Intervention de Ségolène Neuville

Séance en hémicycle du 6 juillet 2015 à 16h00
Accessibilité des établissements des transports et de la voirie pour les personnes handicapées et accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap — Présentation

Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la mise en accessibilité de la ville, au sens large, et des transports est attendue à juste titre avec impatience par les personnes en situation de handicap et par leur famille.

Si elle l’est, c’est, d’abord, parce qu’elle constitue un objectif défini de longue date par les pouvoirs publics, ensuite, parce que rendre accessibles les épiceries, les mairies, les musées, les restaurants, les bus et les trains est un préalable à l’autonomie des personnes en situation de handicap, dans une société non seulement plus juste, mais aussi plus accueillante.

Il importe de souligner que ce texte concerne également d’autres publics : les femmes enceintes, les personnes âgées, les parents qui circulent avec une poussette, ainsi que tous ceux qui sont temporairement blessés. C’est dire son immense impact.

Il répond aussi aux engagements internationaux pris par la France en matière de lutte contre les discriminations à l’égard des personnes en situation de handicap. Ces engagements correspondent parfaitement à la définition de l’accessibilité précisée par la loi de 2005. Contrairement à celle du 30 juin 1975, qui restreignait la conception de l’accessibilité à la seule question du handicap moteur, celle du 11 février 2005 l’a étendue à tous les types de handicap, tout en adoptant une conception plus large des espaces et bâtiments à rendre accessibles.

En juin 2012, un rapport parlementaire dressant le bilan de l’application de la loi établissait un diagnostic sans appel : la date butoir du 1er janvier 2015 pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public – les ERP – ne pourrait être respectée puisque les deux tiers, voire les trois quarts des gestionnaires des établissements concernés ne s’étaient pas encore engagés dans cette démarche. Il importait donc de trouver des solutions à même de débloquer la situation, puis de soumettre ces solutions à la concertation.

C’est dans ce contexte que les documents de programmation pluriannuelle, les « Ad’AP » – agendas d’accessibilité programmée –, ont été imaginés, afin de pallier l’absence de cadres juridique, calendaire et opérationnel – autant d’éléments qui manquaient dans le dispositif prévu en 2005.

Pour garantir concrètement la mise en accessibilité des ERP, de la voirie et des transports, il est également apparu qu’une simplification des normes s’imposait. Il s’agit de prendre en compte à la fois la réalité du quotidien et la grande diversité des établissements concernés par la mise en accessibilité. Sur ce sujet, le pragmatisme impose par exemple de ne pas traiter de la même façon un grand complexe hôtelier et un petit hôtel, ou encore de ne pas traiter une épicerie classée en catégorie cinq, c’est-à-dire un établissement de petite envergure, comme un grand supermarché. L’ensemble de ces propositions ont été soumises à la fois aux associations d’élus locaux, aux associations de personnes handicapées, aux organisations professionnelles, aux grandes entreprises de transport ainsi qu’aux membres de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle.

Sur la base de ces discussions, présidées par la sénatrice Claire-Lise Campion, qui a fait un travail remarquable, le Gouvernement a fait le choix d’aller au plus vite et de demander au Parlement de l’autoriser à adopter par ordonnance des mesures de nature législative visant à préciser les obligations prévues par la loi de 2005 en matière d’accessibilité des ERP et des services de transport public de voyageurs, ainsi que les nouveaux délais permettant d’effectuer les travaux de mise en accessibilité.

Il est maintenant du devoir du Gouvernement de revenir devant la représentation nationale afin d’obtenir la ratification de l’ordonnance qu’il a prise. Tel est l’objet du texte qui vous est soumis aujourd’hui.

Les sénateurs et les sénatrices l’ont déjà fait évoluer. Je veux citer certaines avancées qui me paraissent significatives.

Premièrement, les sénateurs et les sénatrices ont précisé et réduit, lorsque c’était nécessaire, la durée de prorogation des délais de dépôt des agendas d’accessibilité programmée pour les fixer à six mois en cas de rejet du premier agenda, à un an en cas de difficultés techniques avérées et à trois ans pour les structures en proie à des difficultés financières définies de façon très stricte par la réglementation. Je tiens à signaler qu’un formulaire CERFA a été mis en ligne au début de l’année sur le site accessibilite.gouv.fr. Il tient lieu d’engagement à l’exécution de l’Ad’AP, y compris pour les gestionnaires amenés à demander un délai pour son dépôt pour l’une des trois raisons que je viens d’énumérer.

