La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, j’ai déjà eu l’occasion de vous présenter le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi. Je serai donc le plus concis possible.
Ce projet de loi répond à deux grandes ambitions. La première consiste à renforcer et rénover en profondeur le dialogue social, car c’est à la fois concrétiser la promesse d’un droit à la représentation pour tous les salariés et rendre plus souple et agile l’entreprise de demain. Il faut se donner aujourd’hui les moyens d’un dialogue social moins formel, plus vivant, plus efficace dans les entreprises, un dialogue qui traite des vrais enjeux stratégiques et y associe les salariés.
La seconde ambition est de favoriser l’emploi et sécuriser les parcours professionnels. Ce volet s’est incontestablement enrichi au cours des débats. Il comporte des avancées importantes : la prime d’activité, le compte personnel d’activité, la transformation de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – l’AFPA –, la santé au travail, la pérennisation du régime des intermittents, l’appui au retour à l’emploi des demandeurs d’emploi les plus fragiles. Des évolutions intéressantes ont été introduites pour mettre en oeuvre le plan TPE-PME présenté par le Premier ministre en juin et saisir ainsi toutes les opportunités de la reprise pour créer de l’emploi.
Si votre assemblée avait largement enrichi le projet de loi initial, la majorité sénatoriale a souhaité revenir sur plusieurs dispositions majeures du projet de loi, contre l’avis du Gouvernement. L’exemple le plus révélateur est celui des commissions paritaires régionales. Comme vous le savez, l’article 1er n’a pas pu être adopté en séance, alors même qu’il avait été largement amendé, pour ne pas dire dénaturé, par la commission. Le Gouvernement n’a eu de cesse d’en rappeler l’importance. Il n’est pas acceptable que les 4,6 millions de salariés des TPE ne soient pas tous représentés et se trouvent ainsi, de fait, exclus du dialogue social. Ce n’est plus acceptable aujourd’hui. C’est pourquoi j’ai souhaité créer une représentation spécifique, que vous aviez d’ailleurs, monsieur le rapporteur, renforcée en première lecture en commission.
J’ai pu entendre au cours des débats que le dialogue social existait de fait dans les très petites entreprises et qu’il ne pouvait en aller autrement, compte tenu de leur structure.
Personne ne le nie, mais il ne faut pas confondre, ou plutôt feindre de confondre, le dialogue social et la simple discussion. Le dialogue social requiert, pour être apaisé, serein, et pour aller au fond des problèmes, un minimum de structuration et, bien sûr, des enceintes dédiées. Le refus de ces commissions, c’est selon moi une régression. À chaque fois que le Sénat a souhaité revenir sur la place des organisations syndicales, je m’y suis également opposé. Nous ne ferons pas progresser la démocratie sociale sans organisations syndicales représentatives et fortes. C’est la conviction de ce gouvernement et je suis certain qu’elle est partagée sur l’ensemble des bancs de cette assemblée.
Le Sénat est également revenu sur les nombreuses avancées qui concernaient l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Je m’y suis opposé et j’ai proposé le rétablissement des dispositions les plus emblématiques qui avaient été supprimées en commission au Sénat. Que ce soit dans les conseils d’administration, sur les listes des élections professionnelles, aux prud’hommes, ou plus largement dans le dialogue social, la place des femmes doit progresser.
Enfin, le Sénat est revenu sur la reconnaissance du syndrome d’épuisement professionnel, ou « burn-out ». J’ai eu l’occasion de défendre ce début de reconnaissance, qui est une exigence de notre temps. Tous ces aspects ont été rétablis en commission. Je souhaite à cet égard remercier M. le rapporteur, ainsi que Jean-Patrick Gille et la présidente de la commission. Grâce à leur travail, le texte a retrouvé son équilibre.
Les travaux au Sénat ont néanmoins permis d’avancer sur un certain nombre de points. Le Gouvernement a été à l’initiative de deux amendements, qui traduisent le plan « Tout pour l’emploi », présenté par le Premier ministre le 9 juin dernier. Le premier amendement concerne l’apprentissage. Il porte la durée de la période pendant laquelle le contrat peut être rompu unilatéralement à deux mois de présence effective de l’apprenti dans l’entreprise. Cette période est nécessaire pour qu’une relation de confiance réciproque puisse s’établir entre l’employeur et l’apprenti. Cela permettra aux deux parties de s’assurer de la pérennité et de la pertinence de leur engagement. Et, bien entendu, chaque jeune sera accompagné. C’est l’une des exigences du plan de relance de l’apprentissage que je défends et qui fait consensus entre nous.
Le deuxième amendement concerne le renouvellement du contrat à durée déterminée. Dans un contexte de reprise, les entreprises peuvent éprouver le besoin de renouveler un CDD ou un contrat d’intérim, le temps que leur carnet de commandes se consolide. Le Gouvernement a donc souhaité prévoir deux renouvellements, au lieu d’un actuellement, dans le respect, bien sûr, de la durée maximale actuelle. Votre commission a, à bon escient, ajusté le texte sur ce dernier point. Ce sera donc de la souplesse, sans précarité.
Le Sénat a également accepté à une quasi-unanimité un dispositif plus sécurisant pour les salariés élus et militants syndicaux qui partent en formation économique et sociale. Cette disposition complète d’ailleurs celle adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, et je m’en félicite.
Cette nouvelle lecture sera l’occasion, je l’espère, d’améliorer encore le texte et de faire progresser de nouveaux sujets. Je regrette que les amendements défendus par M. Issindou concernant la réforme de la médecine du travail, que le Gouvernement aurait soutenus et qui ont été discutés en commission, ne puissent être examinés en séance, en raison d’une lecture très stricte de la règle, désormais bien connue, de l’entonnoir.
Il y avait de vraies avancées à faire, dans la continuité des amendements déposés en première lecture par M. Issindou et visant à réformer en profondeur la médecine du travail. Et ces réformes recueillent un écho favorable très large chez les partenaires sociaux membres du Conseil d’orientation sur les conditions de travail – COCT –, ce qui mérite d’être relevé et salué. Nous poursuivrons par d’autres voies : la concertation et, je l’espère, un autre projet de loi ou une proposition de loi avant la fin de l’année, qui complèteront ce qui n’a pas pu être abordé dans le cadre de ce texte. II en va de la protection des salariés et de leur santé au travail : nous ne pouvons donc nous arrêter en si bon chemin et nous devons poursuivre la dynamique engagée avec les partenaires sociaux sur ce sujet.
J’en viens à un autre sujet sur lequel nous pouvons avancer lors de cette nouvelle lecture. Il s’agit de la sécurisation des parcours professionnels. À l’unanimité, votre commission a transcrit dans la loi les dispositions prévues par les accords entre les partenaires sociaux : d’abord, l’accord national interprofessionnel – ANI – du 11 janvier 2013 puis l’accord de branche du 10 juillet 2013, créant un CDI pour les salariés intérimaires. Ce nouveau contrat permettra d’améliorer la situation de cette catégorie de travailleurs, qui pourra conclure des CDI et bénéficier ainsi d’une plus grande stabilité. C’est un progrès important pour les salariés concernés : un CDI, c’est l’accès au logement, à l’emprunt, bref, c’est une stabilité en plus dans la vie, professionnelle comme quotidienne. Vous avez souhaité le faire sous la forme d’une expérimentation encadrée et c’est une proposition à laquelle je souscris.
Je suis sûr, mesdames, messieurs les députés, que nous aurons des débats fructueux et riches qui permettront d’améliorer encore le texte issu de la commission. Nous verrons si celui-ci est encore perfectible. Je vous remercie de votre participation constructive à ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, après l’échec de la commission mixte paritaire intervenu le 30 juin dernier – j’y reviendrai.
Je rappelle que, le 2 juin dernier, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture ce projet de loi qui traduit l’engagement du Gouvernement et de la majorité en faveur de la lutte contre le chômage, de la protection des travailleurs et de l’insertion par l’activité de nos concitoyens les plus modestes. Le 30 juin, le Sénat adoptait un texte profondément remanié, traduisant une philosophie générale assez éloignée de celle retenue par l’Assemblée. Alors que le projet de loi initial comportait vingt-sept articles, le texte adopté par le Sénat en comptait soixante-douze, dont seulement quinze dans une rédaction conforme à celle de l’Assemblée. Sur les cinquante-sept articles restant en discussion, le Sénat a supprimé dix des articles adoptés par l’Assemblée et inséré dix-sept articles additionnels.
Fort logiquement, la commission mixte paritaire, réunie quelques heures seulement après l’adoption du projet de loi par le Sénat, n’a pu que constater le désaccord extraordinairement fort entre les deux chambres, appelant dès le 1er juillet une nouvelle lecture par la commission des affaires sociales, que je remercie d’avoir rétabli l’essentiel du texte initialement voté par l’Assemblée nationale.
La suppression de l’article 1er en séance publique au Sénat, après que cet article eut été profondément modifié par la commission des affaires sociales de la Haute assemblée, a suffi à lui seul à acter le désaccord entre les deux chambres. La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a ainsi logiquement rétabli l’article 1er dans sa rédaction votée en première lecture par l’Assemblée nationale.
Si nous avions suivi la décision prise par le Sénat, nous aurions continué à exclure de toute représentation les 4,6 millions de personnes travaillant dans des entreprises de moins de onze salariés. Le dialogue social doit concerner tous les salariés et toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. C’est l’objet du rétablissement de l’article 1er.
Par ailleurs, concernant les articles suivants, les différents amendements du Sénat avaient principalement consisté à supprimer ou à restreindre les nouvelles dispositions introduites par l’Assemblée nationale en première lecture : le nouveau mode de scrutin paritaire en début de liste pour l’élection des délégués du personnel et les membres du comité d’entreprise – c’est un élément extrêmement important auquel nous sommes attachés –, la possibilité de siéger pour les représentants du personnel suppléants, ou encore les modalités de recours à la visioconférence pour l’organisation des réunions des instances représentatives du personnel.
Le Sénat a également supprimé les dispositions nouvelles – abaissement du seuil, nombre minimum – concernant les administrateurs salariés. Je rappelle ici l’importance de tels dispositifs permettant de généraliser la présence d’administrateurs représentants des salariés, au moment où on essaie de rééquilibrer le rapport de force entre le travail et le capital. En effet, nous ne le dirons jamais assez, la force d’une entreprise et sa pérennité, ce sont aussi ses salariés. La commission des affaires sociales a rétabli ces dispositions équilibrées et issues d’un dialogue fructueux entre le Gouvernement et la majorité parlementaire.
S’agissant du regroupement des instances représentatives du personnel par accord d’entreprise, notre commission a également supprimé la possibilité qu’avait introduite le Sénat d’y recourir dès cinquante salariés, cet élargissement rompant l’équilibre global du projet de loi, qui repose sur le pivot entre l’article 8 et l’article 9, c’est-à-dire la délégation unique du personnel – DUP –, élargie le cas échéant, dans les entreprises de moins de 300 salariés et la fusion par accord d’entreprise dans celles de plus de 300 salariés.
Sur le reste du titre Ier, le Sénat avait introduit une série d’articles additionnels auxquels la commission des affaires sociales n’a, en toute logique, pas souscrit – je les citerai afin de contrer certains arguments utilisés par nos collègues de l’opposition pour affirmer que le Sénat aurait introduit des avancées importantes.
Ces avancées seraient notamment la suppression du monopole syndical au premier tour des élections professionnelles ou les modalités de calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, qui ont évidemment été revues – et pas dans l’intérêt des salariés. Si c’est là ce que vous considérez comme des avancées importantes, nous n’avons à l’évidence pas la même lecture des avancées sociales telles que nous les avons portées lors de la première lecture du texte à l’Assemblée nationale.
La fin du titre 1er, relative au dialogue social interprofessionnel et à la santé au travail, a été significativement amendée par le Sénat. La commission des affaires sociales a par conséquent proposé de rétablir les articles permettant la reconnaissance des pathologies psychiques d’origine professionnelle et de revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture pour ce qui concerne l’adaptation des règles applicables au compte personnel de prévention de la pénibilité. Là encore, le Sénat, évidemment soucieux de la sécurisation des parcours professionnels, n’avait rien trouvé de mieux que la suppression du compte personnel d’activité.
Au titre II, la commission des affaires sociales a rétabli le mécanisme de subsidiarité consistant à déléguer aux organisations représentatives des intermittents du spectacle la négociation des règles spécifiques d’indemnisation du chômage qui leur sont propres, dans un cadre défini par les partenaires sociaux représentatifs au niveau interprofessionnel.
Au titre III, ensuite, relatif à la sécurisation des parcours professionnels et au retour à l’emploi, la commission des affaires sociales a souhaité rétablir l’article relatif à l’instauration du compte personnel d’activité. Elle a néanmoins choisi de conserver, sous réserve d’ajustements rédactionnels, plusieurs mesures de bon sens introduites par le Sénat.
La commission a ainsi maintenu l’article autorisant le recours à deux renouvellements de contrats à durée déterminée – CDD –, en réduisant toutefois la durée maximale de renouvellement à celle qui est actuellement en vigueur, soit dix-huit mois.
Elle a également conservé deux articles visant à adapter les modalités d’accueil au sein des structures d’insertion par l’activité économique pour les personnes sous main de justice. Elle a conservé aussi un ajouté du Sénat prévoyant les modalités d’encadrement des organismes de formation aux activités privées de sécurité.
La commission a enfin adopté un amendement transformant en expérimentation la mise en place du contrat à durée indéterminée – CDI – intérimaire proposée par le Sénat, qu’évoquait à l’instant M. le ministre. C’est une mesure de sagesse qui permet à ce CDI de se mettre en place tout en nous permettant d’en avoir une appréciation aussi juste que possible dans le cadre de l’expérimentation.
Le titre IV propose la création d’une prime d’activité, en remplacement de la prime pour l’emploi et du volet « activité » du revenu de solidarité active. La commission des affaires sociales a choisi de conserver certaines modifications bienvenues apportées par le Sénat, pour l’essentiel sur les plans légistique et rédactionnel. À l’initiative du rapporteur, elle a en revanche proposé d’en revenir au texte de l’Assemblée sur deux points, en permettant à tous les apprentis, et non aux seuls apprentis dépourvus de diplôme, de bénéficier de la prime d’activité et en supprimant du contenu du rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement sur la prime d’activité certaines demandes irréalistes, et donc impossibles à satisfaire.
Cette lecture comparée des travaux du Sénat et de l’Assemblée nationale fait apparaître qu’à l’évidence, il existe des sujets qui nous opposent. Ce texte sur le dialogue social, l’emploi et la reconnaissance des besoins des personnes en situation de fragilité marque bien la différence entre la majorité et l’opposition. Les débats que nous aurons au cours des prochaines heures permettront de le révéler encore et de montrer qu’il y a une différence entre la gauche et la droite, sur ces textes tout particulièrement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’ultime discussion de ce projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi intervient après l’échec de la commission mixte paritaire, mardi dernier au Sénat, où je siégeais avec mes collègues du groupe Les Républicains Gérard Cherpion et Gilles Lurton.
Nos homologues sénateurs avaient pourtant bien tenté de remettre du pragmatisme et de l’efficacité dans ce texte pour le rendre, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, moins formel et plus vivant.
Comment ? En supprimant les commissions paritaires régionales, en discutant l’amendement du Gouvernement à l’article 18, relatif à la répartition des sièges des organisations professionnelles d’employeurs – débat manifestement loin d’être clos, car le financement du paritarisme est en cause –, en proposant le lissage dans le temps des effets de seuil grâce à la possibilité pour les entreprises d’obtenir un délai de trois ans pour se mettre en conformité avec leurs nouvelles obligations, ou en imaginant d’étendre aux établissements privés relevant de l’enseignement supérieur le droit de percevoir le barème de la taxe d’apprentissage.
Ce ne sont que quelques exemples, mais la réalité est là : vous êtes restés sourds à toute évolution – du reste, vous ne m’écoutez pas non plus ici, au moment où je m’exprime. Vous avez déçu, et même irrité, les partenaires sociaux (« C’est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), auxquels vous ne cessez pourtant de faire référence pour justifier vos choix, ou plutôt vos non-choix, trop préoccupés que vous êtes à ménager les élus de votre majorité et vos alliés. Le congrès du parti socialiste est pourtant terminé et vous devriez donc être plus libres.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Quel était, à l’origine, l’objectif de ce texte ?
En 2014 – ce n’est pas si ancien ! –, vous disiez, monsieur le ministre, vouloir supprimer ou lisser les seuils sociaux. Vous avez dû vous raviser et rappeler qu’en fin de compte, ce texte vise à « supprimer l’excès de formalisme qui nuit à la qualité du dialogue social et donc à l’emploi ». Chacun appréciera ce reniement et ce manque d’ambition.
Y a-t-il des avancées dans ce texte ? J’en vois au moins deux : la possibilité de regrouper les instances des délégués du personnel, du comité d’entreprise ou du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHSCT – en une instance unique de représentation du personnel et, comme vous venez de l’évoquer, monsieur le rapporteur, la possibilité de renouveler un CDD deux fois.
S’y ajoute une autre avancée, qui vient d’être votée en commission des affaires sociales et qui – ce qui réjouira M. Cherpion – permettra enfin aux écoles de formation adossées à des entreprises qui font un réel effort de bénéficier des fonds attribués aux organismes paritaires collecteurs. Un grand merci !
La première des mesures, qui fait beaucoup parler d’elle et dont vous faites presque l’alpha et l’oméga de votre texte, et qui est une première faute, est la création des commissions paritaires régionales, à l’article 1er de cette loi qui prétend être une loi en faveur de l’emploi. Nous doutons que ces commissions régionales aient un quelconque impact sur la croissance et réitérons nos arguments à ce propos.
Il existe, dans les très petites entreprises visées par cette disposition, un lien direct entre les salariés et leur chef d’entreprise. Ils entretiennent une relation quotidienne qui ne nécessite pas d’ajouter une échelle nouvelle de représentation, éloignée des réalités de terrain.
Cette nouvelle structure représente un coût supplémentaire pour les entreprises, car les cinq heures de travail mensuelles qu’elle implique seraient prises, logiquement, sur le temps de travail. C’est une mesure de pur affichage, car les dix représentants salariés et les dix représentants employeurs sont désignés à l’échelle de la région : étant donné qu’il n’y a plus que 13 régions en métropole, ce sont donc130 personnes qui représenteront plus de 4,6 millions de salariés des TPE ! Cela n’a aucun sens et c’est parfaitement inutile.
Enfin, dernier écueil : la possibilité pour les membres de cette commission de s’immiscer dans la vie des entreprises non seulement en exerçant un pouvoir de médiation, mais surtout en pouvant accéder aux locaux des entreprises ce qui a le don de les irriter.
Deuxième faute que nous voyons à ce texte : l’article 20 qui concerne les intermittents du spectacle. Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? Vous réagissez un an après la grève des intermittents, qui avait perturbé nombre de festivals l’été dernier. Vous créez, en réalité, un nouveau régime spécial et vous refusez la création d’une conférence des métiers du spectacle, qui aurait pourtant permis de revisiter la politique culturelle de l’État et des collectivités territoriales.
À l’heure où la loi NOTRe n’a rien clarifié, où les subventions viennent à manquer et où l’inquiétude grandit chez les promoteurs de spectacles et de culture, il est urgent de répondre aux inquiétudes. Ce n’est manifestement pas avec cet article que vous le faites.
Troisième erreur, qui n’a pas fini de faire couler de l’encre : la non-remise en cause du compte pénibilité. Ce que nous contestons n’est pas la prise en compte de la pénibilité, mais la manière dont ce dispositif est mis en place, qui pousse toujours plus de chefs d’entreprise à se mobiliser, à l’instar du Collectif des acteurs économiques bretons pour la croissance et l’emploi, qui nous demande d’interpeller le Gouvernement – ce que je fais bien volontiers.
Il faut notamment souligner le coût de ce dispositif, dont on ne parle jamais : il est estimé à 500 millions d’euros par an dès 2020, puis à 2,5 milliards d’euros en 2040. Une récente étude montre que 65 % des salariés du secteur agroalimentaire et 50 % des salariés de la métallurgie seraient susceptibles d’être concernés.
J’ose espérer que votre collègue ministre de l’agriculture vous a informé des difficultés que rencontrent déjà l’agroalimentaire et l’agriculture. Chez nous, en Bretagne, où les marges sont déjà faibles, toute charge supplémentaire pesant sur les entreprises et toute mesure nouvelle conduisant à une perte de compétitivité auront des conséquences dramatiques sur l’emploi. Ce sont, une fois de plus, les entreprises de production qui seront lourdement pénalisées : il ne faudra pas se plaindre de constater de nouvelles pertes d’emplois dans l’industrie, qui souffre déjà d’une fiscalité confiscatoire par comparaison avec celle qu’appliquent nombre de nos partenaires européens.
Y a-t-il des manques dans ce texte ? Hélas, oui.
Le premier est celui d’une définition partagée de ce que devrait être un dialogue social efficace. Sans cette définition, comment répartir utilement le rôle et les responsabilités de chaque partie prenante de ce dialogue social – les partenaires sociaux, le législateur, l’administration et le juge des prud’hommes ? Et cette définition, n’est-ce pas d’abord aux salariés et aux entreprises de l’écrire et de la partager ?
Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen ont récemment dénoncé la « complexité croissante du code du travail » et proposent même d’en réécrire les principes. En effet, c’est bien ce code qui régit les relations au travail – je dirais même : les encadre, voire : les corsète. Et je ne parle pas des autres codes, comme ceux de la consommation, du commerce ou de l’environnement !
La question est ainsi clairement posée : le chômage de masse, qui mine la société française quand certains de nos voisins européens en sortent, n’est-il pas dû à la complexité croissante de notre droit du travail ?
Les Républicains auraient apprécié que l’examen de ce projet de loi permette d’aboutir utilement à l’idée de fixer un certain nombre de normes sociales fondamentales et de renvoyer les autres règles régissant les droits et devoirs de chacun à la négociation au sein des entreprises, voire des branches professionnelles, pour une société de confiance.
Le Cercle des économistes ne dit pas autre chose, qui propose de « donner un rôle central à l’accord collectif en assurant la représentativité du dialogue social ». Autrement dit, que l’État fixe les normes fondamentales, mais que des accords négociés dans l’entreprise ou dans la branche puissent moduler les règles applicables. Il s’agit, en somme, de l’inversion de la hiérarchie des normes. Le Cercle des économistes propose même que chaque employé, sans condition d’appartenance à un syndicat, puisse se présenter aux élections professionnelles : une petite révolution qui n’a aucune chance d’émerger de ce texte sur le dialogue social. Tout au plus celui-ci rajoutera-t-il quelques pages supplémentaires au code du travail, qui en compte déjà 1 600.
J’observe en outre que le Premier ministre lui-même ne croit pas qu’il sera de nature à réhabiliter le travail et favoriser l’emploi. Manuel Valls n’a-t-il pas confié une mission à Jean-Denis Combrexelle, qui doit réfléchir aux différents moyens d’« élargir la place de l’accord collectif dans notre droit du travail et la construction des normes sociales » ? Le rapport est attendu en septembre mais, entre-temps, cette loi aura été votée par votre majorité et le mal aura été fait.
Je rappelle en outre que, le 9 juin dernier, à propos des PME, le Premier ministre a annoncé que l’effet des franchissements des seuils fiscaux jusqu’à 50 salariés devait être gelé durant trois ans. Je n’en ai rien vu dans le texte – et pour cause : vous avez justement rappelé que les syndicats y étaient opposés. Certes ! Alors, pourquoi Manuel Valls en a-t-il fait la promesse aux entreprises ? Qui arbitre ? Où est le courage ?
De même, le Premier ministre avait avancé l’idée de consolider la relation entre l’employeur et l’apprenti dès le début du contrat et proposé de conserver la phase des soixante premiers jours durant laquelle le contrat peut être rompu simplement, en ne prenant en compte que la durée de présence effective de l’apprenti dans l’entreprise pour calculer cette période. Je crois l’avoir vu dans le texte – vous voyez : nous sommes équilibrés et honnêtes.
Enfin, il avait été question de mieux accompagner les PME et les TPE dans la gestion de leurs ressources humaines, sans en dire plus, alors que les besoins sont réels dans les petites entreprises.
Une énième annonce dont les entreprises, je puis en témoigner, se fatiguent quand elle n’est pas suivie d’effet.
Que peut-on espérer à l’issue du vote d’un texte porté par une majorité qui refuse toujours, par pure idéologie, d’offrir davantage de souplesse aux entreprises, convaincus que vous restez que cela dessert les salariés ! Cela dessert d’abord l’emploi, et singulièrement ceux qui en sont exclus, dont une partie des jeunes. Je veux parler ici des 3,55 millions de chômeurs de catégorie A, des 5,41 millions de chômeurs toutes catégories confondues. On compte plus d’un million de chômeurs supplémentaires depuis l’élection du président Hollande, qui avait pourtant promis d’inverser la courbe du chômage.
Ce n’est pas drôle, monsieur le ministre !
Au fond, chers collègues de la majorité, vous ne croyez pas au dialogue social dans les entreprises.
Celui qui oblige, de part et d’autre, au respect et à la confiance. Celui qui impose de se parler pour partager les bons et les mauvais moments de la vie de l’entreprise. Celui qui prend différentes formes, selon que l’entreprise compte 5, 50, 500 ou 5 000 salariés, ou qu’elle évolue dans tel ou tel secteur d’activité. Celui qui aide à prendre les bonnes décisions et à signer des accords majoritaires dans les entreprises – des accords de maintien dans l’emploi dans les entreprises en difficulté, mais des accords plus offensifs quand les entreprises se développent sur leurs marchés et doivent pouvoir s’adapter face à la concurrence.
Plus de souplesse pour les entreprises, plus de sécurisation des parcours professionnels des salariés : ce devrait être un objectif partagé sur tous les bancs de l’hémicycle.
Or, s’agissant de la sécurisation des parcours, je doute que le compte personnel d’activité créé par ce projet de loi soit le meilleur rempart contre le risque de chômage. Surtout que vous laissez aux partenaires sociaux le soin d’en délimiter les contours ! Je crée, vous vous débrouillez pour gérer : encore une preuve d’un dialogue social bien immature !
Ce qui est de nature à rassurer le salarié, c’est que son entreprise prospère, qu’il y soit considéré et, dans l’idéal, qu’il soit intéressé aux résultats quand ils sont positifs.
Ce qui est de nature à rassurer le demandeur d’emploi, c’est que tout soit mis en oeuvre pour que ses compétences coïncident avec les besoins des entreprises qui embauchent. Lorsque ce n’est pas le cas, il a droit à une formation qui doit déboucher sur un emploi. Je m’autorise à le rappeler, monsieur le ministre, car depuis la mise en place du compte personnel de formation, il est permis de s’interroger : seulement 1,5 million de personnes sur 23 millions de salariés et demandeurs d’emplois ont ouvert leur espace personnel, et seulement 2 000 d’entre elles ont commencé une formation.
