Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous avons examiné le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 26 septembre 2014 en commission le 24 juin dernier. Ce texte avait été sensiblement modifié par nos collègues sénateurs et nous nous sommes efforcés de parvenir à un contenu acceptable par le plus grand nombre, acceptable en ce sens qu’il reconnaît l’importance de la mise en accessibilité, acceptable aussi en ce qu’il tient compte de contraintes importantes sur lesquelles je vais revenir. Je veux noter que nos travaux se sont déroulés dans une atmosphère constructive, et je tiens à en remercier l’ensemble des groupes, de la majorité comme de l’opposition.
Si des mécontentements demeurent, je voudrais rappeler que le projet d’ordonnance part du constat de la situation d’impasse dans laquelle se trouvait la société française. La loi du 11 février 2005 avait fixé des objectifs très ambitieux de mise en accessibilité universelle à l’horizon du 1er janvier 2015. Près d’un an et demi avant cette échéance, il nous a bien fallu constater que, malgré les progrès importants qui avaient été accomplis, grâce à cette loi, une grande partie de notre société ne pouvait plus prétendre être prête en temps et en heure – et je serais tenté de dire qu’il aurait même été facile de faire ce constat un peu plus en amont encore. Sans intervention législative, je veux le rappeler ici, notre société serait demeurée dans une situation de semi-conformité, exposée au risque permanent de batailles contentieuses, aussi attristantes qu’incertaines.
Face à cela, le Gouvernement a pris, de mon point de vue, les meilleures décisions possibles. Je le dis aujourd’hui après avoir beaucoup travaillé, avec mes collègues et avec le Gouvernement sur ce texte de ratification. Le calendrier extrêmement difficile rendait le recours aux ordonnances inévitable. Toutefois, le Gouvernement a veillé à associer les parlementaires en amont de leur rédaction, et je l’en remercie.
Ainsi, comme cela a été rappelé à l’instant par Mme la secrétaire d’État, notre collègue sénatrice Claire-Lise Campion a été chargée de conduire les travaux de concertation préparatoires à la demande d’habilitation. Ils ont notamment permis de définir des marges d’assouplissement de la législation, de prioriser nos objectifs et de définir des outils innovants de rattrapage de la mise en accessibilité, les fameux agendas programmés d’accessibilité, ou Ad’AP, pour les établissements recevant du public, ainsi que les schémas directeurs d’accessibilité-ADAP, ou SDA-ADAP.
Lors de l’examen du projet de loi d’habilitation, il y a tout juste un an, nous avons mené un dialogue fructueux avec le Gouvernement afin de soutenir sa démarche de réforme tout en affirmant notre vigilance sur certains points. L’ordonnance du 26 septembre 2014 a traduit l’esprit de l’habilitation. C’est ce qu’a constaté le Sénat, qui a adopté le projet de loi moyennant quelques amendements. La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a salué la plupart de ces modifications, qui prévoient un meilleur encadrement des conditions de prorogation des délais de dépôt et de mise en oeuvre des Ad’AP et SDA-Ad’AP, l’attribution de l’intégralité du produit des sanctions liées à la mise en oeuvre des Ad’AP et SDA-Ad’AP au fonds d’accompagnement pour l’accessibilité universelle, le renforcement des obligations de formation, des mesures de simplification ou d’allégement de contraintes adaptées aux petites communes et l’extension jusqu’à l’âge de trente ans de la possibilité d’un engagement en service civique pour les jeunes en situation de handicap.
Cependant, afin de faire encore progresser ce texte, notre commission est également revenue sur deux dispositions adoptées par le Sénat.
À l’article 3, une disposition dispensait les bailleurs sociaux de certains travaux de mise en accessibilité dans les constructions neuves. Si je constate que certains souhaitent aujourd’hui la rétablir, je rappellerai que sa suppression a fait l’objet d’un consensus en commission et n’a soulevé aucune objection.
Nous avons également voté la suppression de l’article 9, qui prévoyait un dispositif fiscal d’engagement en faveur des ERP s’engageant dans les Ad’AP entre le mois de septembre 2015 et le mois de septembre 2016. Nous avons jugé cette disposition pour le moins injuste et inappropriée.
La commission des affaires sociales a également enrichi ce texte en prévoyant la possibilité de mettre en accessibilité les points d’arrêt de transport scolaire pour les élèves handicapés scolarisés à temps partiel et pas seulement à temps plein – j’ai vu, malheureusement, qu’un amendement revenait encore sur cela, mais nous en débattrons tout à l’heure. Nous avons également prévu que la validation des SDA-Ad’AP soit soumise à l’avis conforme des commissions consultatives départementales pour la sécurité et l’accessibilité. Et nous avons introduit, grâce à notre collègue Bernadette Laclais, le principe de non-discrimination tarifaire, dans un même périmètre urbain de transport, pour le transport à la demande.
Outre quelques ajustements rédactionnels, les échanges que nous avons eus en commission me conduisent à vous proposer de préciser encore ce texte sur deux points.
Premièrement, en ce qui concerne la formation, conformément à la loi d’habilitation, l’article 12 de l’ordonnance prévoit que les formations des professionnels en contact avec le public ou la clientèle incluent un volet relatif à l’accueil et à l’accompagnement des personnes handicapées. Nos collègues sénateurs ont ajouté une disposition selon laquelle les exploitants d’ERP proposent à leurs employés des formations similaires en formation continue. Nous avons souhaité renforcer ces dispositions en prévoyant une obligation de formation plus systématique pour les grands ERP. Ce sera l’objet d’un amendement que je vous soumettrai.
Deuxièmement, nous avons également souhaité avancer sur la question difficile de la mise en accessibilité des ERP situés dans des immeubles d’habitation. Le droit issu des ordonnances prévoit que le préfet pourra accorder une dérogation à l’exploitant de l’ERP dès lors que l’assemblée générale des copropriétaires aura voté son refus d’autoriser les travaux. On comprend bien la nécessité de trouver le meilleur équilibre possible face à une situation complexe : la mise en accessibilité universelle est un impératif, mais le respect du droit de propriété aussi, et la loi ne saurait appliquer à des particuliers les obligations pesant sur des exploitants d’ERP. Le Sénat a donc avancé au mieux sur cette question en prévoyant que le refus de l’assemblée générale devait être motivé.
Sans prétendre remettre en cause cet équilibre, et conformément aux conclusions de la concertation, je vous proposerai un amendement visant à clarifier les possibilités de dérogation dans les situations où l’ERP prend en charge le coût des travaux.
Pour conclure, je souhaite rappeler la satisfaction que j’ai eue en tant que rapporteur à constater le climat constructif dans lequel nous avons examiné ce projet de loi en commission. J’insiste sur le travail important que nous avons engagé, avec le souci extrêmement fort d’entendre les revendications légitimes des personnes en situation de handicap, de leurs associations mais aussi des personnes dont la mobilité est réduite pour d’autres raisons que le handicap.
Les évolutions que nous proposons au travers de ce projet de loi de ratification ont pour ambition, non pas de parvenir à l’équilibre je ne saurais dire ce que recouvre exactement ce terme –, mais d’avancer. En effet, si nous restons figés sur des positions totalement compréhensibles, mais dont la faisabilité ou les calendriers renverraient leur application à plusieurs années, nous reviendrions, finalement, aux défauts de la loi du 11 février 2005. Nous avons collectivement le devoir de permettre l’application de ce texte avec la volonté de l’efficacité. C’est en tout cas ce que nous avons recherché dans le cadre de nos travaux.
Je forme le souhait qu’à la suite de la commission des affaires sociales, notre assemblée adopte ce projet de loi de ratification.