La lutte contre la biopiraterie n'est effectivement pas sans rapport avec la préservation de la biodiversité : lorsqu'on est attentif à un milieu naturel, on juge mieux des potentialités de dégradation du milieu – espace et espèces – et l'on est donc davantage en mesure de combattre la biopiraterie. C'est un problème délicat, pour lequel il faut laisser les chercheurs faire leur travail, sans toutefois pouvoir faire abstraction des intérêts des populations locales.
Le Conseil économique, social et environnemental, dont je suis membre, s'était déclaré favorable à faire remonter les budgets acquis vers un organisme central qui les redistribuerait, afin d'éviter les pratiques abusives auxquelles pourraient se livrer certaines organisations locales. En matière de biopiraterie, je ne suis pas sûr qu'il faille revenir en arrière, comme certains le voudraient, notamment parce qu'une telle démarche serait très complexe sur le plan technique ; il me semble préférable de travailler pour l'avenir.
Nous disposons déjà de textes nous permettant de lutter contre le phénomène d'artificialisation des surfaces. Cela dit, votre question portait plutôt sur la perception qu'ont les Français des contraintes induites par la défense des milieux – par exemple, le fait que la présence de scarabées pique-prune puisse avoir pour conséquence de stopper la construction d'une autoroute. En fait, je pense que nous ne valorisons pas suffisamment notre patrimoine naturel ; comme certains enfants nés du bon côté de la rue, nous ne nous rendons pas toujours compte de notre chance et considérons notre richesse comme allant de soi. Au nom de la LPO, je me suis battu pour que les Journées du patrimoine ne se limitent pas à la valorisation du patrimoine culturel, mais s'étendent au patrimoine naturel, rejoignant la notion de patrimoine retenue par l'UNESCO – qui s'applique aussi bien aux fortifications de Vauban qu'à la richesse naturelle constituée par l'archipel des Galapagos. Il m'a fallu cinq ans pour faire admettre cette idée en France et j'ai dû pour cela m'adresser au plus haut niveau de l'État, alors même que le principe désormais reconnu ne coûte rien à personne.
Nous avons donc un travail très important à réaliser en matière de valorisation de l'exception naturelle française, ne serait-ce que pour permettre à la Stratégie nationale pour la biodiversité, qui n'a pas les effets escomptés – certaines régions n'ont même pas signé leur engagement en sa faveur – de produire de meilleurs résultats. Cette valorisation passe peut-être par l'établissement de palmarès où figureraient les différents acteurs de la biodiversité. Paradoxalement, les Français sont passionnés par les richesses naturelles : le tourisme nature n'a jamais si bien marché qu'aujourd'hui. La LPO possède plusieurs réserves en Charente-Maritime, notamment celle de Lilleau des Niges, sur l'île de Ré, dont je peux vous assurer qu'elle est largement ouverte au public : elle accueille chaque saison des dizaines de milliers de visiteurs – tout comme celle des Sept-Îles, dans les Côtes-d'Armor.
Si le tracé d'une autoroute passe par un château du xiie siècle, le projet n'aboutira pas ; en revanche, si le tracé passe par une zone humide, le projet sera poursuivi. Il subsiste aujourd'hui une différence d'appréciation entre le patrimoine culturel et le patrimoine culturel ; c'est pourquoi nous devons absolument valoriser ce dernier.