Au risque de me répéter à cette tribune, quels sont les dispositifs mis en oeuvre aujourd’hui pour favoriser la mobilité professionnelle et géographique ? Avec quels résultats ? Il existe 400 000 offres d’emploi qui ne sont pas pourvues. Qu’est-il fait pour rapprocher les offres de formation des emplois à pourvoir ?
À l’origine, monsieur le ministre, ce projet de loi relatif au dialogue social devait être une réponse aux chefs d’entreprises qui fustigent les seuils sociaux, lesquels allongent, lorsque vous les dépassez, la liste de vos obligations d’employeur. Ces seuils restent manifestement un frein au développement des PME dans notre pays – PME dont je rappelle qu’elles représentent 85 % de la création d’emplois.
En somme, ce texte est, dans sa globalité, au mieux un coup pour rien, au pire un non-sens économique. Nous sommes tous attachés au dialogue social, mais chacun d’entre nous ne définit pas forcément de la même manière un dialogue social efficace.
La loi de 2007, dite « loi Larcher », prévoit que tout projet gouvernemental impliquant des réformes dans les domaines des relations du travail, de l’emploi ou de la formation doit d’abord comporter une phase de concertation avec les partenaires sociaux, dans le but de permettre l’ouverture d’une négociation. Ici, ce fut un échec.
La loi Larcher fut une étape importante. Mais huit ans après, acceptons quelques constats. Seulement 7 % des salariés sont syndiqués dans notre pays. Aucun accord national interprofessionnel ne recueille la signature de l’ensemble des organisations syndicales de salariés et d’employeurs reconnues représentatives au niveau national. Mais pourtant, ces ANI s’appliquent à tous. Les lois dans lesquelles ces accords doivent être consignés traduisent rarement « l’ANI, rien que l’ANI » et alourdissent encore un peu plus le code du travail. Choc de simplification dans les mots, choc de complexification dans les faits.
Pour notre groupe, Les Républicains, ce projet de loi, pour lequel il faudra attendre la publication de cinquante-cinq décrets, ne favorisera l’emploi que dans son titre. Compte tenu des conditions de la fusion de la prime pour l’emploi et du RSA activité, non encore stabilisée et à l’impact réel inconnu, ce texte aura fait prendre un risque psychologique et financier à notre pays. En refusant de privilégier le dialogue social au coeur même des entreprises, il aura manqué le virage d’une démocratie sociale adulte – une démocratie sociale prête à relever le défi du chômage de masse qui gangrène notre société, et prête à faire une place aux jeunes générations qui aspirent à s’insérer sur le marché du travail mais s’impatientent aujourd’hui.
Quels droits et devoirs pour favoriser la compétitivité économique et la cohésion sociale dans notre pays ? Ni la loi Macron ni la loi Rebsamen n’auront permis d’y répondre puissamment.
C’est pour toutes ces raisons, et en pensant aux millions de chômeurs de notre pays,…
…que le groupe Les Républicains vous propose d’adopter cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Au titre des explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera cette motion.
Sur le fond, ce texte ne respecte pas l’article L. 1 du code du travail. Comme nous l’avons déjà dit en première lecture, vous avez oublié d’engager le dialogue social avant de déposer votre projet de loi.
En outre, vous ne respectez pas le Parlement, puisqu’entre le vote du texte au Sénat et la réunion de la commission des affaires sociales de notre assemblée ne se sont écoulées que vingt-quatre heures, pendant lesquelles s’est réunie la commission mixte paritaire. Autant dire que le droit d’amendement a été bafoué,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe écologiste
ce qui est d’ailleurs anticonstitutionnel.
Sur le fond, vous intitulez votre texte « projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi ». Pour qu’il y ait dialogue social, il faudrait peut-être que vous respectiez d’abord l’article L. 1 du code du travail. Quant à l’emploi, on se demande quelles dispositions de ce texte essaient de l’améliorer !
Premièrement, les dispositions du projet de loi vont diviser par quatre le nombre de bénéficiaires de la prime d’activité et du RSA activité. Il s’agit bien sûr d’une réduction des droits.
Deuxièmement, vous ne traitez malheureusement pas les effets de seuils, que vous avez pourtant évoqués plusieurs fois, de même que le Premier ministre.
Pour qu’il y ait de l’emploi, il faut de la confiance. Pour qu’il y ait de la confiance, il faut de la stabilité, de la compréhension. Il faut que soit fixé un cap. Or, nous vous le disons depuis des années, vous n’avez pas de cap : un jour, vous présentez un texte, le lendemain, vous en présentez un autre pour le modifier. Dans le cadre du projet de loi Macron, vous modifiez la législation sur la pénibilité, mais en même temps, vous changez ici les conditions d’attribution de la prime d’activité, alors que ces deux projets de loi sont parallèles et qu’ils sont discutés en même temps. Vous tronçonnez vos textes, et vous les modifiez en permanence.
Surtout, vous traitez mal les TPE. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous lire un petit texte écrit par Robert Badinter
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains
« […] la situation des petites et moyennes entreprises appelle une attention particulière. Aux facteurs généraux qui affectent l’économie française s’ajoute, dans le cas des petites et moyennes entreprises […], un mal particulier : la complexité du droit du travail […]. » Avec ce projet de loi, c’est exactement ce que vous faites. Écoutez vos pairs ! Cela vaudra mieux pour l’avenir et pour l’emploi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je m’exprimerai évidemment contre la motion de rejet préalable défendue par Mme Le Callennec.
Sourires.
J’entends avec surprise que nous n’aurions pas respecté l’article L. 1 du code du travail, issu de la loi Larcher. Mais enfin, monsieur Vercamer ! Si nous sommes dans cet hémicycle, c’est précisément parce que la négociation collective qui avait été engagée n’a pas abouti ! Quand les partenaires sociaux ne se mettent pas d’accord, le législateur devrait-il rester silencieux, ne pas prendre ses responsabilités ? Est-ce votre conception de l’évolution des choses ? Alors que vous nous accusez de ne rien faire, il faudrait que nous ne fassions rien parce que les partenaires sociaux ne se sont pas mis d’accord. Voilà, monsieur Vercamer, une drôle d’interprétation de l’article L. 1 du code du travail et de la loi Larcher !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Je réponds maintenant à Mme Le Callennec, qui nous accuse d’élaborer une loi d’affichage.
Selon elle, l’institution par l’article 1er de commissions paritaires régionales interprofessionnelles serait un non-sens. Mais finalement, si j’entends bien son propos, ce ne serait rien, de toute façon, puisqu’il n’y aurait que 130 représentants des salariés et 130 représentants des employeurs, pour 4,6 millions de salariés. Évidemment, comparaison n’est pas raison, mais nous ne sommes que 577 députés pour 65 millions de Français.
Cela veut simplement dire que le nombre n’est pas le problème. Au niveau régional, les salariés et les employeurs des petites entreprises seront peut-être capables de réfléchir paritairement à ce qu’il faut faire.
Par ailleurs, madame Le Callennec, monsieur Vercamer, vous avez cité les professeurs Badinter et Lyon-Caen – c’est en tant que professeurs qu’ils se sont exprimés. Vous restez à l’article 1er de leur « Déclaration des droits du travail », mais lisons celle-ci jusqu’au bout ! Selon son article 50, « Tout salarié a droit à participer à l’élection d’un représentant qui assure la défense de ses intérêts dans l’entreprise. » Les auteurs parlent de tout salarié, quelle que soit la taille de l’entreprise. Il faut lire les lire jusqu’au bout !
Lisez le livre des professeurs Badinter et Lyon-Caen : ils sont capables de résumer le droit des relations individuelles du travail en cinquante principes. Ce n’est pas si mal que cela ! Peut-être devrions-nous lire ce livre autrement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Ce texte traite soi-disant du dialogue social. Il est très surprenant que le Gouvernement utilise le terme de « dialogue » : il fait une fois de plus le grand écart entre le discours et les actes. De dialogue, il n’y en a point ! En réalité, votre vision du dialogue social n’est pas du tout équilibrée, mais unilatérale.
Au vu de la manière dont vous engagez l’examen de ce texte, nous constatons une fois de plus que vous n’avez pas pris le temps de faire un travail de fond. Il suffit d’ailleurs d’observer les divisions actuelles de votre majorité sur ce projet de loi pour constater que, de toute évidence, s’il avait été travaillé différemment, nous n’en serions pas là.
Les arguments avancés il y a quelques instants par Isabelle Le Callennec pour défendre la motion de rejet préalable sont fondés non seulement juridiquement, mais également politiquement. C’est la raison pour laquelle notre groupe ne peut évidemment que soutenir cette motion.
Compte tenu de la manière dont ils se sont exprimés, on se demande d’ailleurs bien pourquoi certains membres de la prétendue majorité ne vont pas plus loin en votant cette motion de rejet préalable. Le vote que nous allons avoir cet après-midi est d’ailleurs assez intéressant, car c’est la première fois que le groupe socialiste, républicain et citoyen n’aura plus, dans cet hémicycle, la majorité absolue.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.– Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Lionel Tardy.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le dialogue social mérite mieux, les entreprises méritent mieux. Ce sont les mots qui me viennent à l’esprit devant ce projet de loi, à bien des égards consternant, tant sur la forme que sur le fond. Je ne comprends pas ce qui nous pousse à légiférer dans une telle précipitation et à décider de l’avenir de nos entreprises au doigt mouillé.
Pour comprendre, il faut refaire la triste chronologie de ce projet de loi. Nous serons sans doute plusieurs à le dire, mais les délais ubuesques méritent d’être soulignés, encore et encore, tant la situation est navrante.
Voici donc le rappel de la chronologie. Le Gouvernement avait annoncé, en cas d’échec des négociations entre les partenaires sociaux, qu’il reprendrait la main en proposant un projet de loi. Jusqu’ici, tout va à peu près bien ! Mais les négociations ont échoué le 22 janvier et le Gouvernement a décidé trois mois plus tard qu’il fallait se dépêcher. Pourquoi ? Mystère ! Le projet de loi a été examiné en conseil des ministres le 22 avril et en commission à l’Assemblée le 19 mai. Le choix initial de la procédure accélérée n’annonçait rien de bon. En effet, engager la procédure accélérée sur un texte censé être le Grand Soir de nos entreprises et visant à simplifier le dialogue social constituait déjà un motif d’inquiétude.
Cela n’a pas manqué ! Le rendez-vous s’annonçait raté, les avancées timides et les vrais sujets éludés ! À la lecture du contenu du projet de loi, on s’est très vite rendu compte que seul le débat parlementaire pouvait changer les choses. Mais le pire était encore à venir. L’examen du texte en première lecture en séance a eu lieu une semaine seulement après l’examen en commission et nous avons eu moins de quarante-huit heures pour déposer des amendements entre les deux alors que des modifications importantes avaient été effectuées. En particulier, le rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles défini à l’article 1er a été revu afin de conférer à celles-ci des pouvoirs inédits et des possibilités d’ingérence.
Ce dérapage, personne ne l’a vu venir ! Nous espérions à l’époque, naïvement peut-être, que les débats feraient évoluer le texte. Mais tenez-vous bien, chers collègues, ce n’est pas fini : le vote solennel au Sénat a eu lieu le 30 juin et la commission mixte paritaire s’est réunie deux heures plus tard pour se conclure en trente minutes seulement ! Après l’échec de la CMP, le texte est naturellement revenu à l’Assemblée pour une nouvelle lecture mais vingt-quatre heures plus tard ! Comme la CMP a terminé ses travaux à dix-neuf heures dix, le dépôt d’amendements devait être achevé le lendemain midi !
C’est absolument effarant ! Le délai de dépôt des amendements se comptait en heures ! Ce n’est donc pas un hasard si 70 des 105 amendements déposés étaient signés de M. le rapporteur, ce qui constitue un record, afin de réécrire le texte issu du Sénat devant des députés largement spectateurs. Pour ma part, je n’ai pu assister à cette réunion express de la commission car on examinait alors dans l’hémicycle la loi NOTRe, mais peu importe, on peut en retenir que l’examen du texte en commission la semaine dernière a été bâclé. Le débat n’a quasiment pas eu lieu. Le droit d’amendement des députés a été sciemment restreint. Je le répète car cela pourra servir, de fait, le droit d’amendement n’a pas été respecté, d’autant moins que le Sénat a procédé à de larges modifications du texte.
Sans doute aimeriez-vous pouvoir mijoter votre texte sans être dérangés et réécrire ce que bon vous semble, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues de la majorité ! Malheureusement, il existe dans cet hémicycle une opposition parlementaire avec laquelle il faut composer, sans parler du Sénat ! Tout cela devrait vous amener à remettre en question certains choix que vous imposez aux entreprises. Hélas, tel n’est pas le cas ! Cette session extraordinaire est décidément une pitoyable course visant à achever coûte que coûte l’examen de certains textes avant le 14 juillet, comme j’ai cru le comprendre. Dorénavant, la date butoir d’examen des projets de loi est fixée par le Président de la République. C’est nouveau ! Il paraît que le Parlement ne travaille pas assez vite.
Venant d’un Président de la République qui a mis des années à agir sur le front de l’économie et de l’emploi avant d’attendre patiemment l’élection présidentielle de 2017 en agissant le moins possible, la critique ne manque pas de piquant ! Veuillez donc transmettre ce conseil, monsieur le ministre : évitez les projets de loi fourre-tout de plusieurs centaines d’articles comme le projet de loi Macron. Et vous qui prétendez donner de l’importance et de l’efficacité au dialogue social, commencez déjà par laisser le temps au dialogue parlementaire. Les choses iront plus vite, vous verrez, et le résultat sera certainement meilleur. Je cherche désespérément l’urgence qu’il y a à traiter un sujet dont les problématiques sont connues depuis des années !
Peut-être pensez-vous sincèrement que votre texte modifiera la situation de l’emploi en France et réduira le chômage. Si tel est le cas, vous risquez d’être déçu ! Après trois années d’attentisme et d’injection massive d’emplois aidés, que je préfère qualifier d’emplois subventionnés, afin de contenir les statistiques, il est en effet plus que temps d’agir. Mais le projet de loi ne fait rien de tel. Prétendre qu’il est relatif à l’emploi est une vaste plaisanterie. Vous savez en votre for intérieur, monsieur le ministre, qu’agir sur les seuils produirait des résultats, mais vous avez refusé de le faire. Vous vous étiez montré favorable à une action sur les seuils avant de vous raviser, ce qui est dommage. Vous auriez presque pu être le premier membre du Gouvernement depuis 2012 ayant un pied dans le réel !
Peu importe le nombre d’emplois qu’un relèvement des seuils, même temporaire, est susceptible de créer, le débat n’est pas là ! Même pour créer dix emplois, cela vaut la peine d’essayer. Quand on dénombre 3,5 millions de chômeurs dont plus de 600 000 depuis l’élection du Président de la République, refuser des mesures en faveur de l’emploi est un luxe que les Français ne comprennent pas. Seuls un certain dogmatisme et un esprit partisan plus soucieux des courants du parti socialiste que de l’état du pays expliquent ce genre de refus !
Les propositions que nous avons avancées en première lecture se sont heurtées à un mur. Ce n’est pas ainsi qu’est censé se dérouler le débat parlementaire. Face à ce mur, le Sénat n’a pas hésité à prendre ce qu’il y avait de bon à prendre, c’est-à-dire pas grand-chose, en votant conforme les quelques petites avancées proposées ici. Il a émis des propositions semblables à celles que nous avions formulées ici et que vous avez toutes balayées d’un revers de main en commission sans qu’elles aient été véritablement discutées. « Ce n’est pas la philosophie du projet de loi », ai-je lu dans certains exposés des motifs. Est-ce vraiment une réponse à nos attentes ? En effet, raisonner en termes d’efficacité et de qualité sans négliger le poids de certaines obligations pesant sur les chefs d’entreprise, telle n’est pas la philosophie du texte ! Nous le regrettons, sans y voir une fatalité, ce dont on ne saurait nous faire grief.
Nous avons déposé des amendements et sommes prêts à confronter nos positions aux vôtres, chers collègues de la majorité, mais encore faudrait-il que vous y soyez prêts et que vous acceptiez le débat dans un cadre serein et non dans la bousculade ! Malheureusement, nous siégeons aujourd’hui avec l’étrange sentiment que l’examen en commission n’a pas vraiment eu lieu, sinon pour la forme. Plus qu’un sentiment, c’est une réalité compte tenu des délais que j’évoquais tout à l’heure. Une fois le texte largement réécrit en commission la semaine dernière, nous n’avons même pas eu quarante-huit heures pour déposer à nouveau des amendements en vue de cette séance. Cela constitue une deuxième restriction de fait du droit d’amendement au cours de la même lecture, ce qui est parfaitement inacceptable. C’est pourquoi la vraie urgence consiste à mesurer les conséquences de chaque mesure du texte en gardant la tête froide et donc à renvoyer le texte en commission. Ce texte est en fait un cadeau offert aux syndicats afin de calmer l’aile gauche du parti socialiste refroidie par quelques mesures prévues par la loi Macron.
La liste au Père Noël était longue et vous avez parcouru les étalages des propositions absurdes afin d’en choisir quelques-unes qui lui fera bien plaisir, monsieur le ministre, et tant pis pour les chefs d’entreprise ! Vous vous êtes enfermé dans une logique de quantité, d’obligation, de complexité et de méfiance vis-à-vis des chefs d’entreprise alors qu’il est grand temps d’agir sur la qualité du dialogue social, ce dont vous ne vous souciez que très peu.
Au-delà d’une quinzaine de salariés, un chef d’entreprise a déjà suffisamment de cases à cocher et de travail administratif à faire. Il faudrait inverser la logique et initier un changement de culture en privilégiant l’efficacité sans nier les droits des employés. Au contraire, le projet de loi accroît la complexification sans réfléchir à ses conséquences, comme déjà les mesures relatives aux cessions d’entreprise et au compte pénibilité. Tant pis pour la réflexion, il faut aller vite ! Tel est le mot d’ordre de ce gouvernement ! C’est affligeant en matière de qualité de la loi, sans doute, mais aussi en matière de vision et de courage nécessaires au redressement d’une économie qui flanche toujours en 2015 !
Même si les délais d’examen ridiculement courts suffisent à justifier un renvoi en commission, j’aimerais prendre le temps de citer précisément en guise d’exemple quelques articles insuffisamment pensés qui méritent d’être à nouveau étudiés en commission.
Citons d’abord l’article 1er portant sur les fameuses commissions paritaires régionales interprofessionnelles. Il s’agit d’une invention complètement déconnectée du monde de l’entreprise, due à des gens qui sans doute ne le sont pas moins. Surtout, cette mesure initialement suggérée par certaines organisations représentatives d’employeurs fait désormais l’unanimité contre elle une fois passée entre vos mains, monsieur le ministre, et pour cause : sans étude d’impact ni évaluation du coût des commissions, vous leur avez assigné des missions supplémentaires comme un rôle de médiation dans les conflits et un accès de leurs membres aux locaux de l’entreprise. Rien de tout cela n’était prévu dans le dispositif initial, mais vous l’avez défendu inflexiblement, excluant tout débat, à tel point que le Sénat a tout simplement supprimé l’article, ce à quoi il procède rarement.
Au lieu de le rétablir sans se poser de questions, il serait bon de l’aménager afin de rendre à ces commissions le rôle qui leur était initialement assigné. L’article 7 bis vise à revenir sur l’abaissement des seuils concernant l’introduction d’administrateurs salariés dans les conseils d’administration. Or les seuils actuels résultent de l’accord national interprofessionnel conclu en janvier 2013. Ils sont donc modifiés sans concertation avant la fin de leur période d’application. Drôle de façon d’écrire la loi ! J’avais cru comprendre qu’il fallait consulter au préalable les partenaires sociaux ! L’article 8A a sans doute l’histoire la plus croustillante. Le Sénat a introduit le lissage des seuils sociaux sur trois ans à compter du franchissement du seuil.
Nous avions proposé des mesures semblables en première lecture à l’Assemblée nationale, mais M. le rapporteur, sans doute au motif que la proposition émanait de l’opposition, a cru bon de supprimer l’article en commission en contestant que la mesure prévue influerait sur l’emploi. Ce qui est comique, c’est qu’une mesure similaire fait partie du paquet « Tout pour l’emploi » présenté par le Premier ministre début juin ! La mesure no 5 de la rubrique « Lever les freins à l’emploi dans les TPE et les PME », dont le titre ne s’invente pas, prévoit de simplifier et réduire les seuils sociaux en gelant l’effet de seuil. Cela ne vous rappelle pas quelque chose, monsieur le ministre ?
Si, c’est ce que nous faisons !
C’est exactement ce qu’a proposé le Sénat ! Il faudrait donc que les membres de la majorité se mettent d’accord et surtout abandonnent tout esprit partisan afin de réexaminer et réintroduire cette mesure qui fait l’objet d’un accord. L’article 9, comme d’autres, demeure figé au stade des avancées timorées et insuffisantes. Il prévoit la possibilité de regrouper les instances représentatives du personnel par accord d’entreprise, mais la limite aux entreprises de plus de 300 salariés. Étendre plus largement le champ d’application de cette mesure aurait donné une vraie bouffée d’air aux entreprises, ce à quoi vous opposez une nouvelle fin de non-recevoir, ce qu’on ne peut que regretter. Vous supprimez l’article 16 bis alors qu’il soulève de vraies questions à propos du monopole syndical en le remettant partiellement en cause. Il serait opportun d’en débattre plus largement.
Le débat sur l’article 19 quater relatif à la simplification du compte pénibilité n’est pas clos non plus. En effet, l’introduction des mesures prévues en cours d’examen en première lecture par voie d’amendement n’a pas suffisamment ménagé la possibilité de les amender. La place des référentiels de branche dans le dispositif du Gouvernement pourrait tout à fait être revue sans que l’on s’éloigne de l’objectif de simplification du compte pénibilité tant attendu. L’article 20 relatif à l’indemnisation des intermittents du spectacle est tellement complexe que vous-même semblez peiner à trouver la rédaction appropriée. En outre, cet article grave une exception dans le marbre, ce dont les conséquences n’ont pas pleinement été analysées. Il s’agit d’un cas inédit qui ouvre une brêche. Je doute que l’architecture retenue soit la bonne.
L’article 21 doit également être modifié, notamment pour des raisons de forme. Il inscrit dans la loi une concertation, ce qui n’est pas son rôle. Surtout, sous couvert de concertation, il la contourne car il prévoit une date butoir d’entrée en vigueur. Ainsi, adopter cet article en l’état reviendrait à adopter un dispositif dont on ne sait rien. L’article 23 terdecies retient enfin une proposition du Sénat visant à consacrer dans la loi le contrat à durée indéterminée des salariés de l’intérim. Il a néanmoins été réécrit complètement par un amendement de vingt-trois alinéas dépourvu d’étude d’impact et sur lequel nous manquons de recul. Tels sont les quelques exemples que je souhaitais évoquer.
Il n’est pas étonnant que nous ayons déposé beaucoup d’amendements déjà défendus en première lecture, car même sur les points du texte déjà débattus, nous demeurons en désaccord avec vos choix qui semblent définitivement arrêtés tout en avançant des propositions afin de parvenir à un consensus que vous refusez, monsieur le ministre, obsédé par votre désir de ficeler le texte à vitesse grand V. Qu’il soit mal rédigé et pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses, voilà qui ne semble pas vraiment vous importer ! Cela importe au groupe Les Républicains. De même, il nous importe que toute nouvelle disposition relative aux entreprises soit soigneusement pensée afin d’éviter l’accumulation de charges irréalistes et les propositions à côté de la plaque. Il n’est pas trop tard pour rectifier le tir. C’est pourquoi nous vous invitons instamment, chers collègues, à adopter la motion de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il est une chose que je n’entends pas contester, monsieur Tardy : nous aurions pu être un peu moins rapides s’agissant du calendrier d’examen de ce texte. Il faut appeler un chat un chat : les délais dont nous avons disposé pour examiner cet important projet ont été trop réduits.
Pour autant, j’ai regardé les amendements qui ont été déposés et, grâce à la réactivité de l’opposition, nous sommes parfaitement en capacité de discuter aujourd’hui de ce projet. Nous le sommes d’autant plus que, malheureusement, l’opposition qui se manifeste est de nature idéologique.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Soyons un peu sérieux : vous ne pouvez à la fois critiquer comme vous le faites les commissions paritaires régionales interprofessionnelles, vous indignant notamment du fait que leurs membres pourront accéder aux locaux des entreprises – je le rappelle, avec l’accord du chef d’entreprise – et stigmatiser le trop faible nombre de commissaires en relevant, comme cela a été fait lors de la discussion de la précédente motion, qu’ils ne seront que 260, soit 130 employeurs et 130 salariés !
Et vous ne pouvez dire que vous êtes favorables au dialogue social alors même que vous défendez des mesures qui objectivement sont de nature à restreindre celui-ci !
Quand vous abordez la question des seuils, c’est pour faire reculer les droits des salariés
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains
en augmentant systématiquement les seuils à partir desquels une représentation au sein de l’entreprise sera assurée !
Votre position est paradoxale : vous dites que vous êtes favorables au dialogue social, et vous voudriez organiser son recul avec vos amendements. Nous, nous sommes cohérents.
Et nous le sommes, contrairement à ce que vous dites, de façon pragmatique : puisque vous ne l’avez pas fait, nous instaurons une délégation unique du personnel jusqu’à 300 salariés. Nous permettons, au-delà de ce seuil – personnellement, j’aurais préféré en-deçà – d’organiser, par accord collectif, de la façon dont les entreprises et les syndicats le souhaitent, les modalités du dialogue social. Évidemment, nous voterons contre la motion.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera bien sûr cette motion de renvoi en commission.
Monsieur Robiliard, vous avez raison, et je l’ai dit tout à l’heure : les délais sont très contraints et ne nous permettent pas de travailler correctement. Nous assistons en fait à un déni de démocratie.
En outre, votre majorité a accepté le saucissonnage de cette nouvelle lecture : dans les trois prochains jours, cet examen sera en effet entrecoupé par celui d’autres textes, ce qui va vraisemblablement faire perdre le fil de nos débats à un certain nombre d’entre nous.
Il est donc temps de retourner en commission afin de travailler sereinement sur le texte, et notamment sur la question des seuils : alors que le Premier ministre nous a présenté des avancées les concernant, le rapporteur les foudroie au moyen d’un amendement de suppression.
Monsieur le rapporteur, je sais bien que la majorité est divisée, mais lorsqu’on occupe la fonction de rapporteur, j’espère que l’on va dans le sens du Premier ministre. Dans le cas contraire, je m’interrogerais sur la façon dont vous avez été désigné au sein du groupe groupe socialiste, républicain et citoyen.
Le deuxième sujet, qui est extrêmement important, est celui de la prime d’activité. J’en parlais tout à l’heure : votre texte a fixé un objectif de 50 % de bénéficiaires potentiels, ce qui implique que les 50 % restant ne vont plus bénéficier des primes auxquels ils ont droit aujourd’hui. Je vous rappelle en effet qu’il s’agit de la fusion de la prime pour l’emploi, la PPE, et du RSA activité, et que la première touche quasiment 100 % de ses bénéficiaires potentiels. Vous mettez donc en place une régression du droit. Votre aile gauche devrait réagir, mais je ne suis pas sûr qu’elle soit représentée au sein de l’hémicycle à cet instant.