Deuxièmement, le Sénat a également pris soin de ne pas bouleverser le texte pour ne pas placer les parties prenantes en situation d’insécurité juridique. Cette insécurité conduirait en outre à faire retomber ce mouvement de mise en accessibilité qui s’est enclenché depuis maintenant plusieurs mois – chacun et chacune a pu le constater dans son propre territoire.

Troisièmement, le Sénat a souhaité devancer les intentions du Gouvernement en ouvrant le service civique aux jeunes adultes en situation de handicap âgés de vingt-cinq à trente ans.

La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a réalisé sur le texte voté par le Sénat un véritable travail d’orfèvre, veillant à conserver les grands équilibres, tout en faisant en sorte de pousser plus avant certaines mesures et d’accentuer le caractère inclusif du dispositif. Je tiens tout spécialement à saluer l’implication et la rigueur de son rapporteur, Christophe Sirugue – la notion de rigueur, comme le travail d’orfèvre, cela vous va très bien, monsieur le rapporteur !

En ce qui concerne la préservation de l’équilibre général du texte, la commission a écarté les amendements qui remettaient en cause les règles à quelques mois de la date butoir de dépôt des Ad’AP, qui est le 27 septembre prochain. Cela aurait rendu l’information confuse, désorganisé l’instruction des dossiers et, finalement, démobilisé ceux qui, aujourd’hui, sont en train de s’organiser pour être prêts dans les temps impartis.

À l’initiative du rapporteur, mais aussi de Bernadette Laclais, de Véronique Massonneau et de Barbara Pompili, la commission a également supprimé la possibilité pour les gestionnaires d’ERP de bénéficier d’un crédit d’impôt, possibilité qui avait été introduite au Sénat contre l’avis du Gouvernement. Je suis particulièrement satisfaite de la suppression de cette disposition car je considère que donner une prime à ceux qui n’ont pas tenu compte de l’obligation de mise en accessibilité inscrite dans la loi de 2005 était un mauvais signal.

Quant aux avancées résultant de l’examen du projet de loi en commission, je note qu’elles procèdent d’une volonté de déplacer le curseur vers plus d’inclusion chaque fois que cela est possible et équilibré. Bien sûr, j’y suis particulièrement sensible. Ainsi a été introduite, à l’initiative du rapporteur Christophe Sirugue et de Lionel Tardy, une disposition visant à supprimer une distinction faite entre les élèves handicapés scolarisés à temps plein et ceux scolarisés à temps partiel. C’est effectivement un moyen de permettre à tous les jeunes en situation de handicap scolarisés de prendre le bus scolaire avec leurs camarades de classe s’ils le souhaitent.

Toujours dans le domaine des transports, la commission a souscrit à la proposition de Bernadette Laclais d’interdire à l’autorité organisatrice de transport de pratiquer pour le transport mis en place pour les personnes handicapées un tarif supérieur à celui applicable aux autres usagers.

J’ai également pris connaissance du compte rendu des débats que vous avez pu avoir en commission à propos de la formation des personnels en contact avec le public. Ce sujet est bien sûr essentiel, et plus encore pour l’accueil des personnes en situation de handicap psychique ou mental. Plusieurs amendements visant à développer ce type de formation ont été déposés pour être discutés en séance publique. Les deux amendements en ce sens présentés par le rapporteur ont la préférence du Gouvernement, notamment parce qu’ils précisent des obligations raisonnables pour les établissements recevant du public de catégories un à quatre, et je m’en expliquerai tout à l’heure. Ma position sur ce point est guidée, bien sûr, par un souci à la fois d’équilibre et d’efficacité.

Je vous présenterai enfin un amendement du Gouvernement visant à offrir une sécurité législative au registre d’accessibilité. Celui-ci correspond à une recommandation issue de la concertation menée par la sénatrice Claire-Lise Campion. L’objectif de ce registre d’accessibilité est que les exploitants d’ERP précisent les modalités retenues pour permettre à tous les usagers ou clients d’accéder, quelles que soient leurs difficultés, aux services et prestations délivrés. Il illustre parfaitement cette notion d’accessibilité universelle que nous appelons tous de nos voeux.

Pour conclure, je souhaite vous dire que le Gouvernement, apprécie le souci de responsabilité qui a guidé vos travaux sur ce projet de loi de ratification d’une ordonnance entrée en application depuis plusieurs mois. Les débats ont été nourris depuis l’adoption du projet de loi d’habilitation, il y a maintenant un an, et j’espère vous avoir convaincus qu’il est temps désormais de procéder à l’adoption la plus rapide possible du projet de loi de ratification afin de ne pas reporter plus loin la mise en accessibilité de notre société.

Mesdames et messieurs les députés, je compte sur vous !

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