Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, voici maintenant des années qu’inexorablement, législature après législature, notre assemblée devient l’ombre d’elle-même. Il serait certes faux de dire que rien n’a été entrepris pour y remédier. Bien au contraire. Depuis Philippe Séguin jusqu’à Claude Bartolone, chaque président a vainement tenté d’inverser ou, du moins, de ralentir le cours des choses. Pourtant, en dépit de multiples innovations animées des meilleures intentions, il nous faut bien reconnaître un malaise de plus en plus profond.
De ce point de vue, notre dernière session marque sans doute le franchissement d’un nouveau seuil. Trois faits me paraissent significatifs : le dernier recours à l’article 49, alinéa 3 pour la loi Macron, qui n’est pas venu mettre fin à un débat tumultueux mais interdire tout débat ; la saisine inédite, pour la loi sur le renseignement, du Conseil constitutionnel par l’exécutif lui-même ; enfin, l’épisode des frondeurs, que l’on a tort de regarder essentiellement comme un débat interne au groupe socialiste.
En effet, au-delà de la ligne politique, ce sont bien davantage la question institutionnelle et celle du rôle du député qui se trouvent posées. Au fond, personne ne juge la situation satisfaisante mais personne n’ose le dire clairement de peur d’aggraver encore les choses.
Alors qu’il nous faudrait prendre du recul afin d’analyser l’origine de cet affaiblissement parlementaire, nous nous réfugions obstinément dans une suractivité législative toujours plus aveugle et toujours plus routinière. Loin de nous ouvrir les yeux, les déconvenues qui s’accumulent sont vite oubliées.
Inlassablement et mécaniquement, nous répétons le rituel législatif en refusant de voir que les Français se montrent de moins en moins concernés et même de plus en plus hostiles. En fait, ils ne savent plus à quoi sert le Parlement, mais le savons-nous nous-mêmes ?
C’est dans ce contexte d’un irrésistible déclin parlementaire annonçant à terme une crise majeure qu’il faut resituer le débat d’aujourd’hui.
Une nouvelle fois, nous allons adopter la loi de règlement dans l’indifférence générale : désintérêt des parlementaires qui considèrent ce texte comme technique et sans enjeux, désintérêt de la presse et de l’opinion qui en ignorent même l’existence.
Incroyable désinvolture, lorsque l’on sait que la loi de règlement reflète la réalité du budget exécuté ! En effet, le budget exécuté est toujours assez éloigné de celui qui a été voté en loi de finances initiale. Cela signifie en fait que la majorité ne souhaite pas vérifier que le Gouvernement a bien mis en oeuvre les choix pourtant solennellement annoncés lors du débat budgétaire.
Tout aussi curieusement, l’opposition ne semble attacher aucune valeur au respect ou non par le Gouvernement de ses engagements. Alors se pose une question : ce refus de voir les réalités n’est-il pas très éclairant sur nos dysfonctionnements ?
Toujours négligée, alors qu’elle pourrait servir de base à un débat extrêmement utile, la loi de règlement doit être l’occasion de réfléchir à notre pratique parlementaire actuelle.
Aussi, je vous propose d’examiner rapidement les différentes explications données à ce malaise parlementaire que chacun ressent depuis des années. Jusqu’à présent, deux types d’approches ont retenu l’attention.
La première tend à minimiser l’ampleur de la crise et considère que le Parlement souffre essentiellement d’un problème d’image.
La seconde découle d’une analyse institutionnelle et fait du Parlement la victime d’un exécutif trop puissant.
Pour ma part, je voudrais défendre une troisième approche. Je crois plutôt que le Parlement se décrédibilise lui-même dans une suractivité législative qui souligne désormais son impuissance. Il ne tient cependant qu’à lui de retrouver un rôle valorisant et utile en se concentrant sur une nouvelle manière de remplir sa mission de contrôle et d’interpellation.
La rénovation du Parlement est une tâche à laquelle se sont systématiquement attelés tous les présidents de notre assemblée depuis une vingtaine d’années.
Leurs efforts ont porté dans trois directions : mieux organiser le travail parlementaire, faire connaître le travail parlementaire et améliorer l’image des parlementaires.