Enfin, je veux évoquer la complexité du dispositif s’agissant des TPE. Le précédent intervenant vient de le dire : les représentants des employeurs sont désormais opposés au dispositif, alors qu’au départ ils le regardaient d’un oeil plutôt bienveillant, tout comme le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’ailleurs. Mais vos amendements font que ce texte est dorénavant irrecevable. Telle est la raison pour laquelle nous demandons son renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe Les Républicains.
Lionel Tardy a parfaitement expliqué les raisons pour lesquelles nous proposons le renvoi de ce texte en commission. En effet, celui-ci va complexifier la vie des petites entreprises et ne répond absolument pas à la nécessité, pour notre pays, de retrouver de la compétitivité et donc de l’emploi.
Je ne reviendrai pas sur l’épisode de la semaine dernière : la commission mixte paritaire – nous y siégions, je le disais tout à l’heure, avec Gérard Cherpion et Gilles Lurton – a été une occasion manquée. Les Français nous demandent en effet d’être unis sur des textes fondateurs : et, en l’occurrence, la lutte contre le chômage devrait nous réunir. Or, quand nous faisons des propositions qui vont dans le bon sens, elles sont systématiquement mises de côté.
On ne peut pas d’un côté nous demander de proposer ensemble des solutions à tous les Français et de jouer la carte de l’unité nationale et, de l’autre, à chaque fois que nous faisons des propositions qui vont dans le bon sens, les rejeter d’un revers de main sous prétexte qu’elles émanent de la minorité ou de l’opposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Malheureusement, ce qui a été tricoté par les sénateurs est de nouveau détricoté par l’Assemblée nationale. Nous nous demandons d’ailleurs à quoi nous servons et pourquoi nous travaillons de cette façon puisque, de toute façon, c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot.
Je vous avoue que les Français s’y perdent un peu. Ils ne savent plus où nous en sommes. Mais la conclusion reste la même : le résultat sera celui que nous connaissons.
Et si il ne devait y avoir que quelques raisons pour renvoyer ce texte en commission, elles tiendraient à l’attente des conclusions du rapport Combrexelle. À quoi sert-il de confier une mission à quelqu’un si l’on commence à légiférer en la matière sans attendre ses conclusions ? Adopter cette motion de renvoi en commission permettrait aussi de donner du temps aux partenaires sociaux qui sont concernés par le fameux article 18 et la question de la représentativité, qui n’est pas un petit sujet.
Monsieur Robiliard, comme vous l’avez proposé, cela donnerait également le temps à tout un chacun, pour ceux qui ne les auraient pas encore lues, de prendre connaissance des propositions de MM. Badinter et Lyon-Caen.
Ce renvoi en commission permettrait de redéfinir les voies et les moyens du dialogue social afin de favoriser la compétitivité des entreprises conjuguée à la cohésion sociale, l’emploi et la lutte efficace contre le chômage.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous abordons aujourd’hui la nouvelle lecture du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.
Ce texte a été modifié par le Sénat et, sans surprise, la commission des affaires sociales a rétabli le texte adopté par l’Assemblée en première lecture. Si nous avons soutenu les quelques mesures positives qu’il contenait – à savoir les dispositions concernant le régime d’indemnisation des intermittents du spectacle, la mise en oeuvre du compte personnel d’activité et la nouvelle prime d’activité – nous avons voté, en première lecture, contre ce texte parce qu’il entérine d’importants reculs concernant les droits des salariés. Nous sommes d’accord pour la modernisation et la simplification, mais pas pour le recul des droits.
Sur les points que nous apprécions comme positifs, nous restons préoccupés par plusieurs aspects. D’abord, s’agissant du compte personnel d’activité, nous souhaitons que la négociation prévue par le texte pour sa mise en oeuvre prenne en compte l’ensemble des droits des salariés susceptibles d’être portables tels que le compte pénibilité, la formation, l’épargne-temps, mais aussi l’ancienneté. Nous avons redéposé un amendement en ce sens.
En ce qui concerne la nouvelle prime d’activité, qui est une fusion du RSA activité et de la prime pour l’emploi et qui vise à soutenir les travailleurs les plus modestes, nous sommes préoccupés par l’insuffisance de l’enveloppe financière.
En effet, vous restez à moyens constants, alors que vous envisagez un nombre de bénéficiaires plus important, puisque les étudiants, les apprentis et les jeunes actifs âgés de 18 à 24 ans pourront, sous certaines conditions, prétendre à cette prime alors qu’ils étaient jusqu’alors exclus du RSA activité.
Nous vous avions également interrogé, monsieur le ministre, sans obtenir de réponse de votre part, sur les mesures qui seraient mises en oeuvre pour dépasser un taux de recours à ces prestations estimé aujourd’hui à seulement 50 %. Je me permets donc de réitérer ma question, car quand une personne sur deux ne mobilise pas une aide à laquelle elle a droit, il y a lieu de chercher pourquoi et surtout – sauf à se satisfaire des économies ainsi réalisées, même si c’est au détriment des salariés les plus modestes – de prendre des mesures pour modifier cette situation.
J’en viens au coeur du texte. Au prétexte de moderniser et de simplifier les modalités du dialogue social, vous réduisez globalement l’ensemble des droits des représentants des salariés.
Certes, la création, bien légitime, des commissions régionales paritaires pour les petites entreprises de moins de onze salariés, permet – enfin – la représentation des 4,6 millions de salariés qui jusqu’à présent en étaient privés.
Mais vous n’avez pas le courage d’assumer jusqu’au bout ce processus puisque vous ne donnez pas à ces représentants les moyens nécessaires à l’instauration d’un vrai dialogue social de qualité. Le préalable de ce dialogue serait de leur donner le droit inconditionnel d’entrer dans les entreprises concernées : c’est une évidence. Sensibles aux revendications patronales, vous vous y êtes farouchement opposés en première lecture, et la commission des affaires sociales s’est, hélas, contentée de rétablir le texte initial sans l’améliorer sur ce point essentiel. Nous redéposerons donc des amendements.
L’extension des délégations uniques du personnel aux entreprises de moins de 300 salariés – et au-delà lorsqu’un accord collectif le prévoit – se solde par une baisse de moyens et donc par une restriction des droits des représentants des salariés.
En effet, la DUP c’est moins d’élus et moins d’heures de délégation pour assurer davantage de missions, puisque les différentes instances représentatives du personnel sont regroupées en son sein : le comité d’entreprise, les délégués du personnel et désormais le comité d’hygiène, de santé, sécurité et conditions de travail – CHSCT.
Cela signifie que ces représentants des salariés, moins nombreux et disposant de moins de moyens, devront traiter davantage de sujets dans des domaines aussi divers que la législation du travail, la santé ou les questions économiques.
L’intégration du CHSCT à la DUP n’est pas une avancée. Certes, ses attributions, notamment la possibilité de mener des enquêtes, sont, heureusement, maintenues. Mais dans les entreprises de plus de 300 salariés ayant conclu une DUP, la question du budget nécessaire pour assurer ces missions en toute autonomie reste un réel sujet d’inquiétude.
Aujourd’hui, en-dehors d’une DUP, le CHSCT n’a pas de budget en propre. Lorsqu’il décide d’entamer une procédure en justice, c’est l’entreprise qui prend en charge les frais. Qu’en sera-t-il demain lorsque, dans le cadre de son intégration à une DUP, il partagera son budget avec le comité d’entreprise ? En effet, vous le savez, le budget d’un comité d’entreprise est limité : il est facile d’en déduire que les actions des CHSCT le seront tout autant.
C’est pourquoi même l’introduction dans le texte du burn out, ce syndrome d’épuisement au travail, qui en soi est une bonne chose, laisse perplexe quant aux possibilités réelles de le prévenir, car cela suppose précisément des CHSCT confortés, alors que vous faites le choix de les affaiblir.
Enfin, nous l’avions déjà souligné en première lecture, et nous tenons à le redire aujourd’hui, le danger de ces nouvelles DUP, c’est aussi de priver certains établissements d’une représentation en la centralisant au niveau de l’entreprise, de contraindre les élus à cumuler leurs mandats et à devenir des sortes de « permanents syndicaux » tenus éloignés de leurs collègues et du terrain, d’affadir la pluralité et l’expression syndicales.
On le voit bien, au-delà de régressions très concrètes en termes de moyens, ce texte induit un recul des droits octroyés aux représentants des salariés et, de ce fait, ne favorise pas le dialogue social.
Nous proposerons de nouveau des amendements visant à rétablir l’autonomie de fonctionnement des comités d’entreprise, que ce texte restreint en la subordonnant aux accords d’entreprise. Il nous paraît également essentiel de maintenir l’obligation annuelle et triennale de négocier, ce qui permet d’informer, de mobiliser les salariés chaque année sur les différents sujets, notamment le partage de la richesse créée dans l’entreprise, à travers la négociation sur les salaires.
Par ailleurs, au nom de la simplification, ce texte introduit l’usage de la visioconférence. Si nous ne nions pas que ce soit un moyen moderne, utile dans certains cas, il est toutefois nécessaire d’en restreindre l’usage à des circonstances exceptionnelles pour préserver un échange direct entre les représentants du personnel.
Tels sont, globalement, les sujets sur lesquels nous reviendrons au cours des débats, avec la volonté d’inscrire dans ce texte de réels droits pour les salariés et leurs représentants, sans lesquels un dialogue social fructueux ne peut pas s’instaurer.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui une nouvelle lecture du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi en vue de trouver l’épanouissement d’un accord. Sans m’étendre plus avant sur le contexte, je rappellerai que ce texte fait suite à une négociation avortée des partenaires sociaux.
Le mérite du projet initial du Gouvernement a été de retranscrire le plus fidèlement possible le point le plus abouti du rapprochement des parties avec leurs concessions mutuelles. Le Gouvernement témoigne, là encore, de sa volonté d’arrimer sa politique de réforme à un principe de gouvernance qui en fait sa marque de fabrique : le dialogue social. Celui-ci est à l’oeuvre dans chacune des grandes réformes engagées depuis 2012, de la loi de sécurisation de l’emploi à la réforme de la formation professionnelle, en passant par la réforme des retraites. Il est la clé de voûte de la mise en mouvement et de la transformation de notre pays, de la confiance retrouvée des acteurs économiques, sociaux, et de la société civile en une destinée commune. Il n’abolit ni les divergences d’appréciation entre les partenaires sociaux, ni les querelles entre les partis, ni les désaccords entre les chambres, mais donne à chacun l’assurance d’avoir été écouté et permet de trouver in fine un compromis pour avancer.
C’est le cas sur les deux axes du projet de loi : les conditions d’exercice du dialogue social entre les partenaires sociaux et la politique de l’emploi et de soutien à l’activité.
En premier lieu, le texte vise à fluidifier le dialogue social, les conditions de son exercice.
Il propose ainsi un meilleur agencement des consultations et des négociations, recentrées sur trois temps forts, une meilleure configuration des instances du personnel, plus adaptées aux structures des entreprises, avec l’extension des délégations uniques du personnel aux attributions des CHSCT et aux entreprises comptant jusqu’à 300 salariés ou la possibilité de regrouper, par voie d’accord d’entreprise majoritaire, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, tout ou partie des instances représentatives du personnel.
Ensuite, le texte prévoit de nouveaux droits pour les salariés des TPE, en particulier celui d’être représentés au sein de commissions paritaires régionales interprofessionnelles et de bénéficier de conseils et d’informations sur leur environnement juridique de travail. Il valorise également les parcours syndicaux car la vivacité de l’engagement syndical est le sceau d’une démocratie mature, qui irrigue aussi l’entreprise.
Sur ces points, notre groupe a restauré en commission le compromis adopté en première lecture, y compris avec les retouches que notre majorité y a apportées : il s’agit des mesures qui renforcent la parité, celles qui assurent la présence des suppléants dans les instances représentatives du personnel avec voix consultative, celles qui prévoient la présence des administrateurs salariés dans les très grandes entreprises à compter de 1 000 salariés, ce dont nous reparlerons, je l’ai bien compris, ou encore celles qui étendent les missions des CPRI à la médiation et aux oeuvres sociales et culturelles.
En deuxième lieu, le texte consolide notre politique de l’emploi et de soutien à l’activité et prévoit pour ce faire des moyens budgétaires supplémentaires. Un contrat de professionnalisation « nouvelle chance » de vingt-quatre mois est créé pour faciliter la réinsertion sociale des chômeurs de longue durée. Cet outil a fait ses preuves avec les jeunes de moins de vingt-six ans, dont le taux d’insertion six mois après la fin du contrat était en 2013 de 57,2 %, contre 67,4 % pour les adultes âgés de vingt-six à quarante-cinq ans.
La prime d’activité remplace le RSA activité, dont le taux de recours était devenu trop faible, et la prime pour l’emploi, dont le taux moyen baissait d’année en année. Cette nouvelle prime cible plus clairement et en priorité les travailleurs modestes dont le revenu varie entre 0,8 et 1,2 SMIC, ceux qui ne sont pas assez pauvres pour bénéficier des minima sociaux et pas assez riches pour bénéficier des allégements d’impôt que nous avons votés pour les premières tranches de revenus en décembre 2015. Mieux ciblée, calculée sur des bases plus justes, plus stables, servie mensuellement, à partir d’une simple déclaration trimestrielle, elle bénéficiera à 5,6 millions de salariés, dont 1 million de jeunes entre dix-huit et vingt-cinq ans, qui pourront y recourir dès le premier euro d’activité.
Le projet de loi poursuit enfin notre effort de sécurisation des parcours professionnels des travailleurs avec le lancement du compte personnel d’activité, qui devra regrouper les comptes pénibilité, formation, épargne temps, que les salariés conserveront tout au long de leur carrière.
Ce texte, une fois voté, n’épuisera évidemment pas tous les débats, il n’a d’ailleurs pas cette vocation, mais il pose une pierre de plus au projet de réforme de notre pays.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Après l’échec de la commission mixte paritaire, que vous aviez de toute évidence programmé, sinon voulu, monsieur le ministre, nous sommes appelés à nous exprimer une nouvelle fois sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.
Le Gouvernement auquel vous appartenez a plusieurs records à son actif : le nombre de demandeurs d’emploi dans notre pays, la plus grande baisse du pouvoir d’achat des Français, la dette publique et, maintenant, le non-respect du Parlement par un gouvernement. Jamais nous n’avons connu une telle situation. L’encre de la convocation de la commission mixte paritaire n’était pas encore sèche que nous étions en train de siéger, deux heures après le vote du texte par le Sénat. Moins de vingt-quatre heures après, nous étions contraints, en toute urgence, d’examiner le texte en commission.
Si vous n’avez pas de respect pour le travail des parlementaires,
Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
ayez-en pour les fonctionnaires du Parlement, qui sont obligés de travailler dans l’urgence la plus totale et le désordre le plus complet, la feuille verte en atteste encore aujourd’hui. Je profite de cette occasion pour les remercier pour leur dévouement au travail quotidien de cette assemblée.
Monsieur le ministre, je tiens à le redire de la manière la plus forte, les conditions d’examen de ce texte ne sont pas acceptables, les méthodes du Gouvernement envers le Parlement ne sont plus tolérables. Quand le Gouvernement respectera-t-il le Parlement, et un peu l’opposition ?
En outre, je tiens à saluer le travail des sénateurs, qui a permis de grandes avancées. Elles ont malheureusement été balayées par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, ce qui est bien regrettable. Grâce à une opposition interne, un amendement du Gouvernement à l’article 18 a été rejeté. Cet amendement, présenté, comme il est dorénavant habituel pour le Gouvernement, à la dernière minute, se substituait au dialogue social pour bouleverser en profondeur la représentativité patronale. Devant la bronca des organisations patronales, vous avez fait marche arrière. Allez-vous représenter un amendement équilibré, dans la soirée, dans la nuit ? Nous verrons.
C’est une surprise !
Permettez-moi de vous lire une citation : « Le critère d’accès aux négociations posé par le présent article au niveau de la branche est uniquement fondé sur le nombre d’entreprises adhérentes, sans lien avec le nombre de salariés employés par les entreprises concernées. De grandes entreprises pourraient ainsi être interdites d’accès aux négociations de branche. C’est pourquoi l’amendement AS191 propose de pondérer le critère du nombre d’entreprises par celui du nombre de salariés. » Vous l’aurez compris, ce sont les propos que j’ai tenus devant la commission des affaires sociales lors de l’examen du projet de loi sur la formation professionnelle le 29 janvier 2014. Comme souvent, trop souvent, la majorité et le Gouvernement ont choisi de ne pas écouter l’opposition. Le résultat est là : votre système ne fonctionne pas, et vous essayer d’apposer des rustines dans l’urgence.
La représentativité des organisations patronales est une chose, la répartition des moyens et des sièges en est une autre. Aussi, il est nécessaire de prendre en compte deux critères, le nombre d’adhérents et le nombre de salariés. En ne le faisant pas, vous prenez le risque d’avoir une mesure d’audience sans rapport avec la réalité des entreprises. Vous qui avez érigé le dialogue social comme totem du quinquennat, vous qui, selon vos dires, avez inventé le dialogue social en 2012, pourquoi ne pas donner aux représentants des organisations patronales la possibilité de négocier une représentation équilibrée selon les deux critères précités, dans un délai déterminé ?
Alors que notre pays connaît un nombre record de demandeurs d’emploi, que notre compétitivité est toujours en baisse, que la pression fiscale n’a jamais été aussi élevée, que le budget de la France dérape de 10 milliards, que son déficit commercial est de 4 milliards pour le seul mois de mai, selon les chiffres qui viennent d’être publiés, le projet de loi évite soigneusement tous les sujets cruciaux. Pourtant, c’est un projet relatif au dialogue social et à l’emploi.
Vous aviez fait preuve de réalisme lorsque vous avez mis en cause les seuils sociaux. Oui, les seuils sociaux sont un frein au développement de nos entreprises. Oui, la complexité du code du travail est un frein au développement de nos entreprises. Oui, le niveau des charges sociales est un frein au développement de nos entreprises. Sans évolution, il n’y aura pas la création d’emplois nécessaire pour inverser la courbe du chômage. Ce sont ces problèmes qui doivent être résolus en priorité. Pourtant, vous vous contentez de simples mesurettes.
La représentation des salariés dans les petites entreprises partait d’une bonne intention et, contrairement à ce qu’a dit M. le rapporteur, j’y étais favorable, mais les changements introduits par la majorité de l’Assemblée ont détourné le dispositif, le rendant complexe et nocif pour les entreprises, qui souffrent déjà beaucoup trop de la lourdeur administrative. Par ailleurs, le dialogue social fonctionne entre salariés et chefs d’entreprise dans les toutes petites entreprises. C’est un dialogue de tous les jours. J’ajouterai que Jean-Claude Mailly, dans un débat la semaine dernière en présence de représentants du ministère, de chefs d’entreprise et de salariés, a jugé cette mesure totalement inutile.
Si vous souhaitez améliorer le dialogue dans les entreprises, notamment les petites, faites une réforme de fond : donnez plus de force aux accords d’entreprise,…
…y compris en leur donnant la possibilité de déroger à certaines dispositions du code du travail.
Nous avons présenté à de nombreuses reprises des amendements visant à autoriser les accords de maintien dans l’emploi offensif, et de récentes déclarations du Gouvernement, et de vous-même d’ailleurs, semblaient y être favorables. Pourtant, ils n’ont jamais été adoptés. Il serait peut-être temps de faire preuve de courage, monsieur le ministre. Ce serait un bon moyen de favoriser le dialogue social. Les salariés et les chefs d’entreprise doivent pouvoir décider ensemble de l’adaptation du travail à la conjoncture économique.
Certains articles vont même à rencontre d’un dialogue social apaisé, notamment celui concernant la représentation syndicale dans les conseils d’administration. Moins d’un an après la mise en place de cette disposition, sans aucune évaluation préalable, vous changez déjà les règles du jeu. Voilà un bel exemple de l’instabilité juridique qui nuit, entre autres, aux investissements étrangers. Je dois le reconnaître, vous étiez d’accord avec notre groupe en vous prononçant contre une telle introduction. Il est dommage que votre majorité ne suive pas l’avis du Gouvernement sur de tels sujets.
Oui, monsieur le ministre, le projet de loi fait quelques avancées sur certains points, même si elles restent bien timides. La possibilité de fusionner les instances représentatives de salariés dans les entreprises de plus de 300 salariés et l’élargissement de la délégation unique du personnel en font partie, l’allégement et le regroupement des consultations également. Et je vous remercie d’avoir accepté que des écoles adossées à de grandes entreprises, qui oeuvrent à la qualification et à l’insertion des jeunes, puissent bénéficier, comme les CFA, des fonds des OPCA.
Sur d’autres points, il aurait toutefois fallu aller beaucoup plus loin. Le compte pénibilité est simplifié par rapport à votre projet initial, mais c’est très insuffisant.
Enfin, on peut se demander ce que le régime des intermittents du spectacle et la prime d’activité font dans ce texte, n’ayant rien à voir avec le titre du projet de loi, puisqu’il ne s’agit ni de dialogue social ni d’emploi.
La pérennisation d’un régime différent pour les intermittents du spectacle crée un dangereux précédent. D’autres catégories de salariés pourraient avoir légitimement les mêmes revendications. Comment refuser d’y faire droit ? Par ailleurs, les annexes VIII et X de la convention UNEDIC concernant le statut des intermittents n’ont jamais été remises en cause. La disposition contenue dans ce projet de loi ressemble fort à une mesure conjoncturelle pour éviter tout problème lors des festivals de l’été.
Le compte personnel d’activité, dont l’idée est intéressante, est une coquille vide. Nous ne savons pas ce qu’il contiendra et, par conséquent, s’il sera in fine utile aux salariés. Les débats ont d’ailleurs montré que vous êtes dans le même flou.
Pour conclure, ce projet de loi n’est relatif ni au dialogue social ni à l’emploi, et il ne respecte même pas la démocratie parlementaire. Les timides avancées qu’il comporte ne remplacent pas les reculs et les contraintes supplémentaires qu’il impose. Le groupe Les Républicains ne pourra donc y apporter son soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, le texte qui nous est soumis aujourd’hui, en nouvelle lecture, recèle bien des contradictions. Il se veut un texte innovant, mais ses dispositions restent malheureusement en deçà des véritables enjeux du dialogue social dans notre pays. Il se veut un texte facilitant la négociation professionnelle en en simplifiant les modalités, mais il rend plus complexes les relations sociales, en particulier pour les petites entreprises. Il veut compléter, de façon plus efficace, les ressources des salariés aux revenus modestes, mais il crée un dispositif qui, dans les faits, concerne un nombre bien moindre de bénéficiaires que les aides qu’il remplace.
Mais, au-delà du fond, c’est aussi la méthode qui est ici en cause. Il faut bien admettre que, si ce projet de loi a pour ambition d’améliorer la qualité du dialogue social, il ne contribue pas à améliorer celle du travail parlementaire, au moins dans cette assemblée. Les conditions de l’examen en nouvelle lecture du texte le démontrent. Le Sénat a, en effet, assez significativement modifié le projet de loi proposé par le Gouvernement, et l’a adopté le 30 juin. C’est le soir même que la commission mixte paritaire a été appelée à se réunir pour tenter, en vain, de concilier les approches du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Dès le lendemain, le 1er juillet, notre commission des affaires sociales se réunissait pour réexaminer le texte. En fait, il s’agissait non pas de débattre, mais de permettre au Gouvernement de rétablir la version du texte antérieure aux travaux du Sénat. C’est son droit le plus strict, mais encore faudrait-il que cela se fasse dans le respect du Parlement et du droit des parlementaires à débattre d’un texte et à l’amender. Ne disposant du texte révisé par le Gouvernement que le 2 juillet dans l’après-midi, nous n’avions que vingt-quatre heures pour déposer les amendements que nous allons étudier en séance.
Autant dire, monsieur le ministre, que cette façon de travailler ne permet pas un examen serein et constructif. Le droit d’amendement est, de fait, limité par les conditions matérielles de l’examen de ce texte. Ce n’est pas la première fois que le Parlement est davantage considéré comme une chambre d’enregistrement des décisions gouvernementales que comme un lieu vivant de débats démocratiques.
L’utilisation récente de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution était le dernier avatar de cette conception.
Le groupe UDI constate avec regret que le Gouvernement, une fois encore, sur ce projet de loi, s’inscrit dans une continuité qui ne fait décidément pas honneur à notre démocratie.
Sur le fond, nous ne pouvons que constater, à la lecture du texte issu des travaux de la commission, que le Gouvernement ne tient aucun compte des échanges qui ont pu avoir lieu avec les deux assemblées. Il n’y a pas de volonté de trouver un compromis autour d’un constat partagé. Il y a plutôt une volonté d’asséner un schéma d’organisation du dialogue social – un schéma qui ne tient malheureusement pas compte des réalités des entreprises,…
…en particulier des TPE, ni des enjeux qui se dessinent à propos de la négociation collective et, plus largement, du paritarisme.
Ces enjeux, nous les avons déjà relevés, sont d’ordre qualitatif : comment assurer une pleine effectivité aux règles de droit du travail ? Ils sont également d’ordre normatif : quelle place accorder au dialogue social dans l’élaboration de la règle de droit ? Or, ce projet de loi n’apporte pas de réponse à la hauteur des problématiques posées à notre démocratie sociale. J’ajoute que le projet de loi passe sous silence, une fois encore, la question des effets sur l’emploi des seuils administratifs et sociaux.
Vous refusez même jusqu’à l’expérimentation de mesures qui permettraient d’envisager l’impact de ces seuils sur l’emploi. Le Sénat avait ainsi proposé d’expérimenter le gel, sur trois ans, des obligations mises en oeuvre par le passage d’une entreprise à un effectif supérieur à onze ou cinquante salariés. La commission est revenue sur ces dispositions qui n’étaient pourtant pas définitives, et nous vous proposerons de les rétablir.
Pour autant, nous ne doutons pas de la sincérité de votre démarche,…
Merci !
…de votre volonté d’améliorer l’efficacité et la qualité du dialogue social. À cet égard, l’extension de la possibilité de recourir à une délégation unique du personnel ou la faculté de réunir au sein d’une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène et de sécurité vont dans le bon sens. En réalité, nous nous interrogeons sur votre méthode, sur l’efficacité des mesures qui sont proposées et sur les finalités que vous poursuivez.
La méthode, je l’ai dit tout à l’heure, égratigne pour le moins les droits du Parlement. Elle est à peine plus respectueuse des partenaires sociaux, alors que le texte pose le principe du compte personnel d’activité, sans les avoir consultés au préalable.
