceux du précédent.

Nous demandons à l'Union européenne d'interdire la commercialisation de la bromadiolone, dont, en France, le ministère de l'agriculture a encadré l'utilisation il y a quelques mois. Alors que le recours à la bromadiolone était précédemment limité à quelques territoires, la publication d'un arrêté ministériel permettant son extension sous réserve de certaines mesures de contrôle – qui, dans les faits, ne sont pas appliquées – a permis à la plupart des départements de s'engouffrer dans la brèche. Cela a abouti à un usage actuel massif et sans aucune précaution de la bromadiolone, notamment en Auvergne. Les autorités locales et les directions départementales des territoires ne sont pas en mesure de faire respecter les textes : il ne se trouve pas suffisamment de monde sur le terrain pour faire appliquer l'empilement de réglementation, que ce soit dans le domaine des pesticides ou dans celui de l'eau, par exemple.

Pour ce qui est des programmes LIFE, la France ne dépose que peu de projets chaque année – il n'est donc pas étonnant qu'elle n'en obtienne pas beaucoup –, alors que l'Espagne et l'Italie, qui en déposent en grande quantité, en obtiennent en proportion. Dans notre pays, il n'y a pratiquement que les associations de protection de la nature, dont la LPO, ainsi que quelques parcs régionaux, pour monter des projets LIFE, alors que dans les autres pays européens, c'est généralement le fait des régions – chez nous, seule la région Alsace a commencé à s'engager dans cette voie – et de certains établissements publics. Plusieurs pays d'Europe sont dotés d'agences de la biodiversité – c'est le cas notamment en Belgique –, qui soutiennent des projets deux à trois fois plus importants que ceux que les associations comme la nôtre sont en mesure de présenter.

Contrairement aux structures publiques, qui ne se mettent pas en danger quand elles déposent un projet, les associations prennent toujours un risque quand elles le font. Si la LPO peut se le permettre du fait de son envergure et de la relative importance de ses moyens, notamment en personnel, elle court cependant un risque financier : au moment du dépôt d'un projet, elle n'a jamais l'assurance de bénéficier d'un éco-financement. Ainsi, nous avons déposé un projet LIFE+ CAP DOM initialement basé sur un autofinancement à hauteur de 400 000 euros ; si nous avons réussi à réduire cette part en trouvant des cofinancements, c'est bien nous qui avons pris tous les risques. Même lorsque nous nous associons à des établissements publics ou à des collectivités locales, nous restons porteurs du projet et des risques qu'il comporte – c'est le cas avec un projet de sauvegarde de l'outarde du centre-ouest de la France, pour lequel nous allons nous associer au conseil général des Deux-Sèvres.

Il est pour le moins paradoxal que plusieurs niveaux de collectivités aux compétences redondantes en matière de distribution de subventions et de contrôle se superposent en France mais qu'aucune ne prenne jamais l'initiative d'agir. Du fait de cette organisation, nous sommes les plus mauvais lorsqu'il s'agit de mobiliser des fonds européens. Les statistiques montrent que les pays du sud de l'Europe, en particulier l'Espagne et l'Italie, sont bien plus efficaces que nous. On ne peut que déplorer cet état de fait, car les LIFE sont de précieux outils de conservation de la biodiversité – toutes leurs actions, très concrètes, sont fléchées dans cette direction.

Comme vous l'a dit Allain Bougrain-Dubourg, la LPO a acheté 1 600 hectares de zones humides avec des fonds LIFE complétés par des financements provenant essentiellement d'agences de l'eau. Les espaces concernés, extrêmement importants pour la biodiversité, sont principalement situés dans le marais poitevin, qui se trouvait en grand danger de disparition avant de bénéficier de ces programmes. Nous avons également acheté 400 hectares de prairie dans les basses vallées angevines, en périphérie de la ville d'Angers, afin de protéger une population de râles des genêts – une espèce quasiment en voie de disparition en France.

La protection d'un espace au moyen d'un tel projet a également pour effet de le garantir contre d'autres risques, notamment celui de l'aménagement de peupleraies. Je précise que ces basses vallées constituent également une zone d'extension des crues, protégeant la ville d'Angers contre les inondations. Par ailleurs, la mise en place d'un projet LIFE crée des emplois. Pour le projet des basses vallées angevines, nous avions toute la population agricole avec nous car les exploitants s'inquiétaient de voir les propriétaires de leurs exploitations vendre celles-ci à des populiculteurs, ce qui se traduisait par un appauvrissement des terres agricoles.

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