Depuis 2008, les plans de sauvetages successifs de la Grèce ont toujours tenu à des compromis de dernière minute, adoptés cahin-caha, dans l’urgence et la douleur, sans véritable vision globale. Une telle approche ne peut plus prévaloir. La Grèce est dans une situation grave. Sa dette s’élève à plus de 320 milliards d’euros, soit 177 % de son produit intérieur brut. Le marché de l’emploi y est sinistré et le chômage des jeunes dépasse les 50 %.
Depuis que le dernier plan d’aide est arrivé à expiration, le 30 juin dernier, la fuite des capitaux s’organise et les liquidités s’amenuisent. Sans solution durable, c’est le système bancaire grec dans son ensemble qui risque de s’effondrer.
Depuis plusieurs semaines s’opposent, d’un côté des discours accablant la Grèce et de l’autre des discours diabolisant les institutions européennes, adoptant parfois les pires accents anti-européens. Or, dans un contexte aussi grave, il nous revient de porter un regard lucide et rigoureux sur l’action des États et des institutions européennes. Qui pourra contester que, durant des années, les créanciers du gouvernement grec ont favorisé la mise en place de politiques d’austérité drastiques aux effets sociaux dévastateurs, sans exiger en contrepartie de véritables réformes fiscales ni le renforcement de la lutte contre la corruption ? Qui pourra nier que certains acteurs de la finance internationale se sont aventurés à spéculer sur la dette souveraine de la Grèce et ont fermé les yeux, dans le même temps, sur le maquillage des comptes publics ? À l’évidence, personne !
Malgré tout la solidarité européenne a existé, et elle continue d’exister. En 2012 a été organisée la transformation des créances privées en créances publiques. Ensuite le Mécanisme européen de stabilité a permis le maintien des fonctions régaliennes de l’État grec sur l’ensemble du territoire, alors qu’elles étaient menacées. Enfin, la Banque centrale européenne a récemment adopté des mesures d’accompagnement telles que la hausse régulière des liquidités d’urgence, l’allongement de la durée des prêts, la réduction des taux d’intérêt, ou encore l’engagement de reverser tous les profits tirés de la revente des obligations grecques. À l’heure où chacune des parties doit faire un pas vers l’autre, ces initiatives doivent être reconnues.
Dans ce contexte de tension accrue, et alors que le processus de négociation était dans l’impasse, le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a fait le choix, dimanche dernier, de consulter son peuple par la voie d’un référendum. Cette stratégie d’un référendum national a pu inquiéter dans le reste de l’Europe. Le message des Grecs est clair : ils n’accepteront pas de sacrifices supplémentaires sans perspectives d’avenir. Mais le non des Grecs n’est pas un non à l’euro, encore moins un non à l’Europe, et Alexis Tsipras l’a rappelé avec la plus grande clarté ce matin devant le Parlement européen.
Il y a tenu des propos forts et il en a appelé, sans la moindre ambiguïté, à un compromis. Ce mot est important : c’est la seule issue possible, étant donné ce que seraient les conséquences d’une sortie de la Grèce de la zone euro.
Pour les Grecs, la secousse serait sans nul doute d’une violence inouïe. L’explosion des taux d’intérêt, l’exclusion des marchés financiers, l’émission, dans l’urgence, d’une nouvelle monnaie avec, à la clé, une baisse brutale du pouvoir d’achat des Grecs, porteraient le coup de grâce à l’économie nationale. Pour l’Europe, une telle issue marquerait également un échec sans précédent. Elle reviendrait à dilapider le fruit de tous les efforts entrepris depuis 2008 pour maintenir ce pays dans la zone euro. Elle alimenterait les discours populistes, qui prospèrent sur le mythe du repli national. Elle déstabiliserait un territoire hautement stratégique, au carrefour de l’Europe, du Moyen-Orient et de la Méditerranée.
Ce serait un recul de la construction politique de l’Europe, alors que nous n’en avons connu aucun depuis que le processus a été entamé, même en temps de crise. Depuis 1945, la construction européenne a toujours avancé grâce à la négociation et à la recherche du compromis. Elle n’a jamais tiré profit d’une victoire par KO d’une vision de l’Europe sur une autre. Une victoire par KO déboucherait sur un chaos en Europe.
Dans la séquence qui s’annonce, la France doit assumer un rôle de médiateur et d’intermédiaire affirmé, dans la lignée des propos récemment tenus par l’exécutif. Le Président de la République l’a dit : l’Europe est fondée sur des valeurs, et pas simplement sur une construction économique, monétaire et financière. Par ailleurs, Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré dans une interview, puis de nouveau à cette tribune il y a quelques instants, que la restructuration de la dette grecque n’était pas un tabou. Ces prises de position indiquent qu’un chemin est possible pour dépasser les postures dans lesquelles se sont progressivement enfermées les différentes parties.
Nous, les écologistes, que nous soyons Français ou Allemands, ou tout simplement européens, nous prônons la recherche d’une solution négociée, qui doit être bâtie sur trois piliers. Le premier pilier, c’est la restructuration et le rééchelonnement de la dette. Il n’est plus un seul économiste pour considérer que la situation ubuesque dans laquelle se trouve aujourd’hui la Grèce, dont les prêts successifs servent à financer le remboursement de la dette qu’ils génèrent, serait viable.