Certes, vous renvoyez à la négociation collective le contenu même du compte personnel d’activité. Mais comment aborder dans la sérénité un sujet aussi complexe que la sécurisation des parcours professionnels des salariés, en inscrivant d’emblée dans la loi l’objectif à atteindre, sans connaître l’avis formel des partenaires sociaux ? Si l’objectif du compte personnel d’activité est louable, la méthode employée pour l’atteindre jette un doute sur l’efficacité de son résultat.
Nous nous interrogeons, par ailleurs, sur l’efficacité des mesures proposées, à l’exemple des commissions paritaires régionales interprofessionnelles. Ces commissions, à l’instar des commissions existant d’ores et déjà dans le secteur de l’artisanat, pourraient être une source d’information et de sécurité juridique non seulement pour les employés, mais aussi pour l’employeur qui, dans bien des TPE, partage les mêmes conditions de travail que ses salariés.
Dans leur version initiale, l’apport de ces commissions au dialogue social était tellement utile que nous proposions de l’étendre aux entreprises jusqu’à cinquante salariés. Mais de ce dispositif innovant vous avez choisi de faire un dispositif intrusif qui, dans les faits, inquiète bon nombre d’employeurs des TPE. Vous avez fait d’un outil de dialogue social une contrainte, et cela alors même que le Gouvernement n’explique pas clairement l’objectif qu’il poursuit avec cette mesure.
Cela nous amène à nous interroger sur la finalité des mesures introduites dans ce projet de loi, notamment en direction des TPE. À cet égard, la lecture d’un ouvrage récent, coécrit par MM. Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen, peut être utile. On y lit notamment : « Aux facteurs généraux qui affectent l’économie française s’ajoute, dans le cas des PME et des TPE, un mal particulier : la complexité du droit du travail, présenté comme un maquis de textes de tous ordres qui constituent pour le patron d’une petite entreprise autant de pièges dissimulés, de mines dérobées au regard de tous, sauf des spécialistes… »
Y a-t-il, monsieur le ministre, meilleure manière d’expliquer qu’un droit du travail qui paraît trop complexe peut jouer contre la protection du travailleur lui-même, et contre l’embauche ?
C’est vrai !
Toujours dans le même ouvrage, on peut encore lire : « Dans les entreprises de taille modeste, un droit de principes généraux clairement formulés suppose que le salarié ne soit pas isolé, livré à lui-même et aux tête-à-tête avec l’employeur […]. Le salarié doit pouvoir, dans ce cas, s’adresser à des représentants extérieurs à l’entreprise et ceux-ci doivent pouvoir se rendre sur les lieux de travail et rencontrer l’employeur. » C’est peu ou prou la description des missions que vous avez confiées aux CPRI.
Mais qu’en est-il de ce droit de principes généraux appelé de leurs voeux par ces éminents juristes ? Est-ce l’objectif que vous souhaitez atteindre ? Préparez-vous, pour les TPE, un droit de principes généraux ? Est-ce ce droit qui est préfiguré par les travaux en cours de la commission Combrexelle ? Est-ce la prochaine étape d’un agenda caché du Gouvernement ? Si c’est le cas, il faut le dire aux partenaires sociaux, à la représentation nationale et à votre majorité, monsieur le ministre ! Si ce n’est pas le cas, avec ces commissions paritaires régionales interprofessionnelles, vous n’aurez fait qu’ajouter de la contrainte à de la complexité.
Je veux également rappeler les réserves de notre groupe sur la prime d’activité. Les bénéficiaires potentiels de cette prime sont, en effet, nettement moins nombreux que les 8 millions de bénéficiaires actuels de la PPE et du RSA activité. Cette situation nous semble paradoxale pour une réforme censée améliorer l’accès aux droits de personnes vivant d’un revenu modeste du travail, d’autant que les dispositions qui seront prises pour inciter les personnes potentiellement éligibles à activer leurs droits restent vagues.
Par ailleurs, l’estimation du nombre des perdants de la réforme, de ceux qui ne seront plus bénéficiaires de la PPE, est contestée. Le risque est bien évidemment de faire supporter aux classes moyennes les plus modestes le coût d’une réforme qui s’adresse, en fin de compte, à un nombre restreint de bénéficiaires.
Monsieur le ministre, nous avons encore quelques heures devant nous pour construire un véritable échange autour de cet enjeu du dialogue social. Vous pouvez, en acceptant certains apports du Sénat et certains de nos amendements, parvenir à un texte équilibré qui améliore la qualité du dialogue social dans l’entreprise et modernise notre démocratie sociale. Encore faut-il que le Gouvernement ait lui-même une volonté de dialogue !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sur la forme, je voudrais souligner d’emblée à quel point l’usage d’une procédure accélérée a pu rendre délicate l’approche d’un texte d’une telle ampleur dans des délais très rapprochés. En outre, nous déplorons bien évidemment le désaccord qui a empêché, le mardi 30 juin, la commission mixte paritaire de parvenir à un consensus sur ces dispositions et de permettre une adoption plus rapide du texte.
Sur le fond, le groupe républicain, radical, démocrate et progressiste se réjouit du maintien, tant au Sénat qu’ici en nouvelle lecture en commission des affaires sociales, de plusieurs points qui ont été adoptés à notre initiative.
Tout d’abord, il est tout à fait heureux que le Sénat ait effacé une atteinte à la démocratie sociale, qui nous est chère, en assurant la prise en compte, lors d’élections syndicales, des agents de direction, membres d’organismes de protection sociale comme la Mutualité sociale agricole ou le régime social des indépendants, qui n’ont pas la possibilité dans le droit positif de participer, comme électeur ou comme candidat, à ces scrutins. Cette situation inopportune empêchait ces agents d’être représentés, et donc de défendre leurs intérêts dans le cadre des conventions collectives négociées avec les différents acteurs sociaux. C’est à juste titre que le Sénat a décidé d’y mettre fin.
De plus, nous sommes tout à fait satisfaits des dispositions confirmées par le Sénat autour d’une simplification administrative relative au statut des salariés embauchés en CDD saisonniers. En effet, leurs employeurs ne sont dès lors plus soumis à de nombreuses obligations administratives complexes qui s’imposaient dès que le contrat s’arrêtait. Ces mesures devenaient non seulement inutiles dès lors que le renouvellement du contrat était déjà prévu entre les parties, mais aussi dangereuses à l’égard de l’employeur lui-même qui pouvait se voir opposer un risque juridique grave en se soustrayant à une obligation devenue superflue. Un consensus sur ce sujet était donc tout à fait souhaitable, et nous nous félicitons de cet aboutissement.
Cependant, il est également important de souligner quelques désaccords entre le texte que nous défendons et celui qui a été modifié le 30 juin.
Nous regrettons tout particulièrement la suppression par le Sénat de l’article 1er du projet de loi, qui prône non seulement une applicabilité plus étendue de la commission paritaire régionale, qui devient une commission paritaire territoriale, dans l’ensemble des territoires nationaux, notamment à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais aussi une grande flexibilité dans la mise en oeuvre de cette commission en laissant au Gouvernement le soin de prendre en compte, par voie réglementaire, les spécificités de ce territoire. Nous remercions à ce titre le rapporteur Christophe Sirugue qui a réintroduit en nouvelle lecture en commission cette disposition qui nous apparaît bien évidemment fondamentale, car c’est selon nous le seul moyen de garantir la meilleure représentation possible des salariés de petites entreprises sur l’ensemble du territoire national.
Nous proposerons également quelques amendements, dont un qui nous semble important, sur les assistants maternels et la prime d’activité. En effet, le présent projet de loi exclut de la prime d’activité les personnes en congé parental d’éducation, en congé sabbatique, sans solde ou en disponibilité – l’objectif de la prime d’activité étant non pas de soutenir financièrement ce retrait, mais au contraire d’inciter à l’activité et à l’augmentation de la quotité de travail.
Il convient dès lors de prévoir une dérogation à cette exclusion du bénéfice de la prime d’activité pour les personnes qui exercent une activité professionnelle durant les congés visés. Aussi notre amendement impose-t-il aux membres du foyer qui bénéficient de la prime d’activité de ne pas être en congé parental d’éducation, en congé sabbatique, sans solde ou en disponibilité, sauf lorsqu’ils perçoivent parallèlement des revenus d’une activité professionnelle, à savoir celle d’assistant maternel, ce qui est prévu par le code du travail.
Pour conclure, bien que nous ayons trouvé un certain consensus, il convient de préserver certaines dispositions essentielles à ce texte afin de consacrer une meilleure représentation des acteurs sociaux dans le monde de l’entreprise. À ce stade, les radicaux de gauche et apparentés soulignent l’évolution positive de ce projet de loi auquel ils garantissent tout leur soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous avons longuement travaillé sur ce texte qui vise la modernisation du dialogue social dans notre pays, aboutissant à sa première lecture dans cet hémicycle le mois dernier.
Lors de son passage au Sénat, le texte a été profondément modifié, selon une logique politique qui n’est pas celle de notre Assemblée. En matière de droits et de représentation des salariés, les clivages idéologiques sont tenaces entre la droite et la gauche. Pour notre part, nous jugeons qu’une démocratie moderne doit reposer davantage sur la participation des salariés à la décision dans les entreprises.
La commission mixte paritaire n’est donc pas parvenue à un accord tant les divergences entre les textes étaient importantes. La commission des affaires sociales de notre Assemblée a rétabli l’esprit et les objectifs initiaux du texte qu’elle avait adopté.
Pour les citoyens qui suivent le débat, il est aisé de comprendre que de la procédure dite « accélérée » choisie par le Gouvernement, il ne reste donc plus que le nom. J’ajoute, monsieur le ministre, que le groupe écologiste déplore une précipitation dans le calendrier.
Nous recherchons ici à renforcer l’engagement syndical car, loin des postures idéologiques ou des expressions incantatoires, il y a une réalité en France aujourd’hui : trop peu de salariés s’engagent et donc trop peu d’entre eux sont représentés. Chercher à moderniser le dialogue social, c’est donc comprendre les freins à cet engagement, et s’efforcer de les lever. Je rappelle que ce projet de loi intervient en conséquence de l’échec des négociations de décembre 2014 entre partenaires sociaux représentant les salariés et ceux représentants les employeurs, négociations qui portaient sur les évolutions de la représentation des salariés dans les entreprises, quelle que soit leur taille.
La CGPME, opposée à certaines de ces évolutions, notamment pour les petites entreprises, a affiché son désaccord s’agissant de la création de commissions paritaires interprofessionnelles régionales – les CPR – pour les entreprises de moins de onze salariés. Le Sénat avait ainsi supprimé l’existence des CPR, suite aux pressions de la CGPME. Or, si les employeurs des TPE se sont organisés au travers de syndicats spécifiques, les salariés, eux, n’avaient pas jusqu’ici d’instances représentatives liées à la spécificité des entreprises au sein desquelles ils travaillent. Je le rappelle : 4,6 millions de salariés sont concernés ! Je considère donc les CPR comme une réelle avancée. Elles auront un rôle d’information et d’accompagnement des salariés et des employeurs dans l’exercice de leurs droits, par exemple en matière d’évolution de carrière ou de formation professionnelle. Nous y avions ajouté en première lecture un rôle de médiation en cas de conflit, mais les moyens qui leur seront dévolus resteront néanmoins à préciser. La position du Sénat sur ces CPR signe une vision idéologique archaïque de l’entreprise, un refus d’entendre que la participation active des salariés permet de la faire progresser ; je parle d’idéologie car les affirmations de nos collègues de droite ne reposent pas sur des données objectives, mais bien sur des schémas conceptuels qui se traduisent par le refus d’envisager un progrès social.
L’emploi est l’argument systématiquement mis en avant par les opposants à ces évolutions. Qui pourrait être contre le fait de créer de l’emploi ? Or, les conséquences des mesures portées par les syndicats patronaux, et dont la droite se fait souvent le porte-parole,…
… vont le plus souvent dans le sens de suppressions d’emplois et d’augmentation des dividendes versés aux actionnaires.
Il existe pourtant d’autres conceptions du travail, des activités et de la production ; il y a une vision bien plus moderne d’envisager les rapports entre salariés et patronat, et de concevoir la notion même d’emploi. Avec l’accord de sa jeune auteure, je m’autorise à partager avec vous une parole d’étudiante, celle de Manon Dervin, étudiante à Sciences-Po Rennes, qui s’est ainsi récemment exprimée dans le journal Le Monde : « Je souhaite que demain, travail rime avec épanouissement et non pas avec contrainte. Je souhaite que demain soit l’avènement d’un monde qualitatif et non quantitatif. Je souhaite que demain voit la réappropriation de la démocratie à travers une société autonome, garantissant la sérénité. Je souhaite que demain soit un autre rapport à l’autre et au temps, un "travailler moins pour vivre mieux", pour un meilleur vivre ensemble. Il est temps de mettre le travail au service de l’homme et non de l’économie. Il est temps de nous affranchir de la centralité de cette valeur travail qui nous déshumanise et fait de nous de simples agents économiques. »
Bien sûr, ce projet loi est loin d’être aussi ambitieux et ne révolutionnera pas le monde du travail, mais nous ne manquerons pas de nous appuyer sur toutes les initiatives et tous les leviers possibles pour changer les présupposés archaïques autour du salariat. Le groupe écologiste a abordé la loi sur l’économie sociale et solidaire dans cet esprit, et il poursuit dans ce sens au travers du texte qui nous est proposé aujourd’hui, avec un regard certes critique dès lors qu’il lui semble y avoir un manque d’équilibre dans la représentation entre salariés et employeurs pour garantir un dialogue social efficace, mais résolument constructif avec la même volonté de dialoguer et de convaincre. Nous nous félicitons donc que le travail en commission des affaires sociales, la semaine dernière, ait permis de rétablir les avancées principales qui avaient été supprimées lors du passage au Sénat.
Tout d’abord, comme je le rappelais en introduction, nous sommes satisfaits du rétablissement des commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour les TPE,…
… mais aussi de l’obligation pour le Gouvernement de produire un rapport sur les salariés de très petites entreprises non couverts par une convention collective, un accord de branche, un ensemble d’accords ou un statut spécial, et de mettre en place un plan d’action destiné à améliorer la couverture conventionnelle. À cet égard, un amendement déposé, entre autres, par notre groupe concerne aussi nos collaborateurs et illustre le fait qu’il reste encore de nombreux salariés qui doivent être représentés.
Nous sommes également attentifs à la représentation équilibrée des femmes et hommes dans les instances du dialogue social. Des amendements visent ainsi à réintroduire les dispositions, votées par les députés en première lecture, permettant une représentation paritaire des élus pour les délégués du personnel et pour les comités d’entreprise. L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est un combat qui passe aussi par leur présence dans les instances représentatives au sein de l’entreprise. Ma collègue Véronique Massonneau et moi-même avons fait de nombreuses propositions en ce sens, et nous serons vigilants lors des débats sur ce thème.
Nous approuvons également bien sûr le rétablissement dans le texte de la reconnaissance des pathologies psychiques, en particulier le fameux burn-out, comme maladie professionnelle, tout comme le rétablissement d’un nombre important d’articles, tels que l’article 7 qui concerne les administrateurs salariés, leur formation et leur mixité, ainsi que la suppression de l’article 16 bis qui permet ainsi de maintenir le monopole syndical au premier tour des élections professionnelles. De même, nous approuvons que la commission ait redonné la priorité aux accords avec les délégués syndicaux pour fixer les délais de consultation des comités d’entreprise, et qu’elle ait réintroduit l’utilisation du crédit d’impôt pour les dépenses de recherche dans les points examinés lors de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise.
Pour ce qui concerne la délégation unique du personnel, nous avons déjà souligné notre réserve sur le regroupement des instances, mais avons pris bonne note de l’engagement du Gouvernement pour qu’elle se mette en place sans perte de moyens ni d’expertise, qu’il s’agisse des comités d’entreprise ou des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Enfin, nous ne souhaitons pas suivre les propositions de modifications concernant la médecine du travail. Notre collègue Michel Issindou a déjà avancé des propositions de modification de l’article 19 en commission, mais de tels amendements sont pour nous loin d’être anodins. L’ensemble des partenaires sociaux, chacun le sait, est pour le moins frileux sur le sujet et le Conseil de l’Ordre a manifesté son étonnement, ou pour le moins ses interrogations, devant les conclusions du rapport rendu sur le sujet. Le manque de professionnels ne peut servir de prétexte à une refondation de la santé au travail. Cette question devra être traitée dans un texte approprié. Si j’ai bien compris, ce sera sûrement le cas, les amendements de notre collègue n’ayant pas été retenus pour celui-ci.
Je termine en remerciant particulièrement notre collègue Jean-Patrick Gille – qui interviendra juste après moi – pour son travail en faveur des personnes relevant du régime des intermittents du spectacle et que nous soutenons d’autant plus volontiers qu’en grande part, les propositions du texte répondent aux demandes du secteur concerné. Je ne résiste pas au plaisir de conclure sur les propos de Manon Dervin, que je cite à nouveau avec malice : « Il est temps de faire du travail en tant qu’activité, un outil de re-politisation de la société, incitant le citoyen à s’approprier démocratiquement et de manière participative son contenu ! ».
Comme vous venez de l’annoncer, monsieur Cavard, la parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera exclusivement sur l’article 20 du projet de loi. Il traduit la volonté du Gouvernement de trouver une solution pérenne aux crises récurrentes dans le spectacle vivant – en s’appuyant, monsieur Cherpion, sur le dialogue social.
À chaque renégociation de la convention d’assurance chômage, les annexes VIII et X sont menacées, les artistes et les techniciens du spectacle montrés du doigt et, jusqu’à maintenant, aucun processus de régulation n’a permis d’éviter une crise désormais récurrente. Nous avons tous en mémoire le désastre culturel de l’été 2003 et les très fortes tensions sur les festivals de l’été dernier.
Pour sortir de cette crise, répondant à une mission confiée par le Premier ministre il y a presque un an jour pour jour, j’ouvrais, avec Hortense Archambault et Jean-Denis Combrexelle, une série de rencontres de concertation rassemblant pour la première fois autour de la même table, au Conseil économique, social et environnemental, les négociateurs de l’interprofessionnel, les organisations représentatives des employeurs et des salariés du secteur culturel, les services de l’État, les représentants des collectivités locales et les divers services gestionnaires tels que Pôle emploi, l’AFDAS – l’assurance formation des activités du spectacle –, Audiens. Pendant six mois, nous avons travaillé à une compréhension mutuelle de tous les acteurs, à un diagnostic partagé et à des scénarios évalués en toute transparence par la mise en place d’un comité d’expertise qui a su construire sa méthode et son indépendance.
Afin de bâtir enfin un cadre durable et stable pour les intermittents, nous proposions dans notre rapport remis le 7 janvier, il y a exactement six mois, de reconnaître dans la loi le principe des règles spécifiques d’indemnisation pour les artistes et pour les techniciens du spectacle, et d’associer les organisations d’employeurs et de salariés du secteur à la définition de celles-ci.
L’apaisement est revenu : les festivals se déroulent dans la chaleur de l’été. Forts de ce semestre de concertation, les représentants des employeurs et des salariés ont entamé depuis plusieurs semaines la révision des listes des emplois pouvant être pourvus en CDDU, c’est-à-dire en contrat à durée déterminée d’usage, et préparent la conférence sur l’emploi culturel, conjointement avec les ministères du travail et de la culture, conférence qui se tiendra à la rentrée de septembre.
De son côté, le Premier ministre a réaffirmé dans ses choix budgétaires sa priorité pour la culture et la création avec une hausse annoncée des crédits pour l’année 2016 et au-delà, ce qui, par les temps qui courent, est assez rare.
L’article 20 assure la reconnaissance législative du régime particulier d’indemnisation au titre de l’assurance chômage des intermittents du spectacle.
Cette reconnaissance a été soutenue de bout en bout par le Gouvernement et adoptée dans des termes identiques la semaine passée par le Sénat.
Cette consécration législative de l’existence des annexes VIII et X pour l’indemnisation du chômage donne un cadre de discussion adapté aux parties prenantes tout en maintenant clairement ce régime dans le cadre des principes généraux de la solidarité interprofessionnelle.
Cette sanctuarisation ne signifie pas pour autant l’acceptation des excès de recours à l’intermittence, d’où l’obligation, reconnue par les deux chambres, de réexaminer les listes d’emplois au 31 janvier et les conditions de recours au CDDU avant le 30 juin 2016. Je vous proposerai d’harmoniser les dates au 31 mars 2016.
La divergence porte sur la mise en place d’une forme inédite de délégation de négociations encadrée du niveau interprofessionnel vers le niveau professionnel. La mission de concertation avait plaidé pour une méthode de dialogue intégrant les deux niveaux, faisant le pari de la reconnaissance et de la responsabilisation des acteurs au niveau professionnel.
L’article 20 met en place un mécanisme de subsidiarité de la négociation du niveau interprofessionnel vers le niveau professionnel, avec un encadrement par le niveau interprofessionnel et un principe de reprise obligatoire de l’accord par celui-ci dès lors qu’il reste dans la trajectoire financière qui aura été déterminée.
Je vous propose de confirmer ce dispositif tel que nous l’avons adopté en première lecture, tandis que le Sénat l’a réduit à une vague concertation.
Adoptée conforme par les sénateurs, la création d’un comité d’expertise ad hoc venant en appui aux négociateurs constitue très largement la reprise de la méthode novatrice expérimentée par la mission de concertation, méthode fondée sur une expertise partagée, transparente et consensuelle, avec l’élaboration d’un outil de simulation accepté et reconnu par tous. Ce comité d’expertise aura deux missions : la principale sera celle d’un appui technique aux organisations patronales et salariales dans leurs négociations ; la seconde consistera à évaluer le respect par l’accord professionnel de la trajectoire financière déterminée au niveau interprofessionnel.
Enfin, le Sénat a maintenu, et à juste titre, l’amendement prévoyant qu’avant la date du 31 janvier 2016, les partenaires sociaux au niveau professionnel devront examiner l’évolution de la prise en compte de la situation de celle que l’on appelle les « matermittentes ».
Mes chers collègues, je pense que nous sommes parvenus à un texte abouti. L’heure est venue que le rideau se lève sur trois actes législatifs majeurs pour le monde du spectacle : la sanctuarisation des annexes VIII et X, la création d’un comité d’expertise indépendant, l’adoption d’une nouvelle méthode de négociation des règles spécifiques responsabilisant les acteurs du monde du spectacle. Une fois ce texte adopté, ce sera à eux de jouer !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, projet de loi qui vient de faire l’objet d’un désaccord en commission mixte paritaire, tant les différences d’approche du dialogue social entre les deux chambres sont importantes.
Je ne vois pas très bien comment expliquer que les propositions des sénateurs aient été systématiquement rejetées, sinon par le fait qu’elles proviennent d’une autre tendance politique que la vôtre.
Pourtant, en écoutant un peu les autres, on peut éviter des erreurs – erreurs qui rendraient un texte totalement inapplicable. Voyez la pénibilité : le Sénat avait été précurseur en ce domaine. S’il avait été écouté, nous n’en serions pas là aujourd’hui.
Pourtant, une fois de plus, tout ou presque a été balayé d’un revers de la main en commission des affaires sociales.
D’emblée, vous avez réintroduit les commissions paritaires régionales interprofessionnelles dans les entreprises de moins de onze salariés. Nous ne voyons pas, à travers cette disposition, de volonté de dialogue. Pour ce qui nous concerne, nous croyons au lien direct entre un chef d’entreprise et son salarié, au lien de confiance qui doit forcément exister pour que la relation de travail soit possible.
Vous voulez imposer aux entreprises des représentants syndicaux extérieurs, alors que, dans la majorité des cas, les problèmes peuvent se régler au sein même de l’entreprise. Il ne faudra pas s’étonner s’il n’y a plus de volonté entrepreneuriale dans notre pays.
Vous voulez imposer aux entreprises des intermédiaires syndicaux, alors qu’elles réclament une simplification des normes et des obligations administratives, fiscales et sociales.
En première lecture, vous avez même été jusqu’à élargir les compétences de ces commissions, en leur attribuant un rôle de médiation et en leur permettant d’accéder aux locaux des entreprises, alors que le projet de loi initial le leur interdisait.
Monsieur le ministre, la plupart des entreprises de moins de onze salariés bénéficient d’un climat social apaisé. Pourquoi vouloir complexifier les choses en instaurant une contrainte là où il n’y en avait pas ? Avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous avons donc déposé un amendement de suppression de l’article 1er.
Pour ce qui est de la réforme des instances représentatives du personnel, l’élargissement de la délégation unique du personnel paraît de bon sens. Mais nous regrettons qu’au lieu de devenir des structures uniques fusionnant les différentes instances représentatives du personnel, les DUP se résument à une superposition de ces instances : c’est tout le contraire d’une mesure de simplification !
Quant au maintien des seuils, notamment celui de cinquante salariés, il s’agit d’un frein au développement de notre économie. Le Sénat avait pourtant proposé de geler leur application. Vous revenez sur cette mesure, alors que tout le monde sait que le franchissement du seuil de cinquante salariés crée pour une entreprise trente-cinq obligations supplémentaires et majore de 4 % le coût de l’heure travaillée. Cela implique aussi de créer des institutions représentatives du personnel et que les délégués syndicaux disposent de crédits d’heures. Il s’agit d’un véritable frein à l’emploi, beaucoup d’entreprises choisissant de ne pas dépasser ce seuil.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez tenté au Sénat d’introduire à l’article 18 une disposition visant à préciser que les sièges d’organisations professionnelles d’employeurs seront répartis entre elles, à partir de 2017, en tenant compte du nombre de salariés employés par les entreprises adhérentes. La majorité sénatoriale s’est opposée à cet amendement ; nous y sommes, nous aussi, opposés. Vous n’avez pas souhaité y revenir en commission, avec raison. Quelques stigmates demeurent cependant : le Gouvernement a tenté, ce midi même, de déposer un nouvel amendement à l’article 18, avant de le retirer au bout de quelques minutes ! Nous demeurerons donc vigilants sur ce point.
Quelques avancées doivent cependant être soulignées, comme la création d’un CDI de travailleur intérimaire : désormais, les entreprises de travail temporaire pourront conclure avec le salarié un contrat de mission à durée déterminée ou indéterminée. Pour ma part, je saluerai également l’article 22, qui vise à remédier à la situation dans laquelle se trouve l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – AFPA – depuis plusieurs années. Cet article permettra à l’AFPA de mettre en place des formations à destination des publics les plus éloignés de l’emploi, qui nécessitent un accompagnement renforcé – je pense notamment aux personnes handicapées, qui rencontrent encore trop de difficultés pour intégrer les entreprises.
En conclusion, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, je ne suis pas opposé à toutes les mesures contenues dans le projet de loi, mais je déplore que ce dernier ait été largement modifié par notre commission après son examen par le Sénat. Une fois encore, le calendrier qui nous a été imposé conduit à un texte bâclé. J’en veux pour preuve les amendements tendant à réformer la médecine du travail, déposés par notre collègue Issindou, et sur lesquels le rapporteur n’a pu donner d’avis en commission ; la majorité étant profondément divisée sur le sujet, cela vous a conduit à en reporter l’examen. Dans ces conditions, nous ne pourrons approuver le présent texte.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat sur ce projet de loi a pris un peu de hauteur depuis qu’à la faveur de la parution du livre de Robert Badinter et d’Antoine Lyon-Caen, on en est venu à parler de la complexité du droit. À M. Vercamer, j’ai donc envie de dire que les choses sont peut-être plus complexes qu’il n’y paraît.
