Intervention de Isabelle Le Callennec

Séance en hémicycle du 7 juillet 2015 à 15h00
Dialogue social et emploi — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Le Callennec :

À l’heure où la loi NOTRe n’a rien clarifié, où les subventions viennent à manquer et où l’inquiétude grandit chez les promoteurs de spectacles et de culture, il est urgent de répondre aux inquiétudes. Ce n’est manifestement pas avec cet article que vous le faites.

Troisième erreur, qui n’a pas fini de faire couler de l’encre : la non-remise en cause du compte pénibilité. Ce que nous contestons n’est pas la prise en compte de la pénibilité, mais la manière dont ce dispositif est mis en place, qui pousse toujours plus de chefs d’entreprise à se mobiliser, à l’instar du Collectif des acteurs économiques bretons pour la croissance et l’emploi, qui nous demande d’interpeller le Gouvernement – ce que je fais bien volontiers.

Il faut notamment souligner le coût de ce dispositif, dont on ne parle jamais : il est estimé à 500 millions d’euros par an dès 2020, puis à 2,5 milliards d’euros en 2040. Une récente étude montre que 65 % des salariés du secteur agroalimentaire et 50 % des salariés de la métallurgie seraient susceptibles d’être concernés.

J’ose espérer que votre collègue ministre de l’agriculture vous a informé des difficultés que rencontrent déjà l’agroalimentaire et l’agriculture. Chez nous, en Bretagne, où les marges sont déjà faibles, toute charge supplémentaire pesant sur les entreprises et toute mesure nouvelle conduisant à une perte de compétitivité auront des conséquences dramatiques sur l’emploi. Ce sont, une fois de plus, les entreprises de production qui seront lourdement pénalisées : il ne faudra pas se plaindre de constater de nouvelles pertes d’emplois dans l’industrie, qui souffre déjà d’une fiscalité confiscatoire par comparaison avec celle qu’appliquent nombre de nos partenaires européens.

Y a-t-il des manques dans ce texte ? Hélas, oui.

Le premier est celui d’une définition partagée de ce que devrait être un dialogue social efficace. Sans cette définition, comment répartir utilement le rôle et les responsabilités de chaque partie prenante de ce dialogue social – les partenaires sociaux, le législateur, l’administration et le juge des prud’hommes ? Et cette définition, n’est-ce pas d’abord aux salariés et aux entreprises de l’écrire et de la partager ?

Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen ont récemment dénoncé la « complexité croissante du code du travail » et proposent même d’en réécrire les principes. En effet, c’est bien ce code qui régit les relations au travail – je dirais même : les encadre, voire : les corsète. Et je ne parle pas des autres codes, comme ceux de la consommation, du commerce ou de l’environnement !

La question est ainsi clairement posée : le chômage de masse, qui mine la société française quand certains de nos voisins européens en sortent, n’est-il pas dû à la complexité croissante de notre droit du travail ?

Les Républicains auraient apprécié que l’examen de ce projet de loi permette d’aboutir utilement à l’idée de fixer un certain nombre de normes sociales fondamentales et de renvoyer les autres règles régissant les droits et devoirs de chacun à la négociation au sein des entreprises, voire des branches professionnelles, pour une société de confiance.

Le Cercle des économistes ne dit pas autre chose, qui propose de « donner un rôle central à l’accord collectif en assurant la représentativité du dialogue social ». Autrement dit, que l’État fixe les normes fondamentales, mais que des accords négociés dans l’entreprise ou dans la branche puissent moduler les règles applicables. Il s’agit, en somme, de l’inversion de la hiérarchie des normes. Le Cercle des économistes propose même que chaque employé, sans condition d’appartenance à un syndicat, puisse se présenter aux élections professionnelles : une petite révolution qui n’a aucune chance d’émerger de ce texte sur le dialogue social. Tout au plus celui-ci rajoutera-t-il quelques pages supplémentaires au code du travail, qui en compte déjà 1 600.

J’observe en outre que le Premier ministre lui-même ne croit pas qu’il sera de nature à réhabiliter le travail et favoriser l’emploi. Manuel Valls n’a-t-il pas confié une mission à Jean-Denis Combrexelle, qui doit réfléchir aux différents moyens d’« élargir la place de l’accord collectif dans notre droit du travail et la construction des normes sociales » ? Le rapport est attendu en septembre mais, entre-temps, cette loi aura été votée par votre majorité et le mal aura été fait.

Je rappelle en outre que, le 9 juin dernier, à propos des PME, le Premier ministre a annoncé que l’effet des franchissements des seuils fiscaux jusqu’à 50 salariés devait être gelé durant trois ans. Je n’en ai rien vu dans le texte – et pour cause : vous avez justement rappelé que les syndicats y étaient opposés. Certes ! Alors, pourquoi Manuel Valls en a-t-il fait la promesse aux entreprises ? Qui arbitre ? Où est le courage ?

De même, le Premier ministre avait avancé l’idée de consolider la relation entre l’employeur et l’apprenti dès le début du contrat et proposé de conserver la phase des soixante premiers jours durant laquelle le contrat peut être rompu simplement, en ne prenant en compte que la durée de présence effective de l’apprenti dans l’entreprise pour calculer cette période. Je crois l’avoir vu dans le texte – vous voyez : nous sommes équilibrés et honnêtes.

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