Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous abordons aujourd’hui la nouvelle lecture du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.
Ce texte a été modifié par le Sénat et, sans surprise, la commission des affaires sociales a rétabli le texte adopté par l’Assemblée en première lecture. Si nous avons soutenu les quelques mesures positives qu’il contenait – à savoir les dispositions concernant le régime d’indemnisation des intermittents du spectacle, la mise en oeuvre du compte personnel d’activité et la nouvelle prime d’activité – nous avons voté, en première lecture, contre ce texte parce qu’il entérine d’importants reculs concernant les droits des salariés. Nous sommes d’accord pour la modernisation et la simplification, mais pas pour le recul des droits.
Sur les points que nous apprécions comme positifs, nous restons préoccupés par plusieurs aspects. D’abord, s’agissant du compte personnel d’activité, nous souhaitons que la négociation prévue par le texte pour sa mise en oeuvre prenne en compte l’ensemble des droits des salariés susceptibles d’être portables tels que le compte pénibilité, la formation, l’épargne-temps, mais aussi l’ancienneté. Nous avons redéposé un amendement en ce sens.
En ce qui concerne la nouvelle prime d’activité, qui est une fusion du RSA activité et de la prime pour l’emploi et qui vise à soutenir les travailleurs les plus modestes, nous sommes préoccupés par l’insuffisance de l’enveloppe financière.
En effet, vous restez à moyens constants, alors que vous envisagez un nombre de bénéficiaires plus important, puisque les étudiants, les apprentis et les jeunes actifs âgés de 18 à 24 ans pourront, sous certaines conditions, prétendre à cette prime alors qu’ils étaient jusqu’alors exclus du RSA activité.
Nous vous avions également interrogé, monsieur le ministre, sans obtenir de réponse de votre part, sur les mesures qui seraient mises en oeuvre pour dépasser un taux de recours à ces prestations estimé aujourd’hui à seulement 50 %. Je me permets donc de réitérer ma question, car quand une personne sur deux ne mobilise pas une aide à laquelle elle a droit, il y a lieu de chercher pourquoi et surtout – sauf à se satisfaire des économies ainsi réalisées, même si c’est au détriment des salariés les plus modestes – de prendre des mesures pour modifier cette situation.
J’en viens au coeur du texte. Au prétexte de moderniser et de simplifier les modalités du dialogue social, vous réduisez globalement l’ensemble des droits des représentants des salariés.
Certes, la création, bien légitime, des commissions régionales paritaires pour les petites entreprises de moins de onze salariés, permet – enfin – la représentation des 4,6 millions de salariés qui jusqu’à présent en étaient privés.
Mais vous n’avez pas le courage d’assumer jusqu’au bout ce processus puisque vous ne donnez pas à ces représentants les moyens nécessaires à l’instauration d’un vrai dialogue social de qualité. Le préalable de ce dialogue serait de leur donner le droit inconditionnel d’entrer dans les entreprises concernées : c’est une évidence. Sensibles aux revendications patronales, vous vous y êtes farouchement opposés en première lecture, et la commission des affaires sociales s’est, hélas, contentée de rétablir le texte initial sans l’améliorer sur ce point essentiel. Nous redéposerons donc des amendements.
L’extension des délégations uniques du personnel aux entreprises de moins de 300 salariés – et au-delà lorsqu’un accord collectif le prévoit – se solde par une baisse de moyens et donc par une restriction des droits des représentants des salariés.
En effet, la DUP c’est moins d’élus et moins d’heures de délégation pour assurer davantage de missions, puisque les différentes instances représentatives du personnel sont regroupées en son sein : le comité d’entreprise, les délégués du personnel et désormais le comité d’hygiène, de santé, sécurité et conditions de travail – CHSCT.
Cela signifie que ces représentants des salariés, moins nombreux et disposant de moins de moyens, devront traiter davantage de sujets dans des domaines aussi divers que la législation du travail, la santé ou les questions économiques.
L’intégration du CHSCT à la DUP n’est pas une avancée. Certes, ses attributions, notamment la possibilité de mener des enquêtes, sont, heureusement, maintenues. Mais dans les entreprises de plus de 300 salariés ayant conclu une DUP, la question du budget nécessaire pour assurer ces missions en toute autonomie reste un réel sujet d’inquiétude.
Aujourd’hui, en-dehors d’une DUP, le CHSCT n’a pas de budget en propre. Lorsqu’il décide d’entamer une procédure en justice, c’est l’entreprise qui prend en charge les frais. Qu’en sera-t-il demain lorsque, dans le cadre de son intégration à une DUP, il partagera son budget avec le comité d’entreprise ? En effet, vous le savez, le budget d’un comité d’entreprise est limité : il est facile d’en déduire que les actions des CHSCT le seront tout autant.
C’est pourquoi même l’introduction dans le texte du burn out, ce syndrome d’épuisement au travail, qui en soi est une bonne chose, laisse perplexe quant aux possibilités réelles de le prévenir, car cela suppose précisément des CHSCT confortés, alors que vous faites le choix de les affaiblir.
Enfin, nous l’avions déjà souligné en première lecture, et nous tenons à le redire aujourd’hui, le danger de ces nouvelles DUP, c’est aussi de priver certains établissements d’une représentation en la centralisant au niveau de l’entreprise, de contraindre les élus à cumuler leurs mandats et à devenir des sortes de « permanents syndicaux » tenus éloignés de leurs collègues et du terrain, d’affadir la pluralité et l’expression syndicales.
On le voit bien, au-delà de régressions très concrètes en termes de moyens, ce texte induit un recul des droits octroyés aux représentants des salariés et, de ce fait, ne favorise pas le dialogue social.
Nous proposerons de nouveau des amendements visant à rétablir l’autonomie de fonctionnement des comités d’entreprise, que ce texte restreint en la subordonnant aux accords d’entreprise. Il nous paraît également essentiel de maintenir l’obligation annuelle et triennale de négocier, ce qui permet d’informer, de mobiliser les salariés chaque année sur les différents sujets, notamment le partage de la richesse créée dans l’entreprise, à travers la négociation sur les salaires.
Par ailleurs, au nom de la simplification, ce texte introduit l’usage de la visioconférence. Si nous ne nions pas que ce soit un moyen moderne, utile dans certains cas, il est toutefois nécessaire d’en restreindre l’usage à des circonstances exceptionnelles pour préserver un échange direct entre les représentants du personnel.
Tels sont, globalement, les sujets sur lesquels nous reviendrons au cours des débats, avec la volonté d’inscrire dans ce texte de réels droits pour les salariés et leurs représentants, sans lesquels un dialogue social fructueux ne peut pas s’instaurer.