D’abord, parce qu’en lisant le livre des professeurs Badinter et Lyon-Caen, on apprend que le droit des relations individuelles de travail peut être synthétisé à travers cinquante principes. Cela signifie qu’il s’agit d’un droit structuré, rationnel, que l’on peut comprendre et résumer. On ne peut pas en dire autant de toutes les matières juridiques.
Ensuite, s’il s’agissait de passer à un droit principiel, dans le cadre duquel la loi se bornerait à énoncer des principes, laissant soit aux partenaires sociaux, soit à la jurisprudence le soin de les développer, on pourrait se poser la question de savoir s’il s’agit vraiment d’un processus de simplification et d’amélioration de la lisibilité.
Il s’agit en effet aussi d’être pragmatique, dans certains domaines.
Mais, madame Le Callennec, la jurisprudence est-elle plus lisible que la loi ?
Pas forcément. La place supplémentaire qu’imposerait un droit principiel ne me paraît donc pas s’accompagner nécessairement d’un gage de lisibilité pour les acteurs économiques, que ceux-ci soient salariés ou employeurs.
Prenons garde également, même si je suis très favorable au dialogue social, à ne pas fausser la concurrence par des droits qui seraient très différents suivant les branches, voire suivant les entreprises. Là encore, une réflexion est à mener, et elle n’est pas simple.
Il ne me semblait pas inutile de souligner ces points, puisqu’il a été longuement question de cet ouvrage – qui est par ailleurs fort intéressant, se lit facilement et incite à la réflexion sans que l’on puisse, à ce stade, en tirer des conclusions catégoriques.
Venons-en maintenant au projet de loi lui-même. Pourquoi mérite-t-il d’être adopté ?
D’abord, parce qu’il crée des commissions paritaires régionales interprofessionnelles. Car tout de même : aujourd’hui, 4,6 millions de salariés ne sont pas représentés !
Quel est l’intérêt de cette mesure ? C’est qu’il existera désormais en France, dans chaque région, une instance paritaire qui, étant entendu qu’elle pourra difficilement s’intéresser à la situation individuelle de chaque entreprise, aura pour mission de réfléchir à ce qui fait la spécificité des très petites entreprises en matière de droit du travail et de fonctionnement économique. Ce lieu, actuellement, n’existe pas – sinon dans l’artisanat. Nous l’instituons, et cela me paraît intéressant.
D’autre part, j’ai eu parfois le sentiment que l’on se leurrait sur ce qui se passait dans les très petites entreprises. Sans doute le dialogue qui s’y noue peut-il être très humain, puisque l’employeur connaît tous ses salariés, et de très grande qualité ; mais reconnaissons que, même si cela n’est pas fréquent, certains peuvent vouloir imposer, sous le couvert d’un lien de subordination, un rapport de soumission, et que les rapports sociaux dans une très petite entreprise peuvent être d’une extrême dureté. De ce fait, il me paraît utile de mettre en place des instances telles que les CPRI.
J’admets avoir été quelque peu effrayé par certaines conceptions du dialogue social, qui perçoivent comme une intrusion le fait que des commissaires, employeurs ou salariés, puissent entrer, avec l’accord de l’employeur, dans une entreprise, dès lors que celle-ci serait de petite taille. Présenter les choses ainsi me paraît fort inquiétant !
La deuxième raison de voter en faveur de ce texte, c’est qu’il convient de rendre grâce à Jean-Patrick Gille, qui, avec M. Combrexelle et Mme Archambault, a su trouver une solution apaisante pour les intermittents du spectacle.
Ça, c’est vrai !
Après plus de dix ans de travail sur le sujet, voilà qu’une solution a été trouvée, et que cette solution est consensuelle : on ne peut que s’en féliciter !
Dernière raison : la délégation unique du personnel – DUP. En la matière, il faudra songer à se doter, non pas d’un mode d’emploi – la loi devra être suffisamment claire pour l’éviter –, mais d’une philosophie. Précisons que la DUP n’est pas la négation des instances consultatives, qui, que ce soit le comité d’entreprise ou le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, continueront d’exister. Mais cela favorisera le dialogue au sein de l’entreprise et conduira à faire comprendre que, dès lors que l’on soumet un projet à discussion, la qualité de ce dernier s’en trouve améliorée grâce aux réflexions des représentants du personnel et à l’appropriation qui a lieu dans le cadre de la concertation. Résultat : non seulement le projet est affiné, mais sa mise en oeuvre est facilitée.
Voilà les raisons pour lesquelles je voterai ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Les très petites, petites et moyennes entreprises sont aujourd’hui confrontées à des difficultés économiques et sociales sans précédent, alors qu’elles sont des acteurs incontournables pour créer des emplois, favoriser le lien social et aménager le territoire. Or 78 % des petites entreprises estiment, monsieur le ministre, que votre réforme du dialogue social va renforcer les contraintes auxquelles elles doivent déjà faire face.
L’article 1er ne va pas dans le bon sens. La création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour assurer une représentation universelle des salariés des TPE ne se justifie pas. Une telle représentation n’apparaît pas nécessaire, puisqu’il existe déjà un dialogue direct et naturel entre le chef d’entreprise et les personnes qu’il emploie ; l’instauration de structures formalisées va complexifier encore la tâche des dirigeants d’entreprises, qui réclament pourtant plus que jamais une simplification des normes qui leur sont applicables. Le nouveau dispositif risque d’accroître les contraintes et de créer de nouveaux problèmes très difficiles à résoudre. Tout cela aura inévitablement des effets négatifs sur l’emploi.
Cela d’autant plus que les attributions de ces commissions ont été élargies, au point qu’un rôle de médiation a été inclus dans leur périmètre de compétence et qu’elles auront désormais accès aux locaux des entreprises. On est loin, monsieur le ministre, de l’esprit initial du projet de loi ! Tout cela va handicaper encore davantage nos très petites, petites et moyennes entreprises, alors que vous devriez, au contraire, leur venir en aide dans ce moment difficile pour qu’elles puissent créer de l’emploi et soutenir les Françaises et les Français.
Je ne reviendrai pas sur les problèmes liés à la création des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, car ils ont été largement abordés lors de la discussion générale – notamment les questions du coût de ces structures et de la disponibilité de leurs participants.
L’idée de départ aurait pu être acceptable, et certains partenaires l’ont d’ailleurs soutenue, mais cela, c’était avant que vous ne chargiez la barque pour faire plaisir aux syndicats. Car ce qui est gênant, c’est avant tout la tournure et le poids démesuré qu’ont pris ces commissions ; en outre, il y a derrière cette mesure une philosophie que nous ne partageons pas.
Vous affirmez ne pas nier l’existence d’un dialogue social direct, mais vous considérez que ce dernier est insuffisant. Je pense tout au contraire, comme beaucoup dans cette partie de l’hémicycle, qu’il s’agit de la forme de dialogue la plus utile, la plus efficace et la plus pertinente, car elle se fait sans intermédiaire.
Seconde différence, monsieur le rapporteur, vous avez dit en commission qu’en supprimant cet article, le Sénat avait fait une mauvaise interprétation de la définition du dialogue social. Mais le dialogue social consiste-t-il à réunir des commissions, composées de représentants situés à des centaines de kilomètres et censées traiter de tout et de rien ? Très honnêtement, je ne le crois pas. Cette disposition est contre-productive : en voulant créer une représentation des salariés des entreprises de moins de onze salariés, vous créez en réalité un système d’exception source de beaucoup d’interrogations, une architecture inédite faisant du dialogue social, une nouvelle fois, une contrainte pour l’entreprise, au détriment de la qualité de ce dialogue. De surcroît, ces commissions détiendront des pouvoirs sans équivalent, alors qu’il s’agissait seulement, au départ, de représenter les salariés. Le goût du Gouvernement pour la réunionite est décidément étonnant. Quand il touche les entreprises, il devient néfaste. Voilà pourquoi, mes chers collègues, il faut supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement identique no 69 .
La création des commissions paritaires interprofessionnelles, qui vise à juste titre la représentation des 4,6 millions de salariés qui ne sont pas représentés à l’heure actuelle, avait un sens. Le texte initial leur attribuait d’ailleurs un rôle principalement d’information en matière d’emploi, de formation, de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de conditions de travail et de santé au travail. Cela paraissait assez logique ; comme beaucoup de mes collègues, je ne m’étais d’ailleurs pas opposé à cet article.
Or, les attributions de ces commissions ont été élargies, à tel point que la médiation s’est ajoutée à leur domaine de compétence. Ainsi, les commissions paritaires pourront avoir directement accès aux locaux des entreprises. Cette prérogative va à l’encontre de l’esprit initial du texte – qui traduisait d’ailleurs votre pensée, monsieur le ministre –, au nom duquel les membres des commissions paritaires régionales se voyaient interdire l’accès aux entreprises concernées. Il est à craindre que l’élargissement du rôle des commissions confronte leurs membres à une surcharge de travail et, finalement, réduise considérablement leur efficacité, eu égard à leur faible nombre, sans parler du fait que cela entravera les TPE dans leur fonctionnement.
Enfin, on ne peut conférer à ces commissions un rôle qui excède la formation de leurs membres. L’élargissement de leurs attributions exige en effet des compétences spécifiques. Il est évident que l’on ne va pas mettre en place au pied levé une médiation dans une entreprise si l’on n’a pas les compétences correspondantes. Or, les représentants ne posséderont pas nécessairement ces qualités.
Il convient donc, aujourd’hui, de revenir au texte initial, au projet de loi que vous avez défendu, monsieur le ministre, et donc de supprimer l’article 1er.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement identique no 109 .
La parole est à M. le rapporteur pour donner l’avis de la commission sur ces quatre amendements.
Premièrement, mes chers collègues, vous ne pouvez pas nous dire que vous étiez plutôt d’accord avec la première mouture de l’article 1er…
…et, dans le même temps, nous proposer des amendements de suppression, alors que vous auriez pu revenir à une rédaction plus conforme aux options que vous avez exprimées.
Deuxièmement, je veux rappeler ce qui me semble l’élément fondamental : vous faites, volontairement ou non – je dirais sans doute involontairement – une confusion entre le dialogue social à l’intérieur de l’entreprise et la représentation des salariés que nous cherchons à couvrir avec la mise en place de ces commissions paritaires interprofessionnelles régionales. De fait, la réalité est la suivante : aujourd’hui, les salariés des entreprises de moins de onze salariés sont les seuls – je dis bien : les seuls – à ne pas bénéficier d’une représentation qui puisse traiter non pas des problèmes se posant dans telle ou telle entreprise mais de la problématique générale des salariés des TPE. Vouloir entretenir cette confusion jusqu’à aller dire que nous nierions l’existence d’un dialogue social dans ces entreprises me semble largement excessif. Bien évidemment, il y a du dialogue social dans ces entreprises, ce qui est d’ailleurs heureux, mais celui-ci ne saurait se substituer à la nécessité d’assurer une représentation des salariés des entreprises de moins de onze salariés. L’avis de la commission est donc bien évidemment défavorable sur ces amendements de suppression.
J’indiquerai quelques éléments complémentaires pour montrer que l’on prend en compte vos remarques. Je connais bien ce débat. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire le rapporteur. Il s’agit bien de conférer aux 4,6 millions de salariés des TPE un droit universel à être représenté. D’ailleurs, j’ai cru comprendre que, sur le principe, vous n’y étiez pas opposé. Mais alors, pourquoi voulez-vous supprimer cet article ?
Ce type de commission vous semble-t-il inutile ? Pourquoi donc ces commissions seraient-elles utiles dans l’artisanat et le monde agricole et non dans ce secteur ?
La loi va améliorer la prise en compte des très petites entreprises et le dialogue social dans l’entreprise. Elle offrira des services de proximité, aux salariés comme aux employeurs. Ces mesures auront donc une grande utilité.
J’ai d’ailleurs pu constater que la majorité sénatoriale était assez divisée sur ce sujet, les uns souhaitant la suppression de l’article, les autres la refusant.
Je pense que vous commettez une erreur d’appréciation. L’avis du Gouvernement est donc, bien évidemment, défavorable.
En effet, monsieur le ministre, ce genre de commissions paritaires existent, mais elles ont été créées à l’initiative de secteurs d’activité – l’artisanat et l’agriculture – qui ont estimé qu’ils en avaient besoin. En l’occurrence, vous imposez d’en haut une structure supplémentaire qui n’est absolument pas demandée, ni par les salariés ni par les employeurs.
La région, l’État et les partenaires sociaux essaient tant bien que mal de mettre en place la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans chacun des territoires. Je pense que c’est dans ce cadre qu’il faut discuter de toutes les questions relatives à l’emploi, à la formation, à l’orientation, à la lutte contre le chômage et, peut-être, trouver un lieu de médiation. Mais ne faites pas croire aux 4,6 millions de salariés que lorsque ces commissions paritaires seront créées, ils bénéficieront d’une meilleure représentation et seront mieux défendus vis-à-vis de leur employeur. Aujourd’hui, lorsqu’un salarié rencontre une difficulté, son premier réflexe est d’aller voir les organisations syndicales existantes et de leur demander un soutien, un accompagnement, un conseil. Vous allez donc créer des doublons, des structures totalement inutiles, et je ne vois toujours pas ce qui a présidé à leur création : quelle idée avez-vous eu derrière la tête en proposant que 130 salariés et 130 représentants des employeurs siègent dans des commissions où, en gros, il ne se passera pas grand-chose ? Tout se passera ailleurs.
N’ayez pas peur !
Monsieur le rapporteur, je vous renvoie aux déclarations que j’ai faites en première lecture. Vous pouvez d’ailleurs constater que je n’avais pas déposé, à ce stade, d’amendement de suppression. Je n’ai pas changé d’avis.
Rétablissez donc le texte initial au lieu de supprimer purement et simplement l’article !
Vous avez changé le texte, ce qui modifie complètement la donne. Je reviens sur l’exemple qui vient d’être donné. Je pense que vous vous souvenez des modalités de la mise en place des 35 heures – les Français, qui continuent de le payer, s’en souviennent encore ! Des procédures de mandatement ont été instituées à cette époque dans les petites entreprises. Pourtant, il n’y avait pas de représentation, mais cela a fonctionné. Vous vous en réjouissez d’ailleurs tous les jours. Ces procédures de mandatement étaient donc largement suffisantes.
Quant aux professions de l’artisanat et de l’agriculture, c’est un choix qu’elles ont fait compte tenu de leur structuration et de leurs propres instances, ce que je trouve tout à fait normal.
Enfin, lorsque le secrétaire général d’une grande centrale syndicale – Force ouvrière, pour ne pas la nommer – dit très clairement, comme il l’a fait la semaine dernière, que cette disposition est inutile, il me semble que l’on peut l’écouter.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 55 , 167 , 11 et 99 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 11 et 99 rectifié sont identiques.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 55 .
Monsieur le ministre, je vais aller dans votre sens : comme vous venez de le dire, les commissions paritaires, qui existent dans un certain nombre de secteurs, sont utiles. Pour ma part, je vous propose de les étendre aux entreprises de moins de cinquante salariés, ce qui supprimera l’effet de seuil de onze salariés et permettra par la suite au Premier ministre et à vous-même de supprimer une fois pour toutes les obligations pesant sur les entreprises employant de onze à cinquante salariés. La représentation existera en effet par le biais de cette commission paritaire régionale. On simplifiera donc la vie de toutes les entreprises de moins de cinquante salariés et le seuil de dix à onze salariés disparaîtra. Chacun sera content, vous y compris, puisqu’il y aura une représentation dans toutes les entreprises de moins de cinquante salariés, alors qu’aujourd’hui des constats de carence sont dressés dans la plupart d’entre elles.
Cet amendement vise à étendre les compétences des commissions paritaires interprofessionnelles régionales aux entreprises de moins de vingt-six salariés. Il se justifie par les mêmes arguments que ceux qui ont été exposés par notre collègue. Il s’agit d’appliquer le dispositif de représentation des salariés, prévu à l’article 1er du projet de loi, aux entreprises de onze à vingt-six salariés.
Monsieur le ministre, on sait qu’une telle disposition simplifierait grandement la vie de ces entreprises, en permettant notamment de remédier aux nombreuses carences constatées dans la désignation des délégués du personnel pour cette catégorie d’entreprises. De fait, on constate qu’environ trois quarts des entreprises de onze à vingt-cinq salariés n’ont pas de représentants du personnel, malgré le franchissement du seuil impliquant l’élection d’un délégué du personnel. Il convient donc d’admettre qu’une représentation interne des salariés, telle que prévue aujourd’hui, n’est pas adaptée aux plus petites entreprises. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons cette évolution.
Il s’agit, par ce premier amendement de repli, de circonscrire ces commissions aux entreprises de six à onze salariés. Je ne m’en cache pas, c’est une façon de réduire la portée de ces commissions, puisque deux tiers des entreprises de moins de onze salariés ont en fait moins de cinq salariés. Mais, j’y insiste, dans les TPE, le dialogue social est, peut et doit être direct. S’il n’y a pas de dialogue social dans une entreprise de moins de six salariés, elle ne tient généralement pas longtemps !
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement identique no 99 rectifié .
Cet amendement a pour objet, dans l’hypothèse, probable, où ces commissions paritaires régionales seraient maintenues, de renvoyer leur mise en place à une négociation de branche, les branches étant les mieux à même d’agir dans chaque secteur, et de ne prévoir la création de ces commissions que lorsque les entreprises ne sont pas concernées par un accord de branche.
C’est un débat que nous avons déjà eu en commission. Cinquante, vingt-six, onze, six : on a tous les seuils possibles et imaginables. Au bout du compte, si on devait vous suivre, on arriverait à supprimer, notamment, les délégués du personnel dans les entreprises qui en ont déjà aujourd’hui.
Je ne suis pas sûr que ce soit un bon signal à adresser en faveur du dialogue social. Avis défavorable.
Même avis.
Je pense que le rapporteur extrapole : on n’a jamais demandé la suppression des délégués du personnel !
Là où il y en a, cela se passe souvent bien entre l’entrepreneur et les salariés ; on ne va donc pas, je le répète, demander la suppression des délégués ! On envisage simplement le cas où il n’y a plus d’obligation de faire. Les délégués en place peuvent parfaitement demeurer dans l’entreprise, ça n’a rien à voir.
Je soutiens l’amendement de M. Vercamer, qui a le champ d’application le plus large, dans un souci d’efficacité. Il y a des constats de carence ; dans certaines entreprises, il n’y a pas d’élection de représentants du personnel. Le deuxième intérêt de cette proposition – et je vous rejoins sur ce point, monsieur le rapporteur – est qu’elle constitue une mesure de simplification, puisqu’en dessous de cinquante salariés, il n’existerait plus qu’un seul système.
Les amendements identiques nos 11 et 99 rectifié ne sont pas adoptés.
Là encore, il s’agit de réduire volontairement la portée de ces commissions, ou du moins de faire confiance aux acteurs du dialogue social. Oui, dans certains secteurs, ces commissions existent. C’est la preuve que, lorsqu’il en est besoin, les branches n’ont pas attendu l’État pour s’organiser. Imposer ces commissions de façon uniforme et sans distinction n’est pas souhaitable. Voilà pourquoi cet amendement vise à renvoyer aux négociations de branche la mise en place de ces commissions et de ne prévoir leur création que pour les entreprises non couvertes par un accord de branche.
La représentation des salariés dans les TPE ne se justifie pas, du fait de l’existence, dans ces entreprises, d’un lien direct entre le chef d’entreprise et ses salariés. Si elle devait néanmoins, hélas, être mise en place, les branches professionnelles seraient mieux à même de négocier la création des postes de représentants au sein de ces toutes petites entreprises – représentation qui, je le répète, n’est pas utile.
Chers collègues, comme vous, je préfère qu’il y ait un accord, comme il en existe d’ailleurs dans l’agriculture ou dans l’artisanat. Mais, si l’on devait appliquer votre dispositif, cela signifierait qu’en l’absence d’accord, il n’y aurait aucune représentation des salariés. L’avis est donc évidemment défavorable.
Même avis.
Cet amendement vise à préciser que les commissions visées à l’alinéa 6 de l’article 1er représenteraient les salariés et employeurs des entreprises de moins de onze salariés – il s’agit donc vraiment de toutes petites entreprises – qui ne seraient pas couvertes par un accord de branche, pour répondre à votre intervention, monsieur le rapporteur.
Avez-vous défendu l’amendement no 100 ou l’amendement no 101 rectifié , monsieur Tian ? Il me semble que vous avez défendu l’amendement no 101 rectifié …
Je suis en effet saisie d’un amendement no 101 rectifié , que je considère comme défendu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements no 100 et 101 rectifié ?
Il s’agit du même sujet que celui que nous avons traité auparavant. L’avis est défavorable sur ces deux amendements.
Même avis.
Les amendements nos 100 et 101 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement no 171 .
Cet amendement vise simplement à laisser un peu plus de souplesse en donnant la possibilité d’instaurer, par accord, une commission paritaire à l’échelle départementale, ce qui est d’ailleurs le cas dans le secteur agricole. Notre principe est en effet de maintenir ce qui existe et qui fonctionne bien. Les commissions mises en place dans l’agriculture pourront ainsi être maintenues.
Favorable.
Cela change un peu la donne, monsieur le rapporteur. Vous nous avez « vendu » des commissions paritaires régionales. Nous avons compté les uns et les autres treize régions, ce qui signifie que quatre ont été oubliées, puisqu’il y a dix-sept régions dans notre pays si l’on n’oublie pas les outre-mer.
Avec cet amendement, vous introduisez une fois de plus une nouveauté : les structures n’auront rien à voir entre elles selon le niveau, départemental ou régional, où elles seront créées. En outre, du fait du redécoupage – même si toutes les régions n’ont pas vu leur périmètre modifié, ce qui est le cas de la mienne, à notre grand regret… – certaines régions deviennent énormes. Nous avions d’ailleurs souligné qu’il serait très compliqué pour les représentants du personnel de se rendre aux réunions dans des régions au périmètre démesuré. Et vous déposez à présent un amendement pour permettre l’instauration de commissions paritaires départementales.
Ces commissions risquent de n’être que des coquilles vides. Elles auront beaucoup de mal à exister, les salariés n’en auront pas connaissance et elles seront parfaitement inutiles. Il est regrettable que ces commissions paritaires soient créées à l’article 1er d’un projet de loi sur le dialogue social et l’emploi. À mon avis, elles vont faire « pschitt ».
Il ne faut pas faire de confusion : les commissions paritaires interprofessionnelles de droit commun ne sont pas remises en cause. Il s’agit simplement de donner la possibilité, s’il y a accord, d’avoir une formule départementale.
Une fois encore, j’appelle votre attention sur ce que nous avons mis en place : nous avons spécifiquement signifié qu’il n’était pas question de détruire ce qui fonctionnait. Dans l’agriculture, au sein de certains territoires, la structure fonctionne par département. C’est ce que nous proposons de faire. Tels étaient les éléments que je voulais mentionner ; nous avons déjà eu ce débat plusieurs fois.
Je vous remercie de me donner à nouveau la parole, madame la présidente.
Il est question de dix employeurs et dix salariés par région, monsieur le rapporteur.
Si les commissions sont constituées à l’échelle départementale, quels chiffres retiendra-t-on ?
Il appartiendra aux partenaires sociaux d’en décider ! Ils se débrouilleront !
L’amendement no 171 est adopté.
Il s’agit d’un amendement de repli que j’ai cosigné avec mon collègue Jean-Frédéric Poisson. Il vise à supprimer à l’alinéa 8 les mots : « au moins ». La commission n’exercerait ainsi que les attributions déterminées par le projet de loi, ni plus ni moins.
Il ne s’agit pas du tout d’un amendement de repli. Très sincèrement, je ne comprends pas l’argumentation qui vient d’être développée ; mais il y a peut-être quelque chose qui m’échappe…
Défavorable.
L’amendement no 78 n’est pas adopté.
Je ne dirai pas qu’il s’agit d’un amendement de repli, car cela semble vous poser problème, monsieur le rapporteur.
Sourires.
On peut toujours discuter de ce qui constitue ou non un repli, mais en l’espèce, il s’agit simplement de supprimer l’alinéa 9, qui est totalement inutile.
Vous faites une confusion entre les CPRI et les structures déjà existantes. Le sujet est exactement le même, donc l’avis est défavorable.
Même avis.
L’amendement no 79 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer, à l’alinéa 9, les mots : « , issus d’entreprises de moins de onze salariés ». En effet, les membres des CPRI ne devraient pas être obligatoirement issus d’entreprises de moins de onze salariés, car si un salarié parmi les cinq d’une entreprise se voit désigner, il manque alors un cinquième des salariés de l’entreprise. Le chef d’entreprise concerné aura alors quelque difficulté à faire tourner son établissement. L’idée est donc de supprimer une telle précision.
L’objet de l’amendement est en effet de supprimer une telle restriction qui, si elle était maintenue, monsieur le ministre, risquerait de rigidifier le fonctionnement des instances, de provoquer des constats de carence et, à terme, d’empêcher le fonctionnement de ces commissions, privant alors 4,6 millions de travailleurs d’instance de représentation.
L’accord du 12 décembre 2001 relatif au développement du dialogue social dans l’artisanat, qui a été signé entre l’UPA, l’Union professionnelle artisanale, et les cinq organisations représentatives de salariés, qui a créé les commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat, ne stipule pas l’obligation pour les membres d’être issus d’entreprises de moins de onze salariés, et pour cause.
On constate en effet que les représentants des salariés de ces commissions ne sont pas, dans leur très grande majorité, issus de ces catégories d’entreprises. Ils sont désignés par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives aux niveaux national et interprofessionnel.
Bien sûr, on peut encourager le fait que les représentants de salariés soient issus des entreprises concernées, mais on ne peut que constater que les organisations syndicales de salariés rencontrent des difficultés lors de ces désignations.
D’où l’utilité du présent amendement.
Monsieur Perrut, vous entendre dire que cette restriction risque de supprimer les représentants des salariés alors que vous avez vous-même déposé un amendement visant à supprimer une telle représentation est assez cocasse.
Cela étant dit, pour revenir au dispositif dont il est question, nous avons déjà eu ce débat en commission ; je ne m’éterniserai donc pas. Je suis attentif à ce que nous avaient dit certaines organisations professionnelles, notamment l’UPA : elles souhaitent que les représentants des entreprises de moins de onze salariés soient issus de ces mêmes entreprises, et nous avons rédigé cet alinéa dans ce sens, car cela nous paraît important. L’avis est donc défavorable.
Même avis.
En effet, madame la présidente ; ce n’est pas un amendement de repli, c’est un amendement rédactionnel, si toutefois monsieur le rapporteur me l’accorde.
La rédaction du projet de loi est plus précise, donc l’avis est défavorable.
Même avis.
L’amendement no 81 n’est pas adopté.
L’amendement no 82 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je le défendrai rapidement, et à ceux qui s’en étonneraient, je dirai que c’est nécessaire si l’on veut donner quelque cohérence à l’examen de ce texte, qui est particulièrement saucissonné : nous ne siégeons pas demain, et ne reprenons que mercredi soir dans la nuit, à partir de vingt-trois heures. Je fais donc en sorte de défendre les amendements rapidement, même si je ne suis pas tout à fait d’accord avec M. Sirugue.
Cet amendement a pour objet de supprimer, après le mot « région », la fin de l’alinéa 15.
Permettez-moi de vous faire observer, monsieur Tian, que l’Assemblée tient bien séance demain après-midi, mais sur un ordre du jour différent.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 83 ? ?
Il ne s’agit pas d’exclure les entreprises et les salariés qui ne sont pas couverts par un accord de branche, mais seulement de mesurer l’audience dans les secteurs concernés par les CPRI. L’avis est donc défavorable.
Même avis.
L’amendement no 83 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 18 à 20 de l’article 1er. En effet, dans le cadre d’une désignation par les organisations syndicales, il n’est pas nécessaire de mettre en place une propagande électorale. Il importe seulement que l’employeur soit informé de la désignation d’un de ses salariés.
Il y a une élection, il y a donc une propagande électorale. Vous proposez purement et simplement de la supprimer. Je vous engage à en faire autant pour les élections politiques, monsieur Tian… L’avis est défavorable.
Même avis.
L’amendement no 84 n’est pas adopté.
Cet amendement et ceux qui vont suivre ont pour objet de rectifier le tir et de supprimer les missions trop importantes qui ont été confiées à ces commissions au fil du texte.
Je ne vois aucune difficulté à ce que les commissions contribuent à apporter des informations, à débattre et à rendre tout avis utile sur les questions spécifiques aux entreprises de moins de onze salariés et à leurs salariés, mais il faudrait éviter que les représentants ne se réunissent que pour tenir des débats stériles.
En revanche, la seconde mission attribuée aux commissions dans le texte initial est superfétatoire. Ces commissions auraient pour but « de donner aux salariés et aux employeurs toutes informations ou tous conseils utiles sur les dispositions légales ou conventionnelles qui leur sont applicables ». Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? À moi, si : c’est précisément le but des organisations professionnelles.
Au plus près des salariés, celles-ci ont pour but de les informer sur leurs droits. Inutile, donc, de passer par une nouvelle commission pour cela. Une fois encore, le lien direct et individualisé est préférable.
Monsieur Tardy, sachez que les TPE font très clairement état d’un déficit d’information sur l’environnement légal et réglementaire. C’est l’objet de la compétence que vous mentionnez comme superfétatoire.
D’ailleurs, abondance de biens ne nuit pas. L’avis est donc défavorable.
Même avis.
Monsieur le rapporteur, ce que vous venez de dire n’a pas beaucoup de sens, car les commissions n’auront pas le temps de faire de la veille sur tous les textes législatifs et réglementaires.
En plusieurs endroits du texte figure la notion de mixité des métiers. Tout d’abord, cette question doit être traitée au cas par cas selon les entreprises, et non pas au sein de ces commissions, qui auront, je l’espère, d’autres sujets à traiter.
Ensuite et surtout, elle doit être envisagée dans le cadre de la formation. Ainsi que je l’avais énoncé devant la délégation aux droits des femmes de notre assemblée lorsque nous avons débattu du numérique, les disparités dans chaque secteur ne sont pas le fait des entreprises, car ce ne sont pas ces dernières qui font des choix professionnels. C’est au moment de la formation que des ajustements peuvent être réalisés, et non pas au cours des réunions de ces commissions, dont l’objet est de représenter les salariés des TPE.
Nous n’en faisons pas une priorité : nous disons simplement que les CPRI peuvent s’en saisir.
Même avis.
Pour ma part, je m’interroge sur la façon dont ces commissions vont travailler si elles sont un lieu d’information pour les salariés des très petites entreprises ; vingt-quatre heures sur vingt-quatre ?
En outre, comme vient de le rappeler notre collègue, des structures ayant cette compétence existent déjà, ce qui conduira à les superposer. Si ma mémoire est bonne, nous avons créé par une loi adoptée récemment le conseil en évolution professionnelle, dont nous n’avons même pas encore rendu vivantes et opérationnelles les cellules, et vous voulez déjà instaurer de nouvelles structures.
Nous aurons à faire face à une difficulté de taille : il faut un certain temps pour que les personnels compétents soient formés à toute cette législation, qui ne cesse d’évoluer – et nous y concourons en ce moment même –, ces contenus sont très lourds à digérer. Et, alors que nous demandons de la stabilité, vous souhaitez créer une commission supplémentaire là où d’autres existent déjà.
Il serait préférable de mieux orienter les salariés des TPE, vers des interlocuteurs qui détiennent les bonnes informations. Or je doute que les commissions paritaires régionales soient en mesure de dispenser la bonne information au bon moment et au bon endroit.
Le rapporteur affirmait voilà quelques instants : abondance de biens ne nuit pas. En l’occurrence, tout cela ne rime à rien. Nous n’avons d’ailleurs aucun chiffrage du coût de ces mesures.
En outre, alors que le détachement était prévu au départ pour de courtes périodes, il est fort probable que les salariés seront détachés au mois ou à l’année au sein de ces structures régionales. Vous déclinez toute une série de missions qu’ils ne pourront pas exercer. Comme l’a indiqué Isabelle Le Callennec, les salariés ont besoin de disposer de l’information en direct, et les commissions ne seront pas en mesure de répondre à cette demande.
J’avais compris qu’il s’agissait davantage d’une instance de réflexion avec une mission de prospective, mais je m’aperçois qu’elle sera prise dans les nécessités du quotidien et qu’elle n’aura pas les moyens financiers d’assumer ses fonctions. De surcroît, elle s’appuiera sur des salariés détachés à temps plein. Je ne crois pas que ce soit le but recherché pour les PME de onze salariés qui, si l’un de leurs salariés est détaché au sein de ces instances, seront plutôt mises en difficulté.
C’est, là encore, une redite par rapport à la première lecture, mais notre désaccord persiste. La création d’une mission de médiation des conflits, qui n’était pas prévue, est inappropriée. Sur le principe, c’est un véritable message de défiance adressé aux entreprises.
On dépossède les petits chefs d’entreprise. Visiblement, vous pensez que les conflits se régleront mieux avec des représentants à des centaines de kilomètres, plutôt qu’au sein de l’entreprise par le biais d’un dialogue direct. Tout cela est complètement déconnecté du réel !
En principe, certes, la commission ne pourra intervenir qu’avec l’accord des parties concernées, mais, je le répète, ce n’est de toute façon pas son rôle, puisqu’on veut lui conférer un rôle de représentation. On ne peut donc que considérer qu’il s’agit d’une ingérence.
Je suis moi-même patron d’une entreprise de moins de quinze salariés. Dans cette catégorie, et a fortiori dans une entreprise de moins de onze salariés, si des difficultés se font jour dans le dialogue social avec les salariés, ce sont ces derniers qui s’en vont avec toutes leurs connaissances et, généralement, l’entreprise ne fait pas de vieux os !
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 58 .
Je vois M. Robiliard piaffer d’impatience pour nous contredire. Pourtant, mon cher collègue, aux termes de l’étude d’impact, l’article 1er poursuit deux objectifs majeurs : « élargir aux 4,6 millions des salariés des TPE et du particulier employeur le droit à une représentation démocratique » et faire des commissions paritaires régionales « des lieux de concertation, d’information et de dialogue au bénéfice à la fois des salariés et des employeurs ». Il n’est nullement prévu d’y faire de la médiation !
Je trouve un peu facile de modifier le projet de loi par le biais d’amendements qui ont un tout autre impact que celui évalué dans l’étude préalable. On ignore comment le dispositif fonctionnera, à quel coût et, surtout, quel dispositif il viendra remplacer. Pour faire de la médiation, il y a déjà l’inspection du travail, les missions organisées par le conseil des prud’hommes, parfois même les élus locaux, le Premier ministre, voire le Président de la République !
Cela fait déjà pas mal de monde. Je ne crois pas que ce soit la peine de créer une instance de plus !
Mes collègues ont parfaitement raison, d’autant qu’il s’agit, je le rappelle, d’un texte relatif au dialogue social – et à l’emploi, d’ailleurs, mais c’est une autre histoire –, ce qui suppose, a priori, que les partenaires sociaux se soient mis d’accord sur son contenu. Or, dans le cas d’espèce, ils ne sont pas d’accord : les chefs d’entreprise sont contre. On ne pouvait s’y attendre, puisque la disposition ne figurait pas dans le texte initial, mais vous allez ajouter encore à la complexité en associant les commissions à la gestion des conflits individuels et collectifs. Comme l’a indiqué M. Vercamer, le sujet relève déjà des prud’hommes, de l’inspection du travail, du Président de la République, etc.
Bref, évitez de parler de dialogue social à ce sujet, puisqu’au moins une des parties n’est pas d’accord.
Si l’étude d’impact devient une bible, à quoi servons-nous, monsieur Vercamer ?
Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Que devient le droit d’amendement ? Vous savez fort bien que c’est moi qui ai introduit cette disposition en première lecture et que, par conséquent, l’étude d’impact était déjà réalisée. Votre raisonnement rendrait impossible le moindre amendement puisque, par définition, un amendement modifie le texte en discussion.
En outre, monsieur Tardy, si le dialogue direct empêchait les conflits au sein d’une entreprise, cela se saurait (« Eh oui ! sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), notamment dans les petites entreprises, où l’on sait que, en raison du lien de proximité et de subordination bien plus fort que dans d’autres entreprises, les conflits prennent souvent des proportions si importantes qu’on en arrive devant les prud’hommes.
Comme nous l’avons déjà dit, le propos n’est pas de revenir là-dessus. Nous ne donnons pas aux commissions paritaires la prérogative de résoudre les conflits, mais de faire de la médiation à partir d’un appel qui pourrait être fait par les deux parties prenantes. Mais je ne veux pas prolonger un débat que nous avons déjà eu, je rends donc un avis défavorable.
Même avis.
Sourires.
Nous ne faisons qu’ouvrir une possibilité, mon cher collègue, nous n’imposons rien. N’allez pas nous reprocher ensuite de tout judiciariser, puisque la conciliation aurait lieu avant la saisine du conseil des prud’hommes ! Pour que ce dernier puisse lui-même concilier, il faut qu’il soit saisi, donc qu’il y ait un litige formalisé, un contentieux.
Je le répète, nous donnons une possibilité qui n’est pas une obligation et qui est soumise à l’accord des parties. On ne peut imaginer dispositif plus souple. Nous créons un outil, libre aux parties de l’utiliser ou non. Il y a là un vrai progrès et votre opposition est purement idéologique.
Je comprends bien que vous souhaitiez faire jouer aux commissions paritaires ce rôle de médiation, monsieur le rapporteur, mais les procédures de médiation existent déjà.
Mais si la première négociation que vous proposez échoue, on engagera une nouvelle négociation devant les prud’hommes. On ne fait qu’alourdir le système. Cette disposition ne sert strictement à rien, sinon à compliquer les choses !
Comme l’a dit le rapporteur, la façon dont nous définissons le rôle des organes que nous créons est un véritable enjeu. La commission paritaire régionale interprofessionnelle a pour vocation de permettre aux différentes parties – employeurs et salariés des très petites entreprises – de se retrouver dans une instance qui n’existait pas jusqu’à présent et de discuter entre elles. Elles échangeront notamment différentes informations propres aux TPE, par exemple en matière de formation professionnelle et d’accompagnement, mais elles auront aussi pour rôle de désamorcer le plus tôt possible les conflits potentiels avant qu’ils ne soient portés devant les juridictions. Car, si les prud’hommes mènent en effet des médiations, cela se passe dans le cadre de la saisine de ces juridictions, une saisine déjà lourde de conséquences dans un conflit opposant le salarié et son employeur. Or la discussion permet souvent de dissiper les malentendus qui peuvent s’être installés entre les uns et les autres et de régler le problème avant que l’on n’aille s’affronter devant la justice.
Bref, le principal rôle que nous donnons à cette nouvelle instance est de s’employer à régler les problèmes en amont. Vous savez bien qu’une grande partie des saisines des prud’hommes par les salariés concerne les TPE. Comme quoi le dialogue n’y est pas toujours évident, et c’est une bonne chose que des tiers favorisent ce dialogue qui figure dans le titre même du projet de loi.
Quittez le pays des Bisounours et allez faire un tour dans les entreprises de moins de onze salariés, mon cher collègue ! Je vous rappelle que nous sommes dans une période de crise économique. Je peux vous dire que dès qu’il y a un litige, le salarié a tout intérêt à aller devant les prud’hommes, où il gagne neuf fois sur dix.
Et il gagne non pas sur le fond mais sur la forme, parce que le chef d’entreprise aura oublié une virgule, n’aura pas rédigé une lettre comme il le fallait, aura manqué une date limite…
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Neuf fois sur dix, donc, le chef d’entreprise perd, et cela met en danger de nombreuses TPE en France. Franchement, vous êtes bien naïf de croire qu’un salarié qui a un litige avec son chef d’entreprise prendra le temps de consulter cette instance, pour autant qu’il sache qu’elle existe. Si l’on n’en est qu’au stade que vous dites, le différend peut encore se discuter autour de la machine à café.
Au stade suivant, le salarié ne s’embêtera pas : il saisira les prud’hommes, sachant que la procédure engagée prévoit de toute façon une conciliation et que, en cas d’échec, il a toutes les chances de gagner. La réalité, c’est cela ! Quant à toutes ces dispositions, elles font rigoler !
Nous n’allons tout de même pas créer une instance de plus pour interpréter un code du travail dont je rappelle, monsieur le ministre, qu’il est le plus compliqué du monde ! Avec plus de 5 000 articles, personne n’y comprend plus rien. Le droit du travail français est un repoussoir international.
Comment expliquez-vous tous les investissements étrangers dans notre pays ?
La parole est à M. Tian et à lui seul. Si vous voulez vous exprimer, demander la parole à votre tour !
Vous savez parfaitement qu’il faut à un salarié entre deux et trois ans pour obtenir une décision des prud’hommes. On ne simplifiera donc pas les choses, monsieur Cavard. Peut-être certains salariés se tourneront-ils vers cette nouvelle instance, mais ce sera par désespoir, parce que les prud’hommes sont infoutus de leur rendre justice le cas échéant. Qu’est-ce qu’une justice qui rend ses décisions deux ou trois ans après avoir été saisie ?
Nul doute que la discussion autour de la machine à café est plus efficace !
Les auteurs des amendements caricaturent totalement le droit du travail et les relations entre employeurs et salariés dans les petites entreprises. Ce que nous proposons, c’est la possibilité d’une conciliation en amont, avant une judiciarisation. Ce n’est pas parce que l’on est dans une petite entreprise et qu’il existe une proximité avec l’employeur que tout se règle. Le dispositif vise à offrir un cadre apaisé qui évite d’aller aux prud’hommes.
Par ailleurs, je serais bien étonnée que les 577 députés employeurs que nous sommes aient tous un code du travail – hormis peut-être Denys Robiliard – et qu’ils aient tous mis le nez dedans !
Avant d’en arriver aux prud’hommes, on peut déjà, lorsque l’on rencontre une difficulté dans une petite entreprise, se tourner vers les organisations syndicales.
Celles-ci existent et c’est leur travail. Elles ont des services qui donnent des conseils et disposent de personnes capables d’accompagner les salariés et d’essayer de dénouer la difficulté. Je ne vois pas ce que les commissions paritaires apporteront de plus.
Les organisations syndicales sont plus connues. On ira les voir en fonction de ce qu’on a entendu dire quant à leur efficacité à défendre l’intérêt des salariés.
La création de ces commissions me semble remettre en cause la mission première des organisations syndicales de salariés, celle qui est dans leur ADN et qui consiste à défendre, à informer, à orienter, à aider. Bref, je ne comprends toujours pas à quoi servira ce dispositif.
Un chiffre pour illustrer l’opportunité de cette mesure : aujourd’hui, quand on saisit les conseils des prud’hommes, le contrat de travail est rompu dans 98 % des cas. En d’autres termes, on attaque son ancien employeur. Cette situation justifie à elle seule la conciliation proposée.
Ce n’est sans doute pas politiquement correct mais je le redis : le rôle de ces commissions ne doit pas être de faire des propositions en matière d’activités sociales et culturelles. Avec toutes les attributions que vous avez déjà ajoutées par rapport au texte initial, il y faudra plus qu’un temps plein, alors qu’il s’agit de commissions interprofessionnelles censées se réunir cinq heures une fois par mois. On dépassera les 35 heures !
Les commissions auront sans doute bien d’autres priorités à gérer en matière de dialogue social. On en vient à se demander si, à force d’ajouter des missions, vous ne craignez pas vous-même qu’elles ne se trouvent désoeuvrées, monsieur le rapporteur, et que leur création ne soit superflue, ce dont je reste pour ma part convaincu.
L’alinéa 31 est tout de même intéressant : il prévoit que les commissions proposent des activités sociales et culturelles aux petites entreprises, comme si celles-ci étaient des déserts culturels ! On devrait donc les éclairer, leur suggérer des « sorties théâtre », ou la pratique du chant, ce qui leur aura certainement échappé puisqu’elles sont des petites entreprises… Tout cela a un côté assez déplaisant, tant pour les salariés que pour les chefs d’entreprise. Peut-être y a-t-il d’autres priorités que d’organiser des réunions régionales dans ce but, monsieur le ministre !
Mieux vaut être sourd que d’entendre ça, comme on dit chez moi ! En quoi y aurait-il obligation de mettre en place des activités sociales et culturelles ? De peur que nous ne parlions, comme tout à l’heure, de tout autre chose que du contenu des amendements, je précise que ceux dont nous discutons tendent à supprimer, entre autres compétences des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, celle de « faire des propositions en matière d’activités sociales et culturelles ».
Du reste, des secteurs comme ceux de l’agriculture et de l’artisanat, qui disposent déjà de ces commissions, ont mis en place des structures telles que les COSCA – comités des oeuvres sociales et culturelles de l’artisanat –, qui permettent de regrouper les petits employeurs pour développer plus aisément les activités sociales et culturelles destinées à leurs salariés. Franchement, il faut vraiment avoir des arguments un peu particuliers pour trouver que ce n’est pas une bonne idée ! Avis défavorable, donc, aux amendements identiques.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 59 .
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 32 qui prévoit que les commissions paritaires régionales ont accès aux entreprises sur autorisation de l’employeur.
Quand bien même son autorisation est requise, mettez-vous à la place de l’employeur ! Saisie par un de ses salariés, la commission lui demande de donner accès à son entreprise. S’il refuse, le conflit commence – et c’est le début de la judiciarisation, monsieur Robiliard ; s’il accepte, il se retrouve désarmé. Sans rien connaître au droit du travail, comme tout chef d’une TPE, il fera face à des personnes qui lui raconteront des choses, et prendra peur. Ce n’est pas ainsi que l’on développe la confiance !
Vous me direz que l’employeur n’est pas obligé d’autoriser l’accès. C’est un peu se moquer du monde, car ce n’est pas ainsi que cela se passera dans la réalité !
Cet alinéa est la raison pour laquelle les organisations d’employeurs sont opposées à cet article, alors qu’auparavant, un certain nombre étaient pour.
Vous suggérez que, dans un texte sur le dialogue social, qui prévoit la représentation des salariés des TPE, le texte prévoie que ceux qui les représenteront ne peuvent pas entrer dans l’entreprise ! L’alinéa, tel qu’il est rédigé, prévoit que les membres de la commission peuvent, si l’employeur les y autorise, avoir accès à l’entreprise. D’un côté, le lieu privé qu’est l’entreprise est respecté et la sécurité garantie ; de l’autre, il n’est pas formellement interdit aux représentants du personnel d’entrer dans les entreprises – ce serait quand même fort de café ! Avis défavorable.
J’ai entendu des propos qui ont pour but de susciter l’inquiétude chez les employeurs : il a été dit que l’autorisation de l’employeur devait être motivée. Cela n’est pas écrit. Vous savez que nos interventions peuvent être éclairantes pour les interprétations qui seront faites de la loi : je répète donc que les membres de la commission ont, pour l’exercice de leurs fonctions, accès à l’entreprise sur autorisation – expresse, je l’ai dit et le répète – de l’employeur. Vous savez très bien que l’on n’entre pas dans une entreprise sans l’accord de l’employeur.
Il a été dit, au Sénat, que la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale et son rapporteur avaient demandé que le refus ou l’autorisation soient motivés. C’est faux, il n’en a jamais été question. L’employeur a la possibilité de refuser l’autorisation ou de la donner. Pourquoi agiter les peurs dans les petites entreprises en laissant penser que de méchants syndicalistes vont y entrer – pourquoi pas le couteau entre les dents ? Non, nous n’en sommes pas là !
Il s’agit, je le redis, d’une autorisation expresse, sans motivation. Je ne comprends pas pourquoi cette formulation, pourtant précise, vous heurte.
N’ayez pas peur !
Vous venez de démontrer, monsieur le ministre, que ces membres n’ont aucun rôle. Si le chef d’entreprise refuse, l’affaire s’arrête là. Pourquoi prévoir une disposition qui n’a aucun intérêt, puisqu’il n’y a pas de contrainte ? Mais il y aura une conséquence : aux prud’hommes, le chef d’entreprise sera déjà considéré comme coupable, puisqu’il aura interdit l’accès à son entreprise !
Nous nous situons dans le cadre d’une médiation. Sauf à ne pas vouloir entendre, vous avez compris que la médiation n’a lieu que si les deux parties en sont d’accord. S’il y a accord, cela signifie que le salarié et l’employeur considèrent qu’ils peuvent avoir recours à la commission. On peut donc penser que le chef d’entreprise ne lui interdira pas l’accès à son entreprise. S’il n’y a pas d’accord sur la médiation, la commission ne se déplacera pas – c’est le principe que nous avons retenu.
Il ne faut pas inverser la logique dans laquelle nous nous trouvons et forcer la réalité. Le texte est clair. Je confirme l’avis défavorable.
Cet alinéa ne s’applique pas seulement à la médiation. Les membres de la commission ont accès aux entreprises pour l’exercice de leurs fonctions, prévues aux quatre alinéas précédents : donner aux salariés et aux employeurs toutes informations ; apporter des informations, débattre et rendre tout avis utile sur les questions spécifiques aux entreprises de moins de onze salariés ; faciliter la résolution de conflits ; faire des propositions en matière d’activités sociales et culturelles.
Je suis d’accord avec M. Cherpion : quel est l’intérêt de préciser cela dans le texte ? Après tout, si la commission veut entrer dans l’entreprise pour donner des informations de nature sociale ou culturelle, elle peut tout bonnement le demander à l’employeur – je suis persuadé qu’il acceptera ! Je ne vois pas l’intérêt de le préciser dans la loi, sauf à créer un précédent dans toute procédure judiciaire ultérieure : le refus de l’employeur pourra faire naître le doute, et comme le doute profite toujours au salarié…
Le fait de refuser l’accès à l’entreprise sera-t-il acté ? Dans ce cas, la partie adverse pourra utiliser ce refus dans toute procédure. Là où chaque partie arrivait aux prud’hommes pour une conciliation avec ses propres données, l’une des deux disposera désormais d’un élément supplémentaire. Il pourra arguer que la conciliation a échoué car le dirigeant n’a pas donné suite à la demande de la commission. Y aura-t-il des documents, ou ce refus sera-t-il informel ?
C’est écrit dans le texte : pour qu’il y ait médiation, il faut que les deux parties en soient d’accord. C’est le principe même de la médiation que nous avons intégré. S’il n’y a pas accord, je ne vois pas pourquoi les représentants de la commission se rendraient dans l’entreprise. Il n’y a pas à acter quoique ce soit ! Par ailleurs, comme l’a rappelé M. le ministre, le refus n’a pas à être motivé, c’est un point fondamental. Encore une fois, il s’agit d’un rôle de médiation, sur la base du volontariat et de l’accord des deux parties.
Si vous pensez que tout cela ne sert à rien, pourquoi vous offusquer de cet alinéa ?
Il est important de garantir la possibilité d’une médiation, si les deux parties en sont d’accord. Cela n’a rien à voir avec les procédures juridictionnelles. Ensuite, l’accès à l’entreprise est laissé à la libre décision de l’employeur. Les choses sont assez simples et ne méritent pas des débats aussi enflammés ! Vous vouliez supprimer cet article : pourquoi vous battre sur chacun de ses alinéas ?
Pour ma part, je n’ai pas voulu supprimer cet article. Et c’est ce qui me fait être contre cet alinéa !
Nous allons avoir des difficultés, monsieur le ministre. À la limite, je vous crois de bonne foi sur ce texte, tel qu’il est aujourd’hui. Tout est parfait au pays où tout va bien ! Mais dans un an, vous ferez ce que vous allez faire tout à l’heure sur la représentation des salariés dans les conseils d’administration – l’encre est à peine sèche que vous commencez à modifier les choses ! – : vous ferez inscrire que l’accès à l’entreprise est obligatoire. C’est ainsi que cela se terminera, et c’est grave !
L’amendement no 59 n’est pas adopté.
À mes yeux, cette disposition constitue le plus lourd dérapage de ce texte. Je rappelle que le texte initial prévoyait explicitement que les membres de la commission n’auraient pas, pour l’exercice de leurs fonctions, accès aux locaux des entreprises. Suite à un revirement complet en première lecture, il est désormais prévu que les membres de la commission auront accès à l’entreprise, sur autorisation de l’employeur.
Je le dis, même si vous n’aimez pas ce terme : c’est de l’ingérence. On vient encore et toujours déranger les chefs d’entreprise en faisant peser sur eux de nouvelles contraintes. Je pensais pourtant que le Gouvernement avait compris la nécessité de la simplification ! Encore une fois, ce n’est pas le rôle de ces commissions paritaires, dont les membres ne sont ni juges ni inspecteurs du travail. Que feront-ils exactement dans l’entreprise ?
L’autorisation de l’employeur est un filtre insuffisant. L’employeur peut être sous pression, ou peu informé des règles : tout ce qu’il fera sera acté, utilisable a posteriori.
Et quand bien même les membres d’une commission hors sol pénétreraient dans l’entreprise, qu’y feraient-ils ? Nous n’avons toujours pas la réponse. Du dialogue social, certes, mais il faut que cela débouche sur quelque chose ! Quel sera l’intérêt de ces visites, dans le strict exercice des missions qui sont confiées aux membres de ces commissions ? Je demande la suppression de cette possibilité d’ingérence extérieure.
Que feront les membres de la commission dans l’entreprise ? Tout le monde le sait ! Le taux de syndicalisation est très faible, la majorité des salariés ne se reconnaissant pas dans une organisation syndicale. Ils n’ont pas envie d’adhérer à un syndicat, car ils estiment que le syndicalisme français ne leur correspond pas et ils veulent rester libres.
Pourquoi les chefs d’entreprise sont-ils vent debout cette disposition ? Vous le savez parfaitement, monsieur le ministre. Parce que ce sera l’occasion, pour des syndicats qui ne parviennent pas à recruter, de se rendre dans des entreprises, à des fins de propagande et de promotion de leurs idées.
Un jour, ce sera la CGT, le lendemain, la CFDT, le surlendemain, FO – chacun viendra à tour de rôle faire sa campagne électorale. Ce n’est pas moi qui le dis : ce sont les petits patrons, qui nous confient qu’ils n’ont pas envie de cela chez eux. Si les salariés ne veulent pas adhérer à un syndicat, c’est leur droit. Ne parlez pas de dialogue social, dans la mesure où c’est vous qui imposez aux TPE cette syndicalisation, cette propagande, dont elles ne veulent pas.
Même avis.
J’ai le sentiment que l’on dit aux salariés des TPE qu’ils auront un nouveau droit, celui d’être représentés, conseillés, accompagnés, mais qu’il s’agit en fait d’un non-droit, puisque l’accord des deux parties est requis, aussi bien pour la médiation que pour l’accès à l’entreprise. C’est un faux droit, et vous l’annoncez comme tel. Je ne suis pas loin de rejoindre l’analyse de mon collègue Tian et je me demande ce qui se cache derrière la création de ces commissions paritaires.
J’ai une autre question : où ces commissions se réuniront-elles ? Je me disais que, plutôt que de recevoir les membres de la commission dans son entreprise pour la médiation, le chef d’entreprise pourrait aussi bien se déplacer lui-même…
… mais où ? Où se réuniront ces commissions de vingt personnes ? Qui les accueillera ? Qui paiera le loyer ? Je vois bien que ces questions vous font sourire, mais ce sont des questions aussi concrètes que celles-là que les chefs d’entreprise se posent, sur le terrain !
À toujours voter des lois hors sol, on a vraiment l’impression de ne pas être utiles et de faire un travail totalement inefficace !
Sur un tel sujet, évitons les caricatures. Monsieur Tian, lisez le texte ! Il y est bien précisé que sont représentés, dans les commissions paritaires régionales, les salariés et les employeurs des toutes petites entreprises. Vous en êtes resté à une lecture idéologique, croyant voir arriver dans les entreprises une armée de CGTistes, de CFDTistes ou de je-ne-sais-quoi encore… Non, les membres de ces commissions seront des salariés comme les autres de toutes petites entreprises, qui ont choisi d’être élus et participeront, au même titre que les autres, à la discussion.
Par ailleurs, j’ai moi-même vécu cette situation en tant qu’employeur. Je le dis à M. Tardy car les employeurs ont toujours tendance à estimer que, eux, savent de quoi ils parlent… Lorsque des conflits éclatent dans de toutes petites structures, comme les structures associatives de droit privé, le dialogue peut être difficile. Que des gens arrivent de l’extérieur peut être bénéfique – salariés ou employeurs. Vous, vous ne pensez qu’à l’arrivée de représentants des salariés, mais des employeurs viendront aussi, qui parleront à leur homologue sans être soumis à la même tension, car ils ne seront pas directement concernés par le conflit. Leur seul souci sera de rechercher un compromis.
Ils parleront à leurs pairs, en quelque sorte, entre employeurs de petites entreprises. De ce dialogue sortira peut-être un compromis, comme on a pu en connaître au sein des entreprises. Un employeur peut trouver les mots pour faire comprendre à son homologue confronté au conflit qu’il vaut mieux trouver une solution de compromis plutôt que camper sur ses positions et se retrouver pris dans une procédure juridictionnelle. Et cela fonctionne parce que, entre eux, ils s’écoutent.
Il n’est pas toujours évident de faire naître ce type de dialogue au sein de l’entreprise. On ne va pas toujours pousser la porte de la CGPME, de l’UPA ou de je-ne-sais-qui, quand on est dans son entreprise au quotidien. Quand des gens viennent vous aider, avec parmi eux des chefs d’entreprise de petite taille comme vous, on écoute et on essaie de trouver un compromis.
Vous décrivez parfaitement le rôle de la commission de conciliation des prud’hommes, où siègent, de la même façon, des représentants des entreprises et des représentants des salariés ! Le chef d’entreprise qui y siège essaiera d’expliquer, le cas échéant, au chef d’entreprise qui se trouve en face de lui quelles seront les conséquences si un accord n’est pas trouvé, ce qui se passera ensuite… Le principe est exactement le même, sauf que ce sont des gens un peu plus professionnels qui y siègent, parce qu’ils ont davantage d’expérience et qu’ils exercent cette mission à temps plein. Ils peuvent donc sans doute contribuer bien davantage à la résolution d’un conflit que cette commission régionale.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 197 .
Ce débat montre à quel point nos collègues de droite redoutent la représentation des salariés dans les entreprises, ce qui est fort regrettable car c’est un droit pour les salariés, dans les petites comme dans les grandes entreprises. La création des commissions paritaires régionales représente une avancée de leurs droits. Vous vous dressez contre, ce qui n’est pas une surprise.
Cependant, je voudrais dire au ministre, au rapporteur ainsi qu’à nos collègues de la majorité qu’en restant au milieu du gué, ils alimentent les arguments de la droite.
La création de ces commissions paritaires régionales est un indiscutable pas en avant, dont je me félicite. Nous considérons même que leurs prérogatives sont trop limitées, mais vous avez accepté de les améliorer en y ajoutant la médiation.
C’est donc un pas en avant indiscutable, mais en soumettant l’entrée de ces représentants des salariés dans l’entreprise à l’accord du chef d’entreprise, vous empêchez la médiation, que vous avez vous-mêmes décidée, de s’exercer.
Parce que vous restez au milieu du gué, vous donnez des arguments à la droite. M. Cherpion affirme lui-même que le dispositif ne présente aucun intérêt si l’on ne peut pas contraindre un chef d’entreprise à autoriser l’accès !
Il faut aller jusqu’au bout de la démarche. Ces commissions existent. Les salariés sont représentés, ainsi que les employeurs. Ces représentants doivent impérativement pouvoir pénétrer dans l’entreprise lorsque c’est nécessaire. Je l’ai dit en première lecture : ce sont des hommes et des femmes civilisés et responsables. Ils n’entrent pas à coups de pied dans la porte, ils sont là pour aider à régler un conflit sur lequel ils ont été alertés.
Le chef d’entreprise exige que chacun se comporte normalement dans son entreprise, ce qui est légitime, mais empêcher les représentants des salariés d’entrer dans l’entreprise revient à annihiler la démarche que promeut le Gouvernement.
Mon amendement tend par conséquent à ce que les représentants des salariés puissent entrer dans l’entreprise. Ce droit existe déjà pour d’autres représentants du personnel extérieurs à l’entreprise, comme le conseiller du salarié qui peut venir l’assister dans un entretien préalable au licenciement. Cette proposition n’est pas révolutionnaire. C’est un droit légitime.
Madame Fraysse, il n’y a aucune entreprise où l’on peut entrer sans autorisation. Aucune. La confusion naît des délégués du personnel qui sont élus dans certaines entreprises et qui y sont salariés. Si l’on adoptait votre amendement, on devrait traiter à part les entreprises de moins de onze salariés, considérant qu’une personne extérieure à l’entreprise peut y entrer sans aucune autorisation. C’est cela, votre proposition.
Non ! Cela se produit dans le cadre de procédures qui sont encadrées. Vous proposez, vous, qu’un représentant des commissions paritaires puisse entrer dans l’entreprise sans aucune autorisation. Ce n’est pas possible car cela ne se pratique nulle part. Avis défavorable.
Même avis.
Voilà l’illustration de ce que j’ai expliqué tout à l’heure au ministre : à un moment ou un autre, l’amendement de Mme Fraysse finira par être en vigueur et cette possibilité d’entrer dans les entreprises existera ! Je serais curieux, monsieur le ministre, de connaître ce qu’a été votre cheminement intellectuel entre le moment où vous avez écrit votre projet de loi, dans lequel il n’était pas question d’entrer dans l’entreprise, et aujourd’hui où vous laissez cette possibilité générale d’accès à l’entreprise.
Par ailleurs, je rappelle à M. Sirugue que lorsque l’URSSAF ou les impôts viennent dans l’entreprise, ils ne demandent pas forcément l’autorisation au chef d’entreprise.
L’amendement no 197 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 198 .
Cet amendement répond à une préoccupation liée au fait que la commission paritaire interprofessionnelle sera implantée au niveau régional. Par conséquent, le périmètre couvert par cette instance sera très important et la plupart des salariés en seront géographiquement éloignés. De surcroît, elle se réunira ponctuellement, aussi rien n’indique qu’elle sera dotée d’un secrétariat ou d’un local.
Il risque donc d’être très compliqué, voire impossible pour le salarié de se déplacer, d’aller à la rencontre de ses représentants. Et le droit d’entrée vient d’être écarté.
Par conséquent, cet amendement tend à ce que les noms, professions, appartenances syndicales éventuelles et numéros de téléphone des membres salariés des commissions paritaires régionales interprofessionnelles soient affichés dans les locaux de l’entreprise de manière à ce que les salariés puissent les contacter s’ils le jugent utile.
Cet amendement est déjà satisfait par le texte, à l’alinéa 48, qui prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent titre, notamment les modalités de la publicité relative à la composition de la commission, les noms, professions et appartenances syndicales éventuelles de ses membres. Je vous invite à retirer votre amendement.
Même avis.
M. le rapporteur renvoie la question à un décret en Conseil d’État. Moi, je propose que la loi impose l’affichage de ces données. C’est plus précis.
Monsieur le rapporteur, le décret précisera le nom, la profession et l’appartenance syndicale, mais qu’en est-il du numéro de téléphone ? Ce qui me ramène à ma première question : où les commissions se réuniront-elles ? J’imagine qu’elles disposeront d’un lieu, et au moins d’un numéro de téléphone !
Et cette commission, on en connaît certes la composition, mais sera-t-elle présidée ? Ces questions peuvent vous sembler des détails mais le fait que vous ne soyez pas capables d’y répondre montre que les contours de cette nouvelle structure ne sont pas bien définis. Je comprends que Mme Fraysse s’interroge.
La moindre des choses, si l’on crée une commission, est d’informer les salariés de la manière dont ils pourront en contacter les membres. Si vous ne pouvez pas répondre, c’est que votre dispositif n’est pas du tout abouti.
Je vous ai déjà répondu en première lecture, madame Le Callennec. C’est à se demander pourquoi d’ailleurs, puisque vous faites toujours comme si vous n’aviez pas eu de réponse. Faites confiance aux commissions pour définir par elles-mêmes des numéros de téléphone ou des lieux de réunion. Franchement, c’est grotesque de vouloir inscrire cela dans la loi, c’est même hallucinant !
Les commissions sont assez grandes pour décider comment elles fonctionneront et dans quel lieu elles se réuniront. Voudront-elles se réunir toujours dans le même lieu ou, parce que la région est grande, pouvoir la sillonner ? C’est à elles de le dire. Autrement, pourquoi ne pas dire également dans la loi, tant que nous y sommes, si elles doivent être convoquées par mail ou par lettre officielle ?
Restons raisonnables ! Nous avons déjà eu ce débat en première lecture, n’y revenons pas. Ne dites pas que vous n’avez pas eu de réponse, c’est vous qui ne voulez pas les entendre. Nous n’inscrirons pas dans la loi ce qui relève du libre fonctionnement des commissions.
Vous devriez être prudent, monsieur le rapporteur. Votre majorité a été capable de faire voter un dispositif sur la pénibilité qui est totalement inapplicable, tellement inapplicable que vous avez vous-mêmes renoncé à le faire appliquer.
Quelques mois plus tard, vous vous apprêtez à refaire la même erreur : vous refusez de vous préoccuper des détails, vous vous offusquez de ce que Mme Le Callennec se mêle des problèmes de locaux ou de présidence… Mais ce fut pareil pour la pénibilité ! Rappelez-vous les débats autour de la climatisation dans les bus scolaires ! Vous vous êtes contredit et ridiculisé, et nous avons voté une loi inapplicable. Ce sera la même chose avec ce texte.
Vous refusez d’entrer dans les détails, vous survolez la question, vous regardez tout cela de haut. Nous, nous essayons de faire le boulot. Veuillez nous pardonner d’essayer de vous aider ! Si cette commission doit exister, dites-nous donc qui préside, où elle se réunit et comment on s’y rend !
De même, nous allons dans un instant parler de « circonstances exceptionnelles » : rien n’explique ce que c’est ! Manifestement, les détails vous embêtent, monsieur le rapporteur, mais je suis au regret de vous rappeler que le diable se cache dans les détails.
Quant à moi, je ne demande pas que ces informations soient inscrites dans la loi, mais dans le cadre du débat en séance, j’ose espérer que vous avez réfléchi à tout cela. On dit souvent que nous votons trop de lois en France. L’idéal, si tant est qu’elles soient bonnes, serait plutôt de prendre les décrets d’application immédiatement après leur adoption ! Je vous rappelle qu’une fois votée, la présente loi devra faire l’objet de 55 décrets.
Vous avez beau estimer que mes questions ne sont pas pertinentes, mon collègue vient de vous rappeler l’épisode du compte pénibilité, qui n’est toujours pas achevé. Nous pourrions aussi rappeler celui du compte personnel de formation, qui se met doucement en place. Pourquoi tout cela prend-il du temps ? Pourquoi la mise en place de ces dispositifs dans les régions est-elle difficile ? Je pourrais aussi citer l’exemple de l’installation dans les régions des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, les CREFOP. Nous votons des lois en faisant croire aux Français qu’elles s’appliqueront dès le lendemain matin, mais en réalité, il n’en est rien !
J’observe que si vous n’êtes pas capable de répondre à ces questions concrètes et précises, cela signifie bien que ces commissions paritaires régionales, qui ont été conçues avec les arrière-pensées que l’on sait – et nous aurons le même débat concernant le compte personnel de formation – ne seront en aucun cas opérationnelles. Elles figurent pourtant à l’article 1er de la loi sur le dialogue social et l’emploi ! Elles auraient pu être introduites plus loin dans le corps du texte, mais non : elles figurent à l’article 1er, comme si elles en constituaient le point principal !
Vous nous aviez d’ailleurs prévenus en commission mixte paritaire que sur cet article, dont nous souhaitions la suppression, nous ne pourrions pas nous entendre : la guerre était déclarée. C’est incroyable ! Ces commissions paritaires n’ont pas été pensées, on ignore même qui les pilotera.
Encore une fois, je suis navrée que vous ne puissiez pas répondre à ces questions. Peut-être M. le ministre a-t-il la réponse, puisque c’est lui qui signe les décrets ?
Que ces commission suscitent tant d’incompréhension parmi vous est tout de même étonnant : elles figurent dans l’accord, sur proposition des organisations patronales !
Ce n’est pas leur présence qui a fait échouer les négociations, mais une autre raison tenant aux organisations patronales elles-mêmes. Les commissions étaient donc mises en débat et auraient même pu être validées.
Il convient dès lors de poursuivre le travail et d’améliorer le dispositif.
Vous posez la question du lieu de réunion, mais les salariés de l’artisanat et du monde agricole ne sont pourtant pas hors-sol ! Ils ont su trouver une salle de réunion et envoyer des convocations ! Nous n’allons pas inscrire de telles précisions dans la loi, vous en conviendrez. Laissons-les faire : les employeurs et les salariés sont des gens responsables et accompagnés de surcroît par les chambres consulaires, chacun le sait.
Quant à la pénibilité, monsieur Tian, en réalité nous n’avons commis qu’une seule erreur : celle de reprendre votre texte.
L’amendement no 198 n’est pas adopté.
Nous déplorons, de ce côté-ci de l’Assemblée, de ne toujours pas savoir ce que sont ces « circonstances exceptionnelles » qui permettraient aux membres des commissions paritaires de siéger plus de cinq heures par mois. Les salariés et l’employeur qui doivent y siéger devront s’absenter de l’entreprise, comme on l’a dit et répété, et l’absence d’un seul membre dans de si petites structures peut s’avérer très pénalisante. Il serait donc bon de savoir à quoi les salariés amenés à siéger dans ces instances s’engagent vis-à-vis de leur employeur. Cela vaut particulièrement pour les entreprises d’un ou deux salariés car, je le répète, les deux tiers des très petites entreprises ont moins de cinq salariés.
La loi va pourtant obliger les représentants, salariés comme employeurs, à se rendre disponibles. Cinq heures par mois, cela me paraît raisonnable, à condition de ne pas sortir du cadre. Or, vous avez attribué à ces commissions de nombreuses autres fonctions qui laissent croire qu’on y siégera presque à temps plein ! Je rappelle qu’au-delà des moyens matériels, nous ne disposons d’aucune étude d’impact et n’avons aucune idée du coût que représenteront ces commissions.
Quoi qu’il en soit, la notion de « circonstances exceptionnelles » permet d’allonger cette durée de cinq heures. Là encore, nous n’avons aucune précision. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des exemples de circonstances exceptionnelles ? Faute de précision, chers collègues, il serait plus prudent de supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement identique no 107 .
Par principe, les circonstances exceptionnelles ne sauraient être définies.
Rires sur les bancs du groupe Les Républicains
Même avis.
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement no 176 .
Cet amendement vise à prendre en compte le temps de trajet, qui n’est pas imputé sur le crédit d’heures.
L’amendement no 176 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement no 172 .
Cet amendement vise à supprimer le délai de prévenance pour les heures de droit commun.
L’amendement no 87 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement vise à clarifier le fait que les employeurs qui siègent en commission sont eux aussi indemnisés par le fonds de financement du dialogue social. La précision est nécessaire, car elle garantit la possibilité pour tous d’exercer leurs fonctions dans de bonnes conditions.
Si les représentants des salariés sont indemnisés, il n’y a aucune raison pour que les représentants des employeurs ne le soient pas. Avis favorable.
L’amendement no 269 est adopté.
Cet amendement très important vise à clarifier les conditions dans lesquelles le maintien du salaire des membres salariés des commissions est assuré par le fonds paritaire. L’employeur est intégralement remboursé par l’organisation syndicale qui désigne le salarié, sur la base des crédits du fonds. Dans le cas où il ne serait pas remboursé, il pourrait procéder à une retenue sur salaire du salarié concerné.
C’est un système équilibré de subrogation qui permettra tout à la fois aux membres des commissions d’exercer convenablement leur mission et, surtout, qui garantira aux employeurs que toutes les dépenses avancées leur seront remboursées dans les délais voulus.
Avis favorable. Si l’on veut que ces commissions fonctionnent, il est important que ce remboursement soit garanti, afin que l’employeur puisse « vivre » correctement ces instances de représentation.
J’appelle simplement l’attention du Gouvernement sur l’éventualité d’un prélèvement sur le salaire de l’employé en cas de défaut de paiement. On peut certes imaginer que les organisations syndicales ayant désigné des salariés ne se mettront pas dans une telle situation de défaut, mais il nous faut demeurer vigilants sur ce point, monsieur le ministre, afin d’éviter que les salariés ne soient pénalisés. Je n’imagine pas que cela puisse arriver, mais je tenais à préciser cette éventualité.
Qu’adviendra-t-il des salariés qui ne sont pas membres d’une organisation syndicale ? Vous parlez d’un remboursement au salarié par l’organisation syndicale qui l’a désigné, à partir des crédits qu’elle reçoit du fonds. Et d’ailleurs, à cet égard, monsieur le ministre, a-t-on mesuré l’impact sur les crédits du fonds de toutes les demandes qui seront formulées ? Quoi qu’il en soit, par qui les salariés qui seront membres des commissions tout en n’étant pas syndiqués seront-ils remboursés ?
Je m’interroge non pas tant sur le dispositif technique que prévoit cet amendement que sur le principe qui le fonde. Une fois élu ou désigné, un membre de la commission représente en effet l’ensemble des salariés. La prise en charge de sa rémunération ne devrait donc plus revenir à son organisation syndicale, puisqu’il intervient en tant que représentant des salariés.
À mon sens, le mécanisme prévu pour les employeurs devrait également s’appliquer aux salariés. Encore une fois, l’article 18 impose une logique de subrogation concernant le congé syndical pour la formation. Ici, au contraire, le membre syndiqué intervient comme représentant du personnel dans son ensemble, et non en qualité de syndiqué. Dès lors, le mécanisme devrait être différent, car le cas de figure n’est pas du tout celui de l’article 18.
J’espère que M. le ministre pourra répondre à mon interrogation. Il faut un autre mécanisme : ce qui est pris en charge ici, c’est le fonctionnement d’une instance paritaire représentative.
Je renvoie Mme Le Callennec et M. Robiliard à l’alinéa 14 de l’article : « Dix sièges sont attribués aux organisations syndicales de salariés dont la vocation statutaire revêt un caractère interprofessionnel, proportionnellement à leur audience dans la région auprès des salariés que la commission représente ». Il ne s’agit donc pas nécessairement de gens syndiqués, mais qui sont désignés par des organisations syndicales. C’est dans ce cadre que ce dispositif s’exercera. À mon sens, un bon équilibre a été trouvé.
J’ai pris le soin de faire en sorte que le texte prévoie expressément cette garantie. Très sincèrement, elle ne devrait pas jouer. Les responsables nationaux d’organisations syndicales avec qui j’en ai discuté ont convenu qu’ils ne pourraient guère refuser de payer pour des personnes qu’ils auraient missionnées afin de représenter les salariés !
Bien sûr !
Pourtant, l’impossible peut parfois se produire. C’est pourquoi je pose la question de l’éventualité où le dispositif pénaliserait in fine le salarié par un prélèvement sur son salaire. Néanmoins, en dépit de cette inquiétude, je confirme mon avis favorable à l’amendement.
Je comprends l’intérêt de cet amendement, qui se justifie, mais pourquoi serait-il nécessaire de prévoir un remboursement par le fonds au salarié ? Pourquoi ne pas se contenter d’indiquer que le montant de la rémunération du salarié membre d’une commission est remboursé à son employeur par l’organisation syndicale qui désigne ce salarié, et à défaut directement par le fonds, sur ses crédits ? Le remboursement ne posera alors aucune difficulté.
Cet amendement pose un problème juridique, monsieur le ministre. Prévoir qu’en cas de non-remboursement par l’organisation syndicale, l’employeur peut procéder à une retenue sur salaire du salarié, cela crée un lien de subordination tout à fait inacceptable entre l’organisation syndicale et son représentant, à qui il pourrait être ordonné de prendre telle ou telle position, faute de quoi le remboursement lui serait refusé ! Ce n’est pas à l’organisation syndicale de commander !
Imaginez que vous soyez membre de la CGT, puis que vous décidiez d’adhérer à la CFDT, ou de ne plus être syndiqué : l’organisation de départ décidera de ne plus vous rembourser ! Ce lien de subordination est inacceptable. Les salariés doivent être libres d’exercer pleinement et sereinement leur mandat.
Monsieur Cherpion, pourquoi les employeurs seraient-ils remboursés par le fonds alors que les salariés, eux, le seraient par les organisations syndicales ?
L’objectif est que tout le monde soit pris en charge par le fonds, mais nous proposons que ce soit par le biais des organisations syndicales. Je pense que ma réponse est suffisamment précise.
Ce n’est pas ce que j’ai dit ! C’est le fonds qui remboursera les organisations syndicales, qu’elles soient patronales ou salariales. En cas de défaut de paiement, de l’une ou de l’autre, c’est le fonds qui rembourse, c’est tout ! De toute façon, c’est de lui que viennent les crédits, pas de l’organisation. Il suffit d’ajouter qu’à défaut, le fonds rembourse directement et le problème est réglé.
L’amendement no 271 est adopté.
La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement no 227 .
Cet amendement renvoie au débat que nous avons eu tout à l’heure sur la façon de contacter la commission paritaire régionale, où aller, et même quel numéro composer… Pour que cette instance ne soit pas hors sol, cet amendement prévoit que le décret précise les modalités d’affichage et d’information auprès des salariés du fonctionnement des commissions paritaires régionales. En effet, je rejoins le rapporteur : ce n’est pas dans la loi qu’il faut donner ces détails ! Mais le décret doit préciser toutes les informations utiles à porter à la connaissance des salariés ou des employeurs afin qu’ils puissent bien connaître cette nouvelle avancée que constituent ces commissions que nous mettons en place.
Je comprends l’enjeu de cet amendement, mais, comme je l’ai dit à Mme Fraysse, le projet de loi prévoit qu’un décret précisera en détail les modalités de la publicité relative à la composition de la commission, aux noms de ses membres et à leur appartenance syndicale. Comme je vous l’ai indiqué en première lecture, je pense donc qu’il est satisfait. À défaut de retrait, avis défavorable.
Même avis.
Je pense que dans le décret figurera la liste des organisations syndicales qui seront compétentes pour désigner les salariés susceptibles de devenir membres de la commission !
Permettez-moi de revenir sur ce qui vient d’être dit : j’ai bien compris que le remboursement, pour les salariés, passait par les organisations syndicales. Comment se peut-il, dans ce cas, qu’il y ait un risque de non remboursement ? Si une organisation a désigné un salarié pour siéger dans la commission, comment pouvez-vous un seul instant imaginer, alors que vous venez de créer ces commissions et que vous encadrez leur mode de fonctionnement, qu’une organisation syndicale qui aura désigné un salarié puisse ne pas s’acquitter de ses obligations ?
Je suis entièrement d’accord avec vous : c’est seulement au cas où cela se produirait !
Monsieur le ministre, je suis prêt à retirer mon amendement. Mais puisque c’est vous qui rédigerez le décret, et non le rapporteur, je voudrais que vous vous engagiez, au nom du ministère que vous représentez, à ce que ce décret précise l’ensemble des éléments qui concernent le fonctionnement des commissions, et peut-être aussi les remboursements d’ailleurs. L’information doit être portée à la connaissance de tous les acteurs, au sein des entreprises, afin qu’ils maîtrisent parfaitement les modalités de fonctionnement des commissions paritaires. Je veux être sûr, monsieur le ministre, que tous ces éléments figureront dans le décret.
Je confirme à M. Cavard que le décret précisera le rôle des commissions, d’ailleurs nous avons intérêt à le faire connaître le plus largement possible. Votre amendement mentionne les modalités d’affichage. Ce que nous envisageons est beaucoup plus large. Il s’agit de faire à ces commissions la plus large publicité possible, afin aussi d’intéresser les salariés et les employeurs à y participer. Je prends ici l’engagement de préciser tous ces points dans le décret.
Bien sûr !
Par ailleurs, je partage le sentiment de Mme Le Callennec : le défaut de remboursement est un cas qui ne peut quasiment pas se produire, sauf pour une organisation de vouloir perdre ses propres mandataires ! Nous avons prévu ce cas exceptionnel d’une organisation syndicale qui ferait défaut, mais je n’y crois pas et je pars du principe que cela n’arrivera pas.
L’amendement no 227 est retiré.
Avis favorable.
Je me permets de réagir face à l’exposé sommaire des deux premiers de ces amendements : ils ont « pour objet de prendre en compte les nouvelles dispositions issues du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ». Je trouve cela assez sulfureux, sachant que ce projet de loi n’est pas encore adopté ! C’est la première fois qu’on voit ça, dans cet hémicycle : on fait référence à des articles issus d’un texte qui n’est pas encore promulgué ! Honnêtement, je trouve cela un peu limite, monsieur le rapporteur. C’est vraiment se moquer de la représentation nationale, c’est préjuger du vote de notre hémicycle. Je trouve cela inadmissible et, à mon avis, inconstitutionnel.
Je rappelle, comme le souffle un de nos collègues, qu’un exposé des motifs ne saurait être inconstitutionnel. Cela dit, un même article ne peut pas avoir deux numéros, et ce n’est pas la première fois que l’on procède ainsi. Il me semble que l’effet de manche auquel s’est livré M. Vercamer a fait pschitt…
Cet article alourdit le code du travail puisqu’il consiste en la demande d’un rapport ainsi que d’un plan d’action au Gouvernement. Or nous savons très bien que ces rapports sont rarement remis.
La situation des salariés de TPE non couverts par une convention ou un accord de branche est une vraie question, mais si le Gouvernement veut faire des propositions d’action, il ne tient qu’à lui de le faire. Un engagement du ministre sur un plan d’action est préférable à cet article qui ne changera rien dans les faits, sans oublier qu’il n’est pas d’ordre législatif. Il n’est donc pas nécessaire dans le texte. Je propose que le ministre prenne cet engagement et que nous supprimions cet article qui ne sert à rien.
Je remercie le Gouvernement d’avoir accepté mon amendement ! Il vient en effet de prévoir l’indemnisation pour les représentants salariés comme pour les représentants employeurs.
Sourires.
Sans commentaire, monsieur Tian…
Il me paraît important de disposer d’un rapport sur ces éléments. Il ne s’agit nullement d’un solde de tout compte, mais du fait que le Gouvernement travaille à une rationalisation des branches qui doit aboutir à une couverture universelle. Je ne vois pas l’intérêt d’une suppression de l’article 1er bis qui constitue plutôt, selon moi, une avancée intéressante. Avis défavorable.
En première lecture, je m’en étais remis à la sagesse de l’hémicycle, mais ce matin j’ai évoqué avec la Commission nationale de la négociation collective la question des accords de branche et des regroupements de branches. Le travail engagé par la CNNC pourrait faire l’objet d’un rapport qui permettrait d’éclairer la représentation nationale.
Je vais en rajouter une couche, car le ministre n’a pas l’air très convaincu par son propre exposé : cet article n’a pas sa place dans le code du travail puisqu’il ne fait que demander un rapport au Gouvernement ainsi qu’un plan d’action, ce à quoi le ministre peut s’engager sans que nous ayons besoin d’un tel article.
La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 1er quater.
L’article 4 a trait à l’évolution de la rémunération des représentants du personnel et cherche à leur éviter toute discrimination salariale. On peut certes partager ce but louable, mais les discussions sur cet article sont un bon exemple de ce que nos concitoyens nous reprochent, à savoir de trop légiférer, au nom de cette hystérie normative des temps modernes qui les exaspère.
Cet article est un carcan de plus que nous imposons aux entreprises en ne leur laissant pas la liberté de fixer la rémunération de certains de leurs salariés. Nous en sommes à détailler le pourcentage d’heures de délégation entrant en ligne de compte, à calculer la moyenne sur laquelle baser les rémunérations… Imaginez l’impression que donnent ces discussions aux chefs d’entreprise, qui croient y voir le peu de considération qu’on leur porte ! Prendre de pareilles mesures, rendre automatique l’évolution salariale des représentants du personnel, c’est avouer qu’on ne leur fait pas confiance.
Que les délégués bénéficient de protections, c’est normal. D’ailleurs, elles existent déjà. Mais qu’ils bénéficient d’augmentations automatiques, cela paraît incongru. Une augmentation se mérite. Elle doit être la reconnaissance du travail bien fait et non un droit acquis.
Là où l’on vous réclame de la souplesse, moins de contraintes, monsieur le ministre, vous imposez le contraire ; là où l’on vous demande d’alléger notre code du travail, vous l’alourdissez. Cet article est un exemple de plus de la déconnexion du Gouvernement du monde de l’entreprise, et un nouvel acte de défiance envers les entrepreneurs. Ce n’est pas ainsi que vous redresserez notre pays et que vous diminuerez le taux de chômage.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 199 .
La jurisprudence prévoit qu’un représentant syndical ne peut pas être payé moins, dans le cadre de son mandat, qu’il ne l’aurait été dans le cadre de son emploi salarié. Ce raisonnement doit évidemment s’appliquer à l’ensemble des représentants du personnel car si un représentant était moins rémunéré que les autres salariés du fait de son activité syndicale, cela constituerait une discrimination.
Ce projet de loi propose la création d’un mécanisme préventif afin que les représentants dont les heures de délégation atteignent 30 % de la durée du travail aient la garantie d’une augmentation au moins égale aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable.
Cette mesure décline concrètement l’obligation des employeurs de ne pas discriminer leurs représentants du personnel, ce qui est une très bonne chose. Elle est d’ailleurs proche de la garantie d’augmentation de salaire qui est appliquée à la suite de congés d’adoption ou de congés de maternité pour éviter toute discrimination du fait de la grossesse.
Dans ce contexte, on comprend mal que le texte limite l’application de ce mécanisme aux seuls représentants qui cumulent plus de quarante-cinq heures de mandat. En effet, le risque de discrimination touche tous les élus sans distinction. Ce n’est pas le nombre d’heures qui les pénalise, c’est leur activité de syndicaliste qui les expose à une potentielle discrimination.
Il s’agit donc par cet amendement de faire appliquer un droit, celui de ne pas être discriminé, qui est valable pour tous les représentants syndicaux.
L’objet de ce dispositif n’a rien à voir avec la lutte contre la discrimination, madame Fraysse. Il y a d’autres outils, que nous avons d’ailleurs intégrés, pour cela. Ce que nous poursuivons, c’est une mesure de justice à l’égard de celles et ceux qui, parce qu’ils exercent une activité syndicale, sont les plus éloignés de leur poste de travail. C’est cela que nous voulons corriger à travers l’article 4, en considérant que c’est à partir de ce seuil de 30 % qu’on s’éloigne de manière substantielle de son poste de travail.
La commission est donc défavorable à cet amendement, non pas sur le fond, puisque l’article mentionne les éléments relatifs aux différences salariales, auxquels nous reviendrons d’ailleurs au travers d’autres amendements, mais parce que nous traitons ici non de la lutte contre la discrimination, mais de la reconnaissance d’une justice pour ceux qui exercent ces fonctions syndicales.
Même position et même avis, madame la présidente.
Autrement dit, monsieur le rapporteur, les représentants des salariés qui exerceraient moins de 45 heures de mandat pourraient être moins bien payés, leurs salaires pourraient ne pas être alignés sur les augmentations générales et la moyenne des augmentations de celles et ceux qui n’exercent pas de mandat syndical. C’est là qu’est le problème ! Vous parlez de justice, mais la justice voudrait que tous les représentants syndicaux puissent être assurés qu’ils ne seront pas pénalisés dans leur salaire du fait de leur activité syndicale, quel que soit le temps qu’ils y consacrent. C’est un autre sujet.
C’est un sujet de fond. Un salarié qui consacre 10 % de son temps à son activité syndicale sera donc à 90 % de son temps sur son poste de travail. Ses relations avec le chef d’entreprise et la capacité d’évaluation de ce dernier sont donc relativement normales – sauf bien sûr à ce qu’il y ait discrimination, ce qui relève d’un autre dispositif. Nous parlons ici des représentants syndicaux dont le nombre d’heures de délégation dépasse 30 % de la durée du travail, ce qui correspond en gros, dans les faits, à un mi-temps. Or lorsqu’on est éloigné à mi-temps de son poste de travail, on risque un « décrochage », non pas sur le fondement d’une discrimination mais tout simplement, vous le verrez au travers d’amendements qui seront défendus dans quelques instants par nos collègues de l’opposition, du fait de l’éloignement du poste de travail. Ce décrochage pourrait priver les représentants des évolutions salariales offertes aux autres salariés. Encore une fois, il faut distinguer la discrimination, que nous traitons par ailleurs, et la situation d’éloignement du poste de travail, dont nous avons considéré qu’elle commençait à être substantielle à partir de 30 % d’heures de délégation, alors qu’en deçà elle n’est pas déterminante.
L’amendement no 199 n’est pas adopté.
Les garanties que j’ai évoquées sont en l’état réservées aux élus dont le nombre d’heures de délégation sur l’année dépasse 30 % de la durée de travail fixée dans leur contrat de travail. C’est trop large : il faut fixer ce seuil à un niveau où l’évolution du salarié peut effectivement devenir plus compliquée, ce qui appelle alors une correction par cette garantie. Je propose donc de la limiter aux cas où ces heures sont au moins égales à la moitié du temps de travail, soit 50 % et non 30 %.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement identique no 113 .
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement identique no 191 .
Reprenons le texte de l’alinéa 2 de l’article 4 : « En l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariés mentionnés aux 1° à 7° de l’article L. 2411-1 et aux articles L. 2142-1-1 et L. 2411-2 au moins aussi favorables que celles mentionnées au présent article… ». Vous nous parliez tout à l’heure d’égalité salariale, mais c’est bien d’une absence de discrimination qu’il s’agit, et non d’une égalité salariale. Relisez l’alinéa : la différence est notable.
Le seuil de 30 % ne nous paraît pas pertinent. En effet, l’article prévoit que ces salariés, lorsque le nombre d’heures de délégation dont ils disposent sur l’année dépasse 30 % de la durée de travail fixée dans leur contrat de travail ou, à défaut, de la durée applicable dans l’établissement, bénéficient d’une évolution de rémunération au moins égale à la moyenne des autres. S’il y a un accord de branche ou d’entreprise, la question ne se pose pas. Pourquoi donc, dans les autres entreprises, ne pas ouvrir seulement à partir de 50 % la possibilité de prendre en compte cette différence de salaire ?
La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement no 229 .
Dans le même esprit que Mme Fraysse, cet amendement vise à substituer au seuil de 30 % un seuil de 10 %. Je comprends la justification de ces 30 %, monsieur le rapporteur, mais force est de reconnaître qu’un certain nombre de salariés exerçant un mandat syndical, et notamment de femmes, comme l’a relevé Véronique Massonneau, pourraient être en dessous. Certes, il faut bien fixer un seuil, mais à 30 %, ne risque-t-on pas de décourager de potentiels candidats à la représentation des salariés ? Pour notre part, nous proposons 10 %. Un seuil se discute toujours, mais veillons à ce que le seuil fixé n’élimine pas trop de candidats potentiels.
Ces amendements ont été repoussés deux fois en première lecture. M’étant déjà longuement expliqué sur le sujet, je maintiens l’avis défavorable de la commission.
Je rejoins le rapporteur. Nous avons déjà eu longuement ce débat. Le rapporteur a précisé que 30 % de la durée de travail fixée dans le contrat de travail équivalait à peu près, compte tenu du temps de réunion, à un mi-temps. Il s’agit donc d’un mandat lourd – rien à voir avec une délégation de 10 %. Nous parlons ici de cas où l’on peut être pénalisé en termes d’évolution salariale, et où on l’est souvent, parce qu’on est moins présent à son poste de travail. Ce sont ces représentants que nous visons spécifiquement.
Passer à 50 %, c’est passer à un niveau encore supérieur. C’est pourquoi 30 %, qui correspond à un mi-temps, avec les temps de réunion, nous paraît constituer la bonne mesure – alors que 10 % nous paraît tout de même très bas, monsieur Cavard. J’ai bien entendu votre préoccupation concernant les femmes élues, mais nous avons déjà eu ce débat, cela complexifierait beaucoup la vie de l’entreprise. Bref, je vous propose moi aussi de nous en tenir à 30 %.
Il est fondé sur l’article 58 alinéa 1 du règlement, relatif à l’organisation de nos débats, madame la présidente. Permettez-moi de dire à M. le rapporteur que si nous sommes ici, c’est bien pour débattre d’un texte ; si nous sommes ici, c’est parce que celui-ci a été modifié ; et si nous sommes ici, c’est aussi parce que le Gouvernement a introduit un certain nombre d’amendements, comme il vient de le faire à l’instant, qui ont suscité une discussion tout à fait intéressante. Mais si nous ne pouvons pas en discuter, autant clore la séance, madame la présidente.
Le débat porte ici sur une partie du texte qui n’a pas été modifiée, monsieur Cherpion ; les amendements qui ont été défendus et l’argumentation que vous avez avancée étaient identiques à ceux de la première lecture. Voilà ce que je peux vous répondre !
C’est un peu court, monsieur le rapporteur. J’entendais ce matin à la radio qu’un député communiste voulait déposer un amendement proposant qu’on ne travaille pas en cas de canicule, mais que l’employeur paye quand même. C’est la preuve que le Gouvernement est ouvert et que la discussion peut avoir lieu… Notre groupe essaye d’aller vite, même si l’examen du texte est saucissonné – nous ne savons plus quand nous allons le reprendre, probablement dans la nuit de demain. Sans doute êtes-vous un peu énervé mais le débat est de bonne qualité et nous nous efforçons tout simplement de faire notre travail et d’améliorer le texte. Il en a bien besoin.
Si j’ai des amendements à défendre, monsieur Tian, je le ferai. Mais sauf erreur de ma part, il ne me semble pas avoir déposé d’amendement sur la canicule. Je suis quelque peu surprise de l’intérêt que vous portez aux amendements de notre groupe mais en tout cas, je vous invite à les voter plutôt qu’à les commenter !
Sourires
L’amendement no 229 n’est pas adopté.
Le mandat syndical doit être assorti de contreparties pour éviter toute discrimination. En revanche, il y a des abus et il ne faut pas nécessairement aller trop loin. Nous offrons ici à ces salariés des garanties en termes d’évolution de la rémunération. Pour ma part, je considère qu’on les surprotège. Or cela ne devrait pas être le but : il faut simplement qu’ils puissent exercer correctement leur mandat. En ce qui concerne l’évolution des rémunérations, l’employeur doit pouvoir fixer librement la part qui concerne la présence effective du salarié dans son entreprise, sans quoi nous allons vers la création de salariés au statut privilégié. Il faut distinguer la partie « temps dans l’entreprise » et la partie « mandat syndical », et ne prévoir de garanties salariales que pour cette dernière. La marge d’appréciation de l’employeur doit être préservée : c’est le sens de cet amendement.
Il s’agit là encore d’un débat que nous avons eu à plusieurs reprises. Sincèrement, monsieur Tardy, il ne me semble pas que nous soyons en présence d’un abus. La réalité, c’est que les représentants exerçant des responsabilités syndicales dans l’entreprise subissent malheureusement souvent à la fois des ralentissements dans leur parcours professionnel et des rémunérations plus faibles que les personnes relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable. Toutes les études le montrent. Le but n’est pas d’atténuer cette garantie, mais de reconnaître ces engagements syndicaux et de faire en sorte qu’ils ne soient préjudiciables ni à la rémunération du salarié, ni à son parcours professionnel. Il n’est donc pas question de faire une distinction entre le temps qu’il passe dans l’entreprise et celui où il exerce son mandat de représentant syndical. Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable sur les deux amendements.
Même avis.
Je ne suis pas du même avis que le rapporteur, mais cela ne vous étonnera pas. En cohérence avec l’amendement précédent, celui-ci propose que sur la partie de leur temps consacrée à l’activité de l’entreprise, l’évolution de la rémunération de ces salariés soit calculée sur la base d’objectifs appréciés à due proportion de ce temps, ce qui est logique.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement identique no 112 .
Même avis.
L’article 4 est adopté.
Même avis.
L’amendement no 90 n’est pas adopté.
L’amendement no 88 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 89 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 91 n’est pas adopté.
L’amendement no 137 est adopté.
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement no 138 .
Favorable.
L’amendement no 138 est adopté.
L’amendement no 92 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement no 165 .
Favorable.
L’article 5, amendé, est adopté.
Compte tenu de l’avancée rapide de l’examen des amendements, madame la présidente, je souhaite que l’examen de l’article 7 bis soit réservé, afin qu’il ne soit examiné qu’à la reprise de séance.
La réserve est de droit, monsieur le ministre. L’article 7 bis sera donc examiné à 21 heures 30.
Article 5
La parole est à M. Michel Liebgott, pour soutenir l’amendement no 245 .
Cet amendement a pour objet d’affirmer la parité dans les conseils de prud’hommes. Cette parité s’appréciera au niveau de chaque organisation syndicale.
Même avis.
L’amendement no 245 est adopté.
L’article 5 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement no 178 .
Il vise à préciser le principe de parité lorsque deux administrateurs représentent les salariés.
Favorable.
L’amendement no 178 est adopté.
L’article 7, amendé, est adopté.
Article 7
Je vous rappelle que l’examen de l’article 7 bis est réservé.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 200 tendant à la suppression de l’article 7 ter.
Ce nouvel article impose, sauf accord collectif contraire, aux personnels navigants exerçant une fonction syndicale de regrouper en journée complète les heures de délégation prévues par la loi. La majorité des syndicats concernés est opposée à cette disposition qui porte atteinte au libre exercice des mandats.
Ces heures de délégation ne constituent en aucun cas un forfait devant obligatoirement être utilisé sous forme de journée ou même de demi-journée. Le 16 avril dernier, la Cour de cassation a jugé cette pratique illicite, et j’ai le regret de constater que vous utilisez une nouvelle fois la loi pour remettre en cause une jurisprudence favorable aux salariés.
Les gouvernements de droite sont coutumiers du fait, et je regrette que vous adoptiez également cette stratégie qui va à l’encontre de l’intérêt des salariés. Cet amendement vise donc à supprimer cette disposition qui porte atteinte à la liberté d’organisation des syndicats.
Cet élément avait été introduit pour s’adapter aux spécificités du transport aérien. Je souhaite préciser qu’il ne s’agit pas du tout de porter atteinte à la liberté d’organisation des syndicats : cette disposition était d’ailleurs le résultat d’une coproduction. L’objectif est de permettre au dialogue social de se déployer sans perturber la vie de l’entreprise. Avis défavorable.
Même explication et même avis.
L’amendement no 200 n’est pas adopté.
L’article 7 ter est adopté.
L’article 8 A a été supprimé par la commission.
Je suis saisie de plusieurs amendements tendant au rétablissement de cet article, nos 60, 70, 25 et 184, et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 60 et 70 sont identiques.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 60 .
Il s’agit d’introduire un mécanisme de gel des effets de seuil. Comme vous le savez, le Sénat avait voté un tel mécanisme, à titre expérimental. C’est ce que je propose avec le présent amendement. L’amendement no 184 qui viendra tout à l’heure propose exactement le même mécanisme de gommage des effets de seuil, mais en le rendant pérenne. Les effets de seuil sont en effet préjudiciables à l’emploi et à l’embauche dans les entreprises qui ont atteint la limite, à savoir la plupart du temps neuf – ou dix – ou quarante-neuf salariés.
Un certain nombre d’études ont été réalisées concernant ce que l’on appelle le « club des dix » ou le « club des quarante-neuf » : elles démontrent que les entreprises qui comptent ce nombre précis de salariés sont bien plus nombreuses que celles qui sont immédiatement au-dessus. Il s’agit donc vraiment d’un frein à l’embauche. Si nous faisions sauter ces seuils, il y aurait des embauches dans toutes ces entreprises. Une masse considérable d’emplois serait ainsi créée dans ce pays. C’est la raison pour laquelle je propose cet amendement.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement identique no 70 .
Le Sénat avait prévu, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, un mécanisme de lissage sur une durée de trois ans des obligations nouvelles en matière de représentation du personnel liées au franchissement des seuils de onze et cinquante salariés. Enfin ! Enfin, ce texte avait en son sein une disposition pour agir sur les seuils sociaux ! C’était trop beau pour durer : vous avez supprimé cet article en commission, monsieur le rapporteur.
Je suis assez surpris par vos engagements, monsieur le rapporteur. Vous avez dit que cela ne changeait rien pour la majorité des entreprises ; pourtant, la mesure ne doit pas être si mauvaise puisque, comme je l’ai indiqué lors de la défense de la motion de renvoi en commission, dans son plan « Tout pour l’emploi », le Premier ministre a présenté le même mécanisme. Je citerai à nouveau la mesure no 5 : « Au cours des trois prochaines années, les recrutements des entreprises jusqu’à cinquante salariés inclus ne déclencheront pas de prélèvements fiscaux et sociaux supplémentaires au titre d’un franchissement de seuil. »
Alors pourquoi refuser l’article 8 A qui reprend cette mesure ? Serait-ce parce que le Gouvernement veut attendre les textes budgétaires ? Mais pourquoi attendre : serait-ce parce que la mesure vient de la droite ? Je n’ose le penser !
Si l’on pourra toujours débattre du moment opportun pour évaluer et envisager la reconduction de cette mesure, il est dans tous les cas urgent et nécessaire d’expérimenter pour que ce projet de loi ait enfin un réel impact sur l’emploi : c’est une des seules mesures qui y contribueraient.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 184 .
C’est le pendant de l’amendement no 60 : au lieu de proposer ce dispositif à titre expérimental, il l’envisage de manière pérenne, dans le but de faire sauter ces effets de seuil.
L’ensemble de ces amendements, dans des déclinaisons diverses, traite de la question des effets de seuil. Nous avons supprimé en commission cet article introduit par le Sénat au nom des débats que nous avions eus précédemment. La même logique m’amène donc à émettre un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Ma position est la même. Ce débat a déjà eu lieu en première lecture, puis un amendement du Sénat a créé cet article. Enfin, le Premier ministre a présenté le plan en faveur des TPE-PME, lequel répond à vos souhaits puisque les seuils de neuf, dix et onze salariés sont unifiés à onze. Ainsi, l’effet de seuil en matière fiscale et pour d’autres obligations se trouve-t-il gommé, lissé.
Vous revenez souvent sur ce sujet. Outre le seuil de onze salariés, il y a le seuil de cinquante, dont nous avions également débattu. Un membre de votre groupe avait d’ailleurs déclaré qu’il y avait vingt-cinq fois plus d’entreprises de quarante-neuf que de cinquante et un salariés, mais il avait manqué la virgule : en réalité, c’est deux et demi fois plus, pas vingt-cinq, j’en profite pour le redire !
Ces seuils concernent non seulement les institutions représentatives du personnel, mais également nombre d’autres obligations, qui ne relèvent pas toutes du code du travail. Je tiens à le rappeler parce qu’il y a beaucoup d’attaques contre le code du travail. Ce dernier traduit le raffinement et la qualité de notre société. Je ne le dis pas en plaisantant ! Bref, en regardant bien, d’autres codes ont également une influence : le code de commerce, le code de l’environnement… Les seuils ont donc des raisons diverses, mais quand on touche à la représentation du personnel, il faut le faire d’une manière cohérente, comme nous essayons de le faire à l’occasion de l’examen de ce texte.
Les commissions paritaires régionales représentent 4,6 millions de salariés, y compris dans les toutes petites entreprises. Les seuils de onze et cinquante demeurent afin que des institutions représentatives apparaissent – et nous essayons également de valoriser le parcours syndical, de susciter des vocations. Avec la catégorie entre cinquante et trois cents, nous suivons une logique, avec la possibilité de la délégation unique du personnel élargie, qui représente une avancée.
On ne parle jamais de la simplification pour les entreprises. Or, on va passer de dix-sept réunions à trois : ce n’est pas rien ! Quand vous le dites à un chef d’entreprise, il mesure ce que cela représente !
Jusqu’à trois cents salariés, on va passer de dix-sept consultations à trois, de douze négociations à trois : nous simplifions ! Au-dessus de trois cents salariés, nous redonnons place à la négociation d’entreprise puisque, par accord majoritaire, le dialogue social peut porter sur l’organisation que souhaitent les partenaires sociaux.
Nous commençons donc à avoir un dispositif qui tient la route, raisonnable et bien présenté. Le moment venu, nous compléterons pour les grands groupes.
Je ne comprends pas que vous refusiez cet amendement : il permettrait pourtant au Premier ministre d’apporter la preuve qu’il met en concordance ses annonces et les actes de son gouvernement.
Vous avez vous-même, monsieur le ministre, fait allusion au plan en faveur des PME qui, curieusement, a été annoncé juste après la première lecture du texte sur le dialogue social à l’Assemblée nationale. On voyait bien que de nombreuses dispositions ne satisfaisaient pas les entreprises : le Premier ministre les a donc reçues. Il leur a servi un discours comme il a l’habitude de le faire, c’est-à-dire qui va a priori dans leur sens. Vous avez là l’occasion de lui donner raison, et vous la manquez en refusant de voter les amendements de mes collègues.
Permettez-moi de rappeler les propos du Premier ministre : l’application des effets de franchissement des seuils sera gelée pendant trois ans, jusqu’au seuil de cinquante salariés inclus ; par ailleurs, tous les seuils fiscaux franchis au neuvième ou au dixième salarié seront relevés au onzième salarié. Voilà ce qu’il a annoncé. Nous avons l’occasion, avec cette loi sur le dialogue social, de le concrétiser dans un texte. Je poursuis : cette mesure sera applicable aux effectifs de 2015 – il y a donc urgence ! – décomptés annuellement au 31 décembre 2015, et sera intégrée, tenez-vous bien, au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Nous vérifierons que cette mesure y figure bien.
Vous auriez tout à gagner, monsieur le ministre, à nous écouter sur ces amendements. À force de saucissonner les dispositifs, le Gouvernement donne l’impression de ne suivre aucun cap. Vous ne cessez de dire qu’il a un cap, mais les Français qui sont interrogés répondent qu’ils ne savent pas où veut aller le Gouvernement.
C’est précisément le cas ici : nous présentons des amendements auxquels vous donnez un avis défavorable, puis le Premier ministre fait une annonce, un nouveau texte nous arrivera à la rentrée alors que nous sommes déjà en train d’en discuter un et qu’en même temps nous examinons le projet de loi Macron, qui n’est pas encore voté mais en référence auquel le rapporteur rédige ses amendements… il n’y a pas de cap, pas de cohérence dans l’ensemble de vos textes !
Écoutez-nous, adoptez ces amendements : au moins, sur les effets de seuil, le Premier ministre aura été écouté – certes par l’opposition, mais cela le grandirait, cela prouverait qu’il n’est pas sectaire ! Cela vaut le coup de voter ces amendements, soit à titre expérimental, soit à titre définitif.
Juste un mot : ainsi que le Premier ministre l’a annoncé, des dispositions seront prises, vous aurez l’occasion de le vérifier, dans la loi de financement de la Sécurité sociale et dans la loi de finances que nous étudierons. Et à ma connaissance, ce sont les seuls textes en préparation